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09/07/2024 | FRANCE | N°22/01527

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 09 juillet 2024, 22/01527


C4



N° RG 22/01527



N° Portalis DBVM-V-B7G-LKMP



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Zerrin BATARAY



la SARL ROUMEAS AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00195)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 16 mars 2022

suivant déclaration d'appel du 14 avril 2022





APPELANTE :



Syndicat CGT PRESTATAIRES [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal domicil...

C4

N° RG 22/01527

N° Portalis DBVM-V-B7G-LKMP

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Zerrin BATARAY

la SARL ROUMEAS AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00195)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 16 mars 2022

suivant déclaration d'appel du 14 avril 2022

APPELANTE :

Syndicat CGT PRESTATAIRES [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

CNPE de [Adresse 4]/[Localité 6]e, B.P.31

[Localité 3]

représentée par Me Zerrin BATARAY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Magalie AIDI, avocat au barreau de VIENNE,

INTIMEE :

S.A.S. MAIN SECURITE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 mai 2024,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 juillet 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 09 juillet 2024.

Exposé du litige :

La SAS Main sécurité exerce une activité spécialisée dans le gardiennage et la surveillance de sites industriels et commerciaux.

A la suite d'un appel d'offre de la société EDF pour le gardiennage et la sécurité des locaux de la centrale nucléaire de production d'électricité (CNPE) de [Localité 5], la SAS Main sécurité s'est vue attribuer en janvier 2011 le contrat de gardiennage et de sécurité desdits locaux en lieu et place de la société ATM group sécurité.

En application de l'accord professionnel du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, les contrats de travail de plusieurs salariés de la société ATM group sécurité ont été repris par la SAS Main sécurité à compter du 1er février 2011.

Le 26 juin 2020, le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne, afin d'obtenir la condamnation de la SAS Main sécurité à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession résultant d'un manquement commis par la SAS Main sécurité au principe d'égalité de traitement entre les salariés dont le contrat de travail conclu initialement avec la société ATM Group sécurité a fait l'objet d'un transfert à la SAS Main sécurité à compter du 1er février 2011 et les autres salariés de l'entreprise, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Vienne a :

Dit et jugé recevable l'action du syndicat CGT Prestataires [Localité 5],

Dit et jugé que la SAS Main sécurité ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Débouté le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Débouté le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] à payer à la SAS Main sécurité les sommes suivantes :

500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamné la syndicat CGT Prestataires [Localité 5] aux entiers dépens,

Rappelé que les intérêts légaux courent à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, à savoir la date de signature de l'AR de la première convocation par la partie défenderesse pour ce qui est des sommes allouées au titre des salaires et accessoires de salaires et à compter du prononcé du jugement pour toutes les sommes allouées à titre de dommages et intérêts.

Par conclusions transmises par voie électronique le 11 juillet 2022, le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] demande à la cour d'appel de :

« Dire et juger l'appel du syndicat CGT Prestataires [Localité 5] recevable et bien fondé,

Rejeter la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel soulevée par la société Main Sécurité,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et jugé que la SAS Main sécurité ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Débouté le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Débouté le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] à payer à la SAS Main sécurité les sommes suivantes :

500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] aux entiers dépens,

Et statuant de nouveau,

Constater l'inégalité de traitement injustifiée mise en 'uvre par la société Main sécurité à l'égard des salariés transférés de la société ATM Groupe sécurité à la société Main sécurité le 1er février 2011, portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Constater l'absence de caractère abusif de la procédure initiée par le syndicat CGT prestataires [Localité 5], et consécutivement débouter la société Main sécurité de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

En conséquence,

Condamner la société Main sécurité à verser au syndicat CGT Prestataires [Localité 5] les sommes suivantes :

Condamner la société Main sécurité à verser au syndicat CGT Prestataires [Localité 5] les sommes suivantes :

20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession résultant de l'inégalité de traitement injustifiée mise en 'uvre par la société Main sécurité à l'égard des salariés transférés de la société ATM groupe sécurité à la société Main sécurité le 1er février 2011,

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Débouter la société Main sécurité de sa demande formulée à l'encontre du syndicat CGT Prestataires [Localité 5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

En tout état de cause,

Condamner la société Main sécurité à verser au syndicat CGT Prestataires de [Localité 5] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,

Condamner la même aux entiers dépens ».

