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04/07/2024 | FRANCE | N°24/00084

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Hospitalisation d'office, 04 juillet 2024, 24/00084


N° RG 24/00084 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MJ7T



N° Minute :































































































Notification le :



04 juillet 2024











AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C O

U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E



JURIDICTION PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 04 JUILLET 2024





Appel d'une ordonnance 24/643 rendue par le Juge des libertés et de la détention de BOURGOIN JALLIEU en date du 26 juin 2024 suivant déclaration d'appel reçue le 27 juin 2024



ENTRE :



APPELANT :



PREFECTURE A.R.S.

[Adresse 3]

[Localité 4]



non comparant





ET :



INTIMES :



Monsieur [...

N° RG 24/00084 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MJ7T

N° Minute :

Notification le :

04 juillet 2024

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E

JURIDICTION PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 04 JUILLET 2024

Appel d'une ordonnance 24/643 rendue par le Juge des libertés et de la détention de BOURGOIN JALLIEU en date du 26 juin 2024 suivant déclaration d'appel reçue le 27 juin 2024

ENTRE :

APPELANT :

PREFECTURE A.R.S.

[Adresse 3]

[Localité 4]

non comparant

ET :

INTIMES :

Monsieur [W] [N]

né le 28 Juin 1980 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

assisté de Me Julien PARIS, avocat au barreau de GRENOBLE

ETABLISSEMENT DE SANTE MENTALE

[6