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26/04/2001 | FRANCE | N°2001/01367

France | France, Cour d'appel de Lyon, 26 avril 2001, 2001/01367


Délibéré au 26 avril 2001. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société IMPAG B V, de droit hollandais, fabrique et distribue des jeux et jouets. La S.A.R.L. IMPAG FRANCE, filiale de la précédente société, distribue en FRANCE la production de sa société mère soit directement auprès " des grandes surfaces " ", soit auprès de distributeurs indépendants, telles la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK.

La société HASBRO INTERNATIONNAL INC a fait, le 14 avril 1997, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, une déclaration de dépôt de dessins et m

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Délibéré au 26 avril 2001. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société IMPAG B V, de droit hollandais, fabrique et distribue des jeux et jouets. La S.A.R.L. IMPAG FRANCE, filiale de la précédente société, distribue en FRANCE la production de sa société mère soit directement auprès " des grandes surfaces " ", soit auprès de distributeurs indépendants, telles la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK.

La société HASBRO INTERNATIONNAL INC a fait, le 14 avril 1997, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, une déclaration de dépôt de dessins et modèles concernant trois jeux de société. Ces dépôts ont été publiés au bulletin officiel de l'Institut National de la Propriété Industrielle, le 25 juillet 1997.

La société HASBRO INTERNATIONNAL INC, société de droit américain et sa filiale française, la S.A. HASBRO FRANCE, autorisées les 15, 16 et 25 juillet 1997, ont fait procéder, les 18 juillet 1997 et 5 août 1997 dans les locaux de la S.A MAXI TOYS et le 18 juillet 1997 dans les locaux de la S.A. PICWICK, à des saisies contrefaçon concernant trois jeux de société, un jeu créatif et trois jeux à base de pâte à modeler , figurant sur un catalogue du groupe HASBRO.

Par jugement rendu le 8 février 2001, le Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE, écartant l'action en contrefaçon intentée par le groupe HASBRO mais retenant l'existence de faits de concurrence déloyale, a condamné solidairement la société IMPAG B V, la S.A.R.L. IMPAG FRANCE, la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK à payer à la S.A. HASBRO FRANCE la somme de 800.000 francs à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, outre une somme de 100.000 francs

au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a ordonné aux quatre sociétés en cause de cesser de fabriquer et de commercialiser les jeux en question sous astreinte provisoire de 1.000 francs par infraction constatée un mois après la signification du jugement. La publication du jugement dans quatre journaux au choix de la S.A. HASBRO FRANCE était également ordonnée, ainsi que l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement. La société IMPAG B V, la S.A.R.L. IMPAG FRANCE, la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK ont régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

La société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE ont obtenu de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de LYON , le 8 mars 2001, une ordonnance les autorisant à assigner à jour fixe, le 23 mars 2001, la S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC.

La société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE concluent à la nullité du jugement pour défaut de motivation relativement à la détermination du préjudice de la S.A. HASBRO FRANCE et pour défaut de réponse à un moyen présenté.

Les appelantes sollicitent la confirmation du jugement qui a écarté tout acte de contrefaçon. Elles soutiennent que le groupe HASBRO ne justifie pas de titre de propriété sur les dessins et modèles déposés, les contrats de " licence " fournis par le groupe HASBRO étant insuffisants pour établir sa propriété sur les trois jeux de société. Les appelantes font observer que les jeux déposés ne présentaient aucun caractère de nouveauté et qu'enfin les saisies contrefaçon ont été opérées antérieurement à la publication du dépôt

au titre des dessins et modèles. La société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE concluent à la nullité des dépôts ou à leur inefficacité. La société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE soutiennent que le groupe HASBRO ne peut se prévaloir de protection en FRANCE faute pour lui de justifier qu'il détenait dans son pays d'origine, les Etats Unis, des droits incontestables ne découlant pas uniquement des certificats de copyrights produits aux débats. Les appelantes excipent du défaut d'originalité des jeux dont le concept est ancien. Les appelantes concluent au rejet de l'action en contrefaçon.

