C4
N° RG 22/01535
N° Portalis DBVM-V-B7G-LKM7
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me BATARAY
la SARL ROUMEAS AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024
Appel d'une décision (N° RG 21/00194)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Vienne
en date du 16 mars 2022
suivant déclaration d'appel du 14 avril 2022
APPELANT :
Monsieur [H] [J]
né le 29 Septembre 1961 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Zerrin BATARAY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Magalie AIDI, avocat au barreau de VIENNE,
INTIMEE :
S.A.S. MAIN SECURITE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 mai 2024,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 juillet 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 09 juillet 2024.
Exposé du litige :
La SAS Main sécurité exerce une activité spécialisée dans le gardiennage et la surveillance de sites industriels et commerciaux.
M. [H] [J] a été embauché par la société ATM Group sécurité le 18 mai 2009 en qualité d'agent d'exploitation.
A la suite d'un appel d'offre de la société EDF pour le gardiennage et la sécurité des locaux de la centrale nucléaire de production d'électricité (CNPE) de [Localité 7], la SAS Main sécurité s'est vue attribuer en janvier 2011 le contrat de gardiennage et de sécurité desdits locaux en lieu et place de la société ATM group sécurité.
En application de l'accord professionnel du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, un avenant au contrat de travail a été régularisé entre M. [J] et la SAS Main sécurité le 12 janvier 2011 par lequel le contrat de travail de M. [J] a été repris par la SAS Main sécurité à compter du 1er février 2011.
Le 26 juin 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne, afin d'obtenir la condamnation de la SAS Main sécurité à lui payer des dommages et intérêts pour non versement de la prime de fin d'année versée à l'ensemble des salariés de la SAS Main sécurité à l'exclusion des salariés ayant fait l'objet d'un transfert de leur contrat de travail le 1er février 2011.
Par jugement du 16 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Vienne a :
Dit et jugé M. [J] mal fondé en ses demandes,
Dit et jugé qu'il n'existe aucune rupture d'égalité de traitement au préjudice de M. [J],
Dit et jugé qu'il n'existe aucun manquement de la SAS Main sécurité à ses obligations,
Débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement, exécution déloyale et résistance abusive,
Condamné M. [J] à payer à la SAS Main sécurité la somme de 1,00 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [J] aux entiers dépens.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.
M. [J] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 14 avril 2022.
Par conclusions transmises par voie électronique le 11 juillet 2022, M. [J] demande à la cour d'appel de :
« Dire et juger l'appel de M. [J] recevable et bien fondé,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit et jugé M. [J] mal fondé en ses demandes,
Dit et jugé qu'il n'existe aucune rupture d'égalité de traitement au préjudice de M. [J],
Dit et jugé qu'il n'existe aucun manquement de la SAS Main sécurité à ses obligations,
Débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement, exécution déloyale et résistance abusive,
Condamné M. [J] à payer à la SAS Main sécurité la somme de 1,00 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [J] aux entiers dépens,
Et statuant de nouveau,
Constater l'inégalité de traitement injustifiée mise en 'uvre par la SAS Main sécurité à l'égard de M. [J],
Constater la résistance abusive de l'employeur aux demandes de M. [J],
Constater l'exécution déloyale du contrat de travail de M. [J] par la SAS Main sécurité,
En conséquence,
Condamner la SAS Main sécurité à verser à M. [J] les sommes suivantes :
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement, exécution déloyale et résistance abusive,
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance,
Débouter la SAS Main sécurité de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
Condamner la SAS Main sécurité à verser à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Condamner la même aux entiers dépens ».
Par ordonnance juridictionnelle du 12 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intimée de la SAS Main sécurité transmises par voie électronique le 14 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 avril 2024.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 6 mai 2024, a été mise en délibéré au 9 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.
