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24/01/2002 | FRANCE | N°1998/3731

France | France, Cour d'appel de Lyon, 24 janvier 2002, 1998/3731


1 RG : 1998/3731 La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré, de : Monsieur ROUX, conseiller le plus ancien de la chambre faisant fonction de président en vertu de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon, en date du 2 juillet 2001, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame SAUVAGE, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, EXPOSE DU LITIGE: A l'occasion du centenaire de la mort de Louis X..., l'UNESCO a placé l'année 1995, sous le signe

de ce dernier. Louis X... étant né à Dole et ayant eu une ma...

1 RG : 1998/3731 La première chambre de la cour d'appel de Lyon, composée, lors des débats et du délibéré, de : Monsieur ROUX, conseiller le plus ancien de la chambre faisant fonction de président en vertu de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon, en date du 2 juillet 2001, Madame BIOT, conseiller, Monsieur GOURD, conseiller, en présence, lors des débats en audience publique, de Madame SAUVAGE, greffier, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, EXPOSE DU LITIGE: A l'occasion du centenaire de la mort de Louis X..., l'UNESCO a placé l'année 1995, sous le signe de ce dernier. Louis X... étant né à Dole et ayant eu une maison et un vignoble en Arbois, la société de viticulture d'Arbois a souhaité présenter une bouteille de vin du Jura, en hommage à ce dernier. La société Henri Maire, qui avait déposé une marque "cuvée X...", a considéré que l'hommage des vignerons d'Arbois, tel que réalisé, constituait une atteinte à sa marque. Elle faisait procéder, le 14 avril 1995, à une saisie contrefaçon de bouteilles sérigraphiées auprès de la société Rhône verre décor et assignait au fond la société coopérative d'Arbois, la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois et la société Rhône verre décor. Par jugement du 23 avril 1998, le tribunal de grande instance de Lyon a : - rejeté la demande en déchéance de marque "cuvée X..." enregistrée sous le numéro 1447448, dont est titulaire la société Henri Maire, - déclaré valable ladite marque, - débouté la société Henri Maire de son action en contrefaçon contre la société coopérative agricole et viticole d'Arbois, la société Rhône verre décor et la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois, - condamné la société Henri Maire à payer :

- à la société coopérative agricole et viticole d'Arbois, la somme de 50.000 francs de dommages et intérêts et celle de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- à la société Rhône verre décor la somme de 250.000 francs de dommages et intérêts et celle de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- à la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois, la somme de 15.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* La société Henri Maire a relevé appel de cette décision.

* En cours de procédure, un protocole d'accord est intervenu entre la société Henri Maire, la société coopérative agricole et viticole d'Arbois, nouvellement dénommée société coopérative C3T et la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois. La société Henri Maire s'est désistée de son appel à l'encontre de la société coopérative C3T et de la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois. Ce désistement a été constaté par ordonnances du conseiller de la mise en état. La société Henri Maire a maintenu son appel et ses prétentions à l'encontre de la société Rhône verre décor. Celle-ci

ayant fait un appel en garantie contre la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois et contre la société coopérative agricole et viticole d'Arbois devenue société coopérative C3T, ces dernières sont ainsi maintenues dans la cause.

* En définitive, la SA Henri Maire demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la validité de la marque "cuvée X...", et, pour le surplus, sollicite la condamnation de la société Rhône verre décor pour contrefaçon ou imitation illicite et frauduleuse des marques n°1.447.448 et 1.489.317 lui appartenant, et, pour concurrence déloyale, à lui verser la somme de 2.000.000 de francs, à parfaire à dire d'expert. Elle demande également que soit interdit à la société Rhône verre décor de fabriquer, présenter, reproduire et commercialiser des bouteilles de vin revêtues ou accompagnées du nom X..., seul ou en combinaison, et ce, sous astreinte de 10.000 francs par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, que lui soit ordonné, dans les mêmes conditions, de remettre sous contrôle d'huissier, les étiquettes, emballages, publicités, tarifs et bouteilles comportant seul ou en combinaison la reproduction du nom X..., que soit également ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou magasines de son choix aux frais de la société Rhône verre décor, et, enfin, que la société Rhône verre décor soit condamnée à lui verser une indemnité de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle fait

valoir qu'elle ne s'est jamais opposée à ce que les viticulteurs d'Arbois rendent hommage à Louis X... mais qu'elle s'est simplement opposée à l'usage du nom X... à titre de marque en vue de réaliser de substantiels bénéfices dans le cadre d'une opération commerciale. Elle ajoute que la reproduction de la signature "Louis X..." dans un logo comportant au surplus la mention "année X...", accompagnée d'une deuxième reproduction de la signature "Louis X..." constitue un usage abusif dans la mesure où ils n'étaient pas nécessaires pour rendre hommage au savant, les textes consacrés à Louis X... sur l'étiquette de la bouteille y suffisant largement. Elle estime que n'ayant reçu l'autorisation ni d'elle-même ni de l'Institut Pasteur, ni du conseil régional de Franche-Comté, la société Rhône verre décor a ainsi commis des faits de contrefaçon et de concurrence déloyale.