La société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE estiment que l'action en concurrence déloyale n'est pas fondée dès lors que cette action ne reposait pas sur des faits distincts de ceux qui avaient fondés l'action en contrefaçon et dès lors qu'au surplus l'impression d'ensemble par comparaison des jeux litigieux, ne révèle pas une similitude entraînant une confusion dans l'esprit de la clientèle. Les appelantes concluent à l'inexistence d'actes de parasitisme de leur part en mettant en avant l'absence de création, le fait que d'autres sociétés distribuaient antérieurement des jeux reposant sur le même concept. Subsidiairement, les appelantes discutent le montant des dommages et intérêts alloués par les premiers juges.

La société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE sollicitent l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 500.000 francs pour avoir été dénigré par le groupe HASBRO et une somme de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La S.A MAXI TOYS soutient que le groupe HASBRO ne peut se prévaloir de droits de propriété intellectuelle sur les modèles déposés; que la

preuve contraire est rapportée que le groupe HASBRO, titulaire de simples licences d'exploitation, n'avait pas qualité pour déposer des modèles pour trois jeux de société; qu'au demeurant les faits antérieurs au dépôt ne donnent lieu à aucune action dérivant du code de la Propriété Intellectuelle; que le groupe HASBRO ne peut se prévaloir, non plus, de la convention de Berne dès lors que les copyrights qu'elle verse aux débats portant sur les trois jeux de société sont inscrits au nom de la société MILTON BRADLEY; qu'à défaut pour la société HASBRO INTERNATIONNAL INC de faire" la preuve qu'elle bénéficie dans son pays d'une protection particulière, elle ne peut revendiquer cette protection en FRANCE en vertu de la convention de BERNE; qu'enfin les jeux de la gamme PLAY DOH ( jeux à base de pâte à modeler ) ne bénéficient pas de la protection au titre des droits d'auteur aux Etat Unis.

La S.A MAXI TOYS conclut à la nullité du dépôt effectué au titre des modèles et dessins et à celle des saisies contrefaçon, subséquentes. La S.A MAXI TOYS estimant que l'action en concurrence déloyale ne repose pas sur des faits distincts de ceux ayant fondé vainement l'action en contrefaçon, le groupe HASBRO doit être débouté de sa demande faite à ce titre.

La S.A MAXI TOYS soutient qu'aucun fait de parasitisme n'est caractérisé ainsi qu'il ressort de la comparaison des jeux incriminés; que les conditionnements, les couleurs employées ou la forme des emballages sont courants et non susceptibles d'entraîner une confusion dans l'esprit de la clientèle moyennant avertie et attentive.

La S.A MAXI TOYS discute, subsidiairement, le montant du préjudice dont le groupe HASBRO aurait souffert. La S.A MAXI TOYS appelle en garantie la S.A.R.L. IMPAG FRANCE dès lors qu'elle a commercialisé en toute bonne foi les jeux incriminés , fournis par la S.A.R.L. IMPAG FRANCE.

La S.A MAXI TOYS sollicite la condamnation de la S.A. HASBRO FRANCE et de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC à lui payer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la même somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

La S.A. PICWICK soutient que la S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC sont irrecevables à agir en contrefaçon dès lors qu'elles ne justifient pas avoir des droits d'auteur " protégeables " en étant seulement titulaires de contrats de licence concédant uniquement le droit de fabrication et de commercialisation. La S.A. PICWICK rappelle que les jeux en question sont commercialisés depuis de nombreuses années par d'autres sociétés que celles parties dans le présent procès et que le succès de l'action en concurrence déloyale suppose, outre la similitude entre les produits, la volonté de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle pour la détourner, ce qui n'est pas le cas.

La S.A. PICWICK discute, subsidiairement, le montant de la réparation allouée par les premiers juges et le principe de la condamnation solidaire qu'ils ont retenu.

La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC font

observer liminairement que la procédure d'assignation à jour fixe n'est pas appropriée et que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC a changé de dénomination sociale pour s'appeler IMPAG TOYS EUROPE BV.

Les intimées soulèvent l'irrecevabilité de l'appel en l'absence de signification délivrée à la société HASBRO INTERNATIONNAL INC conformément aux articles 683 et 693 du nouveau code de procédure civile et en raison du non-respect du principe du contradictoire. Enfin les intimées soulèvent l'irrecevabilité de l'appel formé contre la S.A. HASBRO FRANCE dès lors que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC n'a pas été appelé régulièrement à l'instance.