Aussi conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, quand l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Sur la demande au titre de l'inégalité de traitement, de l'absence de loyauté et de la résistance abusive de l'employeur :
Moyens des parties,
M. [J] fait valoir que :
- Lorsqu'il travaillait au sein de la société ATM group sécurité, il bénéficiait d'une prime versée mensuellement équivalente à 1/12e de son salaire de base, qui était indépendante de son ancienneté, de sa présence dans l'entreprise et de son comportement dans l'entreprise,
- La prime était appelée par les salariés « prime de 13e mois » car son montant correspondait à un mois de salaire,
- La société ATM groupe sécurité l'intitulait pour sa part « prime mensuelle »,
- Cette prime mensuelle était partie intégrante de la structure de la rémunération du salarié,
- L'avenant conclu avec la SAS Main sécurité, à la suite du transfert du contrat de travail, a mentionné cette prime mensuelle comme un élément de la rémunération du salarié,
- Les salariés déjà présents dans la SAS Main sécurité bénéficiaient depuis 2003 d'une gratification de fin d'année versée en une seule fois, en application d'un accord d'entreprise du 4 septembre 2003 relatif à la gratification de fin d'année, dont le montant avait été fixé à 65 euros pour un salarié à temps complet,
- Cette gratification était appelée « prime de fin d'année » (PFA),
- Aucun des salariés repris de la société ATM group sécurité n'a jamais bénéficié du versement cette gratification, alors qu'ils auraient dû se voir verser la « prime de fin d'année » (PFA) comme tous les salariés de la SAS Main sécurité,
- La gratification était payée chaque année au cours du mois de novembre à condition d'être dans les effectifs de l'entreprise au 31 octobre de l'année, et de justifier d'une année d'ancienneté au 31 octobre de l'année,
- En outre, cette gratification étant liée à la présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'année, et le comportement du salarié pouvant être pris en considération pour la supprimer, l'objet de cette gratification était de récompenser la présence et le comportement du salarié dans l'entreprise,
- Le montant de cette gratification a été réévalué à la hausse au fur et à mesure des différentes révisions d'accords collectifs,
- Un avenant du 14 septembre 2015 portant spécifiquement sur la gratification de fin d'année a « plafonné » son montant à 180 euros, sans exclure de son bénéfice les salariés de la société ATM group sécurité dont les contrats ont été repris à compter du 1er février 2011,
- En 2017, un nouvel accord conclu dans le cadre de la négociation obligatoire a porté le montant de la gratification de fin d'année à 200 euros et établit de nouvelles conditions d'octroi de ladite gratification,
- A la suite d'un protocole d'accord de fin de conflit du 21 juin 2017, le montant de la gratification a été porté à 400 euros,
- L'employeur a volontairement opéré une confusion entre la « prime mensuelle » qu'il percevait avant son transfert et la « prime de fin d'année » (PFA) qui était versée aux salariés de la SAS Main sécurité avant son transfert,
- Ainsi, la SAS Main sécurité a renommé sa « prime mensuelle » en « prime de fin d'année » (PFA) sur ses bulletins de salaire, et elle soutient que les deux primes auraient la même nature,
- L'employeur est tenu d'octroyer les mêmes avantages aux salariés placés dans une situation identique de travail,
- La prime mensuelle équivalente à 1/12e de mois de salaire n'a pas la même nature et la même finalité que la « prime de fin d'année » (PFA),
- Il existe une inégalité de traitement entre les salariés ayant été transférés de la société ATM group sécurité et les autres salariés qui n'est justifiée par aucun critère objectif,
- Le maintien des avantages des salariés transférés constitue une différence de traitement justifiée, et l'employeur n'a pas à rétablir l'équilibre dans une situation où l'égalité n'a pas été rompue de manière injustifiée,
- Le fait de l'exclure, comme les autres salariés transférés de la société ATM group sécurité, du protocole de fin de conflit est discriminatoire, et illégal, et rend le protocole de fin de conflit de 2017 inopposable à ces salariés, celui-ci ayant par ailleurs la valeur d'un engagement unilatéral de l'employeur et non d'un accord collectif,
- Malgré ses demandes répétées en ce sens, la SAS Main sécurité a toujours refusé de lui verser la prime de fin d'année (PFA) au motif que cela reviendrait à le payer « trop »,
- Ces éléments démontrent la mauvaise foi de la SAS Main sécurité et sa résistance abusive,
- Il sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêt pour inégalité de traitement, exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive de la SAS Main sécurité l'ayant obligé à agir en justice pour faire valoir ses droits.
