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19/12/2007 | FRANCE | N°889

France | France, Cour d'appel de Limoges, Ct0038, 19 décembre 2007, 889


RG N : 06/01406
AFFAIRE :
S.A. EGGER ROL
C/
S.A. FINTRANS

JL/RG

Rupture de contrat - indemnisation de préjudice

Grosse délivrée à la SCP Coudamy

COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION---==oOo==---ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2007---===oOo===---

Le DIX NEUF DÉCEMBRE DEUX MILLE SEPT la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. EGGER ROLdont le siège social est Usine de Rion - 40370 RION DES LANDES

représentée par la SCP COUDAMY,

avoués à la Courassistée de Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE d'un jugement rendu le 05 MAR...

RG N : 06/01406
AFFAIRE :
S.A. EGGER ROL
C/
S.A. FINTRANS

JL/RG

Rupture de contrat - indemnisation de préjudice

Grosse délivrée à la SCP Coudamy

COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION---==oOo==---ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2007---===oOo===---

Le DIX NEUF DÉCEMBRE DEUX MILLE SEPT la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. EGGER ROLdont le siège social est Usine de Rion - 40370 RION DES LANDES

représentée par la SCP COUDAMY, avoués à la Courassistée de Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE d'un jugement rendu le 05 MARS 2003 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIORT
ET :
S.A. FINTRANSdont le siège social est Parc d'Activités de Varenne 2 - 10140 VENDEUVRE SUR BARSE

représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Courassistée de Me Bernard CADIOT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE
---==oO§Oo==---
SUR RENVOI DE CASSATION :
Jugement du tribunal de commerce de NIORT du 5 mars 2003 - Arrêt de la cour d'appel de POITIERS du 29 juin 2004 - Arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2006.
L'affaire a été fixée à l'audience du 21 Novembre 2007, en application de l'article 910 du Nouveau Code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur LEFLAIVE, Président, de Monsieur SOURY et de Monsieur COLOMER, Conseillers, assistés de Madame Régine GAUCHER, Greffier. A cette audience, Monsieur LEFLAIVE, Président a été entendu en son rapport, Maîtres MAZINGUE et CADIOT, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.

Puis , Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Décembre 2007 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi..
---==oO§Oo==---LA COUR---==oO§Oo==---

