ARRÊT N RG N : 02/01566 AFFAIRE : M. Didier X... Y.../ S.A.O.S. LIMOGES CSP BL/RG Admission de créances Grosse délivrée à la SCP Debernard Dauriac COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION ---==oOo==--- ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2003 ---===oOo===--- A l'audience publique de la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES, le PREMIER OCTOBRE DEUX MILLE TROIS a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE : Monsieur Didier X..., de nationalité Française né le 25 Février 1954 à LIMOGES (87000) Profession : Conseiller en gestion sportive, demeurant 98, rue Jean de Vienne - Le Mas Neuf - 87100 LIMOGES LANDOUGE représenté par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour assisté de Me Guy HERVY substitué par Me Bertrand VILLETTE, avocats au barreau de LIMOGES APPELANT d'un jugement rendu le 04 OCTOBRE 2002 par le TRIBUNAL DE COMMERCE LIMOGES ET : S.A.O.S. LIMOGES-CSP, dont le siège est 2, rue Fritz James - 87000 LIMOGES représentée par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Cour assistée de Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES INTIMÉE ---==oOOEOo==--- L'affaire a été communiquée au ministère public le 26 juin 2003 et visa de celui-ci a été donné le 27 juin 2003. L'affaire a été fixée à l'audience du 03 Septembre 2003, après ordonnance de clôture rendue le 7 août 2003 la Cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, de Monsieur Michel ANDRAULT, Président de chambre et de Madame Martine BARBERON-PASQUET, Conseiller, assistés de Madame Régine Z..., Greffier, maîtres Bertrand VILLETTE et Emmanuel RAYNAL, avocats, ayant été entendus en leur plaidoirie ; Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 1er Octobre 2003 ; A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré. ---==oOOEOo==--- LA COUR ---==oOOEOo==--- De 1997 à 2000, Monsieur X... a rempli le rôle d'intermédiaire dans le recrutement de joueurs de
basket-ball professionnels par la société anonyme à
objet sportif (SAOS) LIMOGES CSP et il a perçu des honoraires de cette dernière à
l'occasion de chaque recrutement. Monsieur X... était par ailleurs membre du conseil de surveillance de
cette SAOS dont il était porteur de 27% des actions, Monsieur de A... étant
président du directoire. Les deux hommes détenaient ensemble la majorité du
capital. Par acte du 23 novembre 2001, la SAOS LIMOGES CSP a fait assigner Monsieur X... devant le tribunal de commerce de LIMOGES afin qu'il entende prononcer l'annulation des conventions d'intermédiaire sportif conclus entre lui et la
société de 1997 à 2000 au motif que ces conventions ont méconnu l'article 15-2
de la loi du 16 juillet 1984 organisant les activités sportives et l'article l de
on décret d'application 93-393 du 18 mars 1993. Selon ces textes en effet, la
personne qui occupe des fonctions de direction en droit ou en fait d'un groupement
rémunérant des sportifs ne peut exercer l'activité d'intermédiaire pour la
conclusion des contrats entre ce groupement et les sportifs. Selon la SAOS LIMOGES CSP, Monsieur X... exerçait la direction de fait de la société avec Monsieur DE A... au cours de la période considérée dans la
mesure où il participait activement aux délibérations du directoire
en dépit de sa
seule fonction officielle de membre du conseil de surveillance, et donnait
l'impulsion aux décisions intéressant le financement de la société. A titre
subsidiaire, la SAOS a fondé
aussi son action en annulation des conventions
conclues entre elle-même et Monsieur X... sur les articles L 225-86 et suivants du
Code de commerce qui imposent que toute convention passée entre une société anonyme
et un membre de son conseil de surveillance soit soumise à l'autorisation préalable
de ce dernier avant d'être présentée à l'approbation de l'assemblée générale sur le
rapport des commissaires aux comptes. Les conventions passées en méconnaissance de ces textes, à l'exclusion de
celles portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales,
peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société. Estimant que les conventions d'intermédiaire conclues entre Monsieur X...
