N° RG 24/00044 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MG2U
N° Minute :
Copies délivrées le
Copie exécutoire
délivrée le
à
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE DU 28 AOUT 2024
ENTRE :
DEMANDERESSE
S.A. PERRIER TP immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 778 147 801, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Localité 11]
représentée par Me Aurélie HELLE, avocat au barreau de GRENOBLE, substituant Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
ET :
DEFENDEURS
S.A.S. CARS BERTHELET immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Vienne sous le n°334 214 350, agissant poursuites et diligences de son président en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 17]
[Localité 15]
représentée par Me Stéphane LAPALUT de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES ès qualités de mandataire judiciaire de la société CARS BERTHELET
[Adresse 3]
[Localité 12]
représentée par Me Stéphane LAPALUT de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON
Maître [C] [T] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société CARS BERTHELET
[Adresse 9]
[Localité 8]
représenté par Me Stéphane LAPALUT de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON
Monsieur [Z] [E] entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination GEO CONCEPT 3D
né le 03 septembre 1964
de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 10]
représenté par Me Marie-France KHATIBI de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A.S. CHRISTAUD immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 061 501 615, venant aux droits de la société CELESTIN MATERIAUX, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me JUGUE de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A. ALLIANZ IARD immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 542 110 291, agissant poursuites et diligences de son directeur général, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Me Fabrice POSTA de la SCP PYRAMIDE AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE
S.A.S. EG SOL RÉGION LYONNAISE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 11]
représentée par Me Isabelle ALVES, avocat au barreau de GRENOBLE substituant
Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A.S. SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 407 759 059, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 14]
représentée par Me Emilie LECOMTE, avocat au barreau de GRENOBLE, substituant Me Gaëlle LE MAT de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocat au barreau de GRENOBLE
DEBATS : A l'audience publique du 03 juillet 2024 tenue par Olivier CALLEC, conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Grenoble par ordonnance du 21 décembre 2023, assisté de Marie-Ange BARTHALAY, greffier
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée publiquement le 28 AOUT 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
signée par Olivier CALLEC, conseiller délégué par le premier président, et par Caroline BERTOLO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 28 septembre 2010, la société Cars Berthelet a confié à la société Perrier TP la réfection du réseau d'eaux pluviales de son site de [Localité 15] pour éviter la pollution produite par le ruissellement des hydrocarbures des cars lors de précipitations, M. [E] assurant la maîtrise d'oeuvre complète moyennant des honoraires de 19.069 euros TTC, après étude géotechnique de la société EG Sol.
L'entreprise a mis en place six cuves fabriquées par la société Saint Dizier Environnement, distribuées par la société Celestin Matériaux.
La réception a été prononcée sans réserve majeure le 25/10/2012.
En raison de l'apparition de dysfonctionnements, une expertise confiée à M. [R] a été ordonnée par ordonnances de référé du président du tribunal de commerce de Vienne des 11/12/2014 et 09/07/2015.
Dans son rapport d'avril 2019, l'expert aboutit aux conclusions suivantes :
- les travaux se sont élevés à 442.928 euros ;
- trois Waterloc sont noyés lors de la montée de la nappe phératique, empêchant alors l'ecrêtement et l'infiltration des eaux pluviales (faute de conception) ;
- les flotteurs des trois séparateurs coulent eux aussi à cette occasion, provoquant leur fonctionnement en 'by pass' (faute de conception) ;
- mise en charge des siphons de sortie (désordre réparé en cours d'expertise, imputable au fabricant) ;
- colmatage des filtres en raison d'un défaut d'entretien, imputable au maître d'ouvrage ;
- mauvais fonctionnement des sondes (défaut de fabrication) ;
- ces désordres provoquent la pollution des parkings, par hydrocarbures et boues entraînés par le ruissellement pluvial, alors que la nappe phréatique est vulnérable, car située à faible profondeur ;
- la reprise de la totalité des travaux peut être estimée à 460.000 euros, une solution intermédiaire, par la modification de noues, à 152.000 euros, une solution minimale (modification d'une seule noue), à 40.760 euros.
Par jugement du 19/01/2023, le tribunal de commerce de Vienne, qui avait été saisi par la société Perrier par acte du 12/12/2016, a principalement :
- dit que la société Perrier TP a qualité à agir contre les sociétés EG Sol et Saint Dizier Environnement ;
- dit l'ouvrage réalisé impropre à sa destination ;
- dit que M. [E] a commis des fautes dans la conception et l'étude de son projet, entraînant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
- dit que la société Perrier TP a livré un ouvrage impropre à sa destination et est responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
- dit que la société Cars Bertholet n'est pas responsable des dysfonctionnements de l'installation ;
- ordonné la reprise intégrale de l'ouvrage ;
- mis hors de cause les sociétés EG Sol, Saint Dizier Environnement et Célestin Matériaux ainsi que les compagnies Allianz et Elite Insurance Company Ltd ;
- dit que les désordres sont de nature décennale ;
- condamné in solidum la société Perrier TP et M. [E] à payer les sommes suivantes :
* à la société Bertholet, 495.815,29 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre de la reprise des désordres outre 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* à la société Allianz, 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux sociétés EG Sol Région Lyonnaise, Célestin Matériaux et Saint Dizier Environnement, 4.000 euros chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* à la société Elite, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné in solidum M. [E] et la société Perrier TP aux dépens, comprenant les frais d'expertise.
