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09/07/2024 | FRANCE | N°21/02602

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 09 juillet 2024, 21/02602


N° RG 21/02602 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K5HQ



N° Minute :





C3























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



Me Pascale HAYS



la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE
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2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024



Appel d'un jugement (N° R.G. 11-18-002633) rendu par le juge des contentieux de la protection de Grenoble en date du 28 janvier 2021, suivant déclaration d'appel du 11 juin 2021





APPELANTE :



Mme [L] [P]

née le 22 Avril 1957 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

...

N° RG 21/02602 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K5HQ

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

Me Pascale HAYS

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 09 JUILLET 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 11-18-002633) rendu par le juge des contentieux de la protection de Grenoble en date du 28 janvier 2021, suivant déclaration d'appel du 11 juin 2021

APPELANTE :

Mme [L] [P]

née le 22 Avril 1957 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004338 du 12/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMÉE :

Société SAIEM [Localité 3] HABITAT représenté par son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Géraldine CAVAILLES de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Séverine GONTHIER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 mai 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte en date du 1er mai 1996, la SAIEM [Localité 3] habitat donnait à bail à Madame [L] [P] un appartement sis [Adresse 4] à [Localité 3].

Par acte d'huissier en date du 11 décembre 2018, la SAIEM [Localité 3] habitat a fait assigner Mme [P] devant le tribunal d'instance de Grenoble aux fins notamment de prononcer la résiliation judiciaire du bail , ordonner l'expulsion de Mme [P] ainsi que tout occupant de son chef, avec l'éventuel concours de la force publique et la condamner au paiement de différentes sommes.

Par jugement en date du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- dit que Mme [L] [P] a été fautive dans ses obligations d'entretien du logement et de laisser libre accès au bailleur pour réaliser les travaux de réparation ;

- dit néanmoins que ces fautes sont insuffisamment graves pour justifier un prononcé de résiliation du bail ;

- débouté en conséquence la SAIEM [Localité 3] habitat de sa demande en prononcé de résiliation de bail ;

- condamné Mme [L] [P] à payer à la SAIEM [Localité 3] habitat :

- la somme de 6 796,40 euros à titre de dommages-intérêts ;

- la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné Mme [L] [P] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Madame [P] a déposé un dossier d'aide juridictionnelle le 23 mars 2021 afin de relever appel du jugement.

La décision d'aide juridictionnelle est intervenue le 12 mai 2021.

Par déclaration en date du 11 juin 2021 Madame [P] a interjeté appel du jugement.

Dans ses conclusions notifiées le 2 mai 2024, Mme [P] demande à la cour de:

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de Madame [P]

Vu l'article 1224 du code civil,

- débouter la SAIEM [Localité 3] habitat de son appel incident et confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes :

- de résiliation du bail consenti le 01.05.1996 à Mme [L] [P],

- tendant à ordonner la libération des lieux et, au besoin l'expulsion avec le concours de la force publique de Madame [L] [P], ainsi que de tous occupants de son chef dès le prononcé de l'arrêt à intervenir,

- tendant à condamner Madame [L] [P] à lui payer une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer plus charges jusqu'à la libération effective des lieux, qui évoluera dans les mêmes termes que le loyer initialement convenu entre les parties,

- tendant à condamner Mme [L] [P] à lui payer 245,30 euros au titre du remplacement du lavabo, 850,73 euros au titre de la mise en sécurité des équipements électriques, 1 650 euros au titre de la déshumidification du logement, 645,30 euros au titre des frais de relogement de Mme [P] durant les travaux 4 251,60euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance.

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- dit que Mme [L] [P] a été fautive dans ses obligations d'entretien du logement et de laisser libre accès au bailleur pour réaliser les travaux de réparation ;

- condamné Mme [L] [P] à payer à la SAIEM [Localité 3] habitat :

- la somme de 6 796,40 euros à titre de dommages-intérêts ;

- la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les demandes de Madame [P]

- condamné Mme [L] [P] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Vu l'article 7-1de la loi du 6 juillet 1989 et subsidiairement 2224 du code civil

-dire que l'action de la société SAIEM [Localité 3] habitat repose sur des faits connus d'elle depuis au moins 2010 et déclarer prescrites ses demandes de dommages et intérêts.