La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC estiment que la nullité du jugement n'est pas encourue. La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC soutiennent qu'il ressort de l'étude comparative des produits de marque différente ( jeux de société et jeux de pâte à modeler ) que le groupe IMPAG a copié les produits du groupe HASBRO; que la contrefaçon porte sur des éléments protégeables et résulte d'une volonté délibérée de profiter des investissements et efforts réalisés par les sociétés intimées et de s'accaparer une partie du succès desdits produits. Les intimées soutiennent qu'elles sont propriétaires des modèles déposés et bénéficient de la présomption de propriété de l'article L 511-2 du code de la Propriété Intellectuelle dès lors qu'elles ont des certificats de copyrights, inscrits sous le nom de la société MILTON BRADLEY, sur les jeux depuis 1979 et 1988 selon les différents jeux. Les intimées en déduisent qu'elles étaient parfaitement en droit de déposer ces jeux à titre de modèles pour obtenir leur protection . Enfin les intimées indiquent que la contrefaçon s'est poursuivie après la publication des modèles le 25

juillet 1997, lors de la saisie contrefaçon pratiquée le 12 août 1997.

La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC affirment qu'elles sont bien fondées à se prévaloir de la protection résultant des droits d'auteur sur les jeux de société, par application de la convention de Berne; que celle-ci s'applique à toutes les oeuvres protégées par le droit américain et qu'étant titulaires de plusieurs copyrights démontrant leur droit, elles pouvaient déposer certains éléments à titre de modèle en FRANCE et par suite assigner les sociétés IMPAG en contrefaçon sur le double fondement des droits d'auteur et des droits de dessins et modèles.

La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC rappellent que la protection vaut pour la présentation des jeux, qui est originale et non pas pour le concept ou principe des jeux qui est plus ancien; que l'originalité doit s'apprécier par rapport aux formes, " à l'aménagement nouveau, à la configuration, à l'agencement et aux composantes des jeux parfaitement originaux " et justiciables d'une protection au titre des droits d'auteur. Les intimées soulignent que les saisies contrefaçon sont valides sans qu'il soit nécessaire que soit ordonné un cautionnement; que la S.A. PICWICK est " impliquée " dans l'action en contrefaçon dès lors qu'elle a commercialisé des jeux contrefaits au mépris des articles L 122-4 et L 511-1 du code de la Propriété Intellectuelle. La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC font valoir que l'action en concurrence déloyale fondée sur des faits distincts de ceux ayant fondé l'action en contrefaçon et visant à défendre leurs produits est bien fondée; que la pratique par le groupe IMPAG, de prix beaucoup plus bas que ceux pratiqués par le groupe HASBRO et la copie de

signes distinctifs constituent dés éléments de concurrence déloyale. La S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC sollicitent la confirmation du jugement qui a condamné solidairement les quatre sociétés en cause pour concurrence déloyale, leur a interdit de fabriquer et commercialiser les jeux en question sous astreinte provisoire de 1.000 francs par infraction constatée, a ordonné la publication du jugement et leur a alloué une somme de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les intimées sollicitent l'infirmation du surplus du jugement. Elles concluent au bien fondé de leur action en concurrence déloyale et à la condamnation solidaire des quatre sociétés en cause à payer, d'une part à la société HASBRO INTERNATIONNAL INC une somme de 1.000.000 francs à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, d'autre part à la S.A. HASBRO FRANCE la somme de 2.000.000 francs à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial, outre une somme de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS ET DÉCISION

A ) SUR LA PROCEDURE.

Attendu qu'aux termes des articles 683 alinéa 1 et 684 du nouveau code de procédure civile la signification d'un acte destiné à une personne domiciliée à l'étranger est faite au parquet; qu'aux termes de l'article 690 du même code, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement; qu'en l'espèce s'agissant de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC ayant son siège social dans l'Etat du DELAWARE aux

Etats Unis, la signification de l'assignation à jour fixe a été régulièrement effectuée conformément aux articles 684 et 685 du nouveau code de procédure civile au Parquet Général de la Cour d'Appel de LYON ainsi qu'il en résulte de l'acte d'huissier attestant de la remise dudit acte, en deux copies aux services du Parquet Général; que les moyens d'irrecevabilité de l'appel à l'égard de l'une et de l'autre des sociétés du groupe HASBRO, ne sont pas fondés;

