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17/12/2012 | FRANCE | N°12/00055

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre speciale des mineurs, 17 décembre 2012, 12/00055


ARRET N.
RG N : 12/ 55-12/ 59
AFFAIRE :
M. Roland Marie Pierre X...
Mme Aina Y...épouse X...
DEPARTEMENT DE LA CORREZE-SERVICE DE L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE, Melle Iriana X..., M. Geoffrey X..., MADAME LE JUGE DES ENFANTS
ER/ MCM

ASSISTANCE EDUCATIVE

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS--- = = oOo = =--- ARRET DU 17 DECEMBRE 2012--- = = = oOo = = =---

Le DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE, l'arrêt suivant a été rendu par mise à disposition des parties au greffe, sur les appels des décisions prononcées le 12 SEPTEMBRE 2012, pa

r le JUGE DES ENFANTS DE LIMOGES et 17 septembre 2012 par le JUGE DES ENFANTS de BRIVE-la-...

ARRET N.
RG N : 12/ 55-12/ 59
AFFAIRE :
M. Roland Marie Pierre X...
Mme Aina Y...épouse X...
DEPARTEMENT DE LA CORREZE-SERVICE DE L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE, Melle Iriana X..., M. Geoffrey X..., MADAME LE JUGE DES ENFANTS
ER/ MCM

ASSISTANCE EDUCATIVE

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS--- = = oOo = =--- ARRET DU 17 DECEMBRE 2012--- = = = oOo = = =---

Le DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE, l'arrêt suivant a été rendu par mise à disposition des parties au greffe, sur les appels des décisions prononcées le 12 SEPTEMBRE 2012, par le JUGE DES ENFANTS DE LIMOGES et 17 septembre 2012 par le JUGE DES ENFANTS de BRIVE-la-GAILLARDE.
--- = = oO § Oo = =---
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE PRESIDENT : Eliane RENON, Conseiller, délégué à la Protection de l'enfance ; CONSEILLERS : Christine MISSOUX-SARTRAND et Gérard SOURY MINISTERE PUBLIC : Odile de FRITSCH, Substitut Général, GREFFIER : Marie-Christine MANAUD,

Le Président et les Conseillers sus-désignés en ayant seuls délibérés conformément à la Loi ;
--- = = oO § Oo = =---
PARTIES DEVANT LA COUR
ENTRE :
Monsieur Roland Marie Pierre X..., demeurant ...-87000 LIMOGES COMPARANT-assisté de Me Bertrand VILLETTE, avocat au barreau de LIMOGES APPELANT

ET :
Madame Aina Y...épouse X..., demeurant ...19310 BRIGNAC LA PLAINE COMPARANTE-assistée de Me Eric VALLERON, avocat au barreau de LIMOGES

DEPARTEMENT DE LA CORREZE-SERVICE DE L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE, demeurant Hôtel du Département Marbot-B. P. 199-19055 TULLE CEDEX représentée par Madame A... ;

EN PRESENCE DE :