Vu l'article 1240 du code civil ou en tout état de cause l'article 1217 et suivant du code civil,

- dire que la SAIEM [Localité 3] habitat ne démontre pas que l'inexécution du contrat qu'elle impute à Madame [P] est en lien avec les préjudices dont elle prétend obtenir réparation

- dire en tout état de cause que la SAIEM [Localité 3] habitat a commis des fautes qui sont directement en lien de causalité avec les préjudices dont elle prétend obtenir réparation

- dire en conséquence que ces fautes exonèrent totalement Madame [P] de sa responsabilité

- débouter en conséquence la SAIEM [Localité 3] habitat de toutes ses demandes indemnitaires.

- accueillir la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de Madame [P]

Vu les dispositions des articles 1104, 1217, 1719, 1720, 1722 du code civil

- dire que la SAIEM [Localité 3] habitat a commis des fautes à l'encontre de Madame [P] ayant entraîné directement un préjudice de jouissance.

- condamner la SAIEM [Localité 3] habitat à verser à Madame [P] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- prononcer la compensation des sommes réciproquement dues par les parties.

-débouter la SAIEM [Localité 3] habitat de toutes ses demande fins et conclusions notamment de résolution du bail et de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

- condamner SAIEM [Localité 3] habitat aux entiers dépens de première instance et d'appel ces derniers à recouvrer par Maître Pascale Hays conformément à la législation en vigueur en matière d'aide juridictionnelle.

Au soutien de ses demandes, Mme [P] conclut tout d'abord à la prescription de l'action en responsabilité au motif que le dommage principal dont se prévaut la SAIEM [Localité 3] habitat est le refus de procéder à l'enlèvement des encombrants. Or, ce dommage s'est manifesté bien avant le délai de 5 ans, ou 3 ans, qui a précédé l'assignation.

Elle conteste l'argument selon lequel l'obligation du locataire présente un caractère continu, soulignant que l'action qui doit être intentée par le titulaire du droit à compter du moment où il « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit .

Elle conclut ensuite au rejet de la demande de dommages et intérêts en l'absence de démonstration de ses inexécutions contractuelles.

Elle fait valoir que la SAIEM [Localité 3] habitat n'avait reçu l'autorisation que de procéder au débarrassage des détritus et désinfection de l'appartement, et non pas de déménager les affaires de Madame [P], que cette procédure ne peut donc donner lieu à indemnisation.

Elle estime que les problèmes qu'elle a rencontrés revêtent les caractères de la force majeure, puisqu'il n'est pas contesté qu'un dégât des eaux usées s'est produit en octobre 2016, et que celui-ci n'est pas de son fait.

Elle conclut au rejet de la demande de résiliation du bail au motif que c'est surtout le dégât des eaux d'octobre 2016, dans lequel elle n'a aucune responsabilité, qui a engendré la situation actuelle et non l'état d'encombrement de l'appartement. Elle réfute avoir empêché l'accès de son logement aux entreprises, énonçant que ce sont au contraire ces dernières qui ont refusé d'intervenir, et souligne qu'elle est à jour du règlement de ses loyers

A titre reconventionnel, elle fait état de ses différents préjudices.

Dans ses conclusions notifiées le 26 avril 2024, la SAIEM [Localité 3] habitat demande à la cour de:

Vu l'article 7 de la loi du 06 juillet 1989,

Vu les articles 1217 et 1760 du code civil,

Vu les articles 695 et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces,

- déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts de 20 000 euros et de compensation formulée par Madame [L] [P] pour la première fois en appel,

- déclarer pour le surplus, l'appel de Mme [L] [P] recevable mais non-fondé,

- déclarer l'appel incident de la SAIEM [Localité 3] habitat recevable et bien fondé,

Par conséquent,

- débouter Madame [L] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du 28 janvier 2021 en ce qu'il a :

- dit que Mme [L] [P] a été fautive dans ses obligations d'entretien du logement et de laisser libre accès au bailleur pour réaliser les travaux de réparation,

- condamné Madame [P] au paiement de 4 006,80 euros à titre de dommages-intérêts

correspondant à la facture de la société Clair & Net ayant procédé au débarrassage de l'appartement,

- condamné Mme [L] [P] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

- réformer le jugement du 28 janvier 2021 pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- prononcer la résiliation du bail consenti le 01.05.1996 à Mme [L] [P],

