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24/06/2013 | FRANCE | N°13/00030

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre speciale des mineurs, 24 juin 2013, 13/00030


ARRET N.
RG N : 13/ 00030
AFFAIRE :
Mme Sylvie X...
M. Stéphane Y...
DIRECTION DE LA SOLIDARITE, M. Quentin Y..., ASSOCATION EDUCATIVE CREUSOISE DE LA JEUNESSE ET DE LA FAMILLE (AECJF)
CMS/ MCM

ASSISTANCE EDUCATIVE

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 JUIN 2013--- = = = oOo = = =---

A l'audience de la CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS de la COUR D'APPEL de LIMOGES du VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE TREIZE, l'arrêt suivant a été prononcé, en CHAMBRE DU CONSEIL, sur l'appel d'une décision rendue le 29 JAN

VIER 2013, par le JUGE DES ENFANTS DE GUERET.
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COMPOSITION DE LA C...

ARRET N.
RG N : 13/ 00030
AFFAIRE :
Mme Sylvie X...
M. Stéphane Y...
DIRECTION DE LA SOLIDARITE, M. Quentin Y..., ASSOCATION EDUCATIVE CREUSOISE DE LA JEUNESSE ET DE LA FAMILLE (AECJF)
CMS/ MCM

ASSISTANCE EDUCATIVE

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 JUIN 2013--- = = = oOo = = =---

A l'audience de la CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS de la COUR D'APPEL de LIMOGES du VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE TREIZE, l'arrêt suivant a été prononcé, en CHAMBRE DU CONSEIL, sur l'appel d'une décision rendue le 29 JANVIER 2013, par le JUGE DES ENFANTS DE GUERET.
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COMPOSITION DE LA COUR PRESIDENT : Eliane RENON, Conseiller, délégué à la Protection de l'enfance ; CONSEILLERS : Christine MISSOUX-SARTRAND et Gérard SOURY, MINISTERE PUBLIC : Jean-Michel DESSET, Avocat Général, GREFFIER : Marie-Christine MANAUD,

Le Président et les Conseillers sus-désignés en ayant seuls délibérés conformément à la Loi ;
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PARTIES DEVANT LA COUR
ENTRE :
Madame Sylvie X..., demeurant ...-23300 LA SOUTERRAINE COMPARANTE-assistée de Me Hélène MAZURE, avocat au barreau de CREUSE APPELANTE

ET :
Monsieur Stéphane Y..., SANS DOMICILE CONNU-
DIRECTION DE LA SOLIDARITE, demeurant 13, Rue Joseph Ducouret-BP 59-23011 GUERET CEDEX représentée par Madame Z... ;

ASSOCATION EDUCATIVE CREUSOISE DE LA JEUNESSE ET DE LA FAMILLE (AECJF), demeurant 8-10 Avenue Charles de Gaulle-BP 12-23001 GUERET NON COMPARANTE

EN PRESENCE DE :

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,
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DEROULEMENT DES DEBATS
A l'audience du 10 Juin 2013, en Chambre du Conseil, en présence de Quentin, assisté de son Conseil, Maître Maria COLOMB-AUDRAS, avocat au barreau de la Creuse et en présence de Monsieur Christophe B..., beau-père de Quentin ;
Madame le Conseiller MISSOUX-SARTRAND a été entendue en son rapport ;
Madame Z..., Madame X..., Monsieur B..., et Quentinont été entendus en leurs explications ;
Maître MAZURE et Maître COLOMB-AUDRAS, avocat, ont été entendus en leur plaidoirie ;
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions ;
Puis, l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 24 Juin 2013, Madame le Président en ayant avisé les parties.
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Quentin Y... est né le 24 novembre 1996.