* La SARL Rhône verre décor demande d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable la marque "cuvée X...", de rejeter l'action en contrefaçon intentée par la société Henri Maire et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 1.600.000 francs à titre de dommages et intérêts, compte tenu du préjudice commercial subi. A titre subsidiaire, elle sollicite d'être relevée et garantie par la société coopérative agricole et viticole d'Arbois et la société viticulture d'Arbois, commanditaires de la sérigraphie, des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle. Elle demande en tout état de cause la condamnation de la société appelante

à lui verser la somme de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle expose, au soutien de sa demande de déchéance de la marque "cuvée X...", que la société Henri Maire ne démontre pas avoir fait un usage sérieux de sa marque pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant les cinq années précédant sa demande ; que cette société n'a commercialisée ses bouteilles de vin "cuvée X..." qu'au début du premier semestre 1995 et que le vin provenant de la vigne X... n'a jamais été commercialisé sous la marque "cuvée X..." de sorte que la déchéance de cette marque doit être constatée conformément à l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, s'agissant des accusations de contrefaçon, elle expose que l'hommage rendu par les viticulteurs arboisiens n'est nullement une reproduction servile, ni une imitation illicite de "cuvée X..." puisque, d'abord, cet hommage s'inscrit dans le cadre d'un mouvement international, l'UNESCO ayant décidé que l'année 1995 serait placé sous le signe de Louis X..., et qu'ensuite la sérigraphie utilisée sur les bouteilles litigieuses démontre que les vocables "cuvée X..." ne sont pas utilisés mais comporte uniquement la reproduction de la signature de Louis X.... Elle ajoute que l'action en concurrence déloyale est irrecevable dans la mesure où la société appelante n'invoque pas de faits distincts de ceux prétendument constitutifs de contrefaçon.

* La société de viticulture et d'horticulture d'Arbois demande de

rejeter l'appel en garantie formée à son encontre par la société Rhône verre décor et réclame la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 30.000 francs (4.573 euros 47) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle précise qu'elle n'a aucun lien de droit avec la société Rhône verre décor qui n'a subi aucun préjudice puisque celle-ci a commercialisé l'ensemble des 80.000 bouteilles que lui avaient commandé les vignerons arboisiens.

* La société coopérative agricole C3T demande également de déclarer irrecevable et mal fondé l'appel en garantie de la SARL Rhône verre décor à son encontre et de condamner celle-ci à lui payer 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle soutient qu'elle n'a fait que transmettre à la société Rhône verre décor les commandes des différents viticulteurs ; qu'elle n'est ni l'auteur ni l'utilisatrice des bouteilles sérigraphiées et que la société Rhône verre décor n'explicite pas le fondement juridique de sa demande à son encontre. MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que la SA Henri Maire s'est désistée de son appel à l'encontre de la société coopérative agricole C3T et de la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois ; que la procédure subsiste entre la SA Henri Maire et la SARL Rhône verre décor d'une part, et entre la SARL Rhône verre décor, la société coopérative agricole C3T et la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois, d'autre part, celles-ci étant appelées en garantie par la SARL Rhône verre

décor ;

* attendu que la SA Henri X... est titulaire de la marque "cuvée X..." déposée le 4 mars 1948, enregistrée sous le numéro 443391 et régulièrement renouvelée depuis ; que la SA Henri X... soutient que son adversaire par les sérigraphies apposées sur les bouteilles a contrefait sa marque ou fait une utilisation servile de celle-ci ; que, en défense, la SARL Rhône verre décor ne conteste plus en cause d'appel la validité en soi de la marque "cuvée X...", composée de l'association du terme générique "cuvée" et du nom propre "X...", qui donne le caractère distinctif à la marque et pour l'utilisation duquel la SA Henri Maire a obtenu l'accord des ayants droit de Louis X... ; qu'elle soutient néanmoins, en application de l'article 714-5 du code de la propriété intellectuelle que, en l'espèce, la société Henri Maire encourt la déchéance de ses droits de propriétaire de la marque en question pour, sans justes motifs, n'avoir pas fait un usage sérieux de cette marque pour les produits et services visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans ; que l'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visés au 1er alinéa de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande ; mais attendu que lorsque le délai d'inexploitation s'est entièrement écoulé avant le

