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19/12/2007 | FRANCE | N°890

France | France, Cour d'appel de Limoges, Ct0038, 19 décembre 2007, 890


ARRET N
RG N : 06/01407
AFFAIRE :
S.A. EGGER ROL
C/
S.A.S. DOUMEN

JL/iB

rupture de contrat - indemnisation de préjudice

grosse délivrée à la SCP COUDAMY, avoué
COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION---==oOo==---ARRET DU 19 DECEMBRE 2007---===oOo===---
Le DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE SEPT la CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :
S.A. EGGER ROLdont le siège social est Usine de Rion - 40370 RION DES LANDES

représentée par la SC

P COUDAMY, avoués à la Courassistée de Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE d'un jugement r...

ARRET N
RG N : 06/01407
AFFAIRE :
S.A. EGGER ROL
C/
S.A.S. DOUMEN

JL/iB

rupture de contrat - indemnisation de préjudice

grosse délivrée à la SCP COUDAMY, avoué
COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION---==oOo==---ARRET DU 19 DECEMBRE 2007---===oOo===---
Le DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE SEPT la CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :
S.A. EGGER ROLdont le siège social est Usine de Rion - 40370 RION DES LANDES

représentée par la SCP COUDAMY, avoués à la Courassistée de Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE d'un jugement rendu le 24 AVRIL 2002 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIORT

ET :
S.A.S. DOUMENdont le siège social est Avenue Benoit Frachon - 24750 BOULAZAC

représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Courassistée de Me Bernard CADIOT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE
---==oO§Oo==---
SUR RENVOI DE CASSATION : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIORT EN DATE DU 24 AVRIL 2002 - ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE POITIERS EN DATE DU 29 JUIN 2004 - ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION EN DATE DU 26 SEPTEMBRE 2006.

L'affaire a été fixée à l'audience du 21 Novembre 2007 par application des dispositions de l'article 910 du nouveau code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseillers, assistés de Madame Régine GAUCHER, Greffier. A cette audience, Monsieur le Président a été entendu en son rapport, Maîtres MAZINGUE et CADIOT, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.

Puis Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Décembre 2007 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
---==oO§Oo==---LA COUR---==oO§Oo==---

Aux termes d'une convention dénommée PROTOCOLE DE TRANSPORT conclue le 4 décembre 1992 par la société ROL DECO d'une part et les sociétés TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, TRANSPORTS GAMBA Père et fils, TRANSPORTS DOUMEN et SOCIETE NOUVELLE COFRATIR, d'autre part, dénommées le Pool des Transporteurs dans l'acte et représentées à la signature de l'acte par la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, la société ROL DECO s'est engagée à confier au Pool des Transporteurs une partie du transport de ses produits et à réaliser pendant cinq ans un chiffre d'affaires de 21.800.000 francs les trois premières années, de 12.500.000 francs minimum la quatrième année et 6.300.000 francs la cinquième année.

