La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2004 | FRANCE | N°C03;0074

France | France, Cour d'appel de Limoges, 14 janvier 2004, C03 et 0074


ARRÊT N RG N : 03/00074 AFFAIRE : Mme Mireille X... Y.../ Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL BL/RG Mesures disciplinaires avocat COUR D'APPEL DE LIMOGES AUDIENCE SOLENNELLE ---==oOo==--- ARRET DU 14 JANVIER 2004 ---===oOo===--- A l'audience solennelle tenue en chambre du conseil par la première et la deuxième chambres réunies de la COUR D'APPEL DE LIMOGES, le QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUATRE a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE : Madame Mireille X... de nationalité Française né le 12 Août 1965 à LIMOGES (87000) Profession : Avocat, demeurant 2 Rue Hubert Gaudriot - 23000

GUÉRET Comparante en personne APPELANTE d'une décision rendue...

ARRÊT N RG N : 03/00074 AFFAIRE : Mme Mireille X... Y.../ Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL BL/RG Mesures disciplinaires avocat COUR D'APPEL DE LIMOGES AUDIENCE SOLENNELLE ---==oOo==--- ARRET DU 14 JANVIER 2004 ---===oOo===--- A l'audience solennelle tenue en chambre du conseil par la première et la deuxième chambres réunies de la COUR D'APPEL DE LIMOGES, le QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUATRE a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE : Madame Mireille X... de nationalité Française né le 12 Août 1965 à LIMOGES (87000) Profession : Avocat, demeurant 2 Rue Hubert Gaudriot - 23000 GUÉRET Comparante en personne APPELANTE d'une décision rendue le 16 DÉCEMBRE 2002 par le CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS du BARREAU de la CREUSE ET : Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL, demeurant Cour d'Appel Palais de Justice - 87031 LIMOGES CEDEX Représenté par Monsieur Richard Z..., Avocat Général, INTIME Entendu en ses observations : Me Jean-Louis ROUSSEAU, bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de la CREUSE ---==oOOEOo==--- L'affaire a été fixée à l'audience du 9 avril 2003, puis renvoyée à l'audience du 12 Novembre 2003, la cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, premier président, de Monsieur Jacques A..., Monsieur Michel B..., et de Monsieur Serge BAZOT, présidents de chambre, et de Monsieur Pierre Louis PUGNET, conseiller,assistés de Madame Régine GAUCHER, greffier. Madame X... a été entendue en ses explications, maître ROUSSEAU, bâtonnier, en ses observations, Monsieur Z..., Avocat général, en ses conclusions, en chambre du conseil. Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, premier président, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 14 Janvier 2004. A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré. ---==oOOEOo==--- LA COUR ---==oOOEOo==--- Maître X... est devenue à 30 ans avocat au barreau de la Creuse le 14 février 1996. A partir de 1997, le bâtonnier a été saisi de

plaintes de clients et de confrères dirigées contre maître X.... En raison de l'aggravation de cette situation à partir de 2000, le bâtonnier a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire en 2001. Maître LEFAURE désigné comme rapporteur a entendu maître X... le 12 octobre 2001 sur les plaintes concernant 17 dossiers, et, le 6 septembre 2002, sur 14 autres dossiers. Entre-temps, le conseil de l'Ordre, constatant que "la dérive professionnelle de maître X... s'était accentuée", a pris le 2 septembre 2002 une décision de suspension provisoire avec désignation de maître MAZURE comme administrateur provisoire du cabinet. En effet, et plus spécialement, en août 2002, le procureur général avait informé le conseil de l'Ordre de l'émission de chèques par maître X... malgré une interdiction bancaire, et, en juillet 2002, celle-ci s'était opposée au contrôle annuel de sa comptabilité par le bâtonnier. Un rapport de maître LEFAURE du 26 septembre 2002 concluait que 65 plaintes avaient été déposées contre maître X... et qu'elles ont continué en dépit des rappels à l'ordre. Le rapporteur exposait une série de 27 faits de nature à engager la responsabilité disciplinaire de maître X... et répartis en quatre groupes : 1°) manquements à l'honneur et à la probité en raison de faits susceptibles, soit de poursuites pénales (émissions de chèque malgré une interdiction bancaire), soit de poursuites civiles (dans 4 dossiers où maître X... ne réglait pas ses dettes), 2°) manquements au devoir de loyauté en raison de fausses informations données aux clients sur le déroulement des procédures les concernant, mais aussi aux confrères et au bâtonnier, avec dans un cas une intervention pour un client malgré opposition d'intérêts, 3°) manquements au devoir de diligence caractérisés par l'absence de diligences, des promesses non tenues, et la rétention systématique de dossiers restituables, 4°) manquements au devoir de solidarité par le