28 décembre 1991, date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991, l'article L 714-5 ne peut pas s'appliquer et l'action en déchéance ne peut être utilement entreprise qu'à compter du 28 décembre 1996, date d'expiration d'un nouveau délai d'inexploitation de cinq ans ; que, au surplus, la SA Henri Maire démontre par la productions de factures des 7 février, 13 mars et 14 mars 1995 correspondant à des vins revêtus de la marque "cuvée X..." proposés au Salon agricole tenu à Paris en février 1995, qu'elle utilisait sa marque plus de trois mois avant la première demande reconventionnelle en déchéance formée par conclusions du 19 février 1996 ; que la demande en déchéance des droits de la société Henri Maire sur sa marque doit donc être écartée et la décision, sur ce point, confirmée ; attendu que la contrefaçon est constituée par la reproduction de tout ou partie d'une marque déposée ; qu'il est reproché à l'intimée d'avoir reproduit le nom de X..., à trois reprises, de manière isolée sans être insérée dans un texte ; que la signature "Louis X..." est ainsi utilisée à deux reprises avec la mention "année X..." ; mais que si le nom patronymique X... est l'élément distinctif de la marque "cuvée X...", la marque protégée reste bien "cuvée X..." et la SA Henri Maire ne dispose pas, pour autant, seule avec les ayants droit de Louis X..., l'usage exclusif du nom X..., lui permettant d'interdire à quiconque et dans tous domaines l'usage de ce nom appartenant au patrimoine national et mondial, notamment à l'occasion de la célébration du centenaire de celui-ci dans sa région natale ; que la protection de la marque "cuvée X..." n'interdit l'utilisation séparée du mot X... que lorsque celle-ci a pour but ou pour effet d'entretenir la confusion avec la marque protégée "cuvée X..." ; que le fait d'utiliser, dans une période précise, spécifiée sur le produit (année X...) le nom de X... et, à deux reprises, la signature "Louis

X...", dans un ensemble textuel présentant l'évènement, n'est pas de nature à entretenir la confusion avec la marque "cuvée X..." dont est propriétaire la SA Henri Maire ; que l'on voit mal comment il aurait pu être rendu un hommage à Louis X..., hommage dont la légitimité n'est pas contestée, dans ses écritures, par la SA Henri Maire, sans que le nom de ce dernier figure sur le produit qui lui était dédié ; que ces seules utilisations contestées du nom X..., quoique à propos de produits similaires, ne constituent pas une copie de la marque ; que, en l'espèce, le mot X... n'a pas ainsi été reproduit à titre de marque ; que, dès lors, il est sans intérêt de relever qu'aucune autorisation n'a été accordée par la société Henri Maire, pour l'usage de sa marque, puisque celle-ci n'a pas été imitée ou utilisée ; que la contrefaçon n'est donc pas démontrée et moins encore la concurrence déloyale qui résulterait d'une perte dans la vente de la production de la SA Henri Maire sous la marque "cuvée X..." due au lancement de l'opération par les autres viticulteurs d'Arbois, opération dont le caractère litigieux n'est établi ; attendu que la SARL Rhône verre décor a subi un préjudice résultant notamment d'un manque à gagner que le tribunal a correctement apprécié au vu des éléments de la cause en le chiffrant à la somme de 250.000 francs ; que les appels en garantie de la SARL Rhône verre décor qui n'est pas condamné sont sans objet ; qu'il convient, en conséquence, de condamner celle-ci à au paiement à chacune des sociétés contre lesquelles elle a conclu à tort de la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;

* attendu qu'il y a lieu, en équité, de condamner la SA Henri Maire à payer à la SARL Rhône verre décor la somme de 20.000 francs, en application de l'article 700 du NCPC, pour la procédure d'appel ; que la SA Henri Maire, qui perd son procès, doit être condamnée aux entiers dépens ; qu'il y a lieu de débouter chacune des parties de ses prétentions plus amples ou contraires ;

* PAR CES MOTIFS : La cour, Confirme la décision entreprise. Y ajoutant, Dit sans objet l'appel en garantie de la SARL Rhône verre décor à l'encontre de la société coopérative C3T et de la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois. Condamne la SA Henri Maire à payer à la SARL Rhône verre décor la somme de 3.048 Euros 98 (20.000 francs), en application de l'article 700 du NCPC, pour la procédure d'appel. Condamne la SARL Rhône verre décor à payer la somme de 762 Euros 25 (5.000 francs) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel à chacune des sociétés appelées en garantie, la société coopérative C3T et la société de viticulture et d'horticulture d'Arbois. Déboute chacune des parties du surplus de ses demandes. Condamne la SA Henri Maire aux dépens d'appel et autorise les avoués de ses adversaires à recouvrer directement contre elle les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

* Cet arrêt a été prononcé publiquement par le président, en présence du greffier, et a été signé par eux. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 1998/3731
Date de la décision : 24/01/2002
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2002-01-24;1998.3731 ?
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