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09/07/2024 | FRANCE | N°22/00999

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 09 juillet 2024, 22/00999


N° RG 22/00999 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LISN



N° Minute :





C2



































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



Me Cécile SCHAPIRA



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL

DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024





Appel d'un jugement (N° R.G. 19/00484) rendu par le tribunal judiciaire de Vienne en date du 27 janvier 2022, suivant déclaration d'appel du 09 mars 2022





Appelante :



Mme [E] [Z]

née le [Date naissance 2] 1967

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée p...

N° RG 22/00999 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LISN

N° Minute :

C2

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cécile SCHAPIRA

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 19/00484) rendu par le tribunal judiciaire de Vienne en date du 27 janvier 2022, suivant déclaration d'appel du 09 mars 2022

Appelante :

Mme [E] [Z]

née le [Date naissance 2] 1967

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Cécile SCHAPIRA, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU, postulant, et Me Yves PHILIP de LABORIE , avocat au Barreau de LYON substitué et plaidant par Me QUATREMARE, avocat au barreau de LYON

Intimée :

Société LA MONDIALE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me MANTE SAROLI, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

Assistées lors des débats de Mme Caroline Bertolo, greffière

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 avril 2024, Mme Emmanuèle Cardona, présidente, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [E] [Z], avocate, est titulaire de trois contrats auprès de la société La Mondiale, soit un contrat de prévoyance, de capitalisation et de retraite. Par l'intermédiaire de Eurocap du groupe La Mondiale, elle a adhéré le 8 février 2001 à un contrat 'Frais généraux permanent n°5001314 assuré auprès de ACE Europe pour un montant annuel garanti de 180 000 francs.

Suivant accord contractuel régularisé le 8 décembre 2005 entre Mme [Z] et Eurocap, le montant maximum annuel garanti dans le cadre de ce contrat a été porté à la somme 40 000 euros.

En 2012, Mme [Z] a sollicité une nouvelle modification de ce contrat a'n de bénéficier de garanties plus élevées en cas d'arrêt de travail, soit un montant maximum annuel garanti de 170 000 euros et a transmis à cet effet un certain nombre de documents à son correspondant habituel auprès de La Mondiale, Mme [H].

En suite d'un arrêt de travail, Mme [Z] a sollicité en 2016 le versement de l'indemnisation qui lui était due notamment au titre du contrat 'Frais généraux permanents' laquelle lui a été versée sur la base du montant annuel garanti de 40 000 euros correspondant au contrat de 2005 à défaut de mise en place effective du contrat révisé en 2012.

Considérant que la responsabilité de la société AG2R La Mondiale se trouvait engagée, Mme [Z] l'a mise en demeure, par la voix de son conseil le 6 mars 2018, de l'indemniser de son préjudice matériel constitué du différentiel entre les sommes perçues et celles qu'elle aurait dû percevoir, de la perte de chance de pouvoir souscrire un contrat plus favorable eu égard à la pathologie dont elle se trouve atteinte et de son préjudice moral.

En réponse et par courrier en date du 17 avril 2018, la société AG2R La Mondiale a opposé une fin de non recevoir considérant que sa responsabilité ne pouvait être mise en cause en l'absence de toute faute de gestion dans le dossier par sa conseillère, Mme [H].

Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2018, Mme [Z] a fait assigner, devant le tribunal judiciaire de Lyon la société La Mondiale aux fins, sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, d'obtenir sa condamnation à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 67 680,78 euros au titre de l'indemnisation qu'elle aurait dû percevoir, de 850 000 euros au titre de la perte de chance de ne pas pouvoir souscrire un nouveau contrat plus favorable, de 50 000 euros au titre de son préjudice moral, outre la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 26 mars 2019, l'instance a été renvoyée en application de l'article 47 du code de procédure civile devant le tribunal judiciaire de Vienne.

Par jugement en date du 27 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Vienne a :

- Débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [Z] aux entiers dépens,

- Accordé à Maitre Rochefort le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 9 mars 2022, Mme [Z] a interjeté appel de l'entier jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2022, Mme [Z] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement prononcé le 27 janvier 2022 en ce qu'il a considéré que la société La Mondiale était intermédiaire d'assurance au sens des dispositions de l'article L511-1 du Code des Assurances,

- Réformer le jugement attaqué pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

- Constater que la société La Mondiale a gravement manqué à son devoir de renseignement, de conseil et de mise en garde,

- Constater que ce manquement grave de la société La Mondiale est la cause des préjudices subis par Mme [E] [Z] pour le compte de qui elle agissait en qualité d'intermédiaire d'assurance,

En conséquence,

- Condamner la société La Mondiale à verser à Mme [E] [Z] la somme de 67 680,78 euros au titre de l'indemnisation qu'elle aurait dû percevoir,

- Condamner la société La Mondiale à verser à Mme [E] [Z] la somme de 424 980 euros au titre de la perte de chance de ne pas pouvoir souscrire un nouveau contrat plus favorable,

- Condamner la société La Mondiale à verser à Mme [E] [Z] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi,

- Condamner la société La Mondiale à verser à Mme [E] [Z] la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Mme [Z] fait valoir que le tribunal a justement retenu la qualité d'intermédiaire d'assurance à l'égard de la société La Mondiale qui a engagé sa responsabilité en ce qu'elle a manqué à son devoir de conseil et à l'obligation de mise en garde de l'assuré en ne s'assurant pas de la mise en place effective du dernier avenant demandé et en omettant d'attirer son attention entre 2012 et 2016 sur le fait que sa couverture relative aux frais généraux permanents n'avait pas été rehaussée à 170 000 euros comme souhaité, mais restait plafonnée à 40 000 euros. Elle ajoute que sa qualité de professionnelle ne supprime pas l'obligation qui pesait sur l'intermédiaire d'assurance qui n'a procédé à aucune relance quant à la pièce médicale manquante dont il n'était pas indiqué qu'elle était déterminante.

