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22/10/2003 | FRANCE | N°C03;0508

France | France, Cour d'appel de Limoges, 22 octobre 2003, C03 et 0508


ARRKT NE RG NE : 03/00508AFFAIRE :Mme Magali Aurélie Nanda Elisa X... épouse Y.../M. Ljubomir Z.../RGDEMANDE EN DIVORCEGrosse délivrée B Me Garnerie

COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE PREMIORE SECTION---==oOo==---ARRKT DU 22 OCTOBRE 2003---===oOo===---

En chambre du conseil de la CHAMBRE CIVILE PREMIORE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE A..., le VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE TROIS a été rendu l'arrLt dont la teneur suit :ENTRE :

Madame Magali Aurélie Nanda Elisa X... épouse B... nationalité Françaisenée le 25 Aoft 1971 B TILBURG (PAYS BAS)Profession : Sans profes

sion, demeurant Chez M. et Mme X... "C..." - Route de Chaptelat - 87280 BEAU...

ARRKT NE RG NE : 03/00508AFFAIRE :Mme Magali Aurélie Nanda Elisa X... épouse Y.../M. Ljubomir Z.../RGDEMANDE EN DIVORCEGrosse délivrée B Me Garnerie

COUR D'APPEL DE LIMOGESCHAMBRE CIVILE PREMIORE SECTION---==oOo==---ARRKT DU 22 OCTOBRE 2003---===oOo===---

En chambre du conseil de la CHAMBRE CIVILE PREMIORE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE A..., le VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE TROIS a été rendu l'arrLt dont la teneur suit :ENTRE :

Madame Magali Aurélie Nanda Elisa X... épouse B... nationalité Françaisenée le 25 Aoft 1971 B TILBURG (PAYS BAS)Profession : Sans profession, demeurant Chez M. et Mme X... "C..." - Route de Chaptelat - 87280 BEAUNE-LES-MINESreprésentée par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué B la Courassistée de Me Josette REJOU, avocat au barreau de A...(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 03/1732 du 22/05/2003 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de A...)

APPELANTE d'une ordonnance rendue le 20 MARS 2003 par le Juge aux affaires familiales du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LIMOGESET :

Monsieur Ljubomir B... nationalité Françaisené le 17 Septembre 1955 B KARLOVAC CROATIE), demeurant Pt de la Maison de l'Europe - JAKOVLJANSKA 4 - 10000 D... (CROATIE) - représenté par la SCP CH DURAND-MARQUET, avoués B la Cour

INTIMEen présence du MinistPre Public représenté par Monsieur E..., Substitut Général prPs la Cour d'Appel de A... ---==oOOEOo==---

Le MinistPre Public a déposé des conclusions le 29 septembre 2003.

L'affaire a été fixée B l'audience du 08 Octobre 2003, en application de l'article 910 du Nouveau Code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, de Monsieur Pierre-Louis F... et de Madame Anne-Marie G...,

Conseillers, assistés de Madame Régine H..., Greffier, maître REJOU, avocat a été entendue en sa plaidoirie, maître GARNERIE, avoué, a déposé son dossier et Monsieur E..., Substitut de Monsieur le Procureur Général a été entendu en ses conclusions, en chambre du conseil ;

Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, a renvoyé le prononcé de l'arrLt, pour plus ample délibéré, B l'audience du 22 Octobre 2003 ;

A l'audience ainsi fixée, l'arrLt qui suit a été prononcé, ces mLmes magistrats en ayant délibéré. ---==oOOEOo==--- LA COUR ---==oOOEOo==--- Les époux I... ont tous deux la double nationalité française et croate.

Ils vivaient B D... jusqu'B ce que Mme X... décide de rester en France au cours d'un voyage qu'elle y effectuait en novembre 2002 avec les deux enfants du couple, Sarah, aujourd'hui âgée de 3 ans, et Lara, âgée d'un an.

Une premiPre procédure a opposé les époux devant les juridictions de A... sur le fondement de la Convention de la HAYE du 25 octobre 1980 relative aux déplacements illicites d'enfants.

Cette procédure s'est clôturée par un arrLt de la Cour de A... du 9 avril 2003 qui a ordonné le retour des enfants B D..., lieu de leur domicile avant que leur mPre décide de les retenir en France.

Auparavant, chacun des époux avait introduit une action en divorce, Monsieur J... B D... le 22 novembre 2002, et Mme X... B A... le 25 novembre 2002.

Le juge aux affaires familiales devait tenir l'audience de conciliation concernant le divorce pour faute demandé par Mme X... le 13 mars 2003, mais Monsieur J... a alors soulevé son incompétence en raison de la litispendance entre les deux juges également

compétents.

