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09/07/2024 | FRANCE | N°22/03540

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 09 juillet 2024, 22/03540


N° RG 22/03540 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ7Y



N° Minute :





C3

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL CABINET LAURENT FAVET



Me Alexia JACQUOT





















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024



Appel d'un jugement (N° R.G. 20/04201) rendu par le tribunal judiciaire Grenoble en date du 22 septembre 2022, suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2022





APPELANTES :



S.A.R.L. PEGASE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège...

N° RG 22/03540 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ7Y

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL CABINET LAURENT FAVET

Me Alexia JACQUOT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 20/04201) rendu par le tribunal judiciaire Grenoble en date du 22 septembre 2022, suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2022

APPELANTES :

S.A.R.L. PEGASE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

représents par Me Laurent FAVET de la SELARL CABINET LAURENT FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Jean-François JULLIEN de la SELARL LEGI RHONE ALPES, avocat au Barreau de LYON

INTIMÉE :

Compagnie d'assurance MACIF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Alexia JACQUOT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 mai 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Pégase est locataire de locaux appartenant à Monsieur [I] et Madame [W], selon bail à usage commercial en date du 20 mars 2000.

Ces derniers sont également propriétaires d'une maison à usage d'habitation, laquelle est assurée par la compagnie MACIF qui assure également en propriétaire non-occupant le local commercial.

Un incendie s'est déclaré le 2 décembre 2016 dans le local loué par la société Pégase et s'est communiqué à la maison à usage d'habitation des consorts [I] & [W].

La MACIF a saisi le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de :

- dire et juger recevable et bien-fondé l'action de la SA MACIF, subrogée dans les droits de son sociétaire, Monsieur [I] ;

- constater que le point de départ de l'incendie du 2 décembre 2016 se situe dans les locaux donnés à bail à la SARL Pégase l'incendie s'est communiqué à la maison d'habitation appartenant à Monsieur [I] ;

- dire et juger que la SARL Pégase est responsable des dommages causés à l'immeuble de Monsieur [I] lorsque celui-ci a été atteint par la propagation de l'incendie ;

- constater que la MACIF est subrogée dans les droits de son sociétaire, Monsieur [I] ;

- dire et juger que les garanties de la police d'assurance souscrite par la SARL Pégase auprès de la compagnie Axa France IARD ont vocation à être mobilisées,

En conséquence,

- condamner in la SARL Pégase et son assureur Axa France TARD, à payer à la MACIF, au titre de son recours subrogatoire, la somme de 268 402,00 euros.

Par jugement du 22 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- jugé la SARL Pégase et la société Axa France IARD irrecevables à soulever la fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification par la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (la MACIF) de sa qualité à agir ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (la MACIF), subrogée, la somme de 212 712 euros ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (la MACIF) la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SARL Pégase et la société Axa France IARD de toutes leurs demandes ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD aux entiers dépens, lesquels seront distraits au profit de Maître Alexia Jacquot en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 30 septembre 2022, la société Pégase et la société Axa France IARD ont interjeté appel du jugement.

Dans leurs conclusions notifiées le 12 décembre 2022, la société Pégase et la société Axa France IARD demandent à la cour de:

Vu l'article L.121-12 du code des assurances,

Vu les articles 1242 al. 2 et 1733 du code civil

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- jugé la SARL Pégase et la société Axa France IARD irrecevable à soulever la fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification par la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (la MACIF) de sa qualité à agir ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (la MACIF), subrogée, la somme de 212 712 euros ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (la MACIF) la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SARL Pégase et la société Axa France IARD de toutes leurs demandes ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD aux entiers dépens, lesquels seront distraits au profit de Maître Alexia Jacquot en application de l'article 699 du code de procédure civile

Et, statuant à nouveau,

- débouter la compagnie MACIF de ses demandes, fins et conclusions ;

Très subsidiairement,

- limiter le recours de la MACIF à la somme de 174 812,00 euros.

- condamner la compagnie MACIF à verser à la compagnie Axa et à la société Pégase la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Favet.

Au soutien de leurs demandes, les appelantes font valoir que la MACIF a produit deux contrats qui ne sont pas signés, ni par l'assuré ni par l'assureur, et qu'elle ne met donc pas la Cour en position de vérifier si elle a indemnisé son assuré en application des clauses de son contrat.

Elles déclarent que le tribunal a rejeté ce moyen en estimant qu'il s'agissait d'une fin de non-recevoir, requalifiant ainsi, sans discussion préalable, le moyen des concluants, alors que la compagnie MACIF n'avait pas soulevé l'incompétence du tribunal.

Subsidiairement, sur le fond, elles énoncent qu' il existe deux bâtiments qui, s'ils appartiennent au même propriétaire, n'en demeurent pas moins parfaitement distincts et affirment que l'article 1733 ne s'applique qu'à l'immeuble occupé par le locataire, mais qu'il ne s'applique pas à un immeuble voisin, même appartenant au même propriétaire et où le feu s'est étendu.

Elles soulèvent le fait que les bâtiments sont situés sur deux parcelles différentes, ce qui montre selon elles la volonté du propriétaire d'avoir deux bâtiments parfaitement distincts, et qu'il n'existe aucun élément d'imbrication entre ces deux bâtiments.

Subsidiairement, elles contestent le montant des sommes sollicitées et concluent à l'inopposabilité du rapport d'expertise produit par la MACIF.