Par une convention signée le 14 décembre 2002, les sociétés TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, TRANSPORTS DOUMEN et SOCIETE NOUVELLE COFRATIR se sont réparti entre elles chiffre d'affaires.
La société EGGER ROL est venue par la suite aux droits de la société ROL DECO.
La société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a adressé le 22 décembre 1994 à la société EGGER ROL un courrier recommandé avec accusé de réception comportant le passage suivant :
"En acquérant le fonds de commerce de la société ROL DECO, vous vous êtes engagés à assurer ses engagements issus des conventions du 4 décembre 1992, comme vous l'admettez dans votre correspondance du 28 juillet 1994.
J'ai pourtant constaté qu'à compter de votre intervention dans la société ROL DECO, le chiffre d'affaires confié au pool des transporteurs a chuté dans des proportions très importantes pour être inexistant depuis trois mois, et de ce fait, mes collègues et moi-même sommes très lourdement pénalisés par votre attitude.
Je suis contraint aujourd'hui de constater que de fait, vous avez rompu la convention du 4 décembre 1992 et c'est dans ces conditions que je fait application des dispositions de l'article 13 pour en matérialiser la résiliation.
Dans la mesure où vous n'exécuteriez pas vos engagements contractuels dans le délai d'un mois, en réparant le préjudice subi par votre fait au cours de l'année 1994, je serais contraint de saisir le tribunal compétent pour le voir appliquer d'une part, la garantie contractuelle de maintien du chiffre d'affaires, et d'autre part, le voir sanctionner la rupture du contrat par des dommages et intérêts réparant notre entier préjudice."
La société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a, par exploit du 30 janvier 1995, assigné la société EGGER ROL devant le tribunal de commerce de NIORT aux fins de la voir déclarer seule responsable de la rupture et condamner à lui payer 7.600.000 francs pour le manque à gagner sur le chiffre d'affaires et 5.000.000 francs en réparation de son préjudice patrimonial.
Par jugement du 31 janvier 1996, le tribunal de commerce de NIORT a condamné la société EGGER ROL à payer la somme de 4.500.000 francs à la société TRANSPORTS BAUDOUIN MORTIER. Sur appel de la société EGGER ROL, ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour d'appel de POITIERS en date du 27 1998.
La société EGGER ROL a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, qui a été rejeté le 15 mai 2001.
La société DOUMEN a, par exploit du 28 décembre 1998, assigné la société EGGER ROL devant le tribunal de commerce de NIORT aux fins de voir constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société EGGER ROL par l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS en date du 27 octobre 1998 et condamner celle-ci à lui payer 3.000.000 francs en réparation de son préjudice et 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société EGGER ROL a conclu au débouté de la demande.
Par jugement du 24 avril 2002, le tribunal de commerce de NIORT a condamné la société EGGER ROL à payer à la société DOUMEN 380.000 euros à titre de dommages et intérêts et 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société EGGER ROL a relevé appel de ce jugement et par arrêt du 29 juin 2004 la cour d'appel de POITIERS a débouté la société DOUMEN de sa demande. Sur un pourvoi de la société DOUMEN, la cour de cassation a, par arrêt du 26 septembre 2006, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS au visa de l'article 4 du code civil au motif qu'en refusant d'évaluer un préjudice dont elle avait constaté l'existence, elle a violé le texte susvisé.
La cour d'appel de LIMOGES, qui avait été désignée comme juridiction de renvoi, a été saisie le 31 octobre 2006.
Par écritures déposés en dernier lieu le 5 octobre 2007, la société EGGER ROL conclut au débouté de la demande de la société DOUMEN et réclame à l'encontre de celle-ci le remboursement de la somme de 380.000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle elle a été réglée et le paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions.
A aucun moment pendant la durée de la convention, la société DOUMEN n'a fait valoir une quelconque prétention et elle ne s'est manifestée qu'un an après son expiration. La demande de résolution est irrecevable en l'absence de mise en demeure préalable. La résiliation notifiée le 22 décembre 1994 ne visait que les seuls intérêts de la société BAUDOUIN-MORTIER, et n'a pas l'autorité de la chose jugée à son égard. L'accord du 4 décembre 1992 ne comporte aucune disposition instituant une quelconque solidarité entre les entreprises de transport. La société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER n'a reçu aucun mandat des autres sociétés pour procéder éventuellement à la résiliation du contrat et elle n'a agi que pour son compte. En l'absence de toute réclamation, aucune faute et donc aucun dommage ne peuvent être reprochés à la société EGGER ROL pendant les cinq années d'exécution de la convention. La société DOUMEN n'avait pas l'obligation de transporter du fret provenant de la société EGGER ROL et il n'est pas certain qu'elle aurait accepté celui que lui aurait confié la société EGGER ni qu'elle aurait eu la disponibilité en personnel et en matériel pour le prendre en charge. Seule la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a réalisé des investissements en personnel et en matériel en vue de l'exécution du contrat, compte tenu de ses relations historiques avec la société ROL, à qui elle a acheté 524.000 francs de matériel et repris des contrats de travail représentant 2.295.615 francs de salaires bruts. La société DOUMEN n'établit pas avoir réalisé des investissements et embauché du personnel en vue de l'exécution du contrat. En revanche, son chiffre a progressé. Elle n'a d'ailleurs pas cessé de faire du chiffre d'affaires avec les sociétés ROL.
Par écritures déposées en dernier lieu le 23 octobre 2007, la société DOUMEN conclut à la confirmation du jugement et réclame 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en exposant l'argumentation suivante.
La société EGGER ROL n'a pas simplement réduit les ordres de fret, elle n'en a plus confié un seul à compter du mois d'octobre 1994 et a donc sciemment violé les termes du protocole d'accord du 4 décembre 1992. La résiliation a bien été faite au nom du Pool des Transporteurs et non au seul bénéfice de la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER.

