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17/05/2001 | FRANCE | N°1998/03061

France | France, Cour d'appel de Lyon, 17 mai 2001, 1998/03061


FAITS PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES Suivant acte authentique du 31 janvier 1991, la société financière IMMOFICE, a conclu avec la société AYRTON un contrat de crédit-bail immobilier en vue du financement et de la construction d'un bâtiment à usage industriel. Dans le cadre de cette construction, la société AYRTON, maître d'ouvrage délégué, a passé un marché de travaux avec la société MIALON. La société SACER SUD EST est intervenue dans le chantier aux termes d'un contrat de soustraitance du 22 janvier 1991 régularisé avec la société MIALON pour la somme globale et f

orfaitaire de 363.639 F HT. La société MIALON a été placée par la suite...

FAITS PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES Suivant acte authentique du 31 janvier 1991, la société financière IMMOFICE, a conclu avec la société AYRTON un contrat de crédit-bail immobilier en vue du financement et de la construction d'un bâtiment à usage industriel. Dans le cadre de cette construction, la société AYRTON, maître d'ouvrage délégué, a passé un marché de travaux avec la société MIALON. La société SACER SUD EST est intervenue dans le chantier aux termes d'un contrat de soustraitance du 22 janvier 1991 régularisé avec la société MIALON pour la somme globale et forfaitaire de 363.639 F HT. La société MIALON a été placée par la suite en liquidation judiciaire. Le 13 août 1996, la société SACER SUD EST a assigné la société DOMIBAIL, qui venait aux droits de la société IMMOFICE, et la société AYRTON devant le tribunal de grande instance de Belley afin qu'elles soient condamnées solidairement, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à lui payer la somme de 384.606,12 F lui restant due ainsi que celle de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par jugement rendu le 16 mars 1998, le tribunal saisi a débouté la société SACER SUD EST de ses demandes, a donné acte à la société DOMIBAIL de ce qu'elle versera sur le compte séquestre du bâtonnier de l'Ordre des avocats la somme de 58.981,71 F HT et a condamné la société SACER SUD EST à payer à la société DOMIBAIL et à la société AYRTON la somme de 2.500 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux motifs que la société SACER SUD EST ne démontre pas que les défenderesses avaient eu connaissance de sa présence sur le chantier, connaissance qui les aurait obligées à mettre en demeure l'entrepreneur principal de faire agréer ses sous-traitants et leurs conditions de paiement en vertu de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975. La société SACER SUD EST a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 7 mai 1998, intimant les sociétés

DOMIBAIL et AYRTON. De son côté, la société NATEXIS BAIL, venant aux droits de la société DOMIBAIL, a, après avoir conclu, formé un appel " provoqué " par déclaration du 7 septembre 1999, intimant la société AYRTON. Statuant par ordonnance du 17 septembre 1999 à la demande de la seule la société AYRTON , le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable comme tardif l'appel formé par la société SACER SUD EST. Toutes les parties ont néanmoins conclu postérieurement à ladite ordonnance. La société SACER SUD EST sollicite la réformation du jugement et la condamnation des sociétés NATEXIS BAIL et AYRTON à lui payer in solidum, en application des articles 1382 et 1383 du code civil, la somme de 384.606,12 F lui restant due par la société MIALON, outre intérêts de droit, ainsi que celle de 15.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux motifs - que malgré l'ordonnance du conseiller de la mise en état déclarant son appel " à l'égard de la société AYRTON "irrecevable, son appel demeure valable à l'égard de la société NATEXIS BAIL qui a formé un appel provoqué contre la société AYRTON, que celle-ci se retrouve dès lors " à nouveau dans la cause, de sorte que l'ensemble des demandes indivisibles émises contre elle par la concluante et la société NATEXIS BAIL sont recevables ", - que la société DOMIBAIL, maître de l'ouvrage, et la société AYRTON, maître de l'ouvrage délégué, qui avaient eu connaissance dès la souscription du contrat dommages ouvrage de sa qualité de sous-traitante de la société MIALON, auraient dû mettre en demeure celle-ci de la faire agréer et que ne l'ayant pas fait, elles ont commis une faute lui occasionnant un préjudice puisqu'elle n'a pu bénéficier du paiement direct et que la liquidation judiciaire de la société MIALON l'a empêchée d'obtenir le règlement de sa facture. La société NATEXIS BAIL demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de lui donner acte de ce qu'elle a déposé la somme de 58.981,71 F HT sur le compte séquestre du

