ARRÊT N RG N : 05/01489 AFFAIRE : le MINISTÈRE PUBLIC C/ Mme Ngudi X... épouse Y... agissant aussi es qualité de représentante et administratrice légale de ses enfants mineurs Z... Y... A... Née le 22 Février 1990 à Luanda (Angola) - Josèf Y... B... Né le 29 Décembre 1992 à Luanda (Angola) - Itela Betty Y... Née le 13 Novembre 1995 à Limoges et Naomi Nkunsesa NTONI née le 22 Novembre 1999 à Limoges., M. Pédro Y... NDO agissant aussi es qualité comme sa femme de représentant et d'administrateur de ses enfants mineurs, M. X... Y... BL/RG Etat-civil Grosse délivrée à Me MALABRE
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION
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ARRÊT DU 05 AVRIL 2006
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A l'audience publique de la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES, le CINQ AVRIL DEUX MILLE SIX a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE :
Le MINISTÈRE PUBLIC Cour d'Appel Palais de Justice - 87031 LIMOGES CEDEX
Représenté par Monsieur Lionel CHASSIN, Substitut Général,
APPELANT d'un jugement rendu le 07 OCTOBRE 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES ET :
Madame Ngudi X... épouse Y... agissant aussi es qualité de représentante et administratrice légale de ses enfants mineurs Z... Y... A... Née le 22 Février 1990 à Luanda (Angola) - Josèf Y... B... Né le 29 Décembre 1992 à Luanda (Angola) - Itela Betty Y... Née le 13 Novembre 1995 à Limoges et Naomi Nkunsesa Y... née le 22 Novembre 1999 à Limoges. de nationalité Française née le 22 Décembre 1965 à MAQUELA DO ZOMBO (ANGOLA), demeurant 9 Rue Neuve des Carmes - 87000 LIMOGES assistée de Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de
LIMOGES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 15/7300 du 26/01/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges) Monsieur Pédro Y... NDO agissant aussi es qualité comme sa femme de représentant et d'administrateur de ses enfants mineurs de nationalité Française né le 27 Octobre 1962 à KINSHASA ( REP. DEM. DU CONGO), demeurant xxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxx- 87000 LIMOGES assisté de Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de LIMOGES
2 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2005/7297 du 26/01/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges) Monsieur X... Y... de nationalité Française né le 22 Avril 1986 à LUANDA (ANGOLA) Profession : Etudiante, demeurant 9 Rue Neuve des Carmes - 87000 LIMOGES assisté de Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de LIMOGES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 05/7301 du 26/01/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
INTIMES
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L'affaire a été fixée à l'audience du 15 Février 2006, la Cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Régine GAUCHER, Greffier. Monsieur LOUVEL, premier président, a été entendu en son rapport, Monsieur CHASSIN, Substitut général en ses conclusions, maître MALABRE, avocat, en sa plaidoirie, en chambre du conseil.
Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 05 Avril 2006.
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
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LA COUR
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A l'ouverture des débats, Monsieur le premier président a présenté le rapport suivant.
Les époux Y... NDO sont angolais établis en France depuis 1994. Ils ont 5 enfants, dont 2 sont nés à Limoges. Ils ont présenté une demande de naturalisation qui a été déclarée irrecevable le 4 août 2003 faute de production d'actes de l'état civil légalisés par les autorités angolaises.
Par requête du ler avril 2005, ils ont saisi le tribunal de grande instance de LIMOGES sur le fondement de l'article 47 du Code civil pour faire juger que les actes de l'état civil qu'ils produisent sont valables en dépit de l'absence de légalisation.
Subsidiairement, ils sollicitaient un jugement supplétif d'actes de l'état civil tant pour le mariage des parents que pour les naissances des enfants nés en Angola, sur le fondement de l'article 46 du Code civil.
Le ministère public s'est opposé à la demande de validation des actes produits au motif que leur légalisation par l'autorité angolaise est nécessaire à la vérification de leur authenticité. Il s'est aussi opposé à la demande de jugement supplétif au motif
3 que celui-ci ne peut intervenir qu'en cas de registres détruits ou perdus, ou encore de force majeure, toutes circonstances non établies en l'espèce.