La SAS Main sécurité est réputée s'approprier les motifs du jugement frappé d'appel qui a notamment retenu :
- que l'avenant du 9 août 2017 avait prévu que la gratification de fin d'année ne bénéficiait qu'au personnel de la société Main sécurité qui ne bénéficiait pas déjà d'une prime de fin d'année,
- que le salarié ne saurait revendiquer le paiement d'une gratification de fin d'année qui a été accordée à ses collègues de travail pour pallier précisément la différence de traitement observée entre les salariés qui, comme lui, bénéficiaient contractuellement d'une prime de 13e mois et ceux pour lesquels le contrat de travail n'en prévoyait pas.
- que la gratification de fin d'année a été décidée par accord collectif, excluant expressément du bénéfice de ladite prime les salariés transférés de la société ATM group sécurité vers la SAS Main sécurité.
Sur ce,
Selon le principe d'égalité de traitement, des salariés placés dans une situation identique ou similaire doivent en principe pouvoir bénéficier des mêmes droits individuels et collectifs qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail ou de formation.
Seules sont présumées justifiées, pour autant qu'elles résultent d'un accord collectif et à condition qu'elles ne relèvent pas d'un domaine où est mis en 'uvre le droit de l'Union Européenne, les différences de traitement entre catégories professionnelles, collaborateurs appartenant à des établissements distincts, ou s'agissant d'une entreprise de prestation de services, entre salariés affectés à des sites ou des établissements différents ou enfin, entre ceux exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes.
S'agissant des premières, c'est au salarié d'apporter non seulement des éléments de preuve de la réalité de l'inégalité, laquelle résulte le plus souvent des termes même de l'accord collectif, mais il lui faut aussi démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.
En revanche, s'agissant du régime de la preuve des autres inégalités de traitement, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
Par ailleurs, l'obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d'une entreprise par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.
Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.
Selon l'article 3 (« Rémunération ») de l'avenant de reprise du contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 12 janvier 2011 conclu entre M. [J] et la SAS Main sécurité, « les avantages salariaux et sociaux particuliers attachés à l'emploi précédant du signataire sont conservés dans le but de lui maintenir un niveau de rémunération équivalent : prime mensuelle équivalente à 1/12ème du salaire de base pour 151,67 heures travaillées (assujettie aux augmentations). (...) ».
Selon l'accord d'entreprise relatif à la mise en place d'une gratification de fin d'année conclu entre la SAS Main sécurité et les organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise le 4 septembre 2003, il a été convenu « le versement d'une gratification de fin d'année à compter de l'année 2003 pour les salariés qui ne bénéficiaient au 31 décembre 2002 d'aucune mesure du même type » (article 2).
Ce même article 2 de l'accord stipule : « La gratification de fin d'année prévue dans cet accord vient se substituer aux primes et gratifications de fin d'année dont peuvent bénéficier déjà certains salariés sans toutefois que le montant de cette dernière s'en trouve diminué. Toutes les primes de même type existantes en 2003 sont considérés exclusivement comme un avantage individuel.
Le montant de la gratification de fin d'année sera égal à 65 euros pour un salarié à temps complet (151,67 heures).
Cette gratification de fin d'année sera proratisée pour les salariés à temps partiel ».
En outre, ce même accord du 4 septembre 2003 pose en son article 3 des conditions d'attribution.
Ainsi, selon l'article 3-1 (« Conditions de présence et d'ancienneté ») : « La gratification de fin d'année sera soumise à certaines conditions :
Le salarié devra être présent au sein de la société au 31 octobre de chaque année.
Le salarié devra avoir une ancienneté d'un an au 31 octobre de chaque année.
L'ancienneté s'apprécie à la date d'embauche ou à la date d'ancienneté retenue dans le cadre de la reprise du personnel lors d'un transfert de contrat ».
Selon l'article 3-2 (« Périodes d'absence ») : « Les périodes d'absence du salarié pour maladie ou pour absence non autorisée viendront modifier la gratification de fin d'année de la façon suivante :
La gratification de fin d'année sera supprimée lorsque la période d'absence cumulée sur l'année de référence dépasse deux mois.
Les périodes d'absence de courte durée répétées réduiront la gratification de fin d'année. A partir de trois périodes d'absence de courte durée au cours de la période de référence, la gratification de fin d'année sera supprimée.
En ce qui concerne les autres absences, la gratification de fin d'année sera versée pour un montant équivalent au temps de présence effective du salarié au cours de la période de référence ».