Bâtonnier, subsidiairement, de condamner la société AYRTON à la relever et garantir de toute condamnation éventuelle et de condamner les sociétés AYRTON et SACER SUD EST ou celle qui mieux le devra à lui payer la somme de 30.000 F pour frais irrépétibles, aux motifs: - que la société SACER SUD EST est mal fondée à réclamer des sommes, qui lui seraient éventuellement dues, en invoquant la théorie du mandat apparent qui n'a pas lieu de s'appliquer et que la société NATEXIS BAIL n'était tenue de payer que la somme de 8.500.000 F en vertu des clauses contractuelles, sauf son accord sur un complément de travaux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, - que l'action fondée sur l'article 1382 du code civil est inopérante à l'encontre de la société NATEXIS BAIL, la société SACER SUD EST ne démontrant pas qu'elle avait connaissance de sa présence sur le chantier, condition essentielle permettant d'indiquer qu'elle pourrait commettre une faute quasi-délictuelle, - qu'en tout état de cause, le maître de l'ouvrage n'est tenu envers le sous-traitant, sur le fondement de l'action directe, que de ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure et qu'en l'espèce, le montant de l'enveloppe financière du contrat de crédit-bail de 8.500.000 F est épuisé àl'exception des retenues de garantie, - que, subsidiairement, en cas de condamnation, la société AYRTON doit être condamnée à la relever et garantir puisque c'est elle quia décidé, mené les travaux et passé l'ensemble des marchés et qu'elle s'est engagée dans le contrat de crédit-bail immobilier à décharger entièrement le bailleur de toute responsabilité du fait de la conception, de la réalisation, de la surveillance et de la réception des constructions, que de plus, le montant de l'enveloppe, àsavoir la somme de 8.500.000 F, a déjà été payé en totalité par la société NATEXIS BAIL qui ne peut être tenue audelà de ses engagements. La société AYRTON conclut à

l'irrecevabilité de l'appel formé par la société SACER SUD EST, au débouté de la société NATEXIS BAIL de ses demandes et à la condamnation de la société SACER SUD EST ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 10.000 F pour frais irrépétibles. Elle fait valoir à cet effet - que l'appel de la société SACER SUD EST est irrecevable du fait, d'une part, de sa tardiveté relevée par le conseiller de la mise en état, et d'autre part, du paiement déjà intervenu, avant l'exercice de l'action directe, entre les mains de l'entrepreneur principal , - que les prétentions de la société NATEXIS BAIL doivent être rejetées, l'appel en garantie formé par celle-ci revenant à faire peser sur la société AYRTON l'action directe qui ne saurait la concerner. MOTIFS DE LA DECISION Sur la recevabilité Attendu que la société SACER SUD EST n'a pas déféré à la cour l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 septembre 1999, ayant déclaré son appel formé le 7 mai 1998 irrecevable comme tardif ; Attendu, cependant, qu'il résulte des pièces produites que dès le 12 novembre 1998, la société NATEXIS BAIL, intimée, a - notifié à la société SACER SUD EST des conclusions de confirmation comportant, dans leurs motifs, un appel en garantie dirigé, à titre subsidiaire, contre la société AYRTON, autre intimée, qui n'avait pas encore constitué avoué, - repris cet appel en garantie dans les motifs et le dispositif de conclusions notifiées à la société SACER SUD EST le 4 février 1999, - assigné la société AYRTON, le 18 février 1999, à comparaître par ministère d'avoué, en application de l'article 908 du nouveau code de procédure civile, en lui signifiant en même temps une copie de la déclaration d'appel de la société SACER SUD EST et ses propres conclusions de confirmation mais aussi d'appel en garantie dirigé contre elle ; Attendu qu'il suit de ce qui précède que la société NATEXIS BAIL, en invoquant subsidiairement la garantie de l'autre intimée, a formé un appel incident dès le 18 février 1999, sa

