Délibéré au 7 juin 2001.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La S.C.I. MESSIDOR a consenti à la S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et à Monsieur Raymond X..., courant 1989, des baux commerciaux portant sur des locaux situés dans un centre commercial de BONNEUIL SUR MARNE (94). La S.C.I. MESSIDOR, ainsi que d'autres sociétés bailleresses, ont été mises en redressement judiciaire le 8 février 1995, Maître Bruno Y... étant nommé en qualité d'administrateur judiciaire.
Maître Bruno Y..., ès qualités, a, le 29 juin 1995, "procédé à la résiliation des baux commerciaux à effet au 31 juillet 1995, du fait de la situation actuelle du centre commercial qui ne permet pas à la S.C.I. MESSIDOR d'exécuter les contrats de bail".
La S.C.I. MESSIDOR a bénéficié, le 27 mars 1996, d'un plan de cession au profit d'un magasin de la chaîne des centres Leclerc. Maître Bruno Y... devenait le commissaire à l'exécution du plan.
Le juge-commissaire, sur requête du 30 juillet 1997 de Maître Bruno Y... entendant vider une "controverse" sur les effets de sa lettre de résiliation, a rendu le 16 juillet 1998 deux ordonnances qui, constatant la situation d'insécurité du centre commercial, ont jugé que Maître Bruno Y... "n'avait pas abusé de ses pouvoirs en décidant de ne pas continuer le bail" et ont prononcé la résiliation des baux à effet au 31 juillet 1995.
Par jugement rendu le 10 novembre 1999, le Tribunal de Commerce de LYON a confirmé les ordonnances rendues le 16 juillet 1998. La S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X... ont formé appel-nullité de cette décision dans les formes et délai légaux.
La S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X... soutiennent que le Tribunal de Commerce de LYON a outrepassé ses pouvoirs en prononçant la résiliation des baux litigieux alors qu'il ne pouvait que constater ladite résiliation dans des conditions limitatives décrites à l'article 61-1 du décret du 27 décembre 1985. Les appelants font observer qu'il s'est écoulé un délai de six mois entre le moment où la bailleresse a cessé de remplir ses obligations et celui où la résiliation a été prononcée, ce qui exclut un cas de résiliation de plein droit. Les appelants estiment que le droit commun des baux devait s'appliquer et que les conventions non continuées mais non résiliées après le 31 juillet 1995 sont régies par le statut des baux commerciaux, ce qui permet aux locataires évincés de solliciter une indemnité d'éviction pour laquelle la déclaration de créances au passif de la S.C.I. MESSIDOR n'est pas requise.
La S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X... sollicitent que soit constaté que Maître Bruno Y... ne pouvait pas procéder à la résiliation de leur baux commerciaux et que ceux-ci ne "sont ni continués, ni résiliés" et qu'ils "ne sont pas en mesure d'effectuer une déclaration de créance". Ils sollicitent l'octroi d'une somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Maître Bruno Y... , ès qualités, expose qu'il a vérifié que la S.C.I. MESSIDOR était dans l'impossibilité d'assurer ses obligations de bailleresse, ce qui l'a contraint à procéder à la résiliation des baux commerciaux; que de nombreux emplacements commerciaux étaient abandonnés et que la bailleresse était privée de la perception des loyers des intéressés depuis le 2e trimestre 1993.
Maître Bruno Y..., ès qualités, soulève l'irrecevabilité de l'appel-nullité formé par la S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X... dès lors que le Tribunal de Commerce de LYON confirmant la décision du juge-commissaire n'a pas outrepassé ses pouvoirs en constatant qu'il était dans les attributions du juge-commissaire d'apprécier le bien-fondé et l'opportunité de mettre fin à des baux commerciaux et de statuer sur l'absence de déclaration de créance.
Maître Bruno Y..., ès qualités, sollicite l'octroi d'une somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu qu'en application de l'article 173-2° de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 623-4 du code de commerce, l'appel-nullité n'est pas plus recevable que l'appel-réformation contre un jugement statuant sur le recours formé contre une ordonnance rendue par un juge-commissaire dans la limite de ses pouvoirs; qu'en l'espèce le juge-commissaire et à sa suite le Tribunal de Commerce de LYON n'ont pas excédé leurs pouvoirs en constatant que Maître Bruno Y... en sa qualité d'administrateur judiciaire de la S.C.I. MESSIDOR a décidé, le 29 juin 1995, sur le fondement de l'article 37 alinéa 5 de la loi du 25 janvier 1985, issue de la loi du 10 juin 1994, devenu l'article L. 621-28 alinéa 5 du code de commerce, "la résiliation" des baux commerciaux litigieux en raison de la situation globale du centre commercial où les locaux commerciaux étaient situés;
qu'il entre dans la compétence exclusive du juge-commissaire de statuer sur les difficultés nées de la décision d'un administrateur de poursuivre ou non un contrat en cours;
qu'il appartient en effet au juge-commissaire, aux termes de l'article 14 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-12 du code de commerce, de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence;
Attendu que Maître Bruno Y... tenait de l'article 37 alinéa 5 de la loi sus-visée, applicable aux contrats de toute nature sauf contrats de travail, le pouvoir de mettre fin à l'exécution des baux commerciaux qui avaient été consentis par la S.C.I. MESSIDOR, peu important la formulation employée par Maître Bruno Y... dans la lettre notifiant aux preneurs sa décision de ne pas poursuivre les baux commerciaux en cours; que cette décision était motivée par l'existence d'un arrêté municipal de fermeture de l'entier centre commercial ACHALAND, en date du 11 janvier 1995, pour des raisons de sécurité non assurée, par la situation de fait dudit centre déserté par la plupart des commerçants et par la situation obérée de la S.C.I. MESSIDOR qui ne pouvait plus assumer ses obligations, faute d'un fonctionnement normal du centre commercial;
Attendu qu'en définitive il n'y a pas eu " d'excès de pouvoir "du juge-commissaire approuvé par le Tribunal de Commerce de LYON, en ce qu'il a, sur le fondement légal rappelé, mis fin aux baux commerciaux liant la S.C.I. MESSIDOR à la S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et à Monsieur Raymond X..., en raison de l'impossibilité où celle-ci se trouvait d'assumer ses obligations de bailleresse pour des circonstances extérieures à elle-même;
Attendu que l'appel-nullité formé par la S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X... est dès lors irrecevable; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner leur demande complémentaire visant à faire statuer sur la nécessité ou non d'une déclaration de créance réclamée au titre du décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux;
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; que les parties seront déboutées de leur demande présentée à ce titre;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant contradictoirement, Déclare irrecevable l'appel-nullité formé par la S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X.... Condamne la S.A.R.L. La Brûlerie d'Adamville et Monsieur Raymond X... aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître BAUFUME, Avoué sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.