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26/04/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006936645

France | France, Cour d'appel de Lyon, 26 avril 2001, JURITEXT000006936645


COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 16 Novembre 1998

(RG : 199613626 - Ch )

N° RG Cour : 1999/00576

Nature du recours : APPEL Code affaire : 587 Avoués :

Parties : - ME MOREL . ASSOCIATION GENERALE DE PREVOYANCE MILITAIRE (AGPM) dont le siège social est : Rue Nicolas Appert 83086 TOULON CEDEX 09 Représentée par ses dirigeants légaux Avocat : Maître PECASTAING (HYERES)

APPELANTE

---------------- - SCP AGUIRAUD-NOUVELLET . MADAME X... Zohra Ep. D

E Y... demeurant : 9 Rue Emile Duport 69009 LYON Avocat : Maître ASTOR (SAINT-ETIENNE)

INTIME...

COUR D'APPEL DE LYON 1ère Chambre ARRET du Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 16 Novembre 1998

(RG : 199613626 - Ch )

N° RG Cour : 1999/00576

Nature du recours : APPEL Code affaire : 587 Avoués :

Parties : - ME MOREL . ASSOCIATION GENERALE DE PREVOYANCE MILITAIRE (AGPM) dont le siège social est : Rue Nicolas Appert 83086 TOULON CEDEX 09 Représentée par ses dirigeants légaux Avocat : Maître PECASTAING (HYERES)

APPELANTE

---------------- - SCP AGUIRAUD-NOUVELLET . MADAME X... Zohra Ep. DE Y... demeurant : 9 Rue Emile Duport 69009 LYON Avocat : Maître ASTOR (SAINT-ETIENNE)

INTIMEE

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 13 Mars 2000 DEBATS : en audience publique du 17 Janvier 2001 COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : - monsieur CHAUVIRE, président, - monsieur LORIFERNE, président, - madame ROUX, conseiller, assistés pendant les débats de madame KROLAK, greffier, ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique du par monsieur CHAUVIRE, président, qui a signé la minute avec le greffier. EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Jean-Pierre DE Y... adjudant de gendarmerie a souscrit le 28 août 1990 auprès de la Société Mutuelle d'Entraide et de

Prévoyance Militaire-VIE (M.A.P.M. - VIE) un contrat d'assurance dit contrat de carrière garantissant en cas de décès le versement d'un capital dont le montant diffère selon que le décès est dû à une maladie ou un accident et selon le nombre d'enfants à charge de l'assuré.

Monsieur Jean-Pierre DE Y... est décédé le 9 décembre 1995 des suites d'une chute depuis le balcon de son appartement.

A la suite de ce décès la M.E.P.M.-VIE a versé à sa veuve Madame Zohra X... la somme de 378.456,40 francs correspondant au capital lié à un décès par maladie. Elle estimait en effet que les circonstances du décès correspondaient à un suicide et non pas à un décès accidentel.

Contestant ces modalités de prise en charge Madame DE Y... a assigné la Compagnie M.E.P.M. devenue ASSOCIATION GENERALE DE PREVOYANCE MILITAIRE VIE (A.G.P.M. - VIE) afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 946.137,60 francs outre intérêts au taux légal, cette somme correspondant au complément dû en cas de décès accidentel.

Elle soutenait que l'accident était non intentionnel, Monsieur DE Y... pris de boisson ayant enjambé le muret du balcon et perdu l'équilibre malgré une tentative de rétablissement.

L'A.G.P.M. résistait à la demande en soutenant qu'il appartenait à Madame DE Y... de démontrer que le décès était accidentel. Elle faisait valoir que le sinistre ne provenait pas d'une cause extérieure à la victime mais était la conséquence d'un processus pathologique interne et de l'état d'ébriété de l'assuré.

Par jugement en date du 16 novembre 1998 le Tribunal de Grande Instance de LYON a estimé qu'il appartenait à Madame DE Y... de rapporter la preuve du caractère accidentel du décès et donc de prouver que la chute de son mari provenait d'une cause extérieure.

Après une analyse des pièces de l'enquête diligentée à la suite des faits le Tribunal a retenu que Monsieur DE Y... ne s'était pas jeté directement dans le vide mais avait perdu l'équilibre, était resté suspendu par les mains et avait tenté vainement de se rétablir. Le Tribunal en a conclu que le décès était accidentel.

Après avoir relevé qu'aucune clause du contrat ne subordonnait l'attribution du capital décès accident à l'absence d'imprégnation alcoolique du défunt le Tribunal a condamné la Compagnie A.G.P.M. à payer à Madame DE Y... la somme de 946.137,60 francs outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 septembre 1996, et la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 25 janvier 1999 l'Association Générale de Prévoyance Militaire (A.G.P.M.) a relevé appel de cette décision.

Elle expose en se fondant sur les éléments de l'enquête, que le couple DE Y... était connu dans la caserne de Gendarmerie où il résidait pour se livrer de façon habituelle à des disputes conjugales et que Monsieur DE Y... présentait un passé thérapeutique de type dépressif. Elle fait valoir qu'à l'époque des faits Monsieur DE Y... prenait des somnifères et présentait un alcoolisme notoirement connu.

Elle rapporte que le soir des faits Monsieur DE Y... buvait du pastis lorsque son épouse est rentrée, qu'une violente dispute avec échange de coups a éclaté et que Monsieur DE Y... s'est précipité sur le balcon, a enjambé la balustrade et a chuté dans le vide après avoir tenté un rétablissement avec l'aide de son épouse.

Elle soutient que le sinistre ne constitue pas un accident répondant

à la définition donnée par le contrat : "toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'adhérent et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure".