Néanmoins, le tribunal de grande instance de Limoges a fait droit à la requête de validation des pièces d'état civil qui lui étaient présentées concernant l'identité des parents, leur mariage, et l'identité des enfants nés en Angola.
Le tribunal a considéré en effet que l'article 47 du Code civil accorde foi à tout acte de l'état civil fait en pays étranger et
rédigé dans les formes locales, dès lors que l'irrégularité, l'inexactitude ou la falsification de cet acte n'est établie ni par d'autres pièces, ni par des données extérieures, ni par des éléments tirés de l'acte lui-même.
Le tribunal a observé que l'ensemble des documents produits établis en Angola étaient concordants sur les identités et les dates de naissance, et qu'il n'existait pas d'éléments permettant de douter de la validité des actes dont la validation était demandée.
Le tribunal en a conclu que les conditions posées par l'article 47 du Code civil pour que les actes produits fassent foi étaient réunies, précisant que ce texte législatif "prime une éventuelle circulaire imposant en outre une légalisation des actes angolais", et ajoutant que de toute manière l'existence de nombreux faux avait conduit les autorités angolaises à ne plus délivrer de légalisations.
Le jugement a été notifié le 18 octobre 2005 par le greffe conformément aux règles de la procédure gracieuse.
Le ministère public a relevé appel de ce jugement le 21 octobre 2005 au greffe du tribunal de grande instance et le tribunal a fait connaître qu'il ne souhaitait pas le modifier conformément à l'article 950 du Nouveau Code de procédure civile.
Toutefois, les époux Y... ont renouvelé la notification du jugement au ministère public, le 12 décembre 2005, cette fois par voie de signification indiquant un délai d'un mois pour faire appel devant la cour par ministère d'avoué sauf dispense.
Le ministère public a pris le 2 décembre 2005, puis le 9 février 2006, des conclusions tendant à l'infirmation du jugement et où il indique que la légalisation des actes étrangers est imposée par une ordonnance royale d'août 1681 qui n'est pas contradictoire mais complémentaire de l'article 47 du Code civil en ce sens que celui-ci exige que l'acte étranger produit ait été dressé dans les formes
locales, ce que la légalisation a précisément pour objet de vérifier. En l'absence de légalisation des actes produits en l'espèce, l'administration a donc régulièrement déclaré la demande de naturalisation irrecevable.
S'agissant de la demande subsidiaire d'un jugement supplétif d'actes de l'état civil, le ministère public reprend ses conclusions devant le premier juge selon lesquelles un tel jugement ne peut intervenir que si les registres sont détruits ou perdus ou s'il existe une impossibilité quelconque de se procurer les actes en la forme requise, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
A titre principal, "les époux Y... soulèvent l'irrecevabilité de l'appel du ministère public. Ils estiment en effet que le jugement de leur demande par le tribunal s'est trouvé soumise aux règles de la procédure contentieuse en raison de l'opposition du ministère public à leur requête. En conséquence, le délai d'appel n'était pas de 15 jours à compter de la notification du jugement par le greffe, et ne devait pas être formalisé au greffe du tribunal, mais le délai était d'un mois à compter de la signification du jugement par la partie et devait être formalisé au greffe de la cour.
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Le ministère public réplique à ce moyen que le jugement lui-même indique qu'il a statué en matière gracieuse, et que le juge a déclaré ne pas rétracter son jugement sur la déclaration d'appel. Il en conclut que la procédure à suivre était donc bien celle de l'appel en matière gracieuse prévue par l'article 950 du Nouveau Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, les époux Y... concluent à la confirmation du jugement en l'absence de tout élément de contestation utile des documents d'état civil produits, et ce en raison de l'impératif d'ordre public qui s'attache à ce que toute personne résidant en
France dispose d'un état civil, et en particulier les enfants, sauf à titre très subsidiaire à rendre un jugement supplétif d'actes de l'état civil. Ils réclament 1.796 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
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Donc, trois questions sont posées à la cour.
