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22/05/2008 | FRANCE | N°06/552

France | France, Cour d'appel de Limoges, 22 mai 2008, 06/552


RG N : 06/00552 AFFAIRE :

SA CM-CIC LEASE, SARL MONT DE LA COSTE

C/

SA SOMIVAL, SA MADEFRIGOR

Exécution de travaux

Grosse délivrée à la SCP Coudamy

COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

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ARRET DU 22 MAI 2008
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Le VINGT DEUX MAI DEUX MILLE HUIT la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe

ENTRE :

SA CM-CIC LEASE
48, rue des Petits Champs - 75856 PARIS

représentée par la SCP COUDA

MY, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe CLARISSOU, avocat au barreau de TULLE

SARL MONT DE LA COSTE
ZAC de l'Empereur - 19200 USS...

RG N : 06/00552 AFFAIRE :

SA CM-CIC LEASE, SARL MONT DE LA COSTE

C/

SA SOMIVAL, SA MADEFRIGOR

Exécution de travaux

Grosse délivrée à la SCP Coudamy

COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

---===oOo===---
ARRET DU 22 MAI 2008
---===oOo===---

Le VINGT DEUX MAI DEUX MILLE HUIT la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe

ENTRE :

SA CM-CIC LEASE
48, rue des Petits Champs - 75856 PARIS

représentée par la SCP COUDAMY, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe CLARISSOU, avocat au barreau de TULLE

SARL MONT DE LA COSTE
ZAC de l'Empereur - 19200 USSEL

représentée par la SCP COUDAMY, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe CLARISSOU, avocat au barreau de TULLE

APPELANTES d'un jugement rendu le 19 JANVIER 2006 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TULLE

ET :

SA SOMIVAL
46, Bd Pasteur - 63001 CLERMONT FERRAND CEDEX

représentée par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour
assistée de Me Maryvonne MURAT, avocat au barreau de BRIVE

SA MADEFRIGOR
Via Ugo Foscolo 5 - 22070 ROVELLO PORRO - ITALIE

représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour
assistée de Me Michel TALLENT, avocat au barreau de LYON

INTIMEES

L'affaire a été fixée à l'audience du 03 Avril 2008, après ordonnance de clôture rendue le 12 septembre 2007, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Mme JEAN, Président, a été entendu en son rapport, Maîtres CLARISSOU, MURAT et TALLENT, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.

Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 22 Mai 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

La S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE, filiale du groupe CA Agro-alimentaire, qui souhaitait acquérir une autonomie de production en saucisson et jambon sec, a sollicité l'intervention de la société SICOMI (dite BATICENTRE) et des travaux de réalisation d'une usine ont été entrepris dans la zone industrielle de l'Empereur à USSEL, la société SICOMI intervenant en qualité de crédit bailleur maître de l'ouvrage tandis que la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE, crédit preneur, intervenait comme maître de l'ouvrage délégué ; la société SOMIVAL recevait quant à elle une mission de maîtrise d'ouvrage transitoire et une mission de maîtrise d'oeuvre qu'elle partageait avec l'architecte BAUDRY ; les différents lots étaient confiés à des entreprises diverses, le lot étuvage-séchage notamment, objet du présent litige, étant confié à une entreprise italienne la société MADEFRIGOR.

Suite à des difficultés consécutives aux travaux réalisés par la société MADEFRIGOR un audit technique était réalisé par l'ADIV à l'issue duquel un accord intervenait le 10 décembre 1997 ; il était ainsi décidé le déplacement des séchoirs et étuves, la réalisation d'une plate-forme, le partage par moitié entre MADEFRIGOR et la société LE MONT DE LA COSTE du surcoût.
Estimant que le fonctionnement des séchoirs et étuves posaient toujours difficulté, la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE obtenait le 25 septembre 1998 du Tribunal de Commerce de TULLE une ordonnance qui l'autorisait à modifier l'installation MADEFRIGOR et désignait M. C... en qualité d'expert pour assister à ces opérations. La S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE assignait par ailleurs en référé les différentes parties ayant participé à la construction et M . C... était désigné en qualité d'expert afin notamment de dire s'il existait des malfaçons et de rechercher les responsabilités encourues.
M. C... déposait son rapport le 8 octobre 1999 et la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE saisissait le 23 juin 2000 le Tribunal de commerce au fond d'une action dirigée contre la plupart des intervenants, tendant à obtenir, en fonction de la part de responsabilité revenant à chacun, la somme de 2.211.020,14 F HT. L'architecte BAUDRY ayant soulevé l'incompétence du Tribunal de Commerce, celui-ci se déclarait incompétent par jugement du 6 décembre 2001 et renvoyait l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance de TULLE qui, par décision du 3 avril 2003 déboutait la S.A.R.L. MONT DE LA COSTE.