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,
--- = = oO § Oo = =---
DEROULEMENT DES DEBATS
A l'audience du 03 Décembre 2012, en Chambre du Conseil, en présence de Maître Lise Nadine MOREAU, Avocat, conseils des mineurs Iriana et Geoffrey ;
Madame le Président a été entendue en son rapport ;
Monsieur X...et Madame Y...ont été entendus en leurs explications ;
Madame A... a été entendue en ses explications ;
Maître VILLETTE, Maître VALLERON et Maître MOREAU, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie ;
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions ;
Puis, à l'issue des débats, avis a été donné aux parties par Madame le Président que la décision serait rendue le 17 Décembre 2012, par mise à disposition au greffe de la COUR.
--- ooOoo---
En février 2007 la DISSD a signalé la situation des mineurs Iriana et Geoffrey X...nés respectivement le 20 février 2002 et le 25 décembre 2004 dont la mère était accueillie depuis le 19 octobre 2006 à la résidence mère/ enfants suite à des violences conjugales ; une procédure de divorce était engagée et l'ordonnance de non-conciliation intervenue le 9 novembre 2006 avait fixé la résidence des enfants chez la mère et accordé au père un droit de visite deux heures par mois au Trait d'Union ;
Il était noté dans le signalement que M. X..., tout en admettant avoir eu des comportements agressifs depuis qu'il suivait un traitement, s'estimait victime d'un complot ourdi par sa femme, sa belle-mère et la société pour le priver de ses enfants, qu'il essayait diverses stratégies pour continuer à porter un regard sur la vie de sa famille, utilisant les enfants pour se rapprocher de la mère laquelle, bien qu'ayant pris de l'assurance, était déstabilisée par l'attitude de son mari qui la décrivait comme déséquilibrée ; aucun dysfonctionnement grave n'était constaté chez les enfants, seule Iriana étant dans un conflit de loyauté important ;
Les conclusions de la mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE) ordonnée le 5 avril 2007 étaient les suivantes : " M. X...est potentiellement insécurisant pour ses enfants voire dangereux dans ce qu'il peut leur renvoyer, notamment à Iriana sur le plan fantasmatique ; Mme X...est quant à elle dégagée de l'emprise psychologique de son mari mais veille, en dépit de ce qu'elle a subi, à ne pas ternir l'image du père et la qualité des liens mère/ enfant est notable ; Dans ce contexte et malgré la protection de leur mère, les enfants donnent à voir des signes anxiogènes importants lorsqu'il est question de leur père qu'ils aient à en entendre parler ou à le rencontrer ; Une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) est nécessaire pour faire tiers dans la relation père/ enfants " ;

Les éléments les plus intéressants étaient contenus dans le rapport psychologique qui faisait apparaître-que M. X...présentait des troubles d'ordre psychopathologique caractérisés par de fortes tendances interprétatives et projectives d'allure paranoïaques et n'émettait aucune critique vis à vis de son propre comportement-que Mme X...était soucieuse pour ses enfants et craignait tant les violences de leur père que l'impact des propos qu'il pouvait leur tenir-que les enfants n'étaient pas en danger avec leur mère mais le seraient avec leur père surtout sur le plan psychologique au point que des contacts prolongés et non médiatisés étaient déconseillés-qu'une vigilance toute particulière s'imposait pour Iriana en raison de l'impact anxieux de ses contacts avec son père et de ce que celui-ci laissait entendre d'une problématique incestueuse non résolue dans son psychisme "

Par jugement rendu le 22 octobre 2007 le juge des enfants a instauré pour un an une mesure d'AEMO confiée à l'ALSEA et cette décision a été confirmée par arrêt du 26 février 2008 ;
La note du 21 avril 2008 ne relève pas d'évolution notable dans la situation familiale, la mère trouvant son principal soutien auprès de son ami et de la famille de celui-ci et le père attendant de la mesure éducative le changement de positionnement de la justice face à ses droits de visite et d'hébergement ;
Iriana est en grande difficulté scolaire, se montre agitée et angoissée ; Geoffrey est attaché à ses parents et évoque beaucoup son entourage quotidien ; Il est nécessaire de travailler auprès de chacun des parents afin que les besoins des enfants soient respectés ;

La note du 29 août 2008 souligne que grâce à l'encadrement strict du droit de visite paternel et à l'attachement montré par M. X...à ses enfants, la situation globale de la famille s'est beaucoup apaisée mais peut être remise en cause par le déménagement en Corrèze de Mme Y...ce qui fait que l'équilibre reste fragile ;
Le bilan psycho social ordonné par la cour d'appel dans le cadre de la procédure de divorce se conclut ainsi : Malgré une séparation de deux ans, le conflit qui oppose les époux est toujours aussi violent et alimente les procédures judiciaires qui se succèdent au détriment de l'organisation de la co-parentalité ; M. X...est déterminé à faire valoir ses droits même si pour cela il doit apporter la preuve des carences maternelles mais ne s'interroge pas sur les conséquences de son propre comportement ou de son discours auprès des enfants ; il ne supporte pas de ne plus pouvoir imposer ses directives à la mère et de voir qu'elle peut vivre sans lui ; L'attitude des deux parents génère chez les enfants une importante angoisse se manifestant par des problèmes de comportement les mettant en difficultés dans les apprentissages scolaires ; Il est indispensable de maintenir la mesure éducative associée impérativement à une prise en charge psychothérapique ;