-ordonner la libération des lieux et, au besoin l'expulsion avec le concours de la force publique de Madame [L] [P], ainsi que de tous occupants de son chef dès le prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner Madame [L] [P] à payer à la SAIEM [Localité 3] habitat une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer plus charges jusqu'à la libération effective des lieux, qui évoluera dans les mêmes termes que le loyer initialement convenu entre les parties,

- condamner Mme [L] [P] à payer à la SAIEM [Localité 3] habitat les sommes suivantes :

- 245,30 euros au titre du remplacement du lavabo,

- 850,73 euros au titre de la mise en sécurité des équipements électriques,

- 1.650 euros au titre de la déshumidification du logement,

- 645,30 euros au titre des frais de relogement de Mme [P] durant les travaux,

- 6 974 euros au titre de la facture de la société ADPR pour travaux de revêtements plafonds, murs et sols ainsi que reprise du plâtre,

- 4 251,60 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance.

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, outre les entiers dépens d'appel.

La société SAIEM habitat indique que le délai de prescription n'a pas commencé à courir, puisque les obligations mises à la charge du locataire par l'article 7 de la loi du 06 juillet 1989 s'appliquent durant toute la durée du bail, que dès lors, à chaque manquement constaté, un nouveau délai de prescription court.

Elle souligne qu'elle avait déjà saisi en référé le tribunal d'instance de Grenoble le 05 février 2009 concernant la résiliation du bail de Mme [P], notamment en raison de son manquement à l'obligation d'entretien.

Elle rappelle que durant l'année 2017, elle a lancé d'importants travaux de remplacement des colonnes d'eau chaude au sein de la résidence [Adresse 4] nécessitant un accès à chacun des logements, mais qu'à ce moment-là, Mme [P] a empêché l'accès à son logement et empêché ainsi de procéder à ces travaux, en violation de l'article 7 de la loi du 06 juillet 1989 qui prévoit l'obligation de permettre l'accès au logement pour procéder aux travaux.

Elle fait état du coût généré par le débarrassage de ses affaires, et du fait que l'appartement a dû faire l'objet d'une rénovation intégrale compte tenu de son état.

Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts par Mme [P] sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, demande qu'elle juge infondée à titre subsidiaire compte tenu de la mauvaise foi de la locataire.

La clôture a été prononcée le 7 mai 2024.

MOTIFS

Sur la demande de résiliation du bail et de dommages-intérêts formée par la SAIEM [Localité 3] habitat

Sur la prescription de la demande

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé :

a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l'article L. 843-1 du code de la construction et de l'habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire ;

b) D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;

c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;

d) De prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. [...]

e) De permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6 [']

C'est à juste titre, malgré les dénégations de Mme [P], que la SAIEM indique que les obligations mises à la charge du locataire par l'article 7 précité s'appliquent durant toute la durée du bail et il ne s'agit pas d'obligations ponctuelles, mais bien d'obligations présentant un caractère continu.

Le fait que l'état du logement de Mme [P] ait déjà donné lieu à une instance judiciaire en 2009 ne saurait en conséquence constituer le point de départ de l'action en dommages-intérêts.

En outre, l'un des manquements reprochés à Mme [P] est en lien avec des travaux effectués courant 2017, la demande n'est donc pas prescrite.

Sur le bien fondé de la demande

Selon l'article 1217 du code civil, applicable en l'espèce puisque le bail a été tacitement reconduit jusqu'en 2017, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er février 2016, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut:

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Il résulte de l'article 7 précité que Mme [P], en tant que locataire, était notamment tenue de trois obligations :

-payer les loyers et charges aux termes convenus

-prendre à sa charge l'entretien courant du logement

-permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6.

- Sur les loyers

Contrairement à ses affirmations, Mme [P] n'a pas toujours été à jour du paiement, puisque par ordonnance du 23 novembre 2009, le juge des référés de Grenoble avait constaté la résiliation du bail mais suspendu les effets de la clause résolutoire en octroyant des délais de paiement à Mme [P].

Au 19 avril 2024, le solde s'élevait à 687, 20 euros.

S'agissant du forfait contesté par Mme [P], la SAIEM [Localité 3] habitat démontre que le 17 avril 2015, elle a informé Mme [P] du fait qu'il n'avait pas été possible de remplacer les compteurs d'eau chaude et d'eau froide dans son logement, contrairement aux autres logements de l'immeuble et qu'à défaut, il lui serait affecté un forfait annuel. Mme [P] n'a pas donné suite aux demandes d'intervention de la SAIEM.

