ORDONNANCE N°4
dossier N° RG 21/00109 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIIZU
M. [C] [J]
Représentant : Me Fabienne COGULET, avocat au barreau de LIMOGES
C/
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
Représentant : Me Mathieu PLAS, avocat au barreau de LIMOGES
En présence de MADAME LE PROCUREUR GENERAL
Indemnisation détention provisoire
LIMOGES, le 13 Septembre 2022,
Nous,Magalie ARQUIÉ, Conseillère, Secrétaire générale de la première présidence de la cour d'appel de LIMOGES, spécialement déléguée par le Premier Président, assistée de Jeanne Raïssa POUSSIN, greffier, a rendu l'ordonnance suivante, l'affaire ayant été appelée à l'audience du 05 Juillet 2022 à laquelle ont été entendus les conseils des parties, après quoi l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 06 septembre 2022, délibéré prorogé à ce jour :
ENTRE :
Monsieur [C] [J]
né le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 6] (19)
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représenté par Me Fabienne COGULET, avocat au barreau de LIMOGES
Demandeur à la requête en indemnisation de détention provisoire déposée le 02 décembre 2021
E T :
MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Mathieu PLAS, avocat au barreau de LIMOGES
EN PRÉSENCE DE :
MADAME LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIMOGES
[Adresse 2]
[Localité 7]
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EXPOSE DU LITIGE
M. [C] [J] a été placé en détention provisoire du 21 novembre 2014 au 2 janvier 2015, dans le cadre d'une information judiciaire pour laquelle il avait été mis en examen du chef de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur la personne de [O] [X] avec cette circonstance que les faits ont été commis sur un mineur de moins de 15 ans.
Le 29 mai 2019, la cour d'assises de la Corrèze l'a acquitté.
La cour d'assises de la Haute-Vienne statuant sur l'appel interjeté contre l'arrêt de la cour d'assises de la Corrèze par le parquet général, a acquitté M. [C] [J] par arrêt du 14 juin 2021.
M. [C] [J] a déposé le 2 décembre 2021 une requête devant le premier président de la cour d'appel de LIMOGES pour obtenir réparation de son préjudice. Il demande la somme de 935,28 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice moral, outre une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 5 juillet 2022, M. [C] [J] fait développer les demandes contenues dans sa requête du 2 décembre 2021 aux termes desquelles il maintient ses demandes et conclut à leur recevabilité, en faisant valoir que :
- l'acquittement étant définitivement acquis en vertu de l'article 572 du code de procédure pénale, nul besoin de produire un certificat de non pourvoi en l'espèce ;
- son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation, qu'il n'avait jamais été incarcéré auparavant et que le choc carcéral a été particulièrement violent, en raison de son très jeune âge, de ses traits de personnalité et des conditions de détention à la maison d'arrêt de [Localité 7].
L'agent judiciaire de l'Etat sollicite de la cour, sous réserve de justification d'un certificat de non pourvoi :
- accorder à M. [J] la somme de 6.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- principalement, rejeter la demande d'indemnisation au titre du préjudice économique, en l'absence de production d'un document émanant de Pôle emploi démontrant la suspension de l'allocation de retour à l'emploi au moment de son incarcération ; subsidiairement, limiter la demande présentée à la somme de 545,58 euros tenant compte du nombre de jours de détention provisoire injustifiée ;
- statuer ce que de droit sur la demande de M. [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, il expose que les prétentions formées au titre du préjudice moral sont excessives en ce qu'il ne fournit que peu d'éléments sur le retentissement psychologique spécifique à raison des difficultés rencontrées en détention, ni d'élément de preuve d'un ou plusieurs obstacles à l'organisation de visites avec sa famille.
Madame le procureur général demande à la cour de déclarer la requête recevable.
Sur le préjudice moral, elle demande que soient allouées à M. [C] [J] une somme de 4.300 à 6.000 € au titre du préjudice moral et une somme de 558,57 € au titre du préjudice matériel.
Madame le procureur général s'en remet quant à la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été mise en délibéré au 6 septembre 2022, délibéré prorogé au 13 septembre 2022.
MOTIFS
Sur la recevabilité
Il est avéré qu'à la date de la décision d'acquittement, le ministère public était seul titulaire du droit d'interjeter appel contre l'arrêt de la cour d'assises statuant en premier ressort en application des dispositions de l'article 572 ancien du code de procédure civile, de sorte que son caractère définitif est acquis.