et la SAOS n'étaient pas des opérations courantes et que les rémunérations prévues
excédaient les conditions normales, la SAOS a demandé au tribunal de commerce
5.000.000 francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui ont causé
ces conventions et leurs suites, à savoir les conventions
subséquentes conclues
entre la SAOS et les joueurs embauchés, lesquelles, en prévoyant des rémunérations considérables, ont contribué à conduire le club CSP de LIMOGES au redressement judiciaire prononcé le 5 juillet 2000 et à un plan de continuation adopté par
jugement du 25 avril 2001. Le tribunal de commerce de LIMOGES, par jugement du 4 octobre 2002, a estimé que Monsieur X... s'était comporté en dirigeant de fait de la SAOS en
raison de son immixtion dans le directoire, a annulé en conséquence les conventions
d'intermédiaire conclues entre lui et la SAOS sur le fondement de la loi du 16
juillet 1984 et de son décret d'application, et a condamné Monsieur X... à payer
76.224 euros de dommages-intérêts à la SAOS en application de l'article 1382 du Code
civil. Monsieur X... a relevé appel de ce jugement. Il conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de la demande au motif qu'elle est introduite par le président du nouveau directoire, alors qu'elle aurait dû l'être par le commissaire à l'exécution du plan de continuation auquel le jugement du 25 avril 2001 arrêtant ce plan a confié, non seulement la mission de payer les créanciers aux échéances prévues mais aussi celle de poursuivre ou d'engager toutes actions utiles, notamment dans le cadre d'une expertise de gestion en cours. Par ailleurs, cette expertise doit aussi permettre d'apprécier si une action en comblement de passif ou en extension de la procédure collective peut ou non être exercée contre les anciens dirigeants de la SAOS en vertu des articles L 624-3 et suivants du Code de
commerce. Comme l'exercice d'une telle action est réservé à l'initiative des seuls organes de la procédure collective par l'article L 624-6, Monsieur X..., estimant que la présente procédure se rattache à ces textes, soutient que, pour ce motif encore, l'action ne pouvait être exercée par le représentant légal ordinaire de la société. Enfin, Monsieur X... estime que l'action est encore irrecevable faute de mise en cause du représentant des créanciers de la procédure collective. Ces créanciers sont en effet les bénéficiaires de l'indemnité allouée par le tribunal de commerce pour des faits antérieurs à l'ouverture de la procédure collective. Par ailleurs, Monsieur X... a déclaré au représentant des créanciers une créance correspondant aux honoraires qui ne lui ont pas été payés par la SAOS, ce qui justifierait aussi la présence à l'instance du représentant des créanciers. Sur le fond, Monsieur X... conteste avoir été dirigeant de fait de la SAOS. Il explique sa participation aux réunions du directoire par les invitations qui lui étaient adressées en qualité de consultant ou de conseiller sportif. Il ajoute qu'il n'est pas démontré qu'il n'était pas agréé par l'administration en qualité d'agent sportif et qu'il n'appartenait pas au tribunal de commerce de statuer sur la validité de son exercice professionnel, ce qui relève des pouvoirs de l'administration sous le contrôle du seul juge administratif, de sorte que Monsieur X... n'aurait pas méconnu la règle del'interdiction faite à un dirigeant d'intervenir comme intermédiaire entre le club et les sportifs qu'il embauche et que les contrats d'intermédiaire conclus entre lui-même et la société ne seraient donc pas nuls. Par ailleurs, Monsieur X... observe qu'un club sportif a toujours recours à un intermédiaire qualifié pour embaucher un joueur et que la convention conclue cette fin est donc une opération courante pour un tel club. Quant aux honoraires qu'il a