Par ordonnance juridictionnelle du 12 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intimée de la SAS Main sécurité transmises par voie électronique le 14 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 avril 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 6 mai 2024, a été mise en délibéré au 9 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.

Aussi conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, quand l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Sur la recevabilité de la demande du syndicat CGT Prestataires [Localité 5] :

Sur la recevabilité de l'action :

Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

Le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] invoque l'existence d'une inégalité de traitement subie par des salariés dont le contrat de travail a été transféré dans la SAS Main sécurité le 1er février 2011 résultant du refus de l'employeur de leur verser une gratification de fin d'année prévue par des accords collectifs versés à l'ensemble des autres salariés de l'entreprise.

Au soutien de sa demande, il verse aux débats un courrier du 6 mars 2018 adressé à la direction de la SAS Main sécurité par lequel il réitère sa « demande de régularisation pour percevoir cette prime de fin d'année avec effet rétroactif pour les salariés CDI présents depuis le 1er février 2011 » et plusieurs accords collectifs négociés et conclus au sein de la SAS Main sécurité ayant mis en place la gratification de fin d'année concernée à l'origine de la prétendue inégalité de traitement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] est intervenu auprès de la SAS Main sécurité, afin d'obtenir qu'il soit mis fin à une inégalité de traitement entre des salariés de l'entreprise s'agissant d'un versement d'une prime de fin d'année.

L'existence d'une atteinte au principe d'égalité de traitement au sein d'une société constituant une atteinte à l'intérêt collectif de la profession, le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] justifie d'un intérêt à agir.

Ainsi, il y a lieu de déclarer son action recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel :

Il ressort du jugement déféré à la cour que la SAS Main sécurité a soulevé dans le cadre de la première instance une fin de non-recevoir de la demande du syndicat CGT Prestaires [Localité 5] tiré du principe de l'estoppel et que le conseil de prud'hommes, après avoir constaté que l'accord collectif du 14 septembre 2015 et le protocole du fin de conflit du 21 juin 2017, tous deux à l'origine de l'inégalité de traitement alléguée, avaient été signés par des représentants du syndicat CGT Prestataires [Localité 5], a jugé que ledit syndicat ne pouvait soutenir qu'il fallait « rétablir l'inégalité de traitement entre les salariés de la société Main sécurité affectés sur le site de Saint-Alban qui n'avaient pas été repris et ceux qui l'avaient été et qui bénéficiaient contractuellement d'une prime de fin d'année » et a débouté en conséquence le syndicat CFT Prestataires [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt de la profession.

En conséquence, il y a lieu de se prononcer sur la recevabilité de la demande du syndicat CGT Prestaires [Localité 5] au regard du principe de l'estoppel.

La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

Dès lors, il est sans pertinence que le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] ait ou non signé, par l'intermédiaire de l'un de ses représentants, des accords collectifs de la SAS Main sécurité ayant pu avoir pour effet d'exclure les salariés dont le contrat de travail a été transféré à compter du 1er février 2011 du bénéfice de la gratification de fin d'année versée à tous les autres salariés du site de [Localité 5], ces faits n'impliquant aucune contradiction au détriment d'autrui lors du débat judiciaire.

Et il n'apparaît pas que le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] ait adopté des positions contraires au cours de l'instance.

Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui invoqué devant les premiers juges doit être rejetée.

Sur l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession :

Moyens des parties,

Le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] faut valoir que :

- Aucun des accords collectifs conclus au sein de la SAS Main sécurité n'a prévu l'exclusion des salariés dont le contrat de travail a été transféré le 1er février 2011 du bénéfice de la gratification de fin d'année établie par l'accord collectif de gratification de fin d'année du 4 septembre 2003,

- Les exclusions dont se prévaut l'employeur ne concernent que les salariés bénéficiant déjà d'une prime de fin d'année, et les salariés venant de la société ATM group sécurité bénéficient d'une prime mensuelle d'une nature différente en raison du maintien des avantages acquis chez leur ancien employeur,

- Il ressort du protocole de fin de conflit signé le 21 juin 2017 que l'employeur a unilatéralement exclu du bénéfice de l'augmentation de la gratification de fin d'année les salariés demandeurs,

- Le refus de la SAS Main sécurité de verser la gratification de fin d'année aux salariés anciennement employés par la société ATM group sécurité caractérise une atteinte au principe de l'égalité de traitement,

- Cette atteinte au principe de l'égalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession dont il est chargé d'assurer la défense.