Aux termes d'une convention dénommée PROTOCOLE DE TRANSPORT conclue le 4 décembre 1992 par la société ROL DECO, d'une part, et les sociétés TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, TRANSPORTS GAMBA Père et Fils, TRANSPORTS DOUMEN et Société Nouvelle COFRATIR, d'autre part, dénommées le Pool des Transporteurs dans l'acte et représentées à la signature de l'acte pour la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, la société ROL DECO s'est engagée à confier au Pool des Transporteurs une partie du transport de ses produits et à réaliser pendant cinq ans un chiffre d'affaires de 21.800.000 francs les trois premières années, de 12.500.000 francs minimum la quatrième année et 6.300.000 francs la cinquième année.
Par une convention signée le 14 décembre 2002 les sociétés TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, TRANSPORTS GAMBA Père et Fils, TRANSPORTS DOUMEN et Société Nouvelle COFRATIR se sont réparti entre elles le chiffre d'affaires.
La Société EGGER ROL est venue par la suite aux droits de la société ROL DECO.
La société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a adressé le 22 décembre 1994 à la société EGGER ROL un courrier recommandé avec accusé de réception comportant le passage suivant :
" En acquérant le fonds de commerce de la société ROL DECO, vous vous êtes engagés à assurer ses engagements issus des conventions du 4 décembre 1992, comme vous l'admettez dans votre correspondance du 28 juillet 1994.
J'ai pourtant constaté qu'à compter de votre intervention dans la société ROL DECO, le chiffre d'affaires confié au pool des transporteurs a chuté dans des proportions très importantes pour être inexistant depuis trois mois, et de ce fait, mes collègues et moi-même sommes très lourdement pénalisés par votre attitude.
Je suis contraint aujourd'hui de constater que de fait, vous avez rompu la convention du 04 décembre 1992 et c'est dans ces conditions que je fais application des dispositions de l'article 13 pour en matérialiser la résiliation.
Dans la mesure où vous n'exécuteriez pas vos engagements contractuels dans le délai d'un mois, en réparant le préjudice subi par votre fait au cours de l'année 1994, je serais contraint de saisir le Tribunal compétent pour le voir appliquer d'une part, la garantie contractuelle du maintien du chiffre d'affaires, et d'autre part, le voir sanctionner la rupture du contrat par des dommages et intérêts réparant notre entier préjudice".
La société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a, par exploit du 30 janvier1995, assigné la société EGGER ROL devant le tribunal de commerce de NIORT aux fins de la voir déclarer seule responsable de la rupture et condamner à lui payer 7.600.000 francs pour le manque à gagner sur le chiffre d'affaires et 5.000.000 francs en réparation de son préjudice patrimonial.
Par jugement du 31 janvier 1996 le tribunal de commerce de NIORT a condamné la société EGGER ROL à payer la somme de 4.500.000 francs à la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER. Sur appel de la société EGGER ROL ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour d'appel de POITIERS en date du 27 octobre 1998.
La société EGGER ROL a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, qui a été rejeté le 15 mai 2001.
La société FINTRANS, qui est venue par la suite aux droits de la société TRANSPORTS GAMBA Père et Fils a par exploit du 4 mai 2002 assigné la société EGGER ROL devant le tribunal de commerce de NIORT aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat du 4 décembre 1992 aux torts exclusifs de la société EGGER ROL et condamner celle-ci à lui payer 482.650 euros à titre de dommages-intérêts et 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La société EGGER ROL a conclu au débouté de la demande et a réclamé 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 5 mars 2003 le tribunal de commerce de NIORT a prononcé la résiliation du contrat de transport du 4 décembre 1992 aux torts exclusifs de la société EGGER ROL et a condamné celle-ci à payer à la société FINTRANS 320.000 euros à titre de dommages-intérêts et 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. La société EGGER ROL a relevé appel de ce jugement et la cour d'appel de POITIERS a, par arrêt du 29 juin 2004 débouté la société FINTRANS de sa demande.
Sur un pourvoi de la Société FINTRANS la cour de cassation a, par arrêt du 26 septembre 2006, cassé l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS en toutes ses dispositions au visa de l'article 4 du Code civil au motif qu'en refusant d'évaluer un préjudice dont elle avait constaté l'existence elle a violé le texte susvisé.
La Cour d'appel de LIMOGES, qui avait été désignée comme juridiction de renvoi, a été saisie le 31 octobre 2006.
Par écritures déposées en dernier lieu le 5 octobre 2007 la société EGGER ROL conclut au débouté des demandes de la société FINTRANS et demande à la Cour de condamner celle-ci à lui rembourser la somme de 320.000 euros avec les intérêts à compter de la date à laquelle elle a été réglée et à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile
Elle expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions.
La société FINTRANS a agi alors que le terme du contrat était passé depuis près de cinq ans et sans qu'elle ait formulé une quelconque prétention pendant toute sa durée. La demande est irrecevable faute de mise en demeure préalable. Le contrat ne comporte aucune disposition prévoyant la solidarité entre les entreprises de transport. L'action en justice engagée par la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER ne profite qu'à elle et les autres sociétés ne peuvent pas s'en prévaloir. La société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER est la seule, compte tenu de l'historique de ses relations avec la société ROL à lui avoir racheté du matériel à hauteur de 524.000 francs et trois tracteurs à hauteur de 1.050.000 francs et avoir repris du personnel représentant une charge salariale de 2.295.615 francs. La société FINTRANS ne justifie pas de son préjudice ni de son allégation suivant laquelle elle a acquis du matériel et recruté du personnel en vue de l'exécution du contrat. Elle n'a jamais réalisé un chiffre d'affaires important avec la société EGGER ROL du fait de sa participation au pool des transporteurs, dont les membres se sont répartis librement entre eux le fret fourni par la société EGGER ROL, l'accord signé le 14 décembre 1992 étant inopposable à celle-ci. La société FINTRAS n'a réalisé en 1993 qu'un peu plus de 18% de ce qu'elle avait envisagé de réaliser d'après cet accord mais ne s'est pas plainte, étant localisée dans l'est de la FRANCE, contrairement à la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER, qui l'a réalisé à près de 100%, et à la société COFRATIR, qui l'a réalisé à 108%. En revanche le chiffre d'affaires de la société FINTRANS n'a cessé d'augmenter de 1992 à 1993, l'appartenance au pool des transporteurs ne lui ayant rapporté que 3,5% de son chiffre d'affaires en 1993. La société EGGER ROL a fermé certains sites, dont la localisation justifie qu'elle ait fait moins appel à la société FINTRANS. Celle-ci ne peut voir indemniser qu'une perte de chance alors qu'en parfait accord avec ses confrères elle n'attendait en réalité que très peu de l'exécution dudit protocole.
