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26/04/2001 | FRANCE | N°1999/04087

France | France, Cour d'appel de Lyon, 26 avril 2001, 1999/04087


Délibéré au 26 avril 2001. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La S.A.R.L. MIRA ( Maîtrise Immobilière Rhône-Alpes ) a vendu, le 26 juin 1991, à la S.A.R.L. IPF ( Investissement Père et Fils ) en l'état futur d'achèvement six lots de co-propriété sur les sept composant un ensemble immobilier situé à Y... X... MARTIN ( 06 ) et constitué par des appartements " d'un programme collectif vertical, " moyennant le prix de 17 millions de francs.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre-Est appelée la Caisse régionale, par acte en date du 2 juillet 1991,

a pris l'engagement d'avancer au constructeur, la S.A.R.L. MIRA ou de payer pour...

Délibéré au 26 avril 2001. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La S.A.R.L. MIRA ( Maîtrise Immobilière Rhône-Alpes ) a vendu, le 26 juin 1991, à la S.A.R.L. IPF ( Investissement Père et Fils ) en l'état futur d'achèvement six lots de co-propriété sur les sept composant un ensemble immobilier situé à Y... X... MARTIN ( 06 ) et constitué par des appartements " d'un programme collectif vertical, " moyennant le prix de 17 millions de francs.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre-Est appelée la Caisse régionale, par acte en date du 2 juillet 1991, a pris l'engagement d'avancer au constructeur, la S.A.R.L. MIRA ou de payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble en question dans la limite de la somme de 4.460.000 francs.

La S.A.R.L. MIRA a été mise en liquidation judiciaire le 6 septembre 1993.

La S.A.R.L. IPF a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 1994, Maître Bruno Z... étant nommé en qualité de liquidateur judiciaire.

La Caisse régionale a fait déterminer par voie d'expertise judiciaire le coût des travaux nécessaires pour parvenir à l'achèvement de l'immeuble au sens de l'article R 261-21 du code de la Construction et de l'Habitation. L'expert désigné par voie de référé a chiffré à la somme de 3.636.880,06 francs valeur février 1994.

Maître Bruno Z... , ès-qualités, a poursuivi la vente des biens immobiliers appartenant à la S.A.R.L. IPF et a obtenu, le 5 novembre

1996, une ordonnance du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la S.A.RL. IPF l'autorisant à faire procéder, suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière, à la vente " du tènement immobilier bâti mais non achevé en l'état " avec la précision donnée que " l'adjudicataire fera son affaire personnelle de la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement " de la Caisse régionale.

Le cahier des charges du 6 février 1997 précisait ( page 4/4 ) que " l'acquéreur fera son affaire personnelle de la mise en jeu de la garantie d'achèvement, que l'organisme garant prétend ne pas devoir honorer ". La S.C.I. DFR ayant une activité de marchand de biens, a été déclarée adjudicataire des biens immobiliers litigieux, à l'audience des criées du Tribunal de Grande Instance de LYON le 24 avril 1997 pour le prix de 3.760.000 francs sur la mise à prix de 2.000.000 francs. La S.A.R.L. DFR a fait procéder aux travaux d'achèvement de l'immeuble qu'elle a acquis.

Par jugement rendu le 17 mai 1999, le Tribunal de Commerce de LYON a condamné la Caisse régionale à payer à la S.A.R.L. DFR la somme de 3.636.88O,06 francs correspondant à la somme fixée par expertise pour parvenir à l'achèvement des biens immobiliers litigieux.

La Caisse régionale a régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

La Caisse régionale dénie que la S.A.R.L. DFR soit un acquéreur ou un sous-acquéreur dans le cadre de la vente en l'état futur d'achèvement et soutient en conséquence qu'elle ne peut bénéficier de la garantie d'achèvement attachée uniquement à la vente initiale. Elle estime que la qualité d'adjudicataire de la S.A.R.L. DFR la prive de cette

garantie extrinsèque de paiement consentie au profit des seuls acquéreurs et sous-acquéreurs concernés par la vente en l'état futur d'achèvement et en considération de cette opération spécifique; que la S.A.R.L. DFR a acquis les biens immobiliers dans l'état où ils se trouvaient au moment de leur acquisition, sans se voir transmettre le droit à la garantie d'achèvement.