En premier lieu, l'appel du ministère public est-il recevable ä
Il ne paraît pas douteux qu'un contentieux ait été lié en première instance même si le jugement mentionne qu'il a été rendu en matière gracieuse. Le ministère public aurait-il dû pour autant renouveler son appel au greffe de la cour dans le mois suivant la signification du 2 décembre 2005 ä Ou bien son appel du 21 octobre 2005 au greffe du tribunal de grande instance a-t-il eu pour effet de le conserver ä La seconde question, si la cour aborde le fond, concerne la validation des actes de l'état civil angolais en application de l'article 47 du Code civil. La teneur et la sincérité apparente de ces actes reconnues par le tribunal ne sont pas spécialement discutées. Simplement, il est soutenu que les actes ne peuvent faire foi que s'ils ont été dressés dans les formes usitées selon la loi locale et que cette preuve doit être rapportée par le requérant au moyen de la légalisation, c'est à dire de la vérification de l'authenticité des actes par l'autorité étrangère elle-même. Le ministère public invoque une ordonnance royale de 1681 selon laquelle "tous actes expédiés dans les pays étrangers où il y aura des consuls ne feront aucune foi, s'ils ne sont pas eux-mêmes légalisés". Toutefois, cette ordonnance semble faire référence à la légalisation d'actes étrangers par les consuls de France à l'étranger, alors qu'en l'espèce on exige une légalisation par l'autorité angolaise
elle-même. L'ordonnance de 1681 peut-elle donc être invoquée utilement ä
Troisièmement, si la cour devait estimer que les conditions de l'article 47 ne sont pas remplies, il lui faudrait vérifier si celles de l'article 46 relatif au jugement supplétif d'actes de l'état civil le sont.
La question posée ici n'est pas celle de la perte ou de la destruction des registres mais de la possibilité de se procurer une légalisation des actes auprès des autorités angolaises.
Les époux Y... produisent une lettre de Monsieur Y... au consul d'Angola à Paris, lui demandant la légalisation des actes litigieux, et qui serait restée sans réponse. Le jugement indique en effet que les autorités angolaises ne légalisent plus leurs propres actes en raison du grand nombre de falsifications.
Dans ces conditions, l'article 46 n'a-t-il pas vocation à s'appliquer à défaut de l'article 47 ä
5 SUR CE :
Attendu que le ministère public a reçu notification du jugement du tribunal de grande instance en la forme usitée en matière gracieuse et a régularisé un appel en la même forme ;
Qu'une signification ultérieure du jugement par la partie adverse avec indication du délai d'appel en matière contentieuse, n'a pu avoir pour effet de faire courir utilement ce délai et de priver le ministère public du bénéfice de l'appel antérieurement formé selon les règles de la procédure gracieuse ;
Qu'en effet, l'incertitude résultant de la qualification même du jugement énonçant qu'il est rendu en matière gracieuse, et le recours en conséquence aux formes de la notification des jugements et de l'appel en cette matière, ont nécessairement réservé les droits du
ministère public dont l'appel est donc recevable ;
Attendu que, sur le fond, l'ordonnance royale de 1681 invoquée concerne la légalisation des actes dressés à l'étranger par les consuls de France en pays étranger;
Qu'ici, le ministère public fait observer que la légalisation aurait dû procéder des autorités angolaises elles-mêmes ;
Que cette ordonnance n'est donc pas utilement invoquée ;
Que l'article 47 du Code civil impose de vérifier que les actes ont été dressés dans les formes usitées localement ;
Qu'il n'est pas soutenu et encore moins démontré que celles-ci aient été méconnues ni que les actes ne soient pas sincères, alors que ceux-ci présentent au contraire toutes les apparences de la régularité tant en la forme qu'au fond, ainsi que l'a justement décidé le tribunal dont le jugement sera donc confirmé ;
Que l'application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile n'est pas opportune en l'espèce ; ---==oOOEOo==--- PAR CES MOTIFS ---==oOOEOo==--- LA COUR
Statuant en matière contentieuse, en audience publique après débats en chambre du conseil et en dernier ressort ;
Juge l'appel recevable,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 7 octobre 2005,
Condamne l'Etat aux dépens en application de l'article R 93, 4o, du code de procédure pénale. Dossier no 05/1489
CET ARRET A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU CINQ AVRIL DEUX MILLE SIX PAR MONSIEUR PUGNET, CONSEILLER. LE GREFFIER,
LE PREMIER PRESIDENT, Régine GAUCHER.
Bertrand LOUVEL.