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DOSSIER
N No RG 19/00001 - No Portalis DBV6-V-B7D-BH42Y COUR D'APPEL DE LIMOGES
ORDONNANCE DE REFERE
12 Février 2019Société SASU A...
c/
Madame V..., S... N...
Monsieur M... G...
LIMOGES, le 12 Février 2019
Monsieur Alain CARILLON, Conseiller à la Cour d'Appel de LIMOGES, spécialement désigné pour suppléer la Première Présidente légitimement empêchée, assisté de Madame Marie Claude LAINEZ, Greffier, a rendu l'ordonnance suivante, l'affaire ayant été appelée à l'audience du 05 Février 2019 à laquelle ont été entendus les conseils des parties, après quoi, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 12 Février 2019,
ENTRE :
Société SASU A... dont le siège social est [...] ,
Demanderesse au référé,
Représentée par Maître Mathieu LACHAISE de la SELARL LH AVOCATS, avocat au barreau de BRIVE,
ET :
1o- Madame V..., S... N..., née le [...] à SETE (34200)
de nationalité Française demeurant [...]
2o- Monsieur M... G..., né le [...] à MONTAUBAN (82000)
de nationalité Française, demeurant [...]
Défendeurs au référé,
Représentés par Maître Emmanuel GARRELON de la société AXIUM, avocat au barreau de BRIVE,
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EXPOSE DU LITIGE
Selon un jugement en date du 20 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Brive a, notamment :
déclaré la SASU A... contractuellement responsable des dommages subis par Mme V... N... et M. G... ;
condamné la SASU A... à leur payer 29.237,40 € TTC à titre de dommages et intérêts ;
condamné la SASU A... à leur payer 2.800 € au titre du préjudice de jouissance ;
condamné la SASU A... à leur payer 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SASU A... aux entiers dépens, y compris les frais de l'instance en référé et le coût de l'expertise ;
dit que la SARL Champeval devra garantie des condamnations frappant la SASU A... à hauteur de la moitié des sommes concernées ;
ordonné l'exécution provisoire.
La SASU A... a interjeté appel de cette décision selon une déclaration en date du 24/10/2018.
Par assignation en référé en date du 27/12/2018, la SASU A... sollicite l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision précitée, la condamnation de Mme V... N... et M. G... à lui payer 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux dépens.
A l'audience, la SASU A... maintient ses demandes en précisant que, subsidiairement, elle demande que la suspension de l'exécution provisoire soit accordée pour 6 mois.
A l'appui de ses demandes, elle soutient que :
l'exécution des condamnations entraînerait des conséquences manifestement excessives au regard de leur importance financière ;
Mme V... N... et M. G... ne disposent pas des ressources suffisantes pour procéder au remboursement des condamnations indûment acquittées en cas de réformation du jugement ;
elle doit faire face à plusieurs créances client impayées qui obèrent son niveau de trésorerie ;
elle dispose d'une trésorerie limitée en tant qu'entreprise familiale ;
les bénéfices générés au cours des trois dernières années ont diminué significativement ;
le paiement des sommes lui imposerait de procéder au licenciement économique d'un ou plusieurs salariés, voire de solliciter une mesure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce ;
la société Champeval qui a été condamnée à la garantir a cessé toute activité et ne présente aucune garantie de solvabilité.
En réponse et aux termes de leurs conclusions du 04/02/2019, Mme V... N... et M. G... demandent au Premier président de :
- débouter la SASU A... de ses demandes ;
subsidiairement,
- ordonner la consignation par la SASU A... de la somme de 34.537,40 € correspondant au montant des condamnations résultant du tribunal de grande instance de Brive du 20 juillet 2018 dont appel et ce, sur le compte CARPA de son conseil ;
plus subsidiairement,
- ordonner que la suspension de l'exécution provisoire soit limitée à 6 mois au maximum ;
- condamner la SASU A... à leur payer 2.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SASU A... aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, ils exposent que :
ils disposent des ressources suffisantes pour faire face à un éventuel remboursement ;
dès le mois de novembre 2015, elle était informée des désordres et aurait dû provisionner ce litige
l'attestation de l'expert comptable de la société montre une bonne santé financière de l'entreprise ;
l'insolvabilité de la société Champeval n'est pas établie. L'affaire a été mise en délibéré au 12 février 2019.