Attendu que le groupe HASBRO ne peut se prévaloir d'un non-respect du principe du contradictoire dès lors qu'il a disposé d'un temps suffisant eu égard à la spécificité de l'assignation à jour fixe, pour préparer son argumentation dans des conclusions développées à l'occasion d'un débat dont les termes et les bases n'ont pas évolué par rapport à la première instance;

Attendu que l'omission par les premiers juges, de statuer sur un chef de demande ( demande de nullité du dépôt des modèles présentée par les groupe IMPAG ) n'entraîne pas la nullité du jugement, mais aurait pu donner lieu à une requête en omission de statuer; que les premiers juges n'ont pas manqué à leur obligation de motivation pour fixer le montant du préjudice subi par le groupe HASBRO; qu'ils ont évalué ce préjudice à la somme de 800.000 francs " pour sanctionner des pratiques déloyales " qu'ils avaient précisément décrites; qu'au demeurant par l'effet dévolutif pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, la chose jugée est remise en question devant la Cour d'Appel de LYON, pour qu'elle statue à nouveau en fait et en droit;

Attendu enfin qu'il convient d'ordonner la jonction des instances par

application de l'article 367 du nouveau code de procédure civile dès lors qu'il existe entre les litiges un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice, de les juger ensemble; que l'autorisation d'assigner à jour fixe ne concernait que certains appelants ( sociétés du groupe IMPAG ) et certains intimés ( sociétés du groupe HASBRO ); qu'il convient, en l'absence de toutes objections des parties à cet égard, de joindre les procédures d'appel pour inclure dans cette instance la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK;

B ) SUR L'ACTION EN CONTREFACON DE MODELE

Attendu qu'aux termes de l'article L 511-2 du code de la Propriété Intellectuelle, " la propriété d'un modèle appartient à celui qui l'a créé ou à ses ayants droit; mais que le premier déposant est présumé jusqu'à preuve contraire, en être le créateur "; que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC verse aux débats des certificats d'enregistrement de copyright par l'Office des droits d'auteur aux Etats Unis, concernant trois jeux " Connect Four ", " Guess Who " et " Stay Alive " datant respectivement du 19 novembre 1979, 13 juin 1988 et 19 novembre 1979 ensuite de précédents contrats de " licence " autorisant la société HASBRO INTERNATIONNAL INC à exploiter et développer des concepts de jeux; que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC fait la preuve qu'elle a acquis des droits d'auteur sur les jeux en question, postérieurement à la concession qui lui avait été faite en 1970, 1973 et 1979 , de fabriquer et vendre ces jeux; que les contrats de licence et les " certificate of registration of claim to copyright " ont été établis au nom des sociétés MILTON BRADLEY COMPANY ou X... BRADLEY INTERNATIONAL INC; que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC justifie qu'il y a eu, le 10 janvier 1989, un changement de dénomination sociale la société X... BRADLEY

INTERNATIONAL INC devenant la société HASBRO INTERNATIONNAL INC;

Attendu que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC justifie donc de la propriété, au sens de l'article L 511-2 du code de la Propriété Intellectuelle, des modèles des trois jeux de société qu'elle a déposés, le 7 mars 1997, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle; que les sociétés IMPAG ne font pas la preuve contraire qu'elles sont les créateurs des modèles déposés; qu'elles soutiennent au demeurant qu'elles ne les ont fabriqués et vendus, en 1995 ou 1996, que bien postérieurement à l'obtention des certificats de copyright; que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC justifie par contre qu'elle a fabriqué et vendu les jeux en question depuis 1975 ainsi que cela ressort de catalogues de jeux et jouets produits;

Attendu que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC était donc parfaitement en droit de déposer auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, les modèles de jeux qu'elle a développés et sur lesquels elle avait acquis des droits de propriété; que l'emballage des jeux incriminés porte la mention du copyright au nom de MB, ancienne appellation de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC ; Attendu que l'originalité réside dans l'agencement nouveau et la présentation nouvelle qui sont donnés aux jeux de conception ancienne et de principe courant ; que ces éléments sont susceptibles d'être protégés au titre de la législation sur les modèles;

Attendu qu'il s'ensuit que la demande des sociétés IMAG, en nullité du dépôt de modèles effectué par la société HASBRO INTERNATIONNAL INC et concernant les trois jeux en question doit être rejetée;