Monsieur [J] ayant été incarcéré dans le cadre d'une procédure qui s'est terminée à son égard par une décision de relaxe, devenue définitive, il est recevable à solliciter, sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention, sa requête ayant été présentée le 2 décembre 2021, soit dans le délai légal de six mois à compter de la décision de relaxe.
Il convient en conséquence, de déclarer recevable la requête présentée par M. [C] [J].
Sur le préjudice moral
Au titre du préjudice moral, [C] [J] fait valoir la durée de détention injustifiée, son jeune âge lors de l'incarcération et le choc carcéral ressenti par une personne brutalement et injustement privée de liberté, pour demander une indemnisation qui ne saurait être inférieure à la somme de 20.000€.
Selon une jurisprudence constante, l'indemnisation du préjudice moral doit tenir compte de la durée de détention indemnisable, de la peine encourue pour les faits reprochés, des antécédents judiciaires du requérant, de l'âge du requérant, du choc carcéral ressenti, ainsi que des conditions de détention.
Par ailleurs, doivent être pris en compte, dans le calcul de la durée de la détention provisoire, le jour du placement en détention et le jour de la remise en liberté (CRD, 10 oct. 2011, no 10-CRD.079, Bull. crim. [CNRD] no 6).
Au cas d'espèce, le requérant est demeuré incarcéré du 21 novembre 2014 au 2 janvier 2015 à la maison d'arrêt de [Localité 7], soit une détention provisoire de 43 jours.
Au titre des facteurs d'aggravation de son préjudice, seront retenus :
- le jeune âge de M. [J], âgé de 18 ans et 5 mois lors de son incarcération ;
- l'absence de passé pénitentiaire le concernant ;
- le choc carcéral majeur que le juge d'instruction comme le juge des libertés et de la détention ont signalé le jour du placement en détention de M. [J] par un risque de passage à l'acte suicidaire, que l'expert psychologue mandaté par le juge d'instruction confirme expressément et objectivement lorsqu'il relève que l'incarcération ' a été un choc pour lui', et qui s'explique pour une large part par les traits de personnalité de Monsieur [J], révélés par l'enquêtrice de personnalité, celle-ci le décrivant comme 'une personne foncièrement gentille, incapable de méchanceté', 'un jeune adulte apprécié par son entourage pour sa gentillesse et sa serviabilité une façon pour lui de se faire aimer et surtout reconnaître'.
En conséquence, au regard de son très jeune âge, de l'absence d'antécédent judiciaire et du choc carcéral majeur occasionné sur la personne de M. [J] compte tenu de ses traits de personnalité, il lui sera alloué une somme de 9.000 euros en réparation du préjudice moral résulté de sa détention provisoire.
Sur le préjudice matériel
En raison des 43 jours de détention qu'il a purgés, Monsieur [J] a été empêché de percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il percevait à hauteur de 12,99 euros par jour.
Il n'est pas justifié qu'il aurait été privé du droit de percevoir cette allocation à compter de son élargissement et jusqu'au 31 janvier 2015.
Il convient donc de lui allouer une somme de 558,57 euros en réparation du préjudice matériel résultant de la non-perception de cette allocation pendant les 43 jours pendant lesquels il était incarcéré.
Sur la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est conforme d'accorder à M. [J] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile afin qu'il ne conserve pas à sa charge les frais non compris dans les dépens et nécessairement exposés au cours de l'instance. Ces frais seront supportés par le Trésor Public.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Magalie ARQUIÉ, déléguée du premier président, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
DECLARONS la requête recevable ;
ALLOUONS à Monsieur [C] [J] la somme de NEUF MILLE euros (9.000 €) en réparation de son préjudice moral ;
ALLOUONS à Monsieur [C] [J] la somme de CINQ CENT CINQUANTE HUIT EUROS CINQUANTE-SEPT CENTIMES (558,57 €) en réparation de son préjudice matériel ;
ALLOUONS également à Monsieur [C] [J] la somme de DEUX MILLE euros (2.000 €) en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
REJETTONS comme non fondées toutes autres conclusions contraires ou plus amples ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIERP/ LE PREMIER PRÉSIDENT
La Secrétaire Générale, déléguée à cette fin
Raïssa POUSSIN Magalie ARQUIE