Sur ce,

Selon le principe d'égalité de traitement, des salariés placés dans une situation identique ou similaire doivent en principe pouvoir bénéficier des mêmes droits individuels et collectifs qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail ou de formation.

Seules sont présumées justifiées, pour autant qu'elles résultent d'un accord collectif et à condition qu'elles ne relèvent pas d'un domaine où est mis en 'uvre le droit de l'Union Européenne, les différences de traitement entre catégories professionnelles, collaborateurs appartenant à des établissements distincts, ou s'agissant d'une entreprise de prestation de services, entre salariés affectés à des sites ou des établissements différents ou enfin, entre ceux exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes.

S'agissant des premières, c'est au salarié d'apporter non seulement des éléments de preuve de la réalité de l'inégalité, laquelle résulte le plus souvent des termes même de l'accord collectif, mais il lui faut aussi démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.

En revanche, s'agissant du régime de la preuve des autres inégalités de traitement, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Par ailleurs, l'obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d'une entreprise par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

Selon l'accord d'entreprise relatif à la mise en place d'une gratification de fin d'année conclu entre la SAS Main sécurité et les organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise le 4 septembre 2003, produit par le syndicat CGT Prestataires [Localité 7], il a été convenu « le versement d'une gratification de fin d'année à compter de l'année 2003 pour les salariés qui ne bénéficiaient au 31 décembre 2002 d'aucune mesure du même type » (article 2).

Ce même article 2 de l'accord stipule : « La gratification de fin d'année prévue dans cet accord vient se substituer aux primes et gratifications de fin d'année dont peuvent bénéficier déjà certains salariés sans toutefois que le montant de cette dernière s'en trouve diminué. Toutes les primes de même type existantes en 2003 sont considérés exclusivement comme un avantage individuel.

Le montant de la gratification de fin d'année sera égal à 65 euros pour un salarié à temps complet (151,67 heures).

Cette gratification de fin d'année sera proratisée pour les salariés à temps partiel ».

En outre, ce même accord du 4 septembre 2003 pose en son article 3 des conditions d'attribution.

Ainsi, selon l'article 3-1 (« Conditions de présence et d'ancienneté ») : « La gratification de fin d'année sera soumise à certaines conditions :

Le salarié devra être présent au sein de la société au 31 octobre de chaque année.

Le salarié devra avoir une ancienneté d'un an au 31 octobre de chaque année.

L'ancienneté s'apprécie à la date d'embauche ou à la date d'ancienneté retenue dans le cadre de la reprise du personnel lors d'un transfert de contrat ».

Selon l'article 3-2 (« Périodes d'absence ») : « Les périodes d'absence du salarié pour maladie ou pour absence non autorisée viendront modifier la gratification de fin d'année de la façon suivante :

La gratification de fin d'année sera supprimée lorsque la période d'absence cumulée sur l'année de référence dépasse deux mois.

Les périodes d'absence de courte durée répétées réduiront la gratification de fin d'année. A partir de trois périodes d'absence de courte durée au cours de la période de référence, la gratification de fin d'année sera supprimée.

En ce qui concerne les autres absences, la gratification de fin d'année sera versée pour un montant équivalent au temps de présence effective du salarié au cours de la période de référence ».

Selon l'article 3-4 (« Examen des conditions de suspension de la gratification ») : « Au cours du comité d'établissement du mois de novembre, chaque établissement étudiera le cas des salariés pour lesquels la gratification de fin d'année aura été supprimée suite aux dispositions de l'article 3-2.

A l'issue de la réunion du comité d'établissement, le chef d'établissement après consultation des membres du comité d'établissement pourra seul décider du paiement de la gratification à certains salariés dont les conditions d'attribution n'ouvraient pas droit au versement ».