La Caisse régionale soutient également que l'immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration d'achèvement le 4 avril 1998, la S.A.R.L. DFR est mal fondée à mettre en jeu une garantie qui n'existe plus depuis cette date.

La Caisse régionale soutient encore qu'elle est en droit d'opposer la compensation de la créance qu'elle a à l'encontre de la S.A.R.L. IPF qui ne s'était pas acquittée de la totalité du prix exigible entre les mains de la S.A.R.L. MIRA avec sa dette résultant de son éventuelle garantie financière. La Caisse régionale fait observer qu'elle est fondée en sa qualité de garante et sur le fondement de l'

article R 261-21 code de la Construction et de l'Habitation, à exiger des acquéreurs le paiement direct des sommes que ces derniers doivent en exécution de la vente. La Caisse régionale se prévaut de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994, relativement à la compensation des dettes connexes, nées d'une même opération économique comprise dans sa globalité.

La Caisse régionale sollicite l'infirmation de l'entier jugement qui a retenu le principe de sa garantie financière.

La S.A.R.L. DFR dénie que l'adjudication puisse " purger "

l'obligation de la Caisse régionale de garantir l'achèvement de l'immeuble.

La S.A.R.L. DFR soutient que la garantie donnée par la Caisse régionale n'est pas limitée à certains acquéreurs et qu'elle reste acquise à un adjudicataire sans aucune " discrimination" provenant du mode d'acquisition.

La S.A.R.L. DFR considère qu'il est sans importance que la Caisse régionale ne puisse agir contre la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. IPF, faute d'avoir déclaré sa créance. La S.A.R.L. DFR dénie à la Caisse régionale le droit d'opposer une compensation pour créances connexes s'agissant de deux obligations de nature différente, une obligation de faire pour la Caisse régionale et une éventuelle créance au demeurant non avérée portant sur une partie résiduelle du prix d'acquisition pour la S.A.R.L. IPF.

La S.A.R.L. DFR sollicite la confirmation du jugement qui a justement retenu comme montant des travaux nécessaires à l'achèvement, celui estimé par l'expert.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que la garantie financière extrinsèque donnée au profit d'un acquéreur ou sous-acquéreur sous forme d'ouverture de crédit, conformément à l'article R 261-21 code de la Construction et de l'Habitation, par un garant s'obligeant à payer pour le compte du vendeur-constructeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement, les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble, ne peut être mise en jeu qu'à l'occasion d'une vente de cette nature; que la garantie instituée par la loi résultant de l'intervention à l'opération, d'une

banque ou d'un établissement financier habilité ne vaut que dans le cadre strict d'une vente en l'état futur d'achèvement; qu'en cas de mise en liquidation judiciaire d'un acquéreur et de réalisation de son actif en application de l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L 622-16 du code de commerce, l'adjudicataire d'un immeuble, dépendant de l'actif liquidé suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière, n'est pas substitué à l'acquéreur initial ou à un sous-acquéreur de l'immeuble vendu originairement en l'état futur d'achèvement, mais acquiert un immeuble dans l'état matériel où il se trouve au jour de l'adjudication, sans pouvoir prétendre bénéficier de la garantie d'achèvement réservée aux acquéreurs et sous-acquéreurs ; que cette garantie ne lui est pas transmise comme un accessoire de la chose vendue, s'agissant d'une garantie réservée à des acquéreurs déterminés dans le cadre d'une opération juridique spécifique que l'adjudicataire ne peut prétendre à la protection spéciale organisée en faveur des acquéreurs d'un vendeur défaillant tenu d'achever l'immeuble objet du contrat de vente en l'état futur d'achèvement; que l'adjudicataire n'est pas lié au vendeur, représenté par un liquidateur judiciaire, par un tel contrat comprenant cette garantie accessoire; que l'ouverture de crédit consentie par le garant ne peut être continuée dans l'hypothèse où l'acquéreur garanti est lui-même défaillant dans l'exécution de son obligation de payer le prix de son acquisition et dans l'hypothèse où par suite de la double défaillance, il n'y a pas eu poursuite de l'activité des défaillants sur autorisation du juge-commissaire aux fins de parvenir à l'achèvement des constructions;