Par ordonnance du 20 mars 2003, le juge aux affaires familiales de A... a fait droit B l'exception d'incompétence. Il a estimé en effet que l'article 2 du rPglement européen du 19 mai 2000 qui donne compétence pour statuer sur les questions de divorce aux juridictions de l'Etat membre de la nationalité commune des deux époux, écartaient implicitement l'application des articles 14 et 15 du Code civil relatifs au privilPge de juridiction des plaideurs français. En conséquence, Mme X... ne pouvait exiger d'Ltre jugée par la juridiction française. L'article 100 du Nouveau Code de procédure civile était seul applicable en ce qu'il donne compétence B la premiPre juridiction saisie, en l'espPce la juridiction croate.

En effet, le juge aux affaires familiales vérifiait par ailleurs qu'était remplie l'autre condition du jugement de la litispendance internationale en faveur de la juridiction étrangPre, B savoir que la décision qui serait rendue par le juge de D... serait exécutoire en France comme étant conforme aux conditions posées par la convention franco-yougoslave du 18 mai 1971 applicable B la Croatie. Ces conditions, constatait le juge aux affaires familiales, sont remplies, B savoir compétence du tribunal croate comme tribunal du domicile des enfants, respect de l'ordre public international français, compatibilité du droit croate du divorce avec le droit français, et respect des droits de la défense.

Madame X..., qui a exécuté l'arrLt du 9 avril 2003 et est retournée B D... avec ses enfants, a relevé appel de l'ordonnance du juge aux affaires familiales du 20 mars 2003. Elle estime en effet que le rPglement européen du 29 mai 2000 n'est pas applicable au présent litige puisque la Croatie n'est pas membre de l'Union européenne et que les articles 14 et 15 du Code civil doivent donc recevoir application dPs lors qu'elle sollicite d'Ltre jugée par la

juridiction française.

Elle demande par ailleurs B la cour d'évoquer le fond, de l'autoriser B résider séparément, de lui confier B titre principal l'hébergement de ses jeunes enfants, et de condamner leur pPre B lui verser une pension alimentaire mensuelle de 600 euros pour leur entretien.

Monsieur J... conclut B la confirmation du jugement et réclame 1.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Il soutient que le juge aux affaires familiales de A... tient en l'espPce sa compétence uniquement de l'article 2-1, b, du rPglement européen du 29 mai 2000 qui attribue compétence aux juridictions de l'Etat membre de la nationalité commune des époux, et non des rPgles de compétence interne écartées par le rPglement, y compris les articles 14 et 15 du Code civil, que cependant ce rPglement n'écarte pas la compétence du juge croate puisque son article 7 ne donne un caractPre exclusif B la compétence du juge désigné par l'article 2 qu'B l'égard des juridictions des autres Etats membres de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas de la Croatie, que le juge croate est compétent en l'occurrence en raison du rattachement caractérisé du litige B la Croatie dont les époux K... ont aussi la nationalité et oj est établie la résidence de la famille, que la litispendance est donc légalement constituée et que le juge croate doit Ltre désigné de préférence au juge français dPs lors qu'il a été le premier saisi et que sa décision pourra recevoir effet en France en application de la Convention franco-yougoslave du 18 mai 1971 applicable dans les rapports franco-croates.

Subsidiairement, Monsieur J... soutient que Mme X... a de toute maniPre tacitement renoncé au privilPge de juridiction des articles 14 et 15 en comparaissant devant le Centre de prévoyance social de D... oj se déroule la tentative de conciliation obligatoire avant

divorce selon la procédure croate, les 11 mai, 28 mai et 30 septembre 2003. Mme X... n'a pas discuté la compétence de la juridiction croate lorsqu'elle s'est présentée devant cet organisme qui a compétence pour prendre les mesures provisoires concernant les enfants et qui est donc une véritable juridiction.

TrPs subsidiairement, Monsieur J... estime que la cour d'appel ne peut en tout cas se prononcer sur le fond. En effet, la tentative de conciliation n'a pas eu lieu devant le juge aux affaires familiales de A... puisqu'il a fait droit B l'exception de litispendance. Par ailleurs, l'article 3 du rPglement européen du 29 mai 2000 n'autorise le juge compétent selon son article 2 B statuer sur les mesures concernant les enfants que si ceux-ci ont leur résidence habituelle dans un Etat membre, ce qui n'est pas le cas en l'espPce oj les enfants ont leur résidence en Croatie.

Enfin, le juge français ne pourrait statuer en l'état sur le fond en application de l'article 16 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur le déplacement illicite d'enfants dPs lors que Mme X... aurait de nouveau opéré un déplacement illicite des enfants en les ramenant en France le 15 mai 2003 contre la volonté de leur pPre, et ceci en méconnaissance de l'accord intervenu entre les parents B la suite de l'arrLt de cette cour du 9 avril 2003.

Le MinistPre Public conclut B l'application du privilPge de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil.

Il considPre en effet que, la Croatie n'étant pas membre de l'Union européenne, le rPglement européen du 19 mai 2000 n'a pas pour effet d'écarter les articles 14 et 15 en faveur de la compétence du juge croate.