En outre, il ressort de l'avenant à l'accord d'entreprise à la « gratification de fin d'année » du 14 septembre 2015 produit par le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] que les parties audit avenant se sont entendues pour porter le montant global maximal de la gratification à 180 euros pour un salarié à temps plein.

Les conditions d'attribution posées par l'accord du 4 septembre 2003 ont été maintenues : condition de présence au 31 octobre de chaque année, condition d'ancienneté d'au moins un an à la date du 31 octobre, proratisation de la prime en fonction des absences.

Cependant, l'avenant du 14 septembre 2015 a modifié les conditions de suppression du versement de la gratification en cas d'absence. Ainsi, il est désormais stipulé qu'elle « sera (') supprimée à la première absence injustifiée (s'entend : non justifiée médicalement pour le salarié ou son enfant) » (article 3-2 : « Prise en compte des absences »).

Ce même article précise : « En ce qui concerne les autres absences, la gratification de fin d'année sera versée pour un montant équivalent au temps de présence effective du salarié au cours de la période de référence.

Ces critères sont appliqués sur le nombre d'absences constatées sur la période allant du 1er novembre N-1 au 31 octobre N ».

Le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] verse aux débats l'accord d'entreprise Main sécurité négociation annuelle obligatoire 2017, lequel a porté à 200 euros brut maximal le montant global de la gratification pour un salarié à temps plein (151,67 heures par mois) (article 3-1).

Cet accord a modifié les conditions d'attribution de la manière suivante (article 3-2 : « Prise en compte des absences ») : « Les termes 'elle sera également supprimée à la première absence injustifiée (s'entend : non justifiée médicalement pour le salarié ou son enfant)' seront remplacés par :

- La gratification sera réduite à 50 % lors de la 1ère absence injustifiée,

- Elle sera intégralement supprimée à la 2e absence injustifiée.

S'entend comme absence injustifiée, celle qui n'est pas justifiée soit par un certificat médical concernant le salarié ou son enfant ou tout autre justificatif permettant d'apprécier la régularité e l'absence conformément à la réglementation en vigueur ».

Enfin, l'accord a prévu à son article 3-3 que « les modifications apportées feront l'objet d'un avenant n° 2 à l'accord d'entreprise relatif à la gratification de fin d'année annexé, soumis à la signature des organisations syndicales représentatives ».

Cependant, il doit être relevé, d'une part, que cet avenant n'est pas produit par le syndicat CGT Prestataires [Localité 5], d'autre part que l'exemplaire de l'accord d'entreprise Main sécurité négociation annuelle obligatoire 2017 versé aux débats n'est ni signé ni daté.

Et il ne ressort pas du jugement de première instance que la SAS Main sécurité aurait reconnu que l'exemplaire produit par le salarié était bien vigueur.

Dès lors, il n'est pas établi que les modifications prévues par l'accord de 2017 sont bien entrées en vigueur.

Le syndicat CGT Prestataires produit en dernier lieu le protocole de fin de conflit conclu le 21 juin 2017 à effet au 1er juin 2017 signé par un représentant de la société Main sécurité et un représentant des salariés, duquel il ressort que la société Main sécurité, afin de mettre un terme définitif au conflit qui l'opposait à des salariés travaillant sur le site CNPE [Localité 5], s'est engagée « à porter le montant de la prime de fin d'année (PFA) à 400 euros pour les personnels en CDI ayant plus d'un an d'ancienneté continue sur le site et ne relevant pas des avantages acquis individuels attachés à l'emploi des salariés repris dans le cadre du transfert en février 2011 conservés par la société Main sécurité » (article 5).

A l'examen de ces éléments, il apparaît, premièrement, que l'accord du 4 septembre 2003 assimilait les absences pour maladie aux absences non justifiées et qu'il avait prévu que trois absences de courte durée ou qu'une absence d'une durée supérieure à deux mois entraînait la suppression de la totalité de la gratification.

Deuxièmement, si cette assimilation des absences pour maladie aux absences non justifiées a été supprimée par l'avenant du 14 septembre 2015, celui-ci a maintenu la règle de la suppression de la gratification pour absence injustifiée dès la première absence, les autres absences justifiées (médicalement ou en raison de la garde d'un enfant) entraînant la proratisation de la prime.