Attendu cependant qu'aux termes de l'article L 521-2 du code de la Propriété Intellectuelle les faits postérieurs au dépôt mais antérieurs à sa publicité, ne peuvent donner lieu à une action qu'à la charge par la partie lésée d'établir la mauvaise foi du contrefacteur; qu'en l'espèce la publicité du dépôt a été opérée le 25 juillet 1997 et une seule saisie contrefaçon a été effectuée postérieurement à cette date dans des locaux de la S.A MAXI TOYS, le 12 août 1997; que la saisie portait sur des produits livrés à la S.A MAXI TOYS en janvier 1997; que le fait de cet approvisionnement antérieur au dépôt des modèles est exclusif de la mauvaise foi de la S.A MAXI TOYS et a fortiori des autres sociétés; que la société HASBRO INTERNATIONNAL INC ne propose d'ailleurs aucun élément démontrant, ainsi qu'elle en a la charge, la mauvaise foi de ses adversaires; que l'action fondée sur la violation des articles L 511 et suivants du code de la Propriété Intellectuelle n'est pas fondée; Attendu que la Convention de BERNE pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, à laquelle les Etat Unis sont partie depuis le 1er mars 1989, dispose en son article 5 alinéa 1) que " les auteurs jouissent, en ce qui concerne les oeuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la Convention, dans les pays de l'Union autres que le pays d'origine de l'oeuvre, des droits auxquels les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux "; que l'article 18 alinéa 1) de ladite Convention précise " qu'elle s'applique à toutes les oeuvres qui, au moment de son entrée en vigueur, ne sont pas encore tombés dans le domaine

public de leur pays d'origine par l'expiration de la durée de protection ";

Attendu qu'en l'espèce la société HASBRO INTERNATIONNAL INC est fondée à invoquer ladite Convention établissant le principe d'assimilation de l'unioniste ou de l'état partie à la Convention, au national; que l'article 2 alinéa 7 de ladite Convention qui dispose que si les oeuvres ne font pas l'objet d'une protection spéciale au titre des dessins et modèles dans leur pays d'origine, elles seront protégées comme oeuvres artistiques ne peut être invoqué par la société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE; que ce texte impose au tribunal du pays où la protection est demandée, de vérifier que dans le pays d'origine , la création fait l'objet de droits d'auteur et non de la protection au titre des dessins et modèles; qu'en l'espèce le système américain de copyright protège les droits d'auteur sur une oeuvre et non pas l'oeuvre en tant que modèles et dessins; que le créateur d'une oeuvre protégée par les droits d'auteur dans son pays d'origine peut revendiquer la protection correspondante, instituée en FRANCE; qu'en l'espèce, la société HASBRO INTERNATIONNAL INC justifie de certificats de dépôt du copyright au " Copyright Office des Etats Unis " à WASHINGTON, concernant les trois jeux de société et que les emballages de chaque exemplaire desdits jeux sont revêtus de la mention du copyright au nom de la la société HASBRO INTERNATIONNAL INC ou de la société MILTON BRADLEY COMPANY;

Attendu que pour l'appréciation de la contrefaçon par imitation d'une marque, il convient de tenir compte des ressemblances entre les éléments des signes en présence, sans prendre en considération le degré des caractères distinctifs et des dissemblances pris isolément; qu'en l'espèce l'impression d'ensemble au-delà de dissemblances de

détail, non significatives, est que les trois jeux incriminés fabriqués par la société IMPAG B V sont des copies des jeux du groupe HASBRO, tant dans la forme particulière des composants des jeux, leur agencement ( format des tables et leur position verticale...) que dans leur présentation;