Ses parents se sont séparés en 2001.
Son père Stéphane Y... est absent de la vie de Quentin depuis l'âge de 4 ans. Il est souvent hospitalisé et serait schizophrène.
Quant à la mère, Mme Sylvia X..., elle a refait sa vie avec Monsieur B... Christophe avec lequel elle a eu deux enfants : Alizée née en 2004 et Mathisné en 2006.
A l'arrivée de sa demi-soeur et son demi-frère, Quentin s'est senti exclu, et il est en grande demande affective auprès de sa mère qui ne répond pas à son attente comme il le souhaiterait, ce qui crée entre le fils et la mère des difficultés relationnelles et éducatives sérieuses : il n'existe aucune communication hormis les insultes et menaces de la mère auxquelles Quentin répond sur le même ton.
Au départ, M. B... qui élève depuis 2001 Quentin, et après avoir eu avec l'enfant, une relation sereine et avoir servi de médiateur entre la mère et le fils, a abdiqué du fait du comportement de Quentin.
La famille vit en outre dans une grande précarité financière et matérielle où le quotidien semble vide, sans vie.
Par ailleurs, Quentina des difficultés scolaires qui ne sont pas liés à ses capacités, mais à ses problèmes personnels. Il est en échec scolaire et souvent absent, il a également des problèmes de comportement.
La famille résidant à cette époque-là en région parisienne, le juge des enfants de BOBIGNY sera saisi dès 2002, et mettra en place une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), puis se dessaisira au profit du juge des enfants de GUERET, dans le département de la Creuse où la famille est venue s'installer à LA SOUTERRAINE.
Parallèlement, le 2 juillet suivant, une ordonnance du juge aux affaires familiales de BRIVE confiera à la mère l'autorité parentale exclusive sur Quentin.

La mesure d'AEMO sera levée le 2 juillet 2004, les intervenants ayant noté un apaisement entre la mère et le fils et un léger mieux de Quentin.