Elle expose à cet égard que Monsieur DE Y... s'est volontairement placé dans une situation dangereuse en enjambant le parapet du balcon soit pour se suicider, soit pour faire un chantage au suicide et que son absence d'intention ne saurait se déduire du seul fait qu'il a tenté au dernier moment de se retenir au balcon.

Elle estime que la chute n'a pas été causée par un événement extérieur mais par une succession d'éléments voulus par la victime et par son état physique ou psychique.

Elle soutient enfin que l'action génératrice du dommage étant volontaire le sinistre a pour origine une faute intentionnelle de l'assuré, ce qui exclut la garantie en application de l'article L 113-1 alinéa 2 du Code des assurances.

Elle sollicite la réformation de la décision déférée dans le sens d'un rejet des prétentions de Madame DE Y..., et demande la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 12.060 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Madame DE Y... conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu le décès accidentel.

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour ne retiendrait pas le décès accidentel elle demande qu'il lui soit alloué une somme de 54.060,60 francs s'ajoutant à l'indemnité déjà versée de sorte que le capital soit de 432.521 francs correspondant à un décès maladie avec deux enfants à charge avec une déduction "bonification jeunesse".

En tout état de cause elle sollicite l'élévation à 12.000 francs de l'indemnité qui lui a été allouée en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. DISCUSSION

Attendu qu'il appartient à Madame DE Y... de démontrer qu'elle se trouve dans les conditions permettant de bénéficier de la garantie prévue en cas de décès accidentel ;

Attendu que Monsieur DE Y... est décédé dans la soirée du 9 décembre 1995 à la suite d'une dispute avec son épouse dans leur appartement situé au septième étage d'un bâtiment de la brigade de Gendarmerie de LYON-NORD à LYON 9e (Rhône) ;

Attendu qu'il résulte du témoignage de son épouse et de ceux de Madame Z... et de sa fille Isabelle qui habitaient l'appartement du sixième étage que des échanges de coups et d'injures ainsi que des jets d'objets ont eu lieu au cours de la dispute ;

Attendu que selon Madame DE Y... son mari s'est levé précipitamment, s'est dirigé vers le balcon, a enjambé le muret, a perdu l'équilibre et a commencé à chuter ;

Attendu que Madame DE Y... précise que son mari a réussi à se rattraper au muret et a essayé de remonter mais n'y est pas parvenu et a chuté ;

Attendu que cette description de la chute est confirmée par le témoignage de Madame Z... qui précise :

"j'ai vu une personne qui était pendue par les mains au balcon du dessus... rapidement le corps a chuté" .

Attendu que Mademoiselle Isabelle Z... déclare : "ma mère m'a dit : "il y a des pieds qui dépassent de notre murette, il y a quelqu'un de pendu", puis elle a vu tomber un corps" ;

Attendu que l'autopsie qui a révélé des ecchymoses à l'intérieur des mains confirme la tentative de rétablissement effectuée par la victime ;

Attendu par ailleurs que Madame DE Y... rapporte qu'à l'occasion d'une dispute antérieure son mari avait fait une

simulation de suicide dans des conditions identiques en allant au balcon pour sauter ;

Attendu que les enquêteurs ont conclu le procès-verbal de synthèse en ces termes: "il s'avère que le décès de l'adjudant DE Y... Jean-Pierre est plus vraisemblablement d'origine accidentelle que suicidaire. Il semble en effet plus probable que sous l'effet de la colère il ait voulu faire peur à son épouse en enjambant le muret du balcon mais que compte tenu de son imprégnation alcoolique il ait perdu l'équilibre. On peut penser que s'il s'agissait d'un suicide il se serait directement jeté dans le vide et qu'il n'aurait pas alors tenté de se rétablir en s'agrippant à la rambarde" ;

Attendu que la faute intentionnelle au sens de l'article L 113-1 alinéa 2 du Code des assurances suppose que l'assuré ait voulu non seulement l'action génératrice du dommage mais encore le dommage lui-même ;

Or attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il ressort des éléments de l'enquête que la victime qui a tenté de se rétablir après un basculement involontaire n'a pas voulu son propre décès ;

Attendu qu'il s'ensuit que le sinistre doit être pris en charge en tant que décès accidentel et non pas en tant que décès maladie ; que le jugement sera donc confirmé ;

Attendu que l'équité ne commande pas de modifier le montant de l'indemnité allouée à Madame DE Y... en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Condamne l'ASSOCIATION GENERALE DE PREVOYANCE MILITAIRE (A.G.P.M.) aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle AGUIRAUD, avoué. LE GREFFIER LE

PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006936645
Date de la décision : 26/04/2001

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES

Assurance de personnes- assurance vie- décès- capital décès- capital augmenté en cas de décès accidentel- caractère non accidentel du décès- preuve- charge.La victime d'un accident mortel causé à la suite d'une chute depuis son balcon, avait souscrit avant son décès un contrat d'assurance garantissant en cas de décès le versement d'un capital.Or, il appartient à la veuve de prouver qu'elle se trouve dans las conditions permettant de bénéficier de la garantie prévue en cas d'accident.En vertu de l'article L.113 alinéa du code des assurances, pour que la faute intentionnelle existe, il faut que l'assuré ait voulu non seulement l'action génératrice du dommage mais encore le dommage lui-même.Il ressort des éléments que la victime qui a tenté de se rétablir après avoir basculé involontairement , n'a pas voulu son propre décès.D'où, la faute intentionnelle n'est pas établie et le sinistre doit être pris en charge en tant qu'accident.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-04-26;juritext000006936645 ?
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