Attendu qu'en l'espèce la S.A.R.L. DFR, marchand de biens, adjudicataire des droits immobiliers dont s'agit ( six lots de

co-propriété ) a acquis les constructions dans l'état de réalisation partielle où elles se trouvaient dans l'intention de les parachever pour les commercialiser; qu'elle avait été informée du refus de la Caisse régionale de donner suite à la garantie d'achèvement qu'elle avait donnée initialement dans le cadre de la vente en l'état futur d'achèvement passée avec la S.A.R.L. IPF; que la mise à prix sur adjudication avait été fixée à 2.000.OOO francs sans tenir compte à l'évidence d'un prétendu droit de créance d'un montant de 3.636.880,06 francs qui aurait correspondu à la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement et qui aurait bénéficié automatiquement pour cette valeur à l'adjudicataire; que la S.A.R.L. DFR ne peut donc prétendre que l'engagement de la Caisse régionale de payer pour le compte de la S.A.R.L. MIRA les sommes nécessaires à l'achèvement des lots de co-propriété lui a été transmis lorsqu'elle s'est rendue adjudicataire desdits droits immobiliers dans le cadre de la réalisation de l'actif de la S.A.R.L. IPF, qui avait, seule, conclu avec la S.A.R.L. MIRA un contrat de vente en l'état futur d'achèvement; que le jugement qui avait retenu que la garantie protectrice des acquéreurs n'était pas limitée à des acquéreurs dénommés mais était générale et pouvait bénéficier à quiconque dès lors que le vendeur-constructeur avait manqué à son obligation d'achever l'immeuble, doit être réformé et la S.A.R.L. DFR déboutée de sa demande; qu'il doit être tenu compte de la mise en liquidation judiciaire de la S.A.R.L. IPF et surtout de la liquidation de ses actifs auxquels n'est pas attachée une garantie spécifique conférée dans le cadre exclusif d'une vente en l'état futur d'achèvement;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 15.000 francs au titre des frais

exposés et non compris dans les dépens;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est comme régulier en la forme,

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, déboute la S.A.R.L. DFR de l'ensemble de ses demandes fondées sur la garantie d'achèvement.

Condamne la S.A.R.L. DFR à porter et payer la Caisse régionale sus-désignée la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L. DFR aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. BRONDEL et TUDELA, Avoués sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 1999/04087
Date de la décision : 26/04/2001

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Actif - Immeuble - Cession

La garantie financière extrinsèque donnée au profit d'un acquéreur ou sous-acquéreur sous forme d'ouverture de crédit, conformément à l'article R 261-21 du Code de la Construction , par un garant s'obligeant à payer pour le compte du vendeur-constructeur d'immeuble en l'état de futur achèvement, les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble, ne peut être mise en jeu qu'à l'occasion d'une vente de cette nature.La garantie instituée par la loi résultant de l'intervention à l'opération d'une banque ou d'un établissement financier habilité ne vaut que dans le cadre strict de cette vente.En cas de mise en liquidation judiciaire d'un acquéreur et de réalisation de son actif en application de l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L 622-16 du Code de Commerce, l'adjudicataire d'un immeuble, dépendant de l'actif liquidé, n'est pas substitué à l'acquéreur initial ou à un sous-acquéreur de l'immeuble vendu originairement en l'état futur achèvement, mais acquiert un immeuble dans l'état matériel où il se trouve au jour de l'adjudication sans pouvoir bénéficier de la garantie d'achèvement réservée aux acquéreurs et sous-acquéreurs. Cette garantie ne lui est pas transmise comme un accessoire de la chose vendue


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-04-26;1999.04087 ?
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