Cependant, le 27 janvier 2010, l'inspection Académique fera un signalement au parquet concernant Quentin portant sur son absentéisme scolaire et ses problèmes de comportement, qui saisira le juge des enfants. Une enquête sociale sera ordonnée et confiée à l'AECJF de la Creuse suite à laquelle une mesure d'AEMO sera à nouveau instaurée.
Cette mesure poursuivait un triple objectif :
- instaurer un tiers médiateur entre la mère et le fils pour éviter la rupture, et travailler sur le sentiment de rejet que ressentait Quentin qui, finalement, fragilise l'ensemble de la cellule familiale,
- soutenir Quentin dans son développement personnel en lui offrant un espace de parole et de dialogue avec un référent éducatif, comprenant également un travail par rapport à son père qui n'apparaît dans la vie de l'enfant que de façon épistolaire,
- étayer Quentindans sa scolarité.
Un rapport faisant le point de la situation au 31 janvier 2012, relatait que Madame X... avait enfin trouvé du travail, mais était du même coup, moins disponible pour les rencontres avec les intervenants sociaux, mais pas seulement, car il est apparu également, qu'elle supportait de plus en plus mal le comportement de son fils, et n'était que très difficilement joignable, voir pas du tout.
Depuis la rentrée 2011, Quentin était scolarisé en 3ème DP6 au LEP de BOURGANEUF en qualité d'interne, choix qui avait été envisagé pour mettre une distance entre la mère et le fils. Dans le cadre de sa scolarité, il a obtenu un stage en entreprise à la Mairie, mais ne s'y est rendu que le 1er jour.
Son absentéisme scolaire est toujours relevé ainsi que ses problèmes de comportement qu'il attribue au statut de l'internat qu'il ne supporte pas.
Quentin, notent les intervenants sociaux, paraît livré à lui-même et se situe dans une forte errance affective, toujours en difficulté dans la relation avec sa mère, chacun se positionnant sur un mode agressif, au point que Quentin au cours des échanges, peut être atteint de tremblements et peut frapper les murs au point de se fracturer une phalange. Il dira même que lors de ces crises, il peut avoir des pertes de mémoires.
Les échanges entre eux restent pauvres, et les seuls moments de répit qui existent se situent lorsque la mère et le fils ne se parlent pas.
Mme X... avoue être impuissante face à Quentin qu'elle avoue gifler, tout comme elle admettra qu'elle crie toujours. Quant à M. B..., il est à bout.
Les mesures d'AEMO n'ayant pas apporté, semble-t-il, la solution escomptée dans les relations intrafamiliales, le juge des enfants relevait dans sa décision de renouvellement d'AEMO prise le 8 février 2012, que Quentin était toujours en nettes difficultés scolaires, où il était noté comme absent et présentant des problèmes de comportement importants qui avaient généré des sanctions à répétition de la part de l'établissement scolaire.
Le juge notait également des tensions significatives dépassant le simple cadre de conflits habituels entre adultes (mère-beau-père) et adolescent, qui surviennent sur un mode cyclique, avec des périodes de conflit très fort, puis des périodes de calme, la relation mère-fils n'étant pas encore stabilisée.
Quentin s'absente souvent du domicile parental.
Face à cette situation qui ne progresse pas, le juge des enfants va clairement avertir de l'éventualité d'un placement si l'ensemble des parties ne faisait pas plus d'efforts avec les intervenants sociaux pour faire évoluer les relations intrafamiliales.
Le 22 janvier 2013, l'AECJF de la Creuse déposait un rapport alarmant sur le comportement de Quentin.
Scolarisé à la rentrée 2012 au lycée professionnel de SAINT VAURY en CAP mécanique, il ne supporte pas l'internat, est en demande forte pour rentrer chez lui, les enseignants sont inquiets, il frappe les murs, est pris de tremblements. Son absentéisme s'est aggravé, pas moins d'une centaine de demi-journée d'absences en quatre mois. La mère demeure injoignable, et renvoie les absences à la responsabilité de Quentin.
Quentin veut changer d'orientation et revenir en 3ème générale, car il est en quête de normalité sur tous les plans.
Finalement, une orientation au PRIAQ (Pôle de remédiation d'Insertion et d'Accès à la qualification) au lycée Jean Favard lui a été proposée, avec comme impératif, l'internat, ce qu'il a accepté.
Déjà, le jour de la rentrée, aucune affaire n'était prête pour les cours, ni pour l'internat, sa mère ne veillant sur rien, appelant Quentin a être autonome.
Des les premières semaines de scolarisation, l'absentéisme de Quentin a recommencé. En outre, n'était produit aucun document nécessaire à l'inscription au brevet, et sa mère toujours injoignable, alors que son contrat de travail a pris fin, et devrait être plus disponible. En outre, l'établissement soupçonne Quentin de faire rentrer du cannabis.
Selon la grand-mère, Quentin serait triste, en colère après sa mère qui " n'en a rien à faire de lui ", la mère le mettrait dehors certains soirs, le contraignant à dormir chez des amis.
Quentin, relève l'éducateur, se situe dans une fuite en avant, il ne peut exprimer ses angoisses, est livré à lui-même au prétexte d'autonomie distillée par la mère, tandis que cette dernière est empêtrée dans une situation familiale et financière particulièrement difficile ne laissant pas de place à la prise en charge de l'enfant, ainsi que pour répondre à la quête affective de Quentin.
Le juge des enfants par une décision du 29 janvier 2013, ordonnait le placement de Quentin à effet au plus tard le 1er mars 2013 auprès de la Direction de la Solidarité de la Creuse, ordonnait le renouvellement de la mesure d'AEMO qu'il confiait cette fois-ci à l'Association éducative creusoise de la jeunesse et de la famille, accordait un droit de visite à la mère à organiser avec le service gardien et sous le contrôle de celui-ci, et suspendait le droit de visite du père.
Mme Sylvie X... a relevé appel de cette décision.
Le pôle jeunesse et solidarité déposait un rapport le 31 mai 2013, actualisant la situation de Quentin, qui se dégrade de plus en plus.
Il ne parle pas, se réfugie dans son monde, ne participe pas aux activités proposées dans sa famille d'accueil, pose des problèmes avec les autres jeunes placés.
Il adopte en fait une attitude passive désagréable à vivre. Il fugue en permanence de sa famille d'accueil.
Sur le plan scolaire, il ne coopère pas davantage, mais en outre déstabilise la classe, et une consommation voir une vente de haschich est suspectée. Il n'effectue pas les stages proposés dans le cadre de sa formation. Il ne veut pas déjeuner au self du lycée et déjeune en ville. Il fugue de l'internat régulièrement.
Interrogé sur son comportement, il nie tout en bloc-tout va bien dans ce lycée-c'est lui la victime. Il demande l'identité des personnes qui ont relaté ces incidents et se montre alors menaçant et violent.
Quant à sa famille il l'a décrit " comme tout le monde ", il nie les problèmes financiers qu'il estime être " comme chez tout le monde ".
Il conteste avec sa mère et M. B..., le fait que son père ne serait pas présent dans sa vie, même si on lui fait remarquer que le service ne possède pas son adresse, qui a été enfin retrouvé dans le service psychiatrique de l'hôpital de BRIVE, dans lequel ce dernier séjourne très souvent. Personne ne savait qu'il ne disposait pas de droit de visite sur son fils Quentin car ce dernier sollicitait des permissions pour aller donner de l'argent à son fils, et disait être hébergé chez son ex-femme. La question que se pose le service est de savoir si M. Y... ne rencontre pas son fils lors de ces permissions.
Quentinfugue du lycée, de l'internat, de chez sa famille d'accueil, il refuse de dire où il passe les nuits, il est une fois retrouvé chez sa mère par la gendarmerie. Il est en conflit avec ses camarades, a de multiples emprunts non remboursés, etc...
Mme X... et M. B... se présentent comme les parents de Quentin, investis, mais ne semblent pas tout percevoir. Ils sont dans le déni des soucis éducatifs passés et pensent que tout rentrera dans l'ordre si Quentin rentre au domicile.
L'équipe éducative est très préoccupée par l'état psychologique de Quentin, et se demande malgré un investissement massif de l'équipe éducative, s'ils ont les moyens de venir en aide à Quentin, qui malgré tout, est d'accord pour consulter un psychiatre.
Le service indique que Quentin est profondément malheureux du fait de ce placement, et les intervenants sont dans l'incapacité de lui venir en aide et de régler la situation. Il a un sentiment de rejet, est en quête affective et trouve sa place nulle part. Il est d'accord pour rencontrer le psychologue et a déjà deux rendez-vous programmés.