Selon l'article 3-4 (« Examen des conditions de suspension de la gratification ») : « Au cours du comité d'établissement du mois de novembre, chaque établissement étudiera le cas des salariés pour lesquels la gratification de fin d'année aura été supprimée suite aux dispositions de l'article 3-2.
A l'issue de la réunion du comité d'établissement, le chef d'établissement après consultation des membres du comité d'établissement pourra seul décider du paiement de la gratification à certains salariés dont les conditions d'attribution n'ouvraient pas droit au versement ».
En outre, il ressort de l'avenant à l'accord d'entreprise à la « gratification de fin d'année » du 14 septembre 2015 produit par M. [J] que les parties audit avenant se sont entendues pour porter le montant global maximal de la gratification à 180 euros pour un salarié à temps plein.
Les conditions d'attribution posées par l'accord du 4 septembre 2003 ont été maintenues : condition de présence au 31 octobre de chaque année, condition d'ancienneté d'au moins un an à la date du 31 octobre, proratisation de la prime en fonction des absences.
Cependant, l'avenant du 14 septembre 2015 a modifié les conditions de suppression du versement de la gratification en cas d'absence. Ainsi, il est désormais stipulé qu'elle « sera (') supprimée à la première absence injustifiée (s'entend : non justifiée médicalement pour le salarié ou son enfant) » (article 3-2 : « Prise en compte des absences »).
Ce même article précise : « En ce qui concerne les autres absences, la gratification de fin d'année sera versée pour un montant équivalent au temps de présence effective du salarié au cours de la période de référence.
Ces critères sont appliqués sur le nombre d'absences constatées sur la période allant du 1er novembre N-1 au 31 octobre N ».
M. [J] verse aux débats l'accord d'entreprise Main sécurité négociation annuelle obligatoire 2017, lequel a porté à 200 euros brut maximal le montant global de la gratification pour un salarié à temps plein (151,67 heures par mois) (article 3-1).
Cet accord a modifié les conditions d'attribution de la manière suivante (article 3-2 : « Prise en compte des absences ») : « Les termes 'elle sera également supprimée à la première absence injustifiée (s'entend : non justifiée médicalement pour le salarié ou son enfant)' seront remplacés par :
- La gratification sera réduite à 50 % lors de la 1ère absence injustifiée,
- Elle sera intégralement supprimée à la 2e absence injustifiée.
S'entend comme absence injustifiée, celle qui n'est pas justifiée soit par un certificat médical concernant le salarié ou son enfant ou tout autre justificatif permettant d'apprécier la régularité e l'absence conformément à la réglementation en vigueur ».
Enfin, l'accord a prévu à son article 3-3 que « les modifications apportées feront l'objet d'un avenant n° 2 à l'accord d'entreprise relatif à la gratification de fin d'année annexé, soumis à la signature des organisations syndicales représentatives ».
Cependant, il doit être relevé, d'une part, que cet avenant n'est pas produit par le salarié, d'autre part que l'exemplaire de l'accord d'entreprise Main sécurité négociation annuelle obligatoire 2017 versé aux débats n'est ni signé ni daté.
Et il ne ressort pas du jugement de première instance que la SAS Main sécurité aurait reconnu que l'exemplaire produit par le salarié était bien vigueur.
Dès lors, il n'est pas établi que les modifications prévues par l'accord de 2017 sont bien entrées en vigueur.
M. [J] produit en dernier lieu le protocole de fin de conflit conclu le 21 juin 2017 à effet au 1er juin 2017 signé par un représentant de la société Main sécurité et un représentant des salariés, duquel il ressort que la société Main sécurité, afin de mettre un terme définitif au conflit qui l'opposait à des salariés travaillant sur le site CNPE [Localité 6], s'est engagée « à porter le montant de la prime de fin d'année (PFA) à 400 euros pour les personnels en CDI ayant plus d'un an d'ancienneté continue sur le site et ne relevant pas des avantages acquis individuels attachés à l'emploi des salariés repris dans le cadre du transfert en février 2011 conservés par la société Main sécurité ».
Il ressort des bulletins de salaire qui lui ont été remis par la SAS Main sécurité pour la période de 2013 à 2018, produits par M. [J], que celui-ci a perçu chaque mois une somme correspondant à 1/12e de son salaire de base sous l'intitulé « prime de fin d'année ».
