RG N : 06 / 01694
AFFAIRE :
M. Ramy X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure Mira X..., Mme Lamia Y... épouse X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mira X...
C /
MINISTERE PUBLIC
nationalité
grosse délivrée au Ministère Public.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION
Le QUATRE JUILLET DEUX MILLE SEPT la CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Ramy X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure Mira X...
de nationalité Egyptienne
né le 09 Novembre 1973 à ALEXANDRIE (EGYPTE)
Profession : Ingenieur telecom, demeurant... 87280 LIMOGES
représenté par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour,
assisté de Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Lamia Y... épouse X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mira X...
de nationalité Egyptienne
née le 07 Novembre 1974 à ALEXANDRIE (EGYPTE)
Profession : Ingenieur telecom, demeurant... 87280 LIMOGES
représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour,
assistée de Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de LIMOGES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 07 / 197 du 15 / 02 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
APPELANTS d'un jugement rendu le 23 NOVEMBRE 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
LE MINISTERE PUBLIC
représenté par Monsieur Jean-Claude CLEMENT, substitut du procureur général.
INTIMEE
L'affaire a été fixée à l'audience du 06 Juin 2007 pour plaidoirie. L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2007.
A l'audience de plaidoirie du 06 Juin 2007, la Cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, en présence de Mademoiselle GANDOIS, de Mademoiselle DUTEIL et de Monsieur GOUILHERS, auditeurs de justice, ayant siégé en surnombre et participé au délibéré avec voix consultative, assistés de Madame Régine GAUCHER, Greffier, Monsieur le Premier Président a été entendu en son rapport, Maître MALABRE, avocat, a été entendu en sa plaidoirie et Monsieur CLEMENT, substitut général, en ses conclusions.
Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 4 juillet 2007 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
A l'ouverture des débats, Monsieur le Premier Président a présenté le rapport suivant :
Les époux X... sont tous deux des chrétiens égyptiens qui bénéficient du statut de réfugiés politiques en France.
Ils ont donné le jour à une fille, Mira, née en 2003 à LIMOGES, et ils ont saisi le tribunal de grande instance en son nom afin qu'elle se voie reconnaître la nationalité française en application de l'article 19-1, 2o, du Code civil, selon lequel est français l'enfant né en France de parents étrangers pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents (rédaction résultant de la loi du 26 novembre 2003).
Les époux X... soutiennent que la loi égyptienne ne leur permet pas de transmettre leur nationalité à leur fille dès lors qu'ils sont chrétiens.
En effet, selon un certificat délivré le 14 janvier 2004 par le consulat général d'Egypte à PARIS, la loi de 1975 sur la nationalité égyptienne ne prévoit la transmission de cette nationalité par un père égyptien que dans le cadre d'un " mariage officiel devant les autorités égyptiennes compétentes ". Or, selon les époux X..., seul un mariage de rite musulman correspondrait à cette définition en Egypte. Par ailleurs, s'agissant des enfants nés hors mariage, ce qui serait le cas de l'enfant Mira en l'absence de mariage valide de ses parents selon la loi égyptienne, ces enfants ne pourraient se voir transmettre la nationalité égyptienne qu'après " reconnaissance de la filiation par le père auprès des autorités compétentes égyptiennes ", c'est à dire, là encore, selon les règles du droit musulman. Or, Monsieur X... étant chrétien, il n'a pas la possibilité de reconnaître sa fille.
Au demeurant, il est réfugié politique et coupé de tout lien avec les autorités égyptiennes.
A ce certificat du consulat égyptien, dont il faudrait déduire selon les époux X... qu'un mariage officiel, l'établissement d'une filiation et la transmission de la nationalité égyptienne ne sont pas permis aux chrétiens d'Egypte, le ministère public a opposé un texte qu'il présente comme la loi égyptienne de 1975 sur la nationalité mais qui n'est pas certifié, de sorte que les époux X... lui dénient toute force probante.