Elle soutient également que la société La Mondiale lui avait indiqué en juillet 2016 qu'elle bénéficiait de la garantie réévaluée à 170 000 euros et qu'elle a donc perdu une chance de souscrire un contrat plus favorable.

Dans ses conclusions notifiées le 7 septembre 2022, la société La Mondiale demande à la cour de :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne le 27 janvier 2022, en ce qu'il a jugé que la société La Mondiale avait la qualité, envers Mme [Z], d'intermédiaire d'assurance,

- Confirmer en tout état de cause le jugement, en ce qu'il a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société La Mondiale et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Y ajoutant,

- La condamner au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Grimaud, avocat, sur son affirmation de droit.

- Subsidiairement, si par extraordinaire la responsabilité de la société La Mondiale devait être retenue :

- Fixer à la seule somme de 9 534,79 euros les dommages et intérêts pouvant être alloués à Mme [E] [Z]

- La débouter de toute autre demande.

Au soutien de ses demandes, la société La Mondiale fait valoir qu'elle n'est pas débitrice de la garantie puisqu'elle n'est pas l'intermédiaire d'assurance. En tout état de cause elle soutient que l'obligation pesant sur l'intermédiaire d'assurance au stade pré-contractuel n'est qu'une obligation de moyens, se rapportant à l'adéquation du contrat avec les besoins du client. Elle ajoute n'avoir commis aucune faute puisque c'est Mme [Z] qui n'a pas transmis le document manquant.

Elle fait également valoir que Mme [Z] ne pouvait ignorer que l'avenant n'était pas effectif puisqu'elle n'a pas signé l'avenant, ni payé la prime correspondante et que le devoir de conseil doit s'apprécier au regard de ses compétences personnelles et notamment de sa profession d'avocate.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2024.

MOTIVATION

En vertu des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

Il résulte de l'article L.511-1 du code des assurances qu'est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne physique ou morale autre qu'une entreprise d'assurance ou de réassurance et son personnel et autre qu'un intermédiaire d'assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l'activité de distribution d'assurances ou de réassurances ou l'exerce.

L'article R.511-1 du même code précise que pour l'application de l'article L.511-1, est considérée comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d'une opération d'assurance, le fait pour toute personne physique ou personne morale de solliciter ou de recueillir la souscription d'un contrat ou l'adhésion à un tel contrat, ou d'exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou un adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d'un contrat.

Les travaux préparatoires à la conclusion d'un contrat d'assurance ou de réassurance mentionnés au I de l'article L. 511-1 comprennent, d'une part, tous travaux d'animation de réseaux de distributeurs de produits d'assurance ou de réassurance ou d'organisation par un intermédiaire d'assurance du réseau d'intermédiaires d'assurance ou d'intermédiaires d'assurance à titre accessoire auquel il a recours et, d'autre part, tous travaux d'analyse et de conseil réalisés en vue de la présentation, de la proposition ou de la conclusion d'un contrat. Ils ne comprennent pas les activités consistant à fournir des informations ou des conseils à titre occasionnel dans le cadre d'une activité professionnelle autre que celle mentionnée à l'alinéa premier.

En l'espèce, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'ensemble des pièces du dossier démontre que pour la souscription du contrat 'frais généraux permanents' fourni par la société Ace Europe Mme [Z] n'a eu aucun contact avec l'assureur, ni avec son courtier Eurocap, celui-ci faisant partie du groupe La Mondiale, mais qu'au contraire la souscription initiale en 2001, la modification de 2005 et la demande de modification de 2012 ont été traitées par Mme [H], salariée de la société La Mondiale, qui transmettait les informations ou les demandes de renseignements à Mme [Z].

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a dit que la société La Mondiale était tenue à l'obligation de conseil prévue par l'article L.521-4 du code des assurances.

Cependant cette obligation de conseil qui consiste à vérifier la cohérence du contrat proposé avec les exigences et les besoins du souscripteur n'est pas réellement remise en cause par l'appelante puisque celle-ci reproche principalement un défaut de diligence dans la mise en place effective de l'avenant et des nouvelles garanties et non pas l'inadaptation de cet avenant à ses besoins.

Sur ce point, il résulte des pièces produites par l'appelante (pièces n°6,7,8,9) que Mme [Z] justifie avoir retourné le questionnaire de santé nécessaire à la régularisation de l'avenant portant le plafond de garantie à la somme de 170 000 euros le 9 mai 2012.

Le 26 juin 2012, Eurocap indiquait à Mme [H] de La Mondiale que le médecin-conseil sollicitait le dernier bilan orthopédique de Mme [Z] pour étudier le dossier.

Mme [H] sollicitait alors en date du 25 juillet 2012 la communication de cette pièce à Mme [Z].

Faute d'avoir communiqué ce document, l'avenant n'a pu être régularisé et Mme [Z] ne peut utilement soutenir comme le tribunal l'a justement relevé que l'absence de relance de la société La Mondiale constitue une faute ou un défaut de diligence.

Pareillement, c'est en vain que l'appelante soutient avoir cru, de bonne foi, que le contrat avait été régularisé sans avoir signé d'avenant ni même payé le montant des primes correspondant aux nouvelles garanties qu'elle entendait souscrire.

L'appelante, qui succombe, sera condamnée à verser à la société La Mondiale la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] à payer à la société La Mondiale la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Z] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00999
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.00999 ?
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