La société SOCOMI introduisait alors devant le Tribunal de Grande Instance de TULLE une action à l'encontre des sociétés SOMIVAL et MADEFRIGOR et la société CM-CIC LEASE, venant aux droits de la société SOCOMI a repris l'instance.

Le Tribunal de Grande Instance de TULLE, sur exception d'incompétence soulevée par MADEFRIGOR et SOMIVAL, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce de TULLE devant lequel l'affaire a été renvoyée et qui a, par la décision du 19 janvier 2006, objet de la procédure d'appel :

- écarté l'exception d'irrecevabilité soulevée par MADEFRIGOR,

- mis hors de cause la société SOMIVAL,

- condamné MADEFRIGOR à payer à CM-CIC LEASE la somme de 75.520 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné MADEFRIGOR à payer à la société LE MONT DE LA COSTE la somme de 20.322,97 € avec intérêts à compter de l'arrêt,

- condamné CM-CIC LEASE à payer à MADERFRIGOR la somme de 55.796,34 € avec intérêts de droit à compter de l'arrêt au titre du solde du marché,

- condamné enfin MADEFRIGOR à payer à CM-CIC LEASE la somme de3.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les sociétés CM-CICI LEASE et MONT DE LA COSTE ont interjeté appel de cette décision.

Les dernières écritures des parties ont été déposées les 27 août 2007 par la SA CM-CICI LEASE et LA S.A.R.L. MONT DE LA COSTE, 5 septembre 2007 par la société de droit italien MADEFRIGOR et 12 septembre 2007 par la SA SOMIVAL.

Les appelantes reprochent aux premiers juges d'avoir mis hors de cause la société SOMIVAL et d'avoir réduit sans motif valable le montant du préjudice ; elles sollicitent en conséquence la condamnation solidaire de SOMIVAL et MADEFRIGOR à payer à la société CM-CIC LEASE la somme de 176.344,65 € HT telle que chiffrée par l'expert ainsi que la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; subsidiairement elles demandent à la Cour de dire que ces sommes sont dues non à CM-CIC LEASE mais à la société LE MONT DE LA COSTE.

Elles se référent aux conclusions de l'expert qui a mis en exergue la responsabilité de MADEFRIGOR qu'elle demande à la Cour de constater sur un fondement contractuel qui, selon elle, n'a pas été envisagé par le Tribunal de Grande Instance dans sa décision précédente et fait valoir que cette société a manqué à son obligation de résultat de livrer des travaux conformes à leur destination ; s'agissant de la société SOMIVAL elles estiment que celle-ci avait une mission de maîtrise d'oeuvre globale et qu'elle a failli à sa mission, comme il ressort du rapport de l'expert qui relève l'absence d'isolation des combles, les difficultés de fourniture électrique et l'absence de coordination des interventions des entreprises ; elle conteste à cet égard les dires de SOMIVAL selon lesquels elle n'aurait eu qu'une mission incomplète de maîtrise d'oeuvre observant que, au contraire, le contrat de maîtrise d'ouvrage transitoire lui confie la réalisation de l"ensemble des ouvrages et équipements définis.

Sur le montant du préjudice, elles soutiennent que les premiers juges ne pouvaient pas aller en deçà des sommes retenues par l'expert, ce d'autant que le montant admis par celui-ci ne les indemnise que partiellement des travaux de reprise qui se sont avérés nécessaires et dont elles justifient.

La société MADEFRIGOR conclut à la réformation de la décision déférée sauf en ce qu'elle a condamné la société CM-CIC LEASE à lui payer le solde de son marché ; elle forme par ailleurs appel incident pour obtenir paiement de la somme de 45.734,71 € en réparation du préjudice moral et commercial subi par elle en raison des conditions de réalisation du chantier ; elle réclame enfin paiement d'une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle remet en cause en premier lieu les conditions dans lesquelles est intervenu le rapport d'expertise alors qu'une précédente ordonnance avait ordonné, ce qui était en cours lors de l'expertise, le démontage de ses installations.

