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20/09/2001 | FRANCE | N°1999/06629

France | France, Cour d'appel de Lyon, 20 septembre 2001, 1999/06629


COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 06 Septembre 1999

(RG : 199607837 - Ch 4ème Ch)

N° RG Cour : 1999/06629

Nature du recours : APPEL Code affaire : 586 Avoués :

Parties : - ME MOREL . COMPAGNIE AGPM VIE VENANT AUX DROITS DE LA MUTUELLE D ENTRAIDE ET DE PREVOYANCE MILITAIRE VIE dont le siège social est : Rue Nicolas Appert Sainte Musse 83086 TOULON CÉDEX 9 Représentée par ses dirigeants légaux Avocat : Maître PECASTAING (HYERES)

APPELANTE

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------------- - ME VERRIERE . MONSIEUR X... Yann demeurant : 1 Chemin du Puits 69120 VAULX EN VEL...

COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 06 Septembre 1999

(RG : 199607837 - Ch 4ème Ch)

N° RG Cour : 1999/06629

Nature du recours : APPEL Code affaire : 586 Avoués :

Parties : - ME MOREL . COMPAGNIE AGPM VIE VENANT AUX DROITS DE LA MUTUELLE D ENTRAIDE ET DE PREVOYANCE MILITAIRE VIE dont le siège social est : Rue Nicolas Appert Sainte Musse 83086 TOULON CÉDEX 9 Représentée par ses dirigeants légaux Avocat : Maître PECASTAING (HYERES)

APPELANTE

---------------- - ME VERRIERE . MONSIEUR X... Yann demeurant : 1 Chemin du Puits 69120 VAULX EN VELIN Avocat : Maître AZOULEI

INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 23 Avril 2001 DEBATS : en audience publique du 16 Mai 2001 COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : - monsieur CHAUVIRE, président, - monsieur ROUX, conseiller, - madame BIOT, conseiller, assistés pendant les débats de madame KROLAK, greffier, ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique du par monsieur ROUX, conseiller, en remplacement du président empêché, qui a signé la minute avec le greffier. EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Yann Bernard X... né le 2 décembre 1972 a souscrit le

6 août 1993 auprès de la Société MUTUELLE D'ENTRAIDE ET PREVOYANCE MILITAIRES-VIE (M.E.P.M. -VIE) un contrat d'assurance dit "contrat de carrière" lui garantissant le versement d'un capital en cas d'incapacité Permanente Partielle ou Totale par Accident (I.P.P.T.A.) et en cas d'invalidité Totale et Définitive (I.T.D.). Dans le second cas le capital à percevoir était plus élevé et incluait le capital dû en cas d'I.P.P.T.A.

Le 18 février 1995 Monsieur X... a été victime d'une agression par pistolet à grenailles et a subi des plaies diverses dont la principale est une perforation oculaire multiple bilatérale dont il est résulté une cécité totale de l'oeil droit et une quasi-cécité avec vision inférieure à 1/20 de l'oeil gauche.

Par décision du 20 juillet 1995 la Commission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel (C.O.T.O.R.E.P.) lui a reconnu un taux d'incapacité à 95 % et lui a attribué une allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne pour une durée de cinq ans.

Par décision du 14 janvier 1999 la C.O.T.O.R.E.P. lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé catégorie C pour une durée de dix ans.

Monsieur X... a sollicité de la Société M.E.P.M.-VIE le versement du capital prévu au contrat en cas d'invalidité totale et définitive (I.T.D.) soit 1.942.661 francs. Il se fondait sur un rapport d'expertise médicale du Docteur Y... mandaté par la M.E.P.M. lui reconnaissant un taux d'incapacité permanente partielle de 82 % après la date de consolidation fixée au 15 septembre 1995.

La M.E.P.M. -VIE par lettres des 12 février et 6 mars 1996 ne lui proposait qu'un capital de 1.089.274 francs correspondant à la situation d'incapacité permanente partielle ou totale par accident (I.P.P.T.A.). Elle estimait que l'état de Monsieur X...

correspondait à cette situation telle que définie à l'article 3 du Titre I des conditions générales du contrat : "conséquences d'un accident corporel privant définitivement la personne de tout ou partie de ses capacités physiques ou intellectuelles", et non pas à une incapacité totale et définitive définie par le même texte :

"impossibilité dans laquelle se trouve définitivement l'assuré du fait d'une maladie ou d'un accident de se livrer à une activité génératrice de rémunération ou de profit".

La Société M.E.P.M. -VIE n'ayant réglé à Monsieur X... que le capital de 1.089.724 francs correspondant à une I.P.P.A. supérieure à 80 %, ce dernier l'assignait devant le Tribunal de Grande Instance de LYON afin d'obtenir sa condamnation au paiement du supplément de 852.937 francs.

Par jugement en date du 30 mars 1998 le Trib/86nal de Grande Instance de LYON ordonnait une expertise médicale confiée au Docteur Z... ophtalmologiste qui concluait son rapport en date du 29 mai 1988 en ces termes :

"Le taux d'I.P.P. proposé est de 85 %.