Attendu qu'il s'ensuit que " l'oeuvre " étant protégée dans son pays d'origine au titre des droits d'auteur ou copyright, la société HASBRO INTERNATIONNAL INC est bien fondée à se prévaloir, en vertu de la convention de BERNE, de la protection correspondante, instituée en FRANCE dans le titre premier du code de la Propriété Intellectuelle, relatif au droit d'auteur et notamment à l'article L 122-4 dudit code; que la société IMPAG B V, la S.A.R.L. IMPAG FRANCE, la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK en fabriquant et distribuant des jeux en violation des droits d'auteur de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC ont engagé leur responsabilité à l'égard de cette dernière société; qu'il convient de lui allouer en réparation de son préjudice moral, résultant de l'atteinte qui a été portée à ses droits d'auteur, la somme de 400.000 francs; qu'il ne convient pas d'allouer à la S.A. HASBRO FRANCE une somme en réparation du préjudice commercial qu'elle allègue, dès lors qu'il n'a été porté atteinte qu'aux droits de propriété intellectuelle de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC; que cette société a seule subi un préjudice résultant de la violation des droits de propriété intellectuelle dont elle était la seule titulaire; que chacune des quatre sociétés en cause ont contribué à l'entier dommage réalisé par la fabrication et la distribution des produits incriminés ( trois jeux de société ); que la condamnation sera donc prononcée in solidum;

Attendu qu'il sera fait droit à l'appel en garantie de la S.A MAXI TOYS dès lors qu'elle a commercialisé les produits incriminés, en toute bonne foi, et ne pouvait savoir qu'ils étaient susceptibles de bénéficier d'une protection au titre des droits d'auteur résultant d'un certificat de copyright aux Etats Unis;

Attendu qu'il convient d'ordonner la cessation de la fabrication et de la distribution des produits incriminés pour mettre fin au non-respect par les sociétés en question des droits d'auteur de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la publication du présent arrêt par voie de presse;

C ) SUR L'ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE.

Attendu que la S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC ne peuvent invoquer la protection au titre des droits d'auteur ou au titre des dessins et modèles, relativement aux trois jeux de la gamme " pâte à modeler " et au jeu appelé " flower design set " pour lesquels aucun certificat de copyright américain n'est produit, ni aucun dépôt auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle en FRANCE n'est justifié;

Attendu que par contre les sociétés du groupe HASBRO sont recevables à agir en concurrence déloyale pour faire sanctionner les éventuelles pratiques de concurrents, préjudiciables à leurs intérêts, et défendre leurs produits non protégés par les droits de la propriété intellectuelle définis aux livres premier ou cinquième du code de la Propriété Intellectuelle;

Mais attendu que le simple fait de copier la prestation d'autrui ne constitue pas, en tant que tel, un acte de concurrence déloyale, fautif, le principe étant qu'une prestation qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite; qu'une telle reproduction procure nécessairement à celui qui l'opère, des économies au détriment de celui qui avait auparavant consenti des efforts et des investissements, économies qui ne sauraient, à elles seules, être tenues pour fautives et génératrices de dommages et intérêts, sauf à vider de toute substance le principe fondamental de la liberté du commerce et de l'industrie; que sauf circonstances particulières dans la reproduction d'une prestation réalisant alors un acte de parasitisme, il est licite de fabriquer et commercialiser des produits " imitants "; que le caractère licite disparaît lorsque notamment une entreprise crée délibérément un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle en fabriquant et vendant un produit copié d'une entreprise concurrente pour accréditer l'idée que le produit provient de cette entreprise concurrente; qu'en l'espèce la société IMPAG B V et la S.A.R.L. IMPAG FRANCE ne se sont pas livrées à des actes de parasitisme caractérisés et n'ont pas notamment chercher à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle entre ses propres produits et ceux du groupe HASBRO et à faire accroire qu'ils avaient une origine commune; que sur cette gamme de jeux traditionnels ( pâte à modeler ) le caractère innovant des " paillettes ou scintillement " incorporés au matériau n'est pas avéré, cet ajout existant depuis plusieurs années chez d'autres fabricants; que si des similitudes manifestes dans la présentation des jeux et de leur emballage existent, elles ne créent pas dans l'esprit de la clientèle une confusion suffisante l'amenant à penser qu'il s'agit du

même fabricant; que les autres fabricants de jeux de la même gamme choisissent une présentation des boites de jeux de la gamme de pâte à modeler, très voisine de celle des deux groupes en litige; que les reproductions graphiques des animaux de la ferme ou l'utilisation de couleurs dominantes sont d'un modèle courant;