Dans ses conclusions notifiées le 20 février2023, la MACIF demande à la cour de:

Vu les articles 1733 et suivants du code civil ;

Vu les articles 1250 et suivants du code civil ;

Vu les articles L 121-12 et suivants du code des assurances ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu le jugement du 22 septembre 2022,

- confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de GRENOBLE du 22 septembre 2022 en toutes ses dispositions en ce qu'il a :

- jugé la SARL Pégase et la société Axa France IARD irrecevables à soulever la fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification par la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (la MACIF) de sa qualité à agir ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (la MACIF), subrogée, la somme de 212 712 euros ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (la MACIF) la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SARL Pégase et la société Axa France IARD de toutes leurs demandes ;

- condamné in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD aux entiers dépens, lesquels seront distraits au profit de Maître Alexia Jacquot en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SARL Pégase et la compagnie Axa France IARD à payer à la MACIF la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'indemnité de première instance et d'appel.

- condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Alexia Jacquot, avocat sur son affirmation de droit.

La MACIF énonce justifier qu'elle a réglé à ses sociétaires, Monsieur [I] et Mme [W] la somme de 280 032 euros et indique qu'elle est donc subrogée dans les droits de ses assurés et a qualité à agir contre la SARL Pégase et son assureur Axa France IARD afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en exerçant une action sur le fondement des articles 1733 et 1734 du code civil.

Elle rappelle que l'inflammation des voiles de parapente est bien à l'origine de l'incendie ayant dégradé le local commercial et la maison d'habitation des consorts [I]-[W], à l'exclusion de toute autre cause et notamment une cause criminelle.

Elle déclare que les dispositions des articles 1733 et 1734 du code civil s'appliquent dans les relations entre bailleur et preneur et ont donc vocation à s'appliquer lorsqu'est caractérisée l'existence d'un contrat de location entre le propriétaire du local et l'occupant et que cette jurisprudence a été étendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2002 qui a jugé que la responsabilité fondée sur l'article 1733 du code civil s'applique aux dommages causés à des locaux du même propriétaire loués à une autre personne.

Enfin, elle fait état des sommes versées au vu des préjudices constatés.

La clôture a été prononcée le 6 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande de la MACIF

C'est à juste titre que le premier juge a indiqué que la contestation de la qualité à agir de la MACIF s'analysait en une fin de non-recevoir, et que le juge de la mise en état était seul compétent, en application de l'article 789 du code de procédure civile pour statuer statuer sur celle-ci, le jugement sera confirmé.

Sur le fond

Selon l'article 1733 du code civil, le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve :

Que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction.

Ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.

L'article 1733 ne s'applique qu'à l'immeuble occupé par le locataire. Il n'a pas vocation à s'appliquer à un immeuble voisin appartenant au même propriétaire et où le feu s'est étendu.

En revanche, il s'applique dans le cas où deux immeubles contigus forment un tout indivisible.

En l'espèce, et comme l'a rappelé le premier juge, le fait que les deux immeubles soient situés sur des parcelles différentes est sans incidence sur la qualification.

De même, peu importe que les deux constructions n'aient pas édifiées en même temps, puisqu'il ressort sans conteste des pièces que la partie ayant fait l'objet du bail commercial est beaucoup plus récente que celle servant de local d'habitation.

Les appelantes contestent le caractère contigu des immeubles au motif qu'il n'existe aucune imbrication du bâtiment, l'huissier de justice s'étant selon eux contenté de reprendre les affirmations des intimés s'agissant de la dalle et qu'en outre, les deux bâtiments ne communiquent pas par une porte et une fenêtre puisque celles-ci ont été obstruées lors de l'édification de la seconde construction.

Toutefois, contrairement à leurs allégations, l'huissier de justice ne s'est pas contenté de reprendre les propos de l'expert M.[L], mais a constaté par lui-même que la dalle était « ancrée » dans la le mur de la maison, étant observé que cette dalle servait également de terrasse pour la partie habitation. Il a en outre, photographies à l'appui, fait état d'ouvertures dans le mur « porteur » de la partie habitation. Le fait qu'il ait pu les distinguer aisément démontre qu'elles avaient été obstruées avec des matériaux qui n'ont pas été qualifiés à tort de « légers ». L'affirmation de l'expert de la société Axa selon laquelle la dalle ne repose que sur les deux murs latéraux n'est pas étayée par d'autres éléments.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les deux bâtiments formaient un tout indivisible et qu'il devait être fait application de l'article 1733 du code civil, le jugement sera confirmé.

Sur la réparation des préjudices

Il convient à cet égard de distinguer les différents types de préjudices :

- les préjudices générés par la disparition des panneaux photovoltaïques : la somme sollicitée s'appuie sur des factures de la société Régie d'électricité, ainsi que sur celle de la société qui a installé lesdits panneaux. La somme de 1 800 euros est ainsi justifiée.

- le préjudice mobilier : la présomption de responsabilité s'applique également aux meubles et il appartient au locataire d'indemniser le bailleur de la valeur des matériels détruits dans l'incendie (Cass. 3e civ., 31 mars 1998, n° 96-15.190). La somme de 36 100 euros est justifiée.

- le préjudice immobilier : il est constant qu'en application de l'article 16, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci.

Pour autant, dès lors que la matérialité des préjudices n'est pas contestée, il est également constant qu'en application de l'article 4 du code civil, le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe.

Dès lors au vu des pièces fournies, le premier juge a procédé à une exacte appréciation de la situation, soulignant dans sa motivation que les postes relatifs à la valeur vénale de la maison d'habitation, des mesures conservatoires et du préjudice de jouissance n'étaient pas discutées par la société Pégase et son assureur Axa.

Le jugement sera confirmé.

Les appelantes qui succombent à l'instance seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Jacquot.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD à payer à la MACIF la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SARL Pégase et la société Axa France IARD aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Jacquot.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/03540
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.03540 ?
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