Monsieur X... présente une capacité restante à se livrer à une activité génératrice de rémunération ou de profit, cette appréciation peut être faite de façon définitive.

Monsieur X... ne se trouve pas dans l'impossibilité, du fait de son accident, de se livrer à toute activité génératrice de rémunération ou de profit, ceci étant apprécié en dehors de toute considération socio-économique tel que le marché de l'emploi, l'âge ou la qualification de l'assuré.

Cependant l'aptitude au travail est effectivement un problème sans solution généralisatrice chez un sujet aveugle.

Monsieur X... garde une certaine capacité à se livrer à une activité génératrice de rémunération et de profit. Pour cela une

rééducation fonctionnelle est fondamentale. Le choix des métiers est très restreint".

Par jugement en date du 6 septembre 1999 le Tribunal de Grande Instance de LYON a relevé qu'en vertu de l'article 5 du Titre II des conditions générales du contrat la reconnaissance de l'état d'I.T.D. résultait soit du classement en troisième catégorie des invalides de la Sécurité Sociale soit de la reconnaissance par l'assureur de l'inaptitude à l'exercice de toute activité rémunérée, soit lorsque l'assuré ne bénéficie pas de la Sécurité Sociale de la reconnaissance par un expert désigné par l'assureur d'un taux d'invalidité égal ou supérieur à 66 % selon les critères retenus par la Sécurité Sociale. Le Tribunal a estimé qu'il existait une contradiction entre les articles 3 du Titre I et 5 du Titre II des conditions générales quant à la définition de l'état d'I.T.D., de sorte qu'il convenait de faire une interprétation favorable à l'assuré, et de retenir que l'I.T.D. consistait en l'impossibilité pour l'assuré de se livrer à toute activité génératrice de rémunération ou de profit en tenant compte des critères socio-économiques retenus par la Sécurité Sociale

Le Tribunal a ensuite estimé que la définition contractuelle de l'I.T.D. s'appliquait à Monsieur X... dès lors que ce dernier avait bénéficié d'une scolarité limitée et n'avait pas de qualification professionnelle lui permettant d'exercer une activité rémunérée malgré son handicap.

Le Tribunal condamnait en conséquence la Société M.E.P.M.-VIE à payer à Monsieur X... la somme de 852.937 francs outre intérêts au taux légal à compter du 15 février 1996, date de la première mise en demeure outre 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 20 octobre 1999 la Société M.E.P.M. -VIE a

relevé appel de cette décision. Elle fait valoir que l'article 3 duTitre I des conditions générales précise:" l'invalidité Totale et Définitive est appréciée en dehors de toute considération socio-économique (telle que le marché de l'emploi, l'âge ou la qualification de l'assuré) et que Monsieur X... ne justifie pas d'un classement en catégorie d'invalide par la Sécurité Sociale de sorte qu'il ne peut bénéficier de la garantie I.T.D. que s'il justifie de la double condition d'être atteint d'une invalidité d'au moins 66 % selon le barème de la Sécurité Sociale et d'être dans l'impossibilité définitive de se livrer à une activité génératrice de rémunération ou de profit, cette impossibilité devant être appréciée "in abstracto".

Elle soutient, en se fondant sur le rapport d'expertise du Docteur Z... que Monsieur X... ne se trouvant pas dans l'impossibilité de se livrer à une activité génératrice de rémunération ou de profit la garantie I.T.D. ne peut lui être acquise.

Elle estime qu'en se référant à la formation et la qualification professionnelle de Monsieur X..., et en se livrant ainsi à une analyse "in contreto" le Tribunal a dénaturé le contrat d'assurance dont les termes ne présentent aucune imprécision ou ambigu'té.

L'association M.E.P.M. -VIE désormais dénommée Association Générale de Prévoyance Militaires VIE (A.G.P.M. -VIE) sollicite la réformation de la décision déférée dans le sens d'un rejet des demandes de Monsieur X... et la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 11.960 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Monsieur X... soutient que les clauses constituant les articles 3 du Titre I et 5 du Titre II sont contradictoires et ambiguùs voire abusives dans la mesure où elles aboutissent à réduire à néant la

garantie I.T.D. Il fait valoir qu'étant en état de cécité totale il lui est impossible d'exercer une activité rémunératrice.