Bien que le contrat ne comporte pas le terme de solidarité, les quatre sociétés de transport sont dénommées "Le Pool des transporteurs" et l'article 7 a désigné la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER pour faire exécuter le protocole par les sociétés, coordonner les transports entre les membres et apporter le meilleur service à l'ensemble des usines. Le manquement contractuel de la société EGGER ROL est acquis à l'égard de chaque membre du pool des transporteurs. La société DOUMEN peut donc se prévaloir de l'imputation de la rupture et réclamer l'indemnisation de son préjudice, lequel est la perte de chance de réaliser le chiffre d'affaires garanti pendant les cinq années du contrat. Le chiffre d'affaires non réalisé par la société DOUMEN sur cinq ans est de 1.397.640,50 euros. Elle avait affecté à l'exécution du contrat 26 véhicules pour le transport national et 3 pour l'exportation à temps complet. Les remorques achetées ont été conditionnées pour transporter les marchandises spécifiques produites par la société EGGER ROL. Les usines du groupe ROL étaient situées dans des endroits non industriels et souvent isolés et les tarifs en tenaient compte. Du fait de l'arrêt brutal des ordres, la société DOUMEN n'a pu négocier de nouveaux transports dans des conditions normales et avantageuses. Compte tenu d'une marge de 15% la perte est supérieure à 200.000 euros. Par comparaison à ce qui avait été alloué à la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, la société DOUMEN peut prétendre à une somme de 380.000 euros.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 21 novembre 2007 en application de l'article 910 du nouveau code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu que pour s'opposer à la demande, la société EGGER ROL fait valoir en premier lieu qu'elle n'a fait l'objet d'aucune mise en demeure de la part de la société TRANSPORTS DOUMEN pendant toutes la durée du contrat ;
Attendu que la société TRANSPORTS DOUMEN n'allègue nullement avoir adressé un quelconque courrier ou délivré un acte extrajudiciaire à la société ROL DECO ou à la société EGGER ROL pour la mettre en demeure d'exécuter ses engagements ou à tout le moins pour lui reprocher de ne pas les exécuter ;
Attendu, certes, que l'article 7 du contrat désignait la société TRANSPORT BAUDOUIN-MORTIER pour son exécution ;
Attendu que le courrier précité du 22 décembre 1994 que la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a adressé à la société EGGER ROL fait état d'un manquement de celle-ci à ses obligations à l'égard du pool des transporteurs ;
Que par ce courrier la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a mis en demeure la société EGGER ROL de respecter ses engagements dans le délai d'un mois, conformément aux dispositions de l'article 13 du contrat ;
Mais attendu qu'il apparaît à la lecture de courrier que cette mise en demeure était faite dans l'intérêt de la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER seule et non pour le compte des membres du pool des transporteurs ;
Attendu, en effet, qu'au début de la lettre, cette société évoque sa situation personnelle, à savoir l'intérêt que présentait la garantie de chiffre d'affaires dans la mesure où elle avait acquis les actifs du service central des transports de la société ROL, et à la fin l'auteur écrit : "Je serais contraint de saisir le tribunal compétent", ce qui excluait une action collective des membres du pool des transporteurs ;
Que, de fait, seule la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a assigné la société EGGER ROL devant le tribunal de commerce de NIORT une fois le délai d'un mois expiré ;
Attendu que la société TRANSPORTS DOUMEN ne peut donc se prévaloir d'aucune mise en demeure adressée avant le terme prévu par le contrat ;
Que son assignation est tout aussi inopérante à cet égard dans la mesure où les relations contractuelles avaient déjà pris fin lorsqu'elle l'a délivrée ;
Attendu que, faute pour elle d'avoir préalablement mis son co-contractant en demeure de remplir ses obligations, comme l'exige l'article 1146 du code civil, elle doit être déboutée de sa demande ;
Attendu, en conséquence, qu'elle est tenue de rembourser à la société EGGER ROL la somme de 380.000 euros, payée en exécution du jugement ;
Que les intérêts de cette somme ne peuvent courir qu'à compter du présent arrêt qui infirme le jugement ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société TRANSPORTS DOUMEN aux dépens ;
Que, cependant, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société EGGER ROL ses frais irrépétibles ;

---==oO§Oo==---PAR CES MOTIFS---==oO§Oo==---

LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 26 septembre 2006,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de NIORT en date du 24 avril 2002,
Statuant à nouveau,
Déclare la société TRANSPORTS DOUMEN mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en déboute,
Dit que la société TRANSPORTS DOUMEN devra rembourser à la société EGGER ROL la somme de TROIS CENT QUATRE VINGT MILLE EUROS (380.000) payée en exécution du jugement du tribunal de commerce de NIORT en date du 24 avril 2002 mais que les intérêts de cette somme au taux légal ne sont dus qu'à compter du présent arrêt,
Déclare la société EGGER ROL mal fondée en sa demande au titre des frais irrépétibles et l'en déboute,
Condamne la société TRANSPORTS DOUMEN aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP COUDAMY , avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 890
Date de la décision : 19/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Niort, 24 avril 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2007-12-19;890 ?
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