Par ailleurs, en participant B une tentative de conciliation devant un organisme croate qui n'a pas le caractPre d'une juridiction et dont l'intervention a précisément pour but d'éviter le procPs en

divorce, Madame X... n'a pas pu renoncer implicitement et de maniPre non équivoque au privilPge des articles 14 et 15 du Code civil. SUR CE :

Attendu que l'article 7 du rPglement de la CE n° 1347/2000 du 29 mai 2000 ne donne un caractPre exclusif (ce qui doit s'entendre comme écartant les rPgles de compétence ordinaires) aux critPres de compétence définis par ce rPglement dans ses articles 2 B 6 que dans les conflits de juridiction entre Etats membres ;

Que, la Croatie n'étant pas membre de l'Union européenne, le rPglement ci-dessus visé n'a pas vocation B régler le présent conflit de juridiction par exclusion des rPgles de compétence ordinaires ;

Qu'B défaut de rPgle spéciale issue d'un accord international applicable dans les rapports de la France et de la Croatie, ce conflit doit donc Ltre réglé par application des rPgles françaises internes de compétence ;

Qu'en particulier, les articles 14 et 15 du Code civil ne se trouvent pas écartés en l'espPce par le rPglement invoqué, sauf B admettre que, dPs lors que deux époux sont français, ils ne pourraient plus se prévaloir du privilPge de juridiction, quelle que soit la juridiction étrangPre saisie, y compris celle d'un Etat non membre de l'Union, ce qui n'est pas l'objet de ce rPglement qui tend B régler les conflits de juridiction entre Etats membres ;

Que les articles 14 et 15 du Code civil, auxquels Mme X... n'a pas renoncé, en se prLtant en Croatie B un simple préliminaire de conciliation n'impliquant pas de défense au fond sur l'action en divorce, et ceci aprPs qu'elle a introduit elle-mLme une action en divorce en France B laquelle elle n'a pas renoncé, imposent au juge français de retenir sa compétence, et spécialement au juge de A... oj Madame X... a établi sa résidence auprPs de ses parents ;

Que la décision du premier juge sera donc infirmée ;

Attendu que, sur le fond, l'article 568 du Nouveau Code de procédure civile autorise en principe la cour B évoquer en laissant l'exercice de ce pouvoir B son appréciation ;

Que, cependant, ce pouvoir trouve sa limite lorsqu'une procédure particuliPre, telle la tentative de conciliation, doit Ltre observée devant le premier juge, comme c'est le cas en l'espPce ;

Que l'affaire sera donc renvoyée devant le juge aux affaires familiales de A... pour que la procédure soit poursuivie devant ce magistrat selon ce que prévoient les rPgles spéciales au divorce ;

Qu'il appartiendra au juge aux affaires familiales en particulier d'apprécier si les conditions d'un sursis B statuer posées par la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sont ou non réunies en l'état ;

Attendu que l'application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile n'est pas opportune en l'espPce ; ---==oOOEOo==--- PAR CES MOTIFS ---==oOOEOo==--- LA COUR

Statuant par arrLt contradictoire, en chambre du conseil et aprPs en avoir délibéré conformément B la loi ;

Infirme l'ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de A... du 20 mars 2003

Et statuant B nouveau,

Juge que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de A... est compétent pour connaître du litige,

Renvoie la procédure devant cette juridiction,

Dit que le dossier de l'affaire lui sera aussitôt transmis dans les conditions prévues par l'article 97 du Nouveau Code de procédure civile,

Condamne Monsieur J... aux dépens de l'incident en premiPre instance et en appel, lesquels seront recouvrés selon les rPgles de l'aide juridictionnelle.

CET ARRKT A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE DE LA CHAMBRE CIVILE PREMIORE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE A... EN DATE DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE TROIS PAR MONSIEUR LOUVEL, PREMIER PRÉSIDENT. LE GREFFIER,

LE PREMIER PRÉSIDENT, Régine H...

Bertrand LOUVEL.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Numéro d'arrêt : C03;0508
Date de la décision : 22/10/2003

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Application des règles françaises internes à l'ordre international

L'article 7 du règlement n° 1347/2000 du 29 mai 2000 ne donnant un caractère exclusif (ce qui doit s'entendre comme écartant les règles de compétences ordinaires) aux critères de compétences définis par ses articles 2 à 6 que dans les conflits de juridictions entre Etats membres de l'Union européenne, il n'a pas vocation à régler les conflits de juridictions entre pays dont un au moins n'est pas membre. A défaut de règles spéciales issues d'un accord international applicable dans les rapports de la France et d'un pays non membre, le conflit doit être réglé par application des règles françaises internes de compétence sous réserve d'une part que l'une au moins des parties ait la double nationalité et d'autre part qu'elle n'ait pas renoncé au privilège de juridiction qui lui confère les articles 14 et 15 du Code civil


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2003-10-22;c03 ?
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