Il sollicite la confirmation de la décision déférée avec capitalisation des intérêts. Il demande en outre 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. DISCUSSION

Attendu que l'article 3 du TITRE I du contrat donne la définition des risques assurés ; que le risque I.T.D. est défini comme l'impossibilité d'exercer toute activité rémunératrice, cette impossibilité étant appréciée "in abstracto" en dehors de toute considération socio-économique telle que l'âge ou la qualification de l'assuré ;

Attendu que l'article 5 du Titre II précise les conditions de la reconnaissance de la garantie I.T.D. dans les termes suivants : " - le classement en 3e catégorie des invalides de la Sécurité Sociale entraîne ipso facto, la reconnaissance de l'I.T.D. - Si l'assuré est classé en 2e catégorie, il peut éventuellement prétendre à l'I.T.D., à condition d'être explicitement reconnu inapte par l'assureur à exercer toute activité génératrice de rémunération ou de profit. Pour la détermination de l'I.T.D., l'assureur pourra mandater un médecin-expert. - Pour un assuré ne bénéficiant pas de la Sécurité Sociale, le taux d'invalidité sera fixé par un médecin-expert désigné par l'assureur, en fonction des critères retenus par la Sécurité Sociale pour définir l'invalidité d'un assuré social. Ce taux d'invalidité devra être supérieur ou égal à 66 % pour que l'assuré puisse éventuellement prétendre à être classé en I.T.D. dans les mêmes conditions que précédemment exposées" ;

Attendu qu'en l'espèce Monsieur X... ne peut bénéficier d'un classement en invalidité par la Sécurité Sociale faute d'avoir effectué antérieurement à l'accident un nombre d'heures de travail

suffisant, qu'il rentre donc dans la catégorie des assurés ne bénéficiant pas de la Sécurité Sociale ; qu'il ne peut donc bénéficier de la garantie I.T.D. que s'il présente un taux d'invalidité supérieure ou égal à 66 % selon les critères de la Sécurité Sociale, c'est-à-dire en "tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle" (article L 341-3 du Code de la Sécurité Sociale) ; que ces critères sont en contradiction évidente avec les dispositions de l'article 3 du Titre I du contrat ;

Attendu que si en fonction de ces critères il rentre dans la troisième catégorie des invalides de la Sécurité Sociale, à savoir "invalides qui étant absolument incapables d'exercer une profession, sont en outre dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie" il bénéficie ipso facto de la garantie I.T.D.;

Attendu que si par contre il rentre dans la deuxième catégorie à savoir "invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque" (article L 341-4 du Code de la Sécurité Sociale) il ne pourrait selon les conditions du contrat d'assurances bénéficier de la garantie I.T.D. que s'il est explicitement reconnu inapte par l'assureur à exercer toute activité génératrice de rémunération et de profit, ce qui revient à laisser arbitrairement à l'assureur la décision d'accorder ou non la garantie I.T.D. ;

Attendu que les dispositions de l'article 5 du Titre II sont contradictoires avec les dispositions de l'article 3 du Titre I, les unes se référant à une appréciation "in concreto" de l'invalidité et les autres à une appréciation "in abstracto" ; qu'elles sont en outre abusives puisque laissant à l'assureur le pouvoir de décider que l'assuré est apte ou non à exercer une profession après qu'il ait été

reconnu "absolument incapable d'exercer une profession quelconque" ; Attendu que c'est en conséquence à bon droit que le Tribunal a considéré qu'il y avait lieu d'interpréter les clauses contractuelles dans le sens le plus favorable à l'assuré et à recherché si Monsieur X... se trouvait en état d'invalidité totale et définitive selon les critères de la Sécurité Sociale ;

Attendu que selon lesdits critères Monsieur X... âgé de vingt-deux ans à la date de l'accident, ayant bénéficié d'une scolarité limitée, et ne disposant d'aucune qualification professionnelle compatible avec son handicap se trouve en état d'invalidité totale et définitive et doit bénéficier de la garantie prévue au contrat pour ce type de situation ;

Attendu que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la Société M.E.P.M. -VIE à payer à Monsieur X... la somme de 852.937,00 francs outre intérêts au taux légal à compter du 15 février 1996 ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

Attendu que l'équité commande d'élever à la somme de 10.0000 francs le montant de l'indemnité allouée à Monsieur Yann X... en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à porter à la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 F) le montant de l'indemnité allouée à Monsieur Yann X... en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Condamne la Compagnie Assurance Générale de Prévoyance Militaire-Vie, anciennement nommée Mutuelle d'Entraide et de Prévoyance

Militaires-VIE aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître VERRIERE, avoué. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 1999/06629
Date de la décision : 20/09/2001

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Police - Interprétation

Les dispositions de l'article 5 du contrat d'assurance dit "contrat de carrière" garantissant à l'assuré le versement d'un capital en cas d'incapacité permanente partielle ou totale par accident et en cas d'invalidité totale et définitive sont contradictoires avec les dispositions de l'article 3, les unes se référant à une appréciation "in concreto" de l'invalidité et les autres à une appréciation " in abstracto".Elles sont en outre abusives puisque laissant à l'assureur le pouvoir de décider que l'assuré est apte ou non à exercer une profession après qu'il ait été reconnu "absolument incapable d'exercer une profession quelconque". En conséquence, il y a lieu d'interpréter les clauses contractuelles dans le sens le plus favorable à l'assuré et à rechercher si l'assuré se trouvait en état d'invalidité totale et définitive selon les critères de la Sécurité sociale


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-09-20;1999.06629 ?
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