déclaration d'appel (qualifié d'appel " provoqué ") remise le 7 septembre 1999 étant superflue ; Attendu que dans ses dernières conclusions, notifiées aussi bien à la société SACER SUD EST qu'à la société AYRTON le 14 juin 2000, la société NATEXIS BAIL a maintenu sa demande de confirmation du jugement déféré et, à titre subsidiaire, de garantie de la société AYRTON ; que notifiées postérieurement à l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel de la société SACER SUD EST irrecevable comme tardif, ces écritures manifestent clairement l'intention de la société NATEXIS BAIL de maintenir son appel incident malgré l'irrecevabilité de l'appel principal ; Attendu qu'aucune partie n'ayant soulevé l'irrecevabilité de cet appel incident, il doit être considéré comme recevable-, qu'il en est d'autant ainsi que la société NATEXIS BAIL ne semble pas s'être associée à la société AYRTON pour faire déclarer irrecevable l'appel principal, bien que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 septembre 1999 mentionne son nom, comme partie, à la 1ère page ; Attendu que l'appel incident de la société NATEXIS BAIL étant ainsi recevable et dirigé en partie contre la société SACER SUD EST, celle-ci est recevable, malgré l'irrecevabilité de son appel principal, à soutenir ses demandes ; qu'il y a lieu, dès lors, de statuer sur le fond ; Sur le fond Attendu que dans ses dernières écritures, la société SACER SUD EST fonde son appel et sa demande d'indemnisation sur la faute délictuelle qu'auraient commise les sociétés NATEXIS BAIL et AYRTON en omettant de mettre l'entrepreneur principal en demeure de faire procéder à son acceptation en qualité de sous-traitant et à l'agrément de ses conditions de paiement, alors qu'elles avaient connaissance de son intervention sur le chantier en cette qualité; Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 3 et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance que le maître de l'ouvrage commet une faute engageant

sa responsabilité extracontractuelle si, ayant connaissance de l'existence du soustraitant et de sa présence sur le chantier, s'abstient de mettre l'entrepreneur principal en demeure de faire procéder à l'acceptation du sous-traitant et à l'agrément de ses conditions de paiement; Attendu qu'il incombe au sous-traitant qui recherche la responsabilité extracontractuelle du maître de l'ouvrage de prouver que ce dernier avait connaissance de son existence et de sa présence sur le chantier ; Attendu que la société SACER SUD EST prétend apporter cette preuve par une lettre du 17 mai 1995.de la société FIDEI et par la police dommages-ouvrage et sa mise en oeuvre à son encontre ; Attendu que la lettre du 17 mai 1995 a été adressée par la société FIDEI, aux droits de laquelle vient la société NATEXIS BAIL, à la société AYRTON ; que cette lettre, qui vise en objet le contrat de crédit-bail immobilier, est ainsi rédigée " Nous avons bien reçu votre courrier du 16 mai 1995 et vous en remercions. " L'initiative de la mise en cause du maître d 'oeuvre et des entreprises, qui revient à FIDEI maître de l'ornvrage, vous est déléguée en vertu de la délégation générale de maîtrise d'ouvrage incluse dans le contrat de crédit-bail... " En conséquence, vous pouvez opérer les interventions projetées. " Nous vous demandons toutefois de nous tenir an courant et de nous faire parvenir un double des échanges qui s'en suivront afin de nous permettre de tenir à jour notre dossier... " ; Attendu que la teneur du courrier du 16 mai 1995 visé par cette lettre n'est pas connue ; qu'il ne peut être déduit de cette lettre que FIDEI avait connaissance de l'existence de la société SACER SUD EST et de sa présence sur le chantier, d'autant que cette lettre est postérieure de plusieurs années à l'exécution par la société SACER SUD EST de son contrat de soustraitance, celui-ci, en date du 22 octobre 1991, ayant prévu un délai d'exécution d'un mois ; Attendu que la société SACER SUD EST n'est