MOTIFS :
Sur la demande principale
L'article 524 du code de procédure civile dispose que, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1o Si elle est interdite par la loi ;
2o Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.
Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, il résulte de la nature du jugement du tribunal de grande instance de Brive du 20 juillet 2018 que l'exécution provisoire est ordonnée.
Dès lors, son arrêt suppose soit que l'exécution provisoire soit interdite par la loi, soit qu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Au soutien de son argumentation tendant à établir l'existence de conséquences manifestement excessives, la SASU A... produit :
deux attestations de son expert comptable, la société ACOREC, dont il résulte une stabilité du chiffre d'affaires et une baisse des bénéfices nets comptables de 18351 € en 2015 à 5264 € en 2017, l'expert comptable précise que, depuis le début de l'année 2018, il est constaté une diminution du chiffre d'affaires de 5% ; qu'en outre, l'état de la trésorerie ne lui permet pas de procéder au paiement d'une somme de 34815 €, sauf à mettre en péril la pérennité de la société et d'engendrer le licenciement d'une partie du personnel salarié de la structure ;
un relevé de compte faisant apparaître au 12 décembre 2018 un solde de - 536,74 €.
Cependant, il résulte des éléments du dossier que la SASU A... a connaissance du sinistre depuis la mise en demeure du 14 décembre 2015 et du risque de condamnation depuis l'assignation devant le tribunal de grande instance de Brive le 21 avril 2016. Ce risque de condamnation a été objectivé par le rapport d'expertise du 14 décembre 2016 qui caractérise l'existence d'une faute de la SASU A... et de son sous-traitant, la société Champeval. Dans ces conditions, il lui appartenait de provisionner les sommes nécessaires à la réparation du dommage.
Par ailleurs, si une baisse du chiffre d'affaires de l'ordre de 5% existe en 2018, ce chiffre d'affaires est demeuré stable au cours des trois années précédentes de sorte qu'il n'est pas établi une baisse significative.
En outre, à défaut de production du bilan de la société, il n'est pas possible de déterminer les causes de la baisse du bénéfice net, celui-ci pouvant résulter de causes étrangères à des difficultés économiques.
A cet égard, il apparaît notamment que la société a réalisé des investissements dans des locaux dont elle est nouvellement locataire nouveaux locaux et qu'elle dispose de créances clients non recouvrées.
Il n'y a pas lieu de faire peser sur Mme V... N... et M. G... la négligence de la SASU A... dans la provision des sommes nécessaires à la réparation du sinistre depuis 2015, ni les choix opérés par la société en ce qui concerne ses investissements ou son absence de recouvrement de créances.
En conséquence, il convient de considérer que la SASU A... est défaillante à établir l'existence de conséquences manifestement excessives et il convient de la débouter de sa demande tendant à arrêter l'exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Brive en date du 20 juillet 2018.
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Il apparaît conforme à l'équité de condamner la SASU A... à payer à Mme V... N... et M. G... la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SASU A..., partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens en accordant à Me Vayleux le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Première Présidente de la Cour d'appel de Limoges, statuant en audience publique, par ordonnance contradictoire et non susceptible de pourvoi,
Déboute la SASU A... de sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire résultant du jugement du tribunal de grande instance de Brive en date du 20 juillet 2018 ;
Condamne la SASU A... à payer à Mme V... N... et M. G... la somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU A... aux entiers dépens de la présente instance, en accordant à Me Jacques Vayleux le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie Claude LAINEZ. Alain CARILLON.