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20/02/2001 | FRANCE | N°2000/01556

France | France, Cour d'appel de Lyon, 20 février 2001, 2000/01556


N° RG : 2000/ 01556 La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de Maryvonne DULIN, président, Bernard SANTELLI, conseiller, Marjolaine MIRET, conseiller, assistés lors des débats tenus en audience non publique par Anne-Marie BENOIT, greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant Exposé du Litige Madame R X... et Monsieur X... Y... se sont mariés le 15 septembre 1995 devant l'officier de l'état civil de L'ARIANA (Tunisie). Par acte d'huissier du 19 janvier 1998,Madame X... a assigné son époux Monsieur Y... aux fins de voir déclarer

la nullité de leur mariage pour dol. Par décision du 22 octobre...

N° RG : 2000/ 01556 La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Lyon, composée lors des débats et du délibéré de Maryvonne DULIN, président, Bernard SANTELLI, conseiller, Marjolaine MIRET, conseiller, assistés lors des débats tenus en audience non publique par Anne-Marie BENOIT, greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant Exposé du Litige Madame R X... et Monsieur X... Y... se sont mariés le 15 septembre 1995 devant l'officier de l'état civil de L'ARIANA (Tunisie). Par acte d'huissier du 19 janvier 1998,Madame X... a assigné son époux Monsieur Y... aux fins de voir déclarer la nullité de leur mariage pour dol. Par décision du 22 octobre 1998, le tribunal de grande instance de Montbéliard a prononcé la nullité du mariage célébré le 15 septembre 1995 au motif que le consentement de Madame X... a été vicié, et dit qu'il sera fait mention du dispositif du présent jugement sur les actes d'état civil des intéressés, qui seront modifiés en conséquence. Par acte du 2 décembre 1998,Monsieur Y... a interjeté appel du jugement auprès de la Cour d'Appel de BESANOEON; il lui a demandé de se déclarer incompétente au profit du Tribunal de Grande Instance de BOURG en BRESSE dans la mesure où lui-même est domicilié dans l'Ain; subsidiairement, il a conclu au débouté de Madame X..., sollicitant l'application de la loi tunisienne, le mariage ayant été célébré en Tunisie. Il a contesté l'existence d'un vice du consentement au mariage, dès lors qu'il a d'abord abandonné son travail en Tunisie pour venir s'installer en France cher sa belle famille. et qu'il avait initialement l'intention de fonder un foyer. Madame X... a sollicité pour sa part la confirmation du Jugement du Tribunal de grande instance de Montbéliard du 22 octobre 1998 prononçant la nullité du mariage célébré le 15 septembre 1995 en Tunisie. Le Ministère Public a relevé que Madame X... a cité Monsieur Y... à l'adresse figurant sur sa carte de résident à défaut d'en connaître une autre, soutenant de plus que la Cour peut évoquer. Au fond, il a

conclu à la conlirmation du Jugement. Par arrêt du 29 février 2000, la Cour d'Appel de BESANOEON a infirmé du chef de la compétendé le jugement du Tribunal de Grande Instance de MONTBELIARD et a renvoyé devant la Cour d'Appel de LYON pour statuer sur le fond du litige. Le 12 décembre 2000, Monsieur Y... reprenant les arguments développés devant la Cour de BESANOEON, conclut à l'irrecevabilité de la demande en nullité fondée sur le droit français: les époux de nationalité tunisienne, s'étant mariés en Tunisie devant les autorités administratives tunisiennes, ne relèvent pas du droit français pour leur statut personnel. Il réclame en outre 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par conclusions du 27 décembre 2000, Madame X... concluant à la compétence des tribunaux français et àl'application de la loi française compte-tenu de sa nationalité française, demande confirmation du jugement entrepris. Par conclusions du 5 janvier 2001, Monsieur Y... demande le rejet des conclusions signifiées le 27 décembre 2000. L'affaire a été régulièrement communiquée au Ministère Public. qui a conclu à la confirmation du jugement du Tribunal de Grande Instance de Montbéliard le 22 mai 2000. Motifs de la décision: Sur le rejet Madame X... a signifié le 27 décembre 2000 des conclusions qui ne comportent qu'un paragraphe nouveau au sujet de la loi applicable. Aucune pièce nouvelle n'a été produite à cette date. La clôture n'est intervenue que le 5 janvier 2001, soit plus d'une semaine après. Compte-tenu de la nature de la question abordée que l'appelant s'était nécessairement posée antérieurement, d'autant qu'il n'a répondu aux précédentes conclusions de l'intimée en date du 18 septembre 2000 que le 12 décembre, ces conclusions ne seront pas rejetées. Sur la compétence des tribunaux français Conformément à l'article 14 du Code civil, un étranger, même non résident en France peut être cité devant les tribunaux français pour les obligations

contractées par lui à l'égard d' un étranger. Il résulte des pièces du dossier que Madame X..., sollicitant la nullité du mariage célébré en Tunisie avec Monsieur Y... de nationalité tunisienne, est de nationalité française. Le privilège de juridiction de l'article 14 du Code civil s'étend à toutes les matières à la seule exclusion des actions réelles immobilières et des demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger, ainsi que des demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France; cet article n'exclut pas l'état des personnes de son domaine d'application; il convient ainsi de reconnaître la compétence des tribunaux français pour prononcer la nullité d'un mariage. Sur la loi applicable Conformément à l'article 3 du Code civil, les conditions de validité au fond du mariage sont déterminées par la loi personnelle des époux; le défaut de consentement au mariage est un vice de fond; l'existence du consentement au mariage doit donc être appréciée au regard de la loi nationale de chacun des époux. Madame X..., sollicitant la nullité du mariage, est de nationalité française, et Monsieur Y..., son époux, de nationalité tunisienne; en application de ces dispositions, l'existence du consentement au mariage doit être examinée au regard de la loi française en ce qui concerne l'épouse, et de la loi tunisienne pour ce qui est du mari de nationalité tunisienne. Aux termes de l'article 146 du Code civil, il n'y a pas de mariage s'il n'y a point de consentement. Est assimilé au défaut de consentement le consentement dépourvu d'intention conjugale et de volonté de fonder un foyer, corollaire essentiel du mariage. Conformément à l'article 3 alinéa 1 du code du statut personnel tunisien, le mariage n'est formé que par le consentement des deux époux. Les articles 21 et 22 du même code prévoient qu'est frappé de nullité le mariage conclu en contravention du premier alinéa de l'article 3. Sur la nullité du mariage Les époux reconnaissent l'un comme l'autre n'avoir