Par écritures déposées en dernier lieu le 23 octobre 2007 la société FINTRANS conclut à la confirmation du jugement du tribunal de commerce de NIORT du 5 mars 2003 et réclame 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante.
La société EGGER ROL n'a pas seulement réduit les ordres de fret mais n'en a plus confié un seul à partir du mois d'octobre 1994. La résiliation notifiée le 22 décembre 1994 l'a bien été au nom du pool des transporteurs dont la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER était un des membres et avait mandat des trois autres pour en assurer la gestion. Les engagements de la société EGGER ROL sont décrits comme bénéficiant au pool des transporteurs sans distinction entre les sociétés qui le composent. Le chiffre d'affaires non réalisé par la société FINTRANS s'élève à 1.665.017,70 euros et par le fait de la société EGGER ROL elle a perdu toute chance de le réaliser alors que pour exécuter le contrat elle a affecté à plein temps 26 véhicules pour le transport national et trois pour le transport vers l'ESPAGNE, tous conditionnés pour transporter les produits de la société EGGER ROL. Une fois que le pool des transporteurs a pris acte de l'arrêt définitif des ordres de fret elle a du rechercher une clientèle et n'a pu négocier des tarifs dans des conditions normales et avantageuses. Par comparaison à ce qui a été alloué à la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER il est réclamé 320.000 euros.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 21 novembre 2007 en application de l'article 910 du Nouveau Code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu que le contrat signé le 2 décembre 1992 était conclu pour une durée de cinq ans, du ler janvier 1993 au 31 décembre 1997 ;
Qu'il n'était donc plus en cours lorsque l'assignation a été délivrée ;
Que dès lors la demande de résiliation est dépourvue d'objet ;
Attendu que pour s'opposer à la demande la société EGGER ROL fait valoir en premier lieu qu'elle n'a fait l'objet d'aucune mise en demeure de la part de la société FINTRANS ou de son auteur pendant toute la durée du contrat ;
Attendu que la société FINTRANS n'allègue nullement qu'elle ou la société TRANSPORTS GAMBA ait adressé un quelconque courrier ou délivré un acte extrajudiciaire à la société ROL DECO ou à la société EGGER ROL pour la mettre en demeure d'exécuter ses engagements ou à tout le moins pour lui reprocher de ne pas les exécuter ;
Attendu, certes, que l'article 7 du contrat désignait la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER pour son exécution ;
Attendu que le courrier précité du 22 décembre 1994 que la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a adressé à la société EGGER ROL fait état d'un manquement de celle-ci à ses obligations à l'égard du pool des transporteurs;
Que par ce courrier la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a mis en demeure la société EGGER ROL de respecter ses engagements dans le délai d'un mois, conformément aux dispositions de l'article 13 du contrat ;
Mais attendu qu'il apparaît à la lecture de ce courrier que cette mise en demeure était faite dans l'intérêt de la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER seule et non pour le compte des membres du pool des transporteurs.
Attendu, en effet, qu'au début de la lettre cette société évoque sa situation personnelle, à savoir l'intérêt que présentait la garantie de chiffre d'affaires dans la mesure où elle avait acquis les actifs du service central des transports de la société ROL, et à la fin l'auteur écrit : "Je serais contraint de saisir le tribunal compétent", ce qui excluait une action collective des membres du pool des transporteurs ;
Que, de fait, seule la société TRANSPORTS BAUDOUIN-MORTIER a assigné la société EGGER ROL devant le tribunal de commerce de NIORT une fois le délai d'un mois expiré ;
Attendu que la société FINTRANS ne peut donc se prévaloir d'aucune mise en demeure adressée avant le terme prévu par le contrat ;
Que son assignation est tout aussi inopérante à cet égard dans la mesure où les relations contractuelles avaient déjà pris fin lorsqu'elle l'a délivrée ;
Attendu que, faute pour elle d'avoir préalablement mis son co- contractant en demeure de remplir ses obligations, comme l'exige l'article 1146 du Code civil, elle doit être déboutée de sa demande ;
Attendu en conséquence, qu'elle est tenue de rembourser à la société EGGER ROL la somme de 320.000 euros payée en exécution du jugement ;
Que les intérêts de cette somme ne peuvent courir qu'à compter du présent arrêt qui infirme le jugement ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société FINTRANS aux dépens ;
Que, cependant, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société EGGER ROL ses frais irrépétibles ;
---==oO§Oo==---PAR CES MOTIFS---==oO§Oo==---

LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 26 septembre 2006,
Infirme le jugement du tribunal de Commerce de NIORT en date du5 mars 2003,
Statuant à nouveau,
Déclare la société FINTRANS mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en déboute,
Dit que la société FINTRANS devra rembourser à la société EGGER ROL la somme de 320.000 euros payée en exécution du jugement du tribunal de commerce de NIORT en date du 5 mars 2003 mais que les intérêts de cette somme au taux légal ne sont dus qu'à compter du présent arrêt,
Déclare la société EGGER ROL mal fondée en sa demande au titre des frais irrépétibles et l'en déboute,
Condamne la société FINTRANS aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP COUDAMY, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 889
Date de la décision : 19/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Niort, 05 mars 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2007-12-19;889 ?
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