L'article 2 de ce texte dispose seulement qu'est égyptien tout enfant né d'un père égyptien. Le ministère public en déduit que, la filiation de l'enfant Mira n'étant pas discutée, celle-ci est égyptienne et ne peut donc bénéficier de la nationalité française au titre de l'article 19-1, 2o, du Code civil.
Le tribunal a confronté les éléments de preuve de la loi égyptienne ainsi produits par les parties. Il a observé que la charge de la preuve de ce que Mira X... peut prétendre à la nationalité française incombe à ses parents, et que le document émanant du consulat d'Egypte a été délivré expressément " sans aucune responsabilité des autorités égyptiennes ", et ne porte pas de cachet officiel permettant de lui accorder force probante.
En conséquence, le tribunal a estimé que les époux X... ne rapportent pas la preuve qui leur incombe et il les a déboutés.
Ils ont relevé appel de ce jugement. Devant la cour, le débat reste le même.
La cour est confrontée aux mêmes documents concernant la transmission de la nationalité égyptienne par le père (la transmission de cette nationalité par la mère n'est envisagée dans les deux documents qu'en cas de naissance de l'enfant en Egypte, ce qui n'est pas le cas en l'espèce).
Le premier document, celui délivrée par le consulat général d'Egypte à PARIS, subordonne la transmission de la nationalité par le père à une mariage officiel devant les autorités égyptiennes compétentes. Les époux X... précisent, ce qui ne résulte pas du certificat du consulat lui-même, que le mariage officiel devant les autorités égyptiennes compétentes doit s'entendre d'un mariage musulman, ce qui n'est pas leur cas puisqu'ils sont chrétiens. Si l'on suit le raisonnement des époux X..., les chrétiens égyptiens ne pourraient pas se marier officiellement ni transmettre à leurs enfants la nationalité égyptienne, puisqu'ils ne pourraient pas non plus, selon ce que soutiennent par ailleurs les appelants, reconnaître leurs enfants hors mariage, ce qui serait également réservé aux musulmans.
Le second document, qui se présente comme la traduction en français d'un texte complet de 14 pages qui s'achève par la signature, le 21 mai 1975, du président égyptien EL SADATE, est un texte qui ne comporte pas de précision quant aux formes du mariage et qui accorde la nationalité égyptienne à tout enfant né d'un père égyptien. Or, il n'est pas discuté que les époux X... sont mariés, selon le rite chrétien précisent-ils, et que l'enfant Mira est leur fille.
SUR CE :
Attendu qu'aux termes de l'article 30 du Code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause ;
Qu'il appartient donc aux époux X... de rapporter la preuve de ce que leur fille Mira bénéficie de la nationalité française et donc, puisque leur action se fonde sur l'article 19-1, 2o, du Code civil, de ce qu'elle n'a pas la nationalité égyptienne ;
Qu'il résulte de l'article 2 de la loi de 1975 sur la nationalité égyptienne, qui présente toutes les apparences de la régularité dans sa rédaction versée aux débats par le ministère public, qu'est égyptien l'enfant né d'un père égyptien ;
Qu'il n'est pas établi en l'espèce par la production d'un document officiel émanant des autorités égyptiennes, que Mira X... ne bénéficie pas de la nationalité égyptienne de son père Ramy ;
Qu'il résulte en effet des seules allégations des époux X... que leur qualité de chrétiens ne permettrait pas la transmission de la nationalité égyptienne par Monsieur X... à sa fille ;
Que ces allégations ne peuvent pas s'appuyer sur le certificat du consulat général d'Egypte produit par les appelants et qui évoque seulement un mariage officiel devant les autorités égyptiennes compétentes, ce qui n'exclut pas en soi les mariages entre chrétiens ;
Que les époux X... n'établissent pas que le mariage de rite chrétien qui les unit ne constitue pas un mariage officiel au sens du texte qu'ils invoquent ;
Qu'en conséquence, les époux X... ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de ce que leur fille Mira n'a pas la nationalité égyptienne et qu'elle peut donc prétendre à la nationalité française ;
Que le jugement sera confirmé ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du 23 novembre 2006 du tribunal de grande instance de LIMOGES,
Condamne les époux X... aux dépens.