retard systématique dans le paiement des cotisations à l'Ordre et des droits de plaidoirie, l'absence de déclaration à la RAM pour 2001, le non-paiement des cotisations et le retard des paiements dus à l'URSSAF. Le 4 décembre 2002, l'Ordre s'est réuni en conseil de discipline, maître X... a comparu, et, le 16 décembre 2002, la sanction de l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant 3 ans a été prononcée contre elle avec maintien de maître MAZURE aux fonctions d'administrateur du cabinet. La délibération examinait l'un après l'autre les faits objet de la poursuite, en écartait 5 comme insuffisamment caractérisés, et 3 comme amnistiés. 19 faits étaient en définitive retenus comme justifiant des sanctions disciplinaires dont 15 concernant des dossiers où maître X... avait manqué, selon le conseil de l'Ordre, au devoir de diligence de manière constante et répétée, ainsi qu'au devoir de loyauté en raison d'informations erronées données à des clients, au bâtonnier et au rapporteur au cours de l'enquête sur l'état des procédures et les diligences accomplies. 3 faits constituaient des manquements à l'honneur et à la probité (interdiction bancaire suivie d'émission de chèques, refus de vérification comptable et poursuites pour recouvrement d'impayés). Une dernière série de faits constituait des manquements au devoir de solidarité caractérisés par le non-paiement de cotisations diverses. Le conseil de l'Ordre relevait pour justifier la sanction prononcée que Madame X... faisait état pour se défendre de préoccupations familiales et de problèmes de santé insuffisants pour excuser les manquements graves et répétés à ses devoirs, ainsi qu'une attitude restée très désinvolte et inconséquente même au cours de l'instruction des plaintes. Madame X... a relevé appel le 15 janvier 2003 de la décision ainsi prise à son encontre. * * * L'affaire a été fixée une première fois à l'audience de la cour du 9 avril 2003 et renvoyée alors à la demande

de Mme X... à celle du 12 novembre 2003. Maître PORTEJOIE, conseil de Mme X..., a sollicité un nouveau report par télécopie du 12 novembre 2003 en exposant qu'il devait plaider le même jour à l'extérieur dans une autre affaire et ne pouvait donc être présent. Informée qu'en cas de renvoi, l'examen de l'affaire serait fixé en octobre 2004,Mme X... a préféré qu'elle soit retenue à celle du 12 novembre 2003. * * * Développant à l'audience ses conclusions en date du 7 novembre 2003 établies par son conseil, Madame X... sollicite à titre principal l'annulation de la procédure disciplinaire et de la décision du 16 décembre 2002 en se fondant sur 3 séries de moyens : 1- la sanction disciplinaire a été prise par trois membres du conseil de l'Ordre qui en comportait 6 en violation des articles 181 et 4 du décret du 27 novembre 1991 qui fixent le quorum à la moitié des membres plus un, soit en l'occurrence quatre membres, 2 - des règles de la procédure disciplinaire protectrices des droits de la défense et du principe du contradictoire auraient été méconnues en ce que les déclarations des plaignants n'ont pas été lues lors de la comparution de maître X... devant le conseil de l'Ordre, et en ce que ces plaintes ne lui ont pas été adressées avant qu'elle soit entendue par le rapporteur, 3- l'article 197 du décret aurait aussi été méconnu en ce qu'il prévoit que le conseil de l'Ordre doit statuer dans les 15 jours d'une demande de suspension provisoire ou les deux mois d'une demande de poursuite disciplinaire émanant du procureur général, à défaut de quoi la demande est réputée rejetée et le procureur général peut saisir la cour d'appel. En l'occurrence, le procureur général a demandé à être informé à partir de mai 2001 de l'évolution de la procédure disciplinaire engagée par le conseil de l'Ordre, mais celui-ci n'a pas statué dans le délai de 2 mois prévu par l'article197 qui, selon Mme X..., aurait été rendu applicable

par analogie du fait de la demande d'information du procureur général. A titre subsidiaire, sur le fond, Mme X... expose que les faits qui lui sont reprochés ne portent pas atteinte à l'honneur de la profession, et sont donc amnistiés en application de la loi du 6 août 2002. Seuls les faits d'émission de chèques malgré interdiction bancaire pourraient échapper à l'amnistie, mais ils ne peuvent être retenus comme faute disciplinaire dès lors que l'arrêt du 22 octobre 2003 par lequel la cour d'appel a condamné entre-temps maître X... pour ces faits est frappé de pourvoi. Entendu en ses observations, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de la Creuse admet que le quorum légal n'était pas atteint pour prendre la décision du 16 décembre 2002. En revanche, il conteste que la procédure n'ait pas été contradictoire et affirme que Mme X... a eu connaissance de l'ensemble des plaintes. Par ailleurs, l'importance des plaintes a exigé une instruction longue, de sorte que le procureur général n'a pu être informé dans l'immédiat sur leur suite. Sur le fond, la plupart des faits reprochés ne sont pas amnistiables, selon le bâtonnier. Pour conclure, celui-ci fait valoir qu'il appartient à la cour d'évoquer en cas d'annulation de la délibération du 16 décembre 2002. Le ministère public estime aussi qu'en cas d'annulation de cette délibération, la cour doit statuer sur le fond dès lors que Mme X... a conclu à titre subsidiaire sur le fond. Il conclut à la confirmation de la sanction prononcée par le conseil de l'Ordre. Après que le bâtonnier et le procureur général sont intervenus, Mme X... réplique et a ainsi la parole la dernière. SUR CE : Attendu qu'il n'est pas discuté que le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de la Creuse comportait six membres à l'époque de la décision frappée de recours ; Que celle-ci devait donc être prise par au moins quatre membres ; Que, ne l'ayant été que par trois membres, elle est nulle ; Attendu que, néanmoins, l'article