jamais cohabité après le mariage célébré en Tunisie. Il ressort des pièces du dossier que Madame Y... n'est pas restée en Tunisie après leur mariage. Monsieur Y... reconnaît dans le procès-verbal d'audition n° 1584/98 de la Gendarmerie nationale pour enquête préliminaire dressé le 16 octobre 1998, être resté près d'un an en Tunisie après leur mariage, jusqu'à fin octobre 1996. De retour en France, il a commencé par séjourner chez son père avant d'aller voir son épouse; il n'a jamais cherché à revoir son épouse domiciliée à BETHONCOURT où elle a un emploi à durée indéterminé, sinon pour effectuer les formalités nécessaires à l'établissement de son titre de séjour. De même, il n'a jamais cherché à fonder un foyer commun avec son épouse; il reconnaît qu'après avoir fait un court séjour dans la famille de Madame X..., il a quitté la région de BETHONCOURT où habitait et travaillait son épouse, et n'est pas resté avec elle. Il dit n'avoir jamais vraiment vécu avec sa femme et n'avoir jamais habité seul avec elle. Il est retourné plusieurs fois en Tunisie sans sa femme et sans même l'avoir informée de ses déplacements qu'elle a appris par sa famille et par des amis. A l'exception de quelques jours en septembre 1997. Il n'établit pas avoir véritablement travaillé en France dans la région de BELLEGARDE où habite son père. Il reconnaît également que l'obtention d'un titre de séjour en France a été grandement facilitée par son mariage avec une Française. D'autre part les époux reconnaissent n'avoir jamais eu de relations conjugales ni de relations affectives intimes. Madame X... indique que, selon la tradition musulmane, le mariage ne pouvait être consommé qu'après la cérémonie religieuse qui n'a jamais eu lieu. Monsieur Y... s'est d'ailleurs comporté comme s'il n'était pas marié, ne rencontrant son épouse, Madame X... que dans des circonstances sans rapport avec le lien matrimonial qui les unissait. Le consentement de Madame X..., qui ne l'aurait pas donné si elle avait connu les intentions nullement

conjugales de son futur époux, a donc été vicié. II ressort de ces éléments que les parties ont contracté mariage sans véritable intention matrimoniale de la part du mari; il y a donc lieu de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Montbéliard du 22 octobre 1998, en ce qu'il a prononcé la nullité du mariage de Monsieur Y... et de Madame X..., célébré le 15 septembre 1995. Sur les frais et les dépens Monsieur Y... succombant en ses demandes sera condamné aux dépens. L'équité commande de condamner Monsieur Y... à payer la somme de 1.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par ces motifs, La Cour, Confirme la décision du tribunal de grande instance de Montbéliard en ce qu'il a prononcé la nullité du mariage célébré le 15 septembre 1995 entre Madame X... et Monsieur Y..., Condamne Monsieur Y... à payer 1.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Monsieur Y... aux dépens. Cet arrêt a été prononcé publiquement par le président, en présence du greffier, et signé par eux. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2000/01556
Date de la décision : 20/02/2001

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Privilège de juridiction.

Conformément à l'article 14 du Code civil, un étranger, même non résident en France, peut être cité devant les tribunaux français pour les obligations contractées par lui à l'égard d'un étranger. Le privilège de cet article s'étend à toutes les matières, et n'exclue pas l'état des personnes de son domaine d'application. Ainsi, des époux de nationalité tunisienne et française peuvent voir reconnaître la compétence des tribunaux français pour prononcer la nullité d'un mariage

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Mariage.

Conformément à l'article 3 du Code civil, les conditions de validité au fond du mariage sont déterminées par la loi personnelle des époux. Le défaut de consentement au mariage est un vice de fond et l'existence du consentement au mariage doit donc être appréciée au regard de la loi nationale de chacun des époux. Ainsi, l'époux de nationalité française, sollicitant la nullité du mariage est soumis aux dispositions de l'article 146 du Code civil, selon lequel il n'y a pas de mariage s'il n'y a point de consentement. Est assimilé au défaut de consentement, le consentement dépourvu d'intention conjugale et de volonté de fonder un foyer. Tandis que l'époux de nationalité tunisienne est sous le régime de l'article 3, alinéa 1, du Code de statut personnel tunisien, selon lequel le mariage n'est formé que par le consentement des deux époux. Un mariage conclu en contravention de cet article est frappé de nullité

MARIAGE - Nullité - Vice du consentement.

Doit être annulé le mariage des époux, qui reconnaissent l'un comme l'autre n'avoir jamais cohabité après la célébration du mariage, ni n'avoir jamais eu de relations conjugales ni de relations affectives intimes. En effet, le mariage a été contracté sans véritable intention matrimoniale de la part du mari. Le consentement de l'épouse a donc été vicié, elle ne l'aurait pas donné si elle avait connu les intentions conjugales de son futur époux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-02-20;2000.01556 ?
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