perçus à ces occasions, Monsieur X... les estime normaux dès lors qu'ils n'ont pas dépassé le taux maximum autorisé par la loi, c'est à dire 10% de la rémunération versée aux joueurs embauchés à la faveur du contrat d'intermédiaire. De sorte que les conventions litigieuses, opérations courantes conclues à des conditions normales, n'étaient pas soumises à l'autorisation préalable du conseil de surveillance ni à l'approbation ultérieure de l'assemblée générale. Enfin, s'agissant de l'indemnité allouée par le jugement entrepris, MonsieurROSE estime que le tribunal de commerce a commis une erreur de droit en se fondant sur l'article 1382 du Code civil alors qu'on se trouverait en l'espèce en présence d'un cas de responsabilité contractuelle, responsabilité qui ne pourrait pas être mise en oeuvre en raison de la validité des conventions litigieuses au regard des conditions posées par l'article 1108 du Code civil. La SAOS LIMOGES CSP quant à elle conclut à la confirmation du jugement en ce qui concerne l'annulation des conventions. Elle soutient d'abord que la demande est recevable dès lors qu'elle ne se rattache pas à la mission du commissaire à l'exécution du plan limitée à l'action en comblement de passif par ailleurs engagée contre Monsieur X... et qui est étrangère à l'instance en annulation de conventions, laquelle constitue le seul objet de la présente procédure et entre dans les pouvoirs de gestion des organes ordinaires de la société. De même, pour la SAOS, la mise en cause du représentant des créanciers n'est pas nécessaire dès lors que les créances prétendues de Monsieur X... contre la société sont étrangères au présent débat. Sur le fond, la SAOS soutient que Monsieur X... tenait bien le rôle de dirigeant de fait de la SAOS à l'époque où il a servi d'intermédiaire entre elle et les joueurs embauchés. Elle reprend en particulier les constatations du tribunal de commerce dans le jugement frappé d'appel et selon lesquelles Monsieur X... intervenait non comme consultant mais comme décideur au
sein du directoire. Ainsi en fut-il le 26 août 1997 à propos du recrutement d'un nouveau joueur, le 2 février 1998 à propos des négociations sur des contrats de télévision et avec le groupe Yves Rocher, de son engagement de faire un apport personnel de 3,5 millions de francs en cas d'échec de ces négociations, et de la demande qu'il a faite au président du directoire d'assurer la réalisation des fonds manquants, les 26 novembre 1998 et 11 mars 1999 à propos de la nécessité d'augmenter le capital social par l'entrée dans le club de nouvelles sociétés, de développer le marketing sportif et de négocier de nouveaux apports pour 4 à 5 millions de francs à défaut de quoi il se retirerait du club. La SAOS évoque encore la réunion du directoire du 3 mars 1998 où Monsieur X... envisageait de céder le fonds de commerce et de se retirer. Par ailleurs, la SAOS soutient que les conventions conclues entre elle et Monsieur X... comportaient des honoraires surévalués, notamment au regard des difficultés financières de la société, et qu'elles ne correspondaient donc pas aux conditions normales de nature à les soustraire à l'autorisation préalable du conseil de surveillance S'agissant de son préjudice que le tribunal a divisé par dix au regard de sa demande de 5.000.000 francs ou de 762.245 euros, la SAOS se porte appelante incidente pour ce dernier montant, et ce sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en estimant que son dommage doit être apprécié globalement, y compris au regard du préjudice causé du fait des contrats conclus avec les joueurs dans le prolongement des contrats d'intermédiaire conclus avec Monsieur X..., les rémunérations excessives prévues par les contrats d'engagement et qui sont à l'origine des difficultés de la SAOS étant elles-mêmes la conséquence de l'irrégularité des contrats d'intermédiaire. Enfin, la SAOS réclame 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. SUR CE : Attendu que la présente action,