Par jugement en date du 22 janvier 2009 la mesure d'AEMO a été renouvelée pour un an et le droit de visite de M. X...étendu à 4 heures tous les quinze jours avec possibilité de sortir du Trait d'Union après un échange avec le personnel et un temps de pause avec les enfants, une extension pouvant être envisagée au bout de trois mois et cette décision a été confirmée par arrêt du 11 mai 2009 ;
Par jugement du 17 septembre 2010 et alors que la mère et les enfants résidaient en Corrèze, le juge des enfants de Limoges a renouvelé pour un an la mesure d'AEMO et dit que le droit de visite du père s'exercera un samedi sur deux de 12 h à 18 h avec passage par le Trait d'Union, retenant que la mesure éducative était encore nécessaire pour encadrer les éventuels débordements de M. X..., et rassurer la mère et les enfants mais qu'en l'absence d'incident, une extension du droit de visite du père pouvait être envisagée ;
Par ordonnance en date du 23 septembre 2011 le juge des enfants a dit n'y avoir lieu au renouvellement de la mesure d'AEMO et a ordonné une mesure d'IOE en disant que le droit de visite et d'hébergement du père s'exercerait un samedi sur deux, M. X...venant chercher ses enfants à 11 h au Lien et mme Y...les reprenant à 18 h au Trait d'Union, modalités qui ont eu du mal à se mettre en oeuvre ;
Le 3 février 2012 l'aide sociale à l'enfance de la Corrèze a établi une note d'information préoccupante consistant en la transmission d'un courrier de M. X...daté du 25 novembre 2011 mais parvenu au service le 10 février 2012 signalant le mal être de ses enfants qui avaient été changés d'école sans qu'il en soit avisé, seraient instrumentalisés et harcelés, entourés d'adultes à la moralité douteuse ;
Les conclusions de l'IOE sont les suivantes : * la mère démontre qu'elle se mobilise pour le bien des enfants ; si elle ne s'oppose pas aux relations avec le père, elle se questionne quant à leur sécurité et aimerait qu'un suivi extérieur se mette en place afin de l'accompagner dans ses contacts avec le père * Geoffrey et Iriana ont besoin de ses contacts mais ne verbalisent pas le souhait de voir davantage leur père ; ils ont besoin de repères stables et sécurisants pour se construire * M. X...démontre par ses agissements qu'il est toujours en conflit avec la mère et fait tout pour lui nuire et il convient de s'interroger quant à la sécurité qu'il peut apporter à de jeunes enfants * les visites médiatisées actuelles doivent être maintenues pour protéger les enfants