- Sur l'entretien courant du logement

Mme [P] allègue qu'il n'y a pas eu d'état des lieux d'entrée et que l'état de l'appartement est lié principalement au dégât des eaux qu'elle a subi en octobre 2016.

En premier lieu, à défaut d'état des lieux d'entrée, le logement est présumé être en bon état. En outre, les propos de la locataire sont démentis par les pièces communiquées par la SAIEM [Localité 3] habitat qui démontre que des problèmes d'encombrement de l'appartement, avec un amas d'objets divers et détritus avait déjà été relevé en 2004, 2008, 2010, le constat d'huissier établi les 8 et 26 juillet 2010 précisant que toutes les pièces de l'appartement présentent « le même encombrement d'objets divers et de détritus et qu'il règne dans l'appartement, qui est sans hygiène et sans entretien, dans un grand état général de saleté et d'encrassement, notamment la cuisine et la salle de bains, une odeur nauséabonde ». L'huissier note que Mme [P] s'est engagée à nettoyer l'appartement pour le 26 ou 27 juillet 2010, mais lors de la seconde visite de l'huissier, rien n'a changé, Mme [P] refusant de manière réitérée toute aide extérieure.

La SAIEM [Localité 3] habitat justifie du fait qu'elle a tenté de trouver une solution amiable mais que Mme [P] a refusé de lui ouvrir le 2 janvier 2017, que le 10 avril 2017, elle avait demandé un délai supplémentaire pour débarrasser le logement, mais que le 24 avril puis le 9 mai, elle était de nouveau absente. Il ne saurait donc être reproché à la SAIEM [Localité 3] habitat de ne pas avoir tenté d'intervenir après le dégât des eaux.

- Sur l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux

La SAIEM [Localité 3] habitat justifie également du fait qu'elle a avisé Mme [P] par courrier du 27 février 2018 de la nécessité d'être présente lors de la réalisation d'importants travaux de remplacement des colonnes d'eau chaude sanitaire et communique les échanges de mails courant avril 2018 attestant de l'obstruction de Mme [P].

La société SAIEM a dû solliciter une autorisation du juge pour pouvoir entrer dans le logement et effectuer les travaux nécessaires, autorisation qui lui a été donnée par ordonnance du 26 avril 2018.

Il résulte du procès-verbal de constat de l'huissier en date du 4 juin 2018, ainsi que des photographies particulièrement édifiantes y figurant, que l'état d'encombrement de l'appartement ne permettait pas d'effectuer les travaux.

Il ressort de ce qui précède que malgré de multiples avertissements, Mme [P] n'a pas respecté les obligations essentielles qui étaient les siennes, s'agissant notamment de l'entretien de l'appartement et de l'accès à ce dernier.

Ce comportement a eu à plusieurs reprises des conséquences sur l'ensemble de l'immeuble puisque certains travaux nécessitaient une intervention dans chacun des logements concernés et a généré des retards ainsi qu'une gêne pour les autres occupants de l'immeuble.

De tels agissements n'étant pas ponctuels mais ayant perduré sur plusieurs années, ils justifient de par leur gravité la résiliation du bail, le jugement sera infirmé.

Mme [P] devra quitter les lieux et sera condamnée à payer une indemnité d'occupation équivalente au montant des loyers et charges jusqu'à la libération effective des lieux.

Sur la demande de dommages-intérêts formulée par Mme [P]

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La demande de dommages-intérêts formée par Mme [P] est recevable dès lors qu'elle est en lien avec ses demandes originaires (Civ. 2e, 5 oct. 2017, n° 16-22.353).

Sur le fond, la teneur des mails atteste de la volonté de la société SAIEM [Localité 3] habitat de ne pas engager immédiatement de procédure judiciaire, alors que la possibilité de celle-ci avait été évoquée dès le mois de février 2017.

Par ordonnance du 11 juillet 2018, la SAIEM [Localité 3] habitat a été autorisée à faire procéder au débarrassage des détritus et à la désinfection de l'appartement

Le procès-verbal de constat des 26 septembre, 1er octobre et 1 octobre 2018 relate que l'ensemble des opérations s'est déroulé en présence de Mme [P] et que cette dernière a été en mesure de vérifier le travail effectué tant par sa famille qu'elle-même ou encore les déménageurs. L'huissier précise au demeurant que les opérations de débarrassage se sont déroulées lentement, en raison de la volonté de Mme [P] de trier, voire retrier des affaires triées par ses proches.