En revanche, il ressort de ces mêmes bulletins de salaire que M. [J] n'a jamais perçu la gratification de fin d'année mise en place par l'accord susvisé du 4 septembre 2003, également appelée par la SAS Main sécurité « prime de fin d'année ».
A l'examen de l'ensemble des pièces susvisées produites, il apparaît que la prime correspondant à 1/12e de son salaire de base que M. [J] percevait lorsqu'il était employé par la société ATM group sécurité et qu'il a continué de percevoir après le transfert de son contrat de travail, était versée au salarié en contrepartie du travail fourni au même titre que le salaire de base.
Cette finalité se déduit notamment du fait que ladite prime est assujettie aux augmentations du salaire de base et que son versement n'est soumis à aucune condition spécifique.
Et c'est de manière parfaitement fondée que le salarié soutient que la prime dite « gratification de fin d'année » ou « prime de fin d'année » introduite par l'accord du 4 septembre 2003 au sein de la SAS Main sécurité, soit avant le transfert de son contrat de travail, n'a pas la même finalité et n'est pas versée en contrepartie du travail fourni au même titre que le travail de base.
En effet, il apparaît, premièrement, que l'accord du 4 septembre 2003 assimilait les absences pour maladie aux absences non justifiées et qu'il avait prévu que trois absences de courte durée ou qu'une absence d'une durée supérieure à deux mois entraînait la suppression de la totalité de la gratification.
Deuxièmement, si cette assimilation des absences pour maladie aux absences non justifiées a été supprimée par l'avenant du 14 septembre 2015, celui-ci a maintenu la règle de la suppression de la gratification pour absence injustifiée dès la première absence, les autres absences justifiées (médicalement ou en raison de la garde d'un enfant) entraînant la proratisation de la prime.
Troisièmement, aussi bien l'accord initial que l'avenant ont prévu une condition de présence du salarié au 31 octobre de chaque année, ainsi qu'une année de présence d'un an au moins dans l'entreprise à la date du 31 octobre, ce qui implique qu'un salarié ayant moins d'un an d'ancienneté à la date du 31 octobre ne percevra pas la gratification, de même qu'un salarié ayant plus d'un an d'ancienneté, mais ayant quitté les effectifs de la société avant le 31 octobre.
Quatrièmement, il doit être relevé que l'accord du 4 septembre 2003 avait prévu que la gratification pourrait être supprimée en totalité en cas de manquements graves constaté dans l'exécution de la prestation de travail, cette possibilité ayant été supprimée par l'avenant du 14 septembre 2015.
Dès lors, la prime de fin d'année n'est pas seulement proratisée en fonction du temps de présence du salarié, mais peut également être totalement supprimée en cas d'absence non justifiée.
Une absence non justifiée, qui caractérise un comportement fautif autorisant l'employeur à sanctionner le salarié, n'autorise l'employeur à diminuer la rémunération due en contrepartie du travail qu'au prorata de la durée de l'absence.
En effet, la diminution de la rémunération au prorata de l'absence injustifiée ne constitue pas une sanction du comportement fautif, mais l'application du fait que la rémunération prévue au contrat n'est due que pour la durée de travail effectif prévue par ledit contrat.
Il s'en déduit que la gratification de fin d'année a pour finalité de récompenser le comportement des salariés et non de venir rétribuer le travail effectif fourni comme le salaire de base.
En conséquence, il y a lieu de retenir que la prime mensuelle équivalente à 1/12e de son salaire de base perçue par le salarié en tant qu'avantage acquis chez son ancien employeur lors du transfert de son contrat de travail n'a ni la même nature ni la même finalité que la gratification de fin d'année introduite au sein de la SAS Main sécurité par l'accord du 4 septembre 2003.
Et M. [J] est placé dans une situation identique aux autres salariés de la SAS Main sécurité travaillant sur le même site que lui au regard de ladite gratification de fin d'année.
Dès lors que la prime mensuelle qu'il a continué de percevoir après le transfert de son contrat de travail n'ayant pas la même nature que la prime mensuelle versée aux salariés au sein de la SAS Main sécurité, il n'existe aucune raison objective justifiant que M. [J] ne perçoive pas, au même titre que l'ensemble des salariés de la SAS Main sécurité, ladite prime mensuelle.
Il en résulte que M. [J] ne pouvait être exclu du bénéfice de la gratification de fin d'année prévue par l'accord du 4 septembre 2003, même par accord collectif postérieur et a fortori par engagement unilatéral de l'employeur.