pas fondée à prétendre que " lors de la souscription de la police dommages-ouvrage, (son) intervention a été certainement signalée " ; qu'en effet, aucune disposition de cette police, souscrite par le maître de l'ouvrage auprès de la société AXA, ne permet de vérifier l'exactitude de l'allégation ainsi avancée, d'autant que la police en question est datée du 30 mars 1993 et qu'elle est donc postérieure au contrat de sous-traitance de la société SACER SUD EST et à son exécution ; que si l'on retient qu'elle a été souscrite en réalité à la date d'effet de la garantie, soit le 30 mars 1991, l'allégation sera encore moins fondée, cette date étant antérieure de plusieurs mois à la signature du contrat de sous-traitance ; Attendu qu'il est exact que dans le cadre de l'assurance ainsi souscrite, la responsabilité de la société SACER SUD EST, en qualité de sous-traitante, a été engagée, que cette dernière a participé à une expertise amiable réalisée dans le cadre de la convention " C.R.A.C. " et que la société AXA mentionne sur la "convention de recours " les noms des intervenants, dont la société SACER SUD EST, et les références de leur assureur respectif; Attendu, cependant, que l'expertise en question s'est déroulée au cours du premier trimestre 1996 et que la "convention de recours " , bien que non datée, est de la même époque puisqu'elle vise deux des désordres ayant donné lieu à l'expertise; que ces éléments sont donc postérieurs de plusieurs années à l'exécution par la société SACER SUD EST de son contrat de sous-traitance ; qu'ils ne sauraient donc établir par eux-mêmes que le maître de l'ouvrage ou son délégué avaient connaissance de l'existence de la société SACER SUD EST et de sa présence sur le chantier pendant qu'elle s'y trouvait encore ; que la société SACER SUD EST ne prouve d'ailleurs pas que les renseignements la concernant et dont disposait la société AXA avaient été fournis à cette dernière par le maître de l'ouvrage ou son délégué alors qu'elle était encore

sur le chantier ; Attendu que, eu égard à ce qui précède, force est de constater que la société SACER SUD EST ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la faute qu'elle reproche au maître de l'ouvrage, et à son délégué ; que dès lors, sa demande n'est pas fondée et le jugement déféré sera confirmé ; qu'il y a lieu d'ailleurs de relever, au surplus, que la société NATEXIS BAIL ayant réglé en 1991 la totalité des sommes dues à l'entrepreneur principal, la société MIALON, à l'exception des retenues de garantie, la demande de paiement directe faite par la société SACER SUD EST pour la 1ère fois le 30 avril 1992 auprès de la société AYRTON et le 28 février 1996 auprès de la société NATEXIS BAIL était, en tout état de cause, inopérante ; Sur les demandes accessoires Attendu que faute de preuve, la demande de donné acte du dépôt par la société NATEXIS BAIL de la somme de 58.981,71 F entre les mains du Bâtonnier sera rejetée ; Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ; PAR CES MOTIFS Et ceux non contraires des premiers juges La cour, Statuant publiquement et contradictoirement, Donne acte à la société NATEXIS BAIL, anciennement dénommée DOMIBAIL, de ce qu'elle vient aux droits des sociétés FIDEICOMI et IMMOFICE ; Dit la demande de la société SACER SUD EST recevable mais mal fondée et l'en déboute; Confirme, en conséquence, le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile nu profit de l'une ou l'autre des parties ; Déboute la société NATEXIS BAIL de sa demande de donné acte du dépôt de la somme de 58.981,71 F ; Condamne la société SACER SUD EST aux dépens et autorise la SCP JUNILLON WICKY et la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens d'appel dont ces avoués ont fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 1998/03061
Date de la décision : 17/05/2001

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Rapports avec le maître de l'ouvrage - Connaissance de la présence du sous-traitant - Preuve - Modalités

Il résulte des dispositions combinées des articles 3 et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance que le maître de l'ouvrage commet une faute engageant sa responsabilité extra-contractuelle si, ayant connaissance de l'existence du sous-traitant et de sa présence sur le chantier, s'abstient de mettre l'entrepreneur principal en demeure de faire procéder à l'acceptation du sous-traitant et à l'agrément de ses conditions de paiement. Le sous-traitant ne rapporte pas la preuve que le maître de l'ouvrage avait connaissance de sa présence sur la chantier par la production d'une simple lettre postérieure de plusieurs années à l'exécution du contrat de sous-traitance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-05-17;1998.03061 ?
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