Le fait de désinfecter l'appartement, prévu par l'ordonnance, impliquait nécessairement de vider intégralement ce dernier compte tenu de son état.

Par procès-verbal de constat du 26 novembre 2019, l'huissier de justice a indiqué s'être voir remis la clé du logement de Mme [P], la SAIEM [Localité 3] habitat ne parvenant pas malgré ses différentes tentatives de contact à restituer les clés à l'intéressée.

En conséquence, le préjudice dont se prévaut Mme [P] est lié à son seul comportement et celle-ci sera dès lors déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les autres frais

La facture de déménagement des affaires de l'appartement s'est élevée à 4 006,80 euros, elle a été rendue nécessaire par l'état de l'appartement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [P] à payer cette somme.

Les frais de remise en état de l'appartement sollicités sont les suivants :

- Fourniture et pose du lavabo : 245,30 euros

Quand bien même l'inondation d'octobre 2016 n'est nullement imputable à Mme [P], si l'appartement avait été correctement entretenu et que cette dernière avait permis l'accès à son appartement dans les délais requis, il n'aurait pas été nécessaire de changer le lavabo, cette somme sera retenue.

- Engie : mise en sécurité des équipements du logement : 850,73 euros

La preuve n'est pas rapportée d'un lien entre la mise en sécurité des équipements et le comportement de Mme [P], sachant que l'immeuble est ancien et que des mises aux normes sont nécessaires. Cette somme ne sera pas retenue.

- Réfection du logement, sol, plafonds et murs:6 974 euros le 21 octobre 2019.

Mme [P] occupant le logement depuis 1996, il est avéré que près de 25 ans plus tard, il aurait été nécessaire de procéder à un rafraîchissement des lieux en cas de changement de locataire. Pour autant, et même si le devis n'a pas été communiqué, compte tenu de l'ampleur des travaux à accomplir au vu des photographies versées aux débats, le coût était beaucoup plus important qu'un simple rafraîchissement. Cette somme sera retenue, pour tenir également compte de la vétusté, à hauteur de 70 % à la charge de Mme [P], soit 4 881,80 euros.

- Réfection des revêtements, déshumidificateur : 1 650 euros. L'humidité présente dans le logement est liée pour partie à l'inondation et pour partie au fait que les travaux n'ont pas pu être effectués rapidement du fait du comportement de Mme [P]. Cette somme sera retenue à hauteur de 80 %, soit 1 320 euros.

- Les frais de relogement :

C'est la SAIEM [Localité 3] habitat qui a proposé à Mme [P] de la loger à l'hôtel durant les travaux à l'automne 2019, elle ne saurait dès lors être condamnée à rembourser le coût de la prise en charge.

Les frais de constat d'huissier, indispensables dans le cadre de la présente procédure pour permettre à la SAIEM [Localité 3] habitat de préserver ses droits, s'élèvent à la somme de 3 051,60 euros. Il en sera tenu compte au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après avoir délibéré conformément à la loi:

Déclare recevables les demandes de dommages-intérêts formées par chacune des parties ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que Mme [L] [P] a été fautive dans ses obligations d'entretien du logement et de laisser libre accès au bailleur pour réaliser les travaux de réparation ;

- condamné Mme [L] [P] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant de nouveau,

Prononce la résiliation du bail signé le 1er mai 1996 entre la SAIEM [Localité 3] habitat et Mme [L] [P] ;

Ordonne la libération des lieux et, au besoin l'expulsion avec le concours de la force publique de Madame [L] [P], ainsi que de tous occupants de son chef ;

Condamne Madame [L] [P] à payer à la SAIEM [Localité 3] habitat une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer plus charges jusqu'à la libération effective des lieux ;

Condamne Mme [L] [P] à payer à la SAIEM [Localité 3] habitat les sommes suivantes:

- 4 006, 80 euros au titre du débarrassage de l'appartement

- 245,30 euros au titre du remplacement du lavabo,

- 1 320 euros au titre de la déshumidification du logement,

- 4 881,80 euros au titre de la facture de la société ADPR pour travaux de revêtements plafonds, murs et sols ainsi que reprise du plâtre,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Madame [L] [P] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/02602
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.02602 ?
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