Elles fait valoir en second lieu que par une décision définitive le Tribunal de Grande Instance de TULLE a débouté la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE qui, selon elle, est désormais irrecevable à réclamer, personnellement ou par l'intermédiaire de la société CM-CIC LEASE, indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi.

Elle critique en troisième lieu les conclusions de l'expert judiciaire qui, selon elle, n'a effectué aucun travail d'analyse de la situation se contentant de reprendre les conclusions de son concurrent, la société CLAUGER, intervenant pour le compte de la société LE MONT DE LA COSTE en vue d'enlever ses propres installations ; elle ajoute qu'en tout cas sa faute n'est nullement démontrée dès lors qu'elle a respecté le cahier des charges qui lui avaient été soumis alors que le maître de l'ouvrage, qui a exclu la société MADEFRIGOR de la conception de l'usine, l'a obligé à mettre ses installations dans les combles qui n'avaient pas été prévu à cet effet, qu'il s'est révélé par la suite que les combles n'étaient pas isolées ce qui a provoqué des dysfonctionnements dont elle ne s'estime pas responsable, que la tension de 380 volts prévue dans le cahier des charges n'a pas été constante ensuite de difficultés EDF qui étaient connues mais dont personne ne l'a avertie, que le maître de l'ouvrage ne lui a pas confié la maintenance et s'est adressé à une société incompétente pour ce faire.

La société MADEFRIGOR fait observer enfin que les sociétés appelantes réclament en tout cas paiement de sommes qui ne peuvent être mises à sa charge telles les factures CLAUGER relatives à l'automatisme et celles relatives à l'installation frigorifique que l'expert avait limité à certains composants, d'autres factures relevant encore de la seule maintenance qu'elle n'assurait pas et relèvent en tout cas du coût d'exploitation de la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE, qui est irrecevable en ses demandes pour les motifs ci avant invoqués.

La société SOMIVAL invite la Cour à confirmer le jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause et sollicite la condamnation de la société CM- CIC LEASE à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle s'associe aux demandes de la société MADEFRIGOR tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de la S.A.R.L. MONT DE LA COSTE, déboutée par le Tribunal de Grande Instance à l'occasion d'une décision devenue définitive, stigmatise également la carence de l'expert, enfin fait observer que, comme l'a jugé le tribunal, sa maîtrise d'oeuvre était limitée à la partie bâtiment, le lot étuvage séchage étant assuré, dans le cadre d'une mission de conception réalisation, par la société MADEFRIGOR qui devait seule assurer en conséquence tant la maîtrise d'oeuvre que la coordination de ses travaux ; elle remarque d'ailleurs à cet égard qu'elle n' a perçu aucune rémunération s'agissant de la partie étuvage-séchage et que le PV d'accord signé ensuite de l'audit n'a pas prévu son intervention dans le surcoût de l'opération.

Elle ajoute, sur la nature des responsabilités, que le litige se situe dans le domaine du process et non du bâtiment, qu'il n'existe pas de présomption de responsabilité, que sa faute doit en conséquence être prouvée ce qui n'est pas le cas de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée.

S'agissant du préjudice, elle fait valoir que CM CIC LEASE n'établit aucun préjudice personnel et ne pourra qu'être déboutée, la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE ayant elle même été déboutée par décison définitive du Tribunal de Grande Instance de TULLE.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'ACTION DES SOCIÉTÉS LE MONT DE LA COSTE ET CMC LEASE A L'ENCONTRE DES SOCIÉTÉS SOMIVAL ET MADEFRIGOR

Sur la recevabilité

Attendu que sans remettre en cause l'option prise par les sociétés LE MONT DE LA COSTE et CM CIC LEASE de mettre en oeuvre leur responsabilité sur un fondement contractuel, les sociétés SOMIVAL et MADEFRIGOR soutiennent que l'action de la société LE MONT DE LA COSTE se heurte à l'autorité de chose jugée ; que les appelantes le contestent au motif que le tribunal de grande instance de TULLE, dans sa décision du 3 avril 2003, n'a pas envisagé la demande de la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE sur le fondement contractuel qu'elles invoquent désormais ;