Ainsi, il est sans pertinence de statuer sur le point de savoir si l'avenant à l'accord d'entreprise relatif à la « gratification de fin d'année » du 14 septembre 2015 qui a prévu que « le présent accord s'applique à l'ensemble du personnel 'uvrant sur site au sein de la société Main sécurité ne bénéficiant pas déjà d'une prime de fin d'année » excluait les salariés dont le contrat de travail a été transféré le 1er février 2011, la SAS Main sécurité ne pouvant dans tous les cas se prévaloir de cette stipulation pour refuser auxdits salariés, dont M. [J], le bénéfice de cette gratification.
Au demeurant, il est sans incidence que la SAS Main sécurité ait intitulé « prime de fin d'année » sur leurs bulletins de salaire la prime mensuelle correspondant à 1/12e de leur rémunération mensuelle brut de base que ces derniers ont continué de percevoir après le transfert de leurs contrats de travail le 1er février 2011, dès lors que cette prime ne constitue pas une prime de même nature que la gratification de fin d'année prévue par l'accord du 4 septembre 2003.
Et le protocole de fin de conflit conclu le 21 juin 2017, quelle que soit sa nature juridique, ne pouvait pas non plus exclure les salariés dont le contrat de travail a été transféré le 1er février 2011 du bénéfice de la gratification de fin d'année dont il a porté le montant à 400 euros, dès lors que cette gratification n'a pas la même nature que la prime mensuelle perçue par ces salariés.
En conséquence, il n'est pas non plus nécessaire de statuer sur le point de savoir si ce protocole de fin de conflit du 21 juin 2017 a seulement exclu les salariés dont le contrat de travail a été transféré le 1er février 2011, parmi lesquels M. [J], du bénéfice de l'augmentation du montant de la gratification de fin d'année, celui-ci ayant été porté à 400 euros, comme le soutient le salarié, ou s'il les a exclus de la perception de la totalité de la gratification de fin d'année.
Ainsi, en considération de l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir qu'en omettant de verser la gratification de fin d'année à M. [J], la SAS Main sécurité a opéré une différence de traitement injustifiée.
La cour relève que M. [J] ne demande aucun rappel de prime au titre de la différence de traitement injustifiée, et se limite à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement commis par la SAS Main sécurité au principe de l'égalité de traitement, pour exécution déloyale du contrat de travail et pour résistance abusive.
L'omission durable de la SAS Main sécurité de verser à M. [J] la gratification de fin d'année caractérise une exécution déloyale du contrat de travail, l'ayant contraint à agir en justice pour obtenir la réalisation de ses droits, le salarié produisant un courrier daté du 6 mars 2018 adressé par le syndicat CGT Prestataires à la SAS Main sécurité, par lequel il est demandé à l'employeur de procéder à la régularisation avec effet rétroactif du versement de la gratification de fin d'année à tous les salariés dont le contrat de travail a été transféré le 1er février 2011, ce même courrier faisant mention d'un précédent courrier envoyé le 18 octobre 2017 demeuré sans réponse de la part la SAS Main sécurité.
M. [J] ne fait pas la démonstration de l'étendue de son préjudice financier résultant du manquement de l'employeur au principe de l'égalité de traitement et à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, étant rappelé qu'il n'est pas possible de solliciter, sous couvert de dommages et intérêts, un rappel de salaire ou un rappel d'indemnité.
Cependant, la durée de l'atteinte au principe d'égalité de traitement a causé un préjudice financier et moral à M. [J], qui sera justement réparé en condamnant la SAS Main sécurité à lui payer la somme de 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts à ce titre, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris est infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
La SAS Main sécurité, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Au titre de la première instance, la SAS Main sécurité est condamnée à payer à M. [J] la somme de 500 euros au titre des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la SAS Main sécurité est condamnée à payer à M. [J] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
JUGE que la SAS Main sécurité a commis une inégalité de traitement à l'encontre de M. [H] [J] en ne lui versant pas la gratification de fin d'année prévue par l'accord du 4 septembre 2003,
CONDAMNE la SAS Main sécurité à payer à M. [H] [J] les sommes suivantes :
1 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'inégalité de traitement et de l'exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que de la résistance abusive,
500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE la SAS Main sécurité aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,