Mme X... pense que ce placement intervient trop tard, que Quentin n'a pas investi sa famille d'accueil. Elle souhaite qu'il soit mis fin à ce placement tout en étant consciente que la relation mère-fils doit être travaillée.
M. B... qui s'est toujours investi auprès de Quentin a tenu à être présent. Il explique que Quentin s'est senti abandonné à la naissance de sa demi-soeur et de son demi-frère, et qu'il compare d'ailleurs, toujours sa situation à la leur : " il est interne, mais pas eux, il s'en va dans une famille d'accueil, mais pas eux ". Quentin veut revenir chez sa mère.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu que le placement de Quentin a été effectif le 1er février ; que depuis, Quentin a démontré qu'il n'adhérait pas à cette mesure et que sa seule volonté était de revenir chez sa mère ;
Qu'il résulte de la situation familiale actuelle, de l'investissement de M. B... auprès de Quentin, de l'attachement réel de la mère pour Quentin, que la notion de danger n'existe plus ;
Que la mainlevée du placement doit en conséquence être ordonnée ;
Que le jugement entrepris sera réformé.

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PAR CES MOTIFS-- = oO § Oo =--

LA COUR
Statuant en Chambre du Conseil, après accomplissement des formalités de convocation prévues par l'article 1195 du nouveau code de procédure civile ;
ORDONNE la mainlevée de la mesure de placement du mineur Quentin Y... et la remise à sa mère Madame Sylvie X....

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Marie-Christine MANAUD. Eliane RENON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre speciale des mineurs
Numéro d'arrêt : 13/00030
Date de la décision : 24/06/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2013-06-24;13.00030 ?
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