Attendu cependant que par cette décision, dont il n'est ni justifié ni allégué qu'elle ne serait pas définitive, le Tribunal de Grande Instance de TULLE, saisi par la société LE MONT DE LA COSTE d'une action tendant à la réparation par les constructeurs, notamment les sociétés MADEFRIGOR et SOMIVAL, de son préjudice suite aux dysfonctionnements de la partie étuvage-séchage de l'usine a, après avoir fait observer que la société LE MONT DE LA COSTE ne précisait pas le fondement sur lequel elle entendait agir, envisagé la responsabilité des défenderesses tant sur le fondement décennal que sur celui des responsabilités contractuelle et quasi délictuelle ; que la société LE MONT DE LA COSTE ayant été déboutée de ses demandes se trouve en conséquence irrecevable à agir ; que celles-ci se heurtent en effet à l'autorité de chose jugée ;

Attendu en revanche que la société CM CIC LEASE, maître de l'ouvrage, est recevable en son action tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle subit ensuite des dysfonctionnements liés au lot étuvage-séchage ; qu'il importe peu à cet égard que les factures qu'elle produit, qui seront analysées plus avant, aient été réglées par la S.A.R.L. LE MONT DE LA COSTE ; que les accords qui ont pu intervenir entre les sociétés CM CIC LEASE et MONT DE LA COSTE sont inopposables en effet aux sociétés SOMIVAL et MADEFRIGOR qui, au cas où leur responsabilité serait consacrée, sont tenus d'indemniser le maître de l'ouvrage des désordres afférents à la construction ;

Sur le bien-fondé de l'action de la société CM CIC LEASE

Attendu que le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sont tenus d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage ; qu'ils ne peuvent s'exonérer en conséquence de la responsabilité qu'ils encourent qu'en établissant l'existence d'une cause étrangère; que le maître d'oeuvre peut toujours, toutefois, renverser la présomption de fait que les désordres relèvent de sa mission par la preuve contraire ; qu'en ce cas sa responsabilité ne peut être engagée, le lien contractuel ne s'étendant pas au delà de la mission confiée au maître d'oeuvre ;

Attendu que l'expert a vaqué à ses opérations et déposé un rapport que rien ne justifie d'écarter ; que la modification de l'installation en présence de l'expert avait été en effet autorisée par le juge des référés ; que la circonstance que l'expert a procédé à la visite des lieux en présence d'un concurrent de la société MADEFRIGOR n'est pas par ailleurs en soi la preuve qu'il a manqué d'objectivité ; que ses conclusions reprennent d'ailleurs, pour l'essentiel, celles de l'ADIV qui avait été sollicitée pour donner son avis sur les dysfonctionnements ;

Attendu que l'expert, après avoir constaté l'existence des désordres, a conclu de la façon suivante :

"Au niveau de la conception :

L'installation frigorifique a été un peu sous-dimensionnée surtout au niveau :
- de la puissance des condensateurs,
- des bouteilles de liquides.
De plus elle a été installée dans les combles, sans vérifier si ces derniers allaient être réellement isolés thermiquement ou non avec les risques de surchauffes éventuels en été. Il y a un défaut de coordination durant les études.

La demande d'informations au niveau des caractéristiques de l'électricité en France, passant de 380 V à 410 V progressivement a été insuffisante. D'où l'utilisation d'équipements mal adaptés (moteurs...)

L'utilisation d'une informatique fragile en particulier les EPROMS

Au niveau de la réalisation :

Le bâtiment était construit et voyant que la toiture des combles n'était pas isolée thermiquement, MADEFRIGOR n'aurait pas dû poser les condensateurs dessous. Ainsi, il y a eu de fortes surchauffes dans les combles qui :
- ont fait utiliser les condensateurs avec un faible rendement, les rendant trop sous-dimensionnés,
- ont fait fonctionner les compresseurs dans de mauvaise conditions :
- de température trop forte,
- de température de fluide trop haute, provoquant en particulier de violents retour de liquide et qui les cassa,
- ont augmenté les déperditions dans les cellules faisant augmenter d'autant les besoins de froid et la fatigue de l'installation,
- le réseau aéraulique a été réalisé sans permettre d'obtenir les débits prévus.
De plus les volets d'air se bloquaient, les moteurs grillaient.