Troisièmement, aussi bien l'accord initial que l'avenant ont prévu une condition de présence du salarié au 31 octobre de chaque année, ainsi qu'une année de présence d'un an au moins dans l'entreprise à la date du 31 octobre, ce qui implique qu'un salarié ayant moins d'un an d'ancienneté à la date du 31 octobre ne percevra pas la gratification, de même qu'un salarié ayant plus d'un an d'ancienneté, mais ayant quitté les effectifs de la société avant le 31 octobre.

Quatrièmement, il doit être relevé que l'accord du 4 septembre 2003 avait prévu que la gratification pourrait être supprimée en totalité en cas de manquements graves constaté dans l'exécution de la prestation de travail, cette possibilité ayant été supprimée par l'avenant du 14 septembre 2015.

Dès lors, la prime de fin d'année n'est pas seulement proratisée en fonction du temps de présence du salarié, mais peut également être totalement supprimée en cas d'absence non justifiée.

Une absence non justifiée, qui caractérise un comportement fautif autorisant l'employeur à sanctionner le salarié, n'autorise l'employeur à diminuer la rémunération due en contrepartie du travail qu'au prorata de la durée de l'absence.

En effet, la diminution de la rémunération au prorata de l'absence injustifiée ne constitue pas une sanction du comportement fautif, mais l'application du fait que la rémunération prévue au contrat n'est due que pour la durée de travail effectif prévue par ledit contrat.

Il s'en déduit que la gratification de fin d'année a pour finalité de récompenser le comportement des salariés et non de venir rétribuer le travail effectif fourni comme le salaire de base.

Sixièmement, la cour constate que le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir la nature et la finalité de la prime mensuelle équivalente à 1/12e du salaire brut mensuel que les salariés anciennement employés par société ATM Groupe sécurité percevaient chez cet employeur et qu'ils ont continué de percevoir après le transfert de leur contrat de travail à la SAS Main sécurité à compter du 1er février 2011 au titre du maintien des avantages acquis chez leur ancien employeur.

Dès lors, le syndicat échoue à démontrer, comme il le soutient dans ses conclusions, que la gratification de fin d'année établie par l'accord collectif du 4 septembre 2003 a une nature et une finalité différentes de celles de la prime mensuelle équivalente à 1/12e du salaire brut mensuel perçue par les salariés dont le contrat a été transféré au 1er février 2011, et qu'ainsi la SAS Main sécurité ne serait pas fondée à exclure lesdits salariés du bénéfice de la gratification de fin d'année au motif de l'identité de nature et de finalité de ces deux primes.

En outre, le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] ne produit aucune pièce démontrant que lesdits salariés ne perçoivent pas la gratification de fin d'année établie par l'accord collectif du 4 septembre 2022.

Septièmement, s'il ressort de l'article 5 susvisé du protocole de fin de conflit du 21 juin 2017 que celui-ci exclut les salariés dont le contrat de travail a été transféré le 1er février 2011 du bénéfice de l'augmentation de la gratification de fin d'année, le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] ne démontre pas que cette stipulation aurait été appliquée par la SAS Main sécurité, et que lesdits salariés auraient été effectivement privés du bénéfice de cette augmentation.

En considération de l'ensemble de ces constatations, le syndicat CGT Prestataires [Localité 5], qui se limite à produire les accords litigieux, échoue à faire la démonstration d'une atteinte effective au principe de l'égalité de traitement au sein de la SAS Main sécurité.

En conséquence, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il ne ressort ni du jugement de première instance ni des conclusions du syndicat CGT Prestataires [Localité 5] que celui-ci aurait commis un abus dans le droit d'ester en justice, y compris en interjetant appel de la décision rendue en première instance.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement de première instance qui a condamné le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] à payer 500 euros à la SAS Main sécurité pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires :

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement déféré et y ajoutant, il convient de condamner le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la situation respective des parties, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en permière instance et en cause d'appel.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] à payer une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Aussi le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] est débouté de ses demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et jugé recevable l'action du syndicat CGT Prestataires [Localité 5],

Débouté le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

Débouté le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la syndicat CGT Prestataires [Localité 5] aux entiers dépens.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau y ajoutant,

DEBOUTE le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE le syndicat CGT Prestataires [Localité 5] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction

de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/01527
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.01527 ?
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