Iriana s'exprime peu malgré ses dix ans et certaines réactions ou certains propos de son père semblent avoir crée des interrogations voire de l'anxiété ; elle a besoin d'évoluer dans un milieu stable et sécurisant pour ne pas se disperser et paraît avoir trouvé ses repères au sein de sa nouvelle famille et les temps passés auprès de son père lui conviennent et lui suffisent ;
Geoffrey parle spontanément de ce qui se passe aussi bien chez son père que chez sa mère mais il perçoit un déséquilibre entre sa soeur et lui vis à vis du père ; il l'aime mais n'est pas demandeur de temps plus longs avec lui ;
Le psychologue a estimé indispensable le maintien des modalités du droit de visite de M. X..., toute extension étant source d'angoisse pour les enfants ; il a noté que la pathologie de celui-ci brouillait un certain nombre de repère pour eux ; qu'ils éprouvaient de l'affection et pouvaient expérimenter des moments relationnels positifs à condition que les visites soient courtes et que le père sache que les enfants demeurent sous la protection de la justice ;
Par jugement rendu le 12 septembre 2012 le Juge des enfants a instauré pour un an une mesure d'AEMO au profit de Iriana et Geoffrey X...en donnant délégation de compétence au Juge des enfants de Brive pour désigner le service en charge de cette mesure, s'est dessaisi au profit de ce même Juge des enfants et a dit que le droit de visite paternel s'exercerait un samedi sur deux de 10 h à 18 h avec passage des enfants au Lien et par jugement du 17 septembre 2012 le Juge des enfants de Brive a désigné le département de la Corrèze pour l'exercice de la mesure d'AEMO ;
M. X...a régulièrement relevé appel de la décision du 12 septembre 2012 du Juge des Enfants de LIMOGES et de celle du 17 septembre 2012 du Juge des Enfants de BRIVE-la-GAILLARDE ;
A l'audience les parties sont invitées à présenter leurs observations sur la question de la compétence du juge des enfants pour fixer un droit de visite au profit du père ;
M. X...sollicite la réformation du jugement quant à son droit de visite dont il revendique l'extension avec suppression du passage par Le Lien ; il explique souhaiter avoir accès à ses enfants et leur consacrer un minimum de temps alors que sa situation financière ne lui permet pas de se rendre à Brive ; il indique que le juge aux affaires familiales lui a, en prononçant le divorce des époux et fixé la résidence des enfants au domicile de la mère, accordé un droit de visite un samedi sur deux de 10 h à 18 h au Trait d'Union lequel ne peut s'exercer en l'état compte tenu du déménagement de la famille en Corrèze ;
Mme Y...est en faveur de la confirmation du jugement déféré, faisant valoir que l'absence d'extension du droit de visite de M. X...n'est due qu'à son comportement et à son absence de remise en cause ;
Me Moreau intervenant pour les mineurs insiste sur leur souffrance et indique qu'Iriana voudrait passer plus de temps avec son père sans toutefois aller jusqu'à un week end complet ;
La représentante du département note que la mise en oeuvre de la mesure d'AEMO est récente mais a permis de mettre en évidence la difficulté des parents à communiquer et le conflit de loyauté dans lequel évolue les enfants ;
Le Ministère Public est entendu en ses réquisitions tendant à voir la Cour réformer la décision déférée en ce qu'elle a statué sur le droit de visite du père ;
SUR CE
La persistance de la mésentente parentale et le conflit de loyauté qu'elle engendre chez les enfants avec toute la souffrance inhérente justifient l'instauration de la mesure d'AEMO même s'il est constant que les enfants ne sont pas en danger auprès de leur mère afin de leur offrir un espace de parole ;
Le dessaisissement au profit du juge des enfants de Brive est légitime compte tenu du lieu de résidence habituel des enfants ;
L'article 375-3 du code civil dispose que lorsqu'une procédure de divorce ou une instance en vue de statuer sur la résidence des enfants et les droits de visite afférents est en cours ou qu'une décision a été rendue, le juge des enfants ne peut intervenir que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour les enfants est intervenu ;
Il n'a donc qu'une compétence résiduelle pour statuer sur le droit de visite du parent chez lequel la résidence des enfants n'est pas fixée et peut soit constater l'accord des parents soit fixer les modalités de ce droit qu'à titre provisoire en attendant la décision du juge aux affaires familiales ;
En l'espèce en persistant à statuer sur le droit de visite de M. X..., le juge des enfants a excédé sa compétence de sorte que la décision doit être infirmée et les parties renvoyées devant le juge aux affaires familiales dont la décision antérieure reste applicable ;

--- ooOoo--- PAR CES MOTIFS-- = oO § Oo =--

LA COUR,

après accomplissement des formalités de convocation prévues par l'article 1195 du nouveau code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Ordonne la jonction des procédures 12/ 55 et 12/ 59 ;
REÇOIT M. X...en ses appels ;
INFIRME le jugement du 12 septembre 2012 en ce que le juge des enfants de LIMOGES a excédé sa compétence en statuant sur le droit de visite de M. X...qui relève de la seule compétence du juge aux affaires familiales ;
LE CONFIRME pour le surplus,

et CONFIRME le jugement du 17 septembre 2012 rendu par le Juge des Enfants de BRIVE.- la-GAILLARDE.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Marie-Christine MANAUD. Eliane RENON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre speciale des mineurs
Numéro d'arrêt : 12/00055
Date de la décision : 17/12/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2012-12-17;12.00055 ?
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