- l'installation frigorifique a quelques défauts :
- les anticycles courts automatiques ne fonctionnent pas correctement,
- les vannes pressostatiques d'huile sont mal branchées électriquement,
- les condenseurs sont un peu sous-dimensionnés, même après avoir été mis à l'extérieur, en particulier pour les séchoirs,
- les bonbonnes de liquide sont trop petites et il serait sage de poser des bouteilles anti-coup de liquide,
- une fois les défauts principaux repris un réglage fin général est à faire pour bien coller à l'usage réel de l'installation,
- l'installation informatique s'avère bien fragile. Les EPROMS sont peu fiables dans le temps bloquant le fonctionnement de toute l'installation MADEFRIGOR et la production de l'usine."

Attendu que l'expert, eu égard à ses constatations, a considéré que la part la plus importante de responsabilité incombait à la société MADEFRIGOR qui a conçu l'installation et l'a réalisée ; qu'il a estimé toutefois qu'une part notable de responsabilité incombait à SOMIVAL qui était monteur de l'opération, maître d'oeuvre et maître d'ouvrage transitoire, retenant encore une part minime de responsabilité d'autres intervenants dans l'acte de construire et du maître de l'ouvrage ;

Attendu toutefois que le tribunal de commerce a écarté la responsabilité de la société SOMIVAL après avoir estimé qu'il ressortait des documents contractuels que le maître d'oeuvre s'était dégagé de sa responsabilité contractuelle concernant la conception des étuves et séchoirs et leur bon fonctionnement ;

Attendu certes que la convention de maîtrise d'ouvrage transitoire signée le 29 novembre 1995 entre SOMIVAL, la SICOMI devenue CM CMC LEASE et la société LE MONT DE LA COSTE prévoit expressément, s'agissant de la mission de maîtrise d'oeuvre, en nota bene, " pour les parties - étuves-séchoirs - , la mission de maîtrise d'oeuvre s'entend hors définition, dimensionnements et obligations de résultat qui restent de la responsabilité des fournisseurs " ; que s'il en ressort que l'entrepreneur seul est tenu d'une obligation de résultat pour tous dommages qui seraient liés au procédé conçu et mis en place par la société MADEFRIGOR, il ne s'en déduit nullement toutefois que le maître d'oeuvre n'était pas tenu d'assurer pour ce lot particulier, comme pour tous les autres, sa mission générale de suivi du chantier ;

Or attendu que s'il est vrai que la société MADEFRIGOR ne justifie d'aucune réserve avant les travaux ou pendant leur exécution sur l'absence d'isolation des combles et les conséquences qui pouvaient en résulter sur la fiabilité de son installation de sorte que le maître d'oeuvre s'est de fait trouvé dans l'impossibilité de les connaître et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier, force est de constater qu'il n'apparaît pas que MADEFRIGOR ait été avisée de ce que le voltage normalement prévu de 380 V était susceptible d'évoluer jusqu'à 400, 410 V ; que si l'expert relève dans son rapport que les défauts de fonctionnement de l'informatique ne paraissent pas venir d'un défaut de qualité de l'électricité, il indique toutefois que le changement de nombreux moteurs, volets, ventilation provenait principalement d'une mauvaise mise à la terre, expliquant, dans ses conclusions, que l'information a été insuffisante, ce qui a entraîné l'utilisation d'équipements mal adaptés ; que l'influence du survoltage du courant fourni par EDF dans le cadre du dysfonctionnement de l'installation mise en oeuvre par la société MADEFRIGOR ne peut en conséquence être écartée,

Et attendu qu'il appartenait bien au maître d'oeuvre dans le cadre de sa mission de suivi des opérations de construction d'attirer l'attention de l'entrepreneur sur cette difficulté ; que la circonstance qu'il n'avait pas les compétences nécessaires pour apprécier la fiabilité du process d'étuvage-séchage envisagé et mis en place par l'entrepreneur, qui a justifié la clause précédemment visée, ne l'exonérait nullement en revanche du surplus de ses obligations ; que le maître d'oeuvre n'aurait-il pas eu les compétences nécessaires pour apprécier lui même l'influence d'un survoltage, se devait en tout cas, au vu des caractéristiques techniques contenues dans la confirmation de commande qui prévoyait un voltage de 380 V, de porter cette information à la connaissance de l'entrepreneur compétent ;