Le jugement a été signifié par actes des 20 et 22/02/2023.
La société SMABTP, assureur de la société Perrier TP, a réglé à la société Cars Bertholet la somme de 232.897,21 euros et son assurée celle de 50.092 euros, soit la somme de 282.989,21 euros sur les 567.795,73 euros dus.
Par déclarations des 14 et 23/02/2023, la société Perrier TP et M. [E] ont relevé appel du jugement.
Par ordonnances du 08/02/2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour pour inexécution du jugement déféré.
Par actes des 21, 22, 25 et 26/03/2024, la société Perrier TP a assigné en référé devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble M. [E] et les sociétés Cars Berthelet, ainsi que Me [T] et Me [N], mandataires judiciaires de cette société, Saint Dizier Environnement, EG Sol Région Lyonnaise, Celestins Matériaux, Elite Insurance et Allianz Iard, aux fins de se voir autoriser à consigner auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 282.989,21 euros (à actualiser), faisant valoir dans ses conclusions n° 1 soutenues oralement à l'audience que :
- elle a réglé sa quote-part ;
- la radiation de l'appel est due au défaut de réglement de sa part par M. [E] ;
- la société Cars Bertholet fait l'objet d'une procédure de sauvegarde depuis le 26/05/2023 ;
- une part de responsabilité incombe au maître d'ouvrage en raison de son défaut d'entretien ;
- en cas de réformation du jugement, la société Cars Bertholet ne sera pas en mesure de procéder à la restitution du trop-versé, sinon dans le délai du plan, soit 9 années.
M. [E] s'associe à cette demande.
Dans ses conclusions en réponse soutenues oralement à l'audience, la société Cars Bertholet, pour conclure à l'irrecevabilité de la demande, à titre subsidiaire, à son rejet, et réclamer reconventionnellement 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réplique que :
- les demandes de consignation sont irrecevables comme faites alors qu'aucun appel n'est plus en cours, suite à la radiation ordonnée par le conseiller de la mise en état ;
- la procédure de sauvegarde dont elle a fait l'objet a été consécutive à des difficultés conjoncturelles (hausse du coût du carburant suite à la guerre en Ukraine) et s'est achevée par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 23/05/2024, qui a arrêté un plan d'apurement du passif ;
- en tout état de cause, la créance éventuelle de restitution ne sera pas intégrée dans ce plan ;
- enfin, son chiffre d'affaires en 2022 a atteint 26 millions d'euros avec un résultat positif de 412.000 euros.
La compagnie Allianz déclare n'être pas concernée par la demande tandis que les sociétés EG Sol Lyon, Saint Dizier Environnement et Christaud venant au droit de la société Celestin Matériaux s'en rapportent à justice.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, 'la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation'.
Sur la recevabilité de la demande de consignation
Il est de principe résultant d'une jurisprudence établie que la radiation du rôle de l'affaire ordonnée par le conseiller de la mise en état sur le fondement de l'article 526 ancien du même code ne fait pas obstacle à l'application de l'article 524 ancien, concernant l'arrêt de l'exécution provisoire par le premier président. En effet, la procédure d'appel peut reprendre à tout moment, dans le délai biennal de péremption, l'appel n'ayant été déclaré ni irrecevable ni caduc, dès lors que le jugement déféré est exécuté ou qu'il n'a plus force exécutoire.
La consignation étant une des modalités de la suspension de l'exécution provisoire elle obéit au même régime.
Dès lors, la demande est recevable.
Sur la consignation
La condamnation des requérants a été prononcée sur le fondement de la responsabilité décennale, qui est de plein droit, dès lors que l'ouvrage litigieux se révèle impropre à sa destination, postérieurement à sa réception, comme c'est le cas en l'espèce.
Quant au mode réparatoire, le premier juge a considéré, en se fondant sur l'avis de l'expert, que la totalité de l'aménagement était à reprendre pour éviter une pollution de la nappe lors d'une pluie décennale.
Enfin, l'expert a relevé que le défaut d'entretien par le maître d'ouvrage n'était pas à l'origine des graves dysfonctionnements constatés.
Dès lors, au stade de la présente procédure de référé, il n'apparaît pas évident que le jugement déféré soit réformé concernant le principe de la responsabilité des requérants.
Par ailleurs :
- le passif de la société Berthelet a été arrêté par le tribunal de commerce de Vienne à 7.911.186 euros, avec un paiement étalé jusqu'au 15/05/2033, ce qui permet à l'entreprise de conserver une trésorerie suffisante pour son exploitation ;
- le compte de résultat arrêté au 31/08/2023 fait ressortir pour 12 mois d'exploitation un chiffre d'affaires HT conséquent, de 28.943.185 euros avec un résultat courant de 1.344.868 euros ;
- les difficultés rencontrées étaient conjoncturelles, la société ayant retrouvé son chiffre d'affaires de 2019.
Il en résulte que la société Cars Berthelet sera en mesure de restituer les sommes versées en cas d'infirmation de la décision attaquée.
La demande de consignation sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles
Il convient de faire une application modérée de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles exposés par la société Cars Bertholet.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Olivier Callec, conseiller délégué par le premier président, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe:
Déclarons les demandes de consignation recevables ;
Les rejetons ;
Condamnons la société Perrier TP à payer à la société Cars Bertholet la somme de 1.200 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamnons in solidum avec M. [E] aux dépens ;
Le greffier Le conseiller délégué
C.BERTOLO O. CALLEC