introduite après le jugement arrêtant le plan de continuation de la SAOS, lequel n'en fait pas mention, est étrangère à l'exécution de ce plan ; Qu'elle tend par ailleurs à l'annulation de conventions et non à un comblement de passif ou une extension de procédure collective ; Qu'elle est donc régulièrement engagée et poursuivie par les organes de représentation ordinaires de la société qui ont retrouvé leurs pouvoirs par l'effet du jugement arrêtant le plan ; Que, par ailleurs, la présente action tend à faire admettre une créance de la société contre Monsieur X... et non l'inverse ; Que la mise en cause du représentant des créanciers n'est donc pas nécessaire; Attendu que, sur le fond, Monsieur X... s'en tient à affirmer dans ses écritures qu'il ne participait aux réunions du directoire qu'en qualité d'invité ou de consultant ; Qu'il ne discute pas l'argumentation détailléee de la SAOS sur sa participation active avec un comportement de dirigeant qui est exposée ci-dessus, appuyée sur la production de procès-verbaux, et qui a fondé la décision du tribunal de commerce du 4 octobre 2002 ; Que le tribunal a fait de cette participation et de ce comportement une juste interprétation en considérant que Monsieur X... avait au sein de la SAOS un rôle de dirigeant de fait qui l'empêchait de remplir des missions d'intermédiaire dans le recrutement de joueurs par la société, selon l'article 15-2 de la loi du 16 juillet 1984 et l'article 1 de son décret d'application 93-393 du 18 mars 1993 alors en vigueur ; Que du fait de l'incapacité d'ordre public de Monsieur X... de conclure des conventions d'intermédiaire, les conventions passées entre ce dernier et la société sont donc nulles en application des textes ci-dessus visés et des articles 1108 et 1123 du Code civil, peu important par ailleurs de rechercher si Monsieur X... avait ou non obtenu un agrément administratif qui réserve nécessairement le pouvoir de l'autorité judiciaire d'apprécier s'il exerçait des fonctions de
dirigeant de fait et s'il pouvait régulièrement en conséquence conclure des conventions d'intermédiaire avec la société ; Que l'annulation de ces conventions doit conduire à la restitution des honoraires versés en vertu de leur exécution, soit pour la période 1997-2000, au vu des factures d'honoraires de Monsieur X... versées aux débats, la somme de 4.945.992,50 francs ou 754.011,70 euros ; Que, par ailleurs, la SAOS n'établit pas l'existence d'un préjudice particulier causé par ces conventions et devant donner lieu à réparation en sus du remboursement des honoraires ; Que pas davantage, la SAOS n'établit un préjudice résultant à la fois des conventions annulées et de celles conclues à leur suite entre la société et les joueurs embauchés ; Qu'en conséquence, le jugement du tribunal sera réformé quant à l'évaluation de la somme payable par Monsieur X... à la SAOS et qui doit être portée à 754.011,70 euros, ceci sans qu'il y ait matière à faire application de l'article 1382 du Code civil ; Attendu qu'enfin, il sera alloué 2.000 euros à la SAOS en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; ---==oOOEOo==--- PAR CES MOTIFS ---==oOOEOo==--- LA COUR Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Confirme le jugement du tribunal de commerce de LIMOGES du 4 octobre 2002 en ce qu'il a jugé que Monsieur X... était dirigeant de fait de la SAOS LIMOGES-CSP et annulé les conventions d'intermédiaire sportif conclues entre Monsieur X... et la SAOS LIMOGES-CSP de 1997 à 2000 ; Le confirme aussi dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile en première instance, Le réformant pour le surplus, Condamne Monsieur X... à payer à la SAOS LIMOGES-CSP la somme de Condamne Monsieur X... à payer à la SAOS LIMOGES-CSP la somme de 754.011,70 euros représentant les honoraires facturés, par l'effet de l'annulation desdites conventions, Dit qu'il n'y a pas matière à l'application de l'article
1382 du Code civil, Ajoutant au jugement, Condamne Monsieur X... aux dépens de l'appel, distraits en faveur de la SCP Debernard Dauriac, avoué, et à payer 2.000 euros pour les autres frais à la SAOS LIMOGES-CSP. Dossier n° 02/1566 CET ARRÊT A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU PREMIER OCTOBRE DEUX MILLE TROIS PAR Madame BARBERON B..., CONSEILLER. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, Régine Z.... Bertrand LOUVEL.