Attendu ainsi que le maître d'oeuvre ne peut prétendre que les désordres ne relèvent pas, au moins en partie, de la mission qui lui avait été confiée ; que c'est à tort en conséquence que le tribunal a mis hors de cause la société SOMIVAL dont la responsabilité ne peut qu'être engagée pour l'ensemble des malfaçons ; qu'il est difficile en effet d'appréhender la mesure exacte des conséquences des variations de courant sur la fiabilité de l'installation ; que le manquement du maître d'oeuvre à ses obligations contractuelles est à l'origine en tout cas de l'entier dommage qui trouve sa source dans les dysfonctionnements récurrents de l'installation ;

Attendu enfin que l'entrepreneur, tenu d'une obligation de résultat, ne s'en exonère pas par la preuve d'une cause étrangère ; que sa responsabilité se trouve dès lors engagée ;

Attendu ainsi que la Cour réformera le jugement déféré pour condamner in solidum les sociétés SOMIVAL et MADEFRIGOR à réparer l'entier préjudice subi par la CM CIC LEASE ;

Sur le préjudice

Attendu que le tribunal a fixé à 75.520 € le préjudice subi par la société CM CIC LEASE ; qu'il a estimé à cet égard qu'il n'y avait pas lieu de retenir l'intégralité de la somme de 151.041,54 € HT , visée par l'expert au titre des travaux réalisés pour remettre en marche les installations, dans la mesure où ces travaux comprennent des changements complets, notamment des systèmes informatiques, qu'il serait, selon lui, inéquitable de mettre à la charge de la société MADEFRIGOR ; que la société CM CIC LEASE demande à la Cour de fixer à 176.344,65 € son préjudice qu'elle indique limiter aux sommes étudiés et vérifiées par l'expert ; que les sociétés MADEFRIGOR et SODIMAT contestent en revanche le montant des sommes réclamées ;

Attendu que l'expert a expressément prévu dans son rapport de changer l'installation informatique compte tenu de la longue période de réglage sans obtenir de résultat fiable et de l'urgence actuelle ; que la Cour ne peut que confirmer cette appréciation en observant que les dysfonctionnements répétés mettait en jeu la pérennité de l'entreprise ; que les modifications de l'installation frigorifique effectuées apparaissent par ailleurs conformes aux préconisations de l'expert ; que le poste électricité est justifié dès lors que les installations nécessaires ont été à tort omises dans les devis initiaux au mépris de l'obligation de conseil des constructeurs; que s'il est constant enfin que des opérations de maintenance sont normalement nécessaires pour toute installation de ce type, les factures intitulées par l'expert " exploitation/entretien" apparaissent toutefois en relation directe avec les dysfonctionnement du système et doivent en conséquence être prises en charge au titre de la réparation des malfaçons ;

Attendu que la Cour retiendra en conséquence intégralement la demande de la société CM CIC LEASE tendant à voir fixer son préjudice à la somme de 176.344,65 € ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIÉTÉ MADEFRIGOR

Attendu que la société MADEFRIGOR est fondée à réclamer à la société CM CIC LEASE paiement du solde des travaux ; que la société CM CIC LEASE sera condamnée en conséquence à payer à la société MADEFRIGOR la somme de 55.796,34 € ;

SUR LE SURPLUS

Attendu qu'il convient d'ordonner la compensation des créances respectives des parties ;

Attendu que l'issue de ce litige conduit à débouter la société MADEFRIGOR, reconnue responsable du préjudice subi par la société CM CIC LEASE, de sa demande en dommages et intérêts ;

Attendu enfin que le même motif justifie la condamnation des sociétés MADEFRIGOR et SOMIVAL, qui seront in solidum condamnées aux dépens, au paiement à la société CM CIC LEASE de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REFORME le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DÉCLARE IRRECEVABLE l'action engagée par la société LE MONT DE LA COSTE,

CONDAMNE les sociétés SOMIVAL et MADEFRIGOR in solidum à payer à la société CM CIC LEASE la somme de 176.344,65 €,

CONDAMNE la société CM CIC LEASE à payer à la société MADEFRIGOR la somme de 55.796,34 €,

ORDONNE la compensation entre les créances respectives des sociétés CM CIC LEASE et LE MONT DE LA COSTE,

DÉBOUTE les parties du surplus de leur demande,

CONDAMNE in solidum les sociétés MADEFRIGOR et SOMIVAL à payer à la société CM CIC LEASE la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés SOMIVAL et MADEFRIGOR aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Numéro d'arrêt : 06/552
Date de la décision : 22/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-22;06.552 ?
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