562 du Nouveau Code de procédure civile applicable à la cause dispose que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ; Que la cour, saisie de conclusions subsidiaires sur le fond par Mme X..., doit donc examiner le fond ; Attendu que Me X... se limite à affirmer que les faits qui lui sont reprochés ne portent pas atteinte à l'honneur de la profession et sont amnistiés sans s'expliquer davantage ; Qu'ainsi, les faits sur lesquels la poursuite disciplinaire est fondée ne sont pas discutés dans leur matérialité (à l'exception de l'émission de chèques malgré interdiction) ; Que, par ailleurs, il n'appartient pas à la cour de suppléer Mme X... dans la motivation de son affirmation selon laquelle ces faits seraient amnistiés, alors qu'au contraire, quinze des faits pour lesquels elle est poursuivie et ayant consisté à de multiples reprises et délibérément, à fournir de fausses informations sur le déroulement des procédures à des clients, à des confrères et au bâtonnier, à s'abstenir d'accomplir les diligences nécessaires au règlement des dossiers, et à retenir des dossiers restituables, tels que ces faits sont exposés dans le rapport de maître LEFAURE auquel la cour se réfère expressément pour un exposé plus complet, constituent des manquements à l'honneur non amnistiables (à savoir, les dossiers GOUABAULT, BNP, DHAINAUT, CROMBE,Crédit Mutuel du Nord, MARGUINAUD, MURCIA, DULAC, Crédit Industriel et Commercial, DELHOMMAIS, MAUME, LEOTOING, MSA/DEPAL, MSA/CETINER, refus de vérification comptable) ; Qu'en effet, ces faits constituent des manquements caractérisés aux devoirs de dignité, conscience et probité que Mme X... s'est engagée à observer en prêtant son serment ; Que tout manquement délibéré au serment prêté est nécessairement contraire à l'honneur; Que les autres faits apparaissent, soit comme amnistiés (BNP/Creuse Gourmande,Caisse des dépôts et Crédit Immobilier de France, non

paiement de cotisations et droits de plaidoirie), soit comme insuffisamment caractérisés au jour où la cour statue pour constituer le fondement d'une sanction disciplinaire (à savoir, les autres faits poursuivis, en particulier l'émission de chèques malgré interdiction bancaire en l'état du caractère non définitif de la condamnation pénale prononcée) ; Attendu que la sanction de l'interdiction d'exercice pour 3 ans apparaît proportionnée à la gravité des quinze faits ainsi retenus ; ---==oOOEOo==--- PAR CES MOTIFS ---==oOOEOo==--- LA COUR Statuant en chambre du conseil, en audience solennelle, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Annule l'arrêté du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de la Creuse du 16 décembre 2002, Et statuant à nouveau, Prononce à l'encontre de Mme X... la sanction disciplinaire de l'interdiction temporaire pendant TROIS ANS de l'exercice de la profession d'avocat,sanction prenant effet à la date où la suspension provisoire décidée le 2 septembre 2002 a elle-même pris effet, Maintient maître MAZURE dans les fonctions d'administrateur du cabinet, Condamne Mme X... aux dépens. CET ARRET A ETE PRONONCE EN CHAMBRE DU CONSEIL EN AUDIENCE SOLENNELLE DES PREMIERE ET DEUXIÈME CHAMBRES RÉUNIES DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUATRE PAR MONSIEUR LOUVEL, PREMIER PRÉSIDENT. LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT, LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT, Régine GAUCHER. Bertrand LOUVEL.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Numéro d'arrêt : C03;0074
Date de la décision : 14/01/2004

Analyses

AVOCAT - Discipline - Manquement à l'honneur - Définition

Dans la mesure où une avocate commet des faits qui constituent des manquements caractérisés aux devoirs de dignité, conscience et probité, devoirs qu'elle s'est engagée à observer en prêtant serment, et que tout manquement délibéré à ce serment est nécessairement contraire à l'honneur, l'interdiction d'exercice pour 3 ans est proportionnée à la gravité des faits re- connus


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2004-01-14;c03 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award