Attendu qu'il s'ensuit que la S.A. HASBRO FRANCE et la société HASBRO INTERNATIONNAL INC seront déboutées de leur action en concurrence déloyale faute pour elles d'établir qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle moyennant attentive et avertie lorsqu'elle est en présence des deux types de produits;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner la demande de la S.A.R.L. IMPAG FRANCE en paiement de dommages et intérêts pour campagne de dénigrement systématique nuisant à son image de marque, puisque la responsabilité de la S.A.R.L. IMPAG FRANCE a été retenue au titre de la contrefaçon;

Attendu que le droit d'ester en justice de la S.A. HASBRO FRANCE et de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC n'a pas dégénéré en abus; que la S.A MAXI TOYS sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile; que les parties tenues aux dépens devra payer à chacune des deux autres la somme de 30.000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel de la S.A. HASBRO FRANCE et de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC comme régulier en la forme.

Ordonne la jonction

Reçoit l'appel de la S.A. HASBRO FRANCE et de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC comme régulier en la forme.

Ordonne la jonction des procédures poursuivies sous les numéros 2001/620 et 2001/ 621.

Déboute la société HASBRO INTERNATIONNAL INC et la S.A. HASBRO FRANCE de tous leurs moyens de procédure.

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute la société IMPAG B V, la S.A.R.L. IMPAG FRANCE, la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK de leur demande en nullité du modèle déposé le 25 juillet 1997 sous le numéro 97 1401, publié le 25 juillet 1997.

Fait droit à la demande de la société HASBRO INTERNATIONNAL INC tendant à la protection des droits d'auteur portant sur trois jeux de société et fondée sur l'article L 122-4 du code de la Propriété Intellectuelle.

Condamne in solidum la société IMPAG B V, devenue la société IMPAG TOYS EUROPE B.V., la S.A.R.L. IMPAG FRANCE, la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK à porter et payer à la société HASBRO INTERNATIONNAL INC la somme de 400.000 francs à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et à la société HASBRO INTERNATIONNAL INC et la S.A. HASBRO FRANCE la somme de 30.000 francs, à chacune d'elles, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ordonne à la société IMPAG TOYS EUROPE B.V., à la S.A.R.L. IMPAG FRANCE, à la S.A MAXI TOYS et à la S.A. PICWICK de cesser de fabriquer et/ou de distribuer les jeux de société suivants: " FOURS WINS ", MYSTERY PERSON " et " BALL TRAP ", noms sous lesquels sont commercialisés les jeux pour lesquels la société HASBRO INTERNATIONNAL INC a des droits reconnus aux Etats Unis, de propriété intellectuelle; le tout sous astreinte provisoire de 500 francs par infraction constatée un mois après la signification du présent arrêt. Dit que la S.A. HASBRO FRANCE devra garantir la la S.A MAXI TOYS de

toutes les condamnations qui ont été prononcées contre elles.

Déboute les parties de leurs plus amples conclusions;

Condamne in solidum la société IMPAG TOYS EUROPE B.V., LA S.A.R.L. IMPAG FRANCE, la S.A MAXI TOYS et la S.A. PICWICK aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. JUNILLON et WICKY , Avoués sur leur affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2001/01367
Date de la décision : 26/04/2001

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Parasitisme - Confusion - Risque - Absence

Le simple fait de copier la prestation d'autrui ne constitue pas, en tant que tel, un acte de concurrence déloyale fautive. En effet, une prestation qui ne fait pas l'objet de droit de propriété intellectuelle peut être librement fautive. Sauf, circonstances particulières dans la reproduction d'une prestation réalisant un acte de parasitisme, il est licite de fabriquer et commercialiser des produits imitants. Le caractère licite disparaît lorsque l'entreprise crée délibérément un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle. En vertu des articles 5 alinéa 1 et 18 alinéa 1 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littérair- es et artistiques de la Convention, le créateur d'une oeuvre protégée par les droits d'auteur dans son pays d'origine peut revendiquer la protection correspondante, instituée en France, une société qui justifie de certificats de dépôt du copyright au "Copyright Office des Etats Unis" à Washington, concernant trois jeux de société et que les emballages de chaque exemplaire des produits sont revêtus de la mention du copyright au nom de la société. Est bien fondée à se prévaloir, en vertu de la convention de Berne, de la protection correspondante, instituée en France dans le titre premier du code de la protection intellectuelle, relatif au droit d'auteur et notamment à l'article L 122-4 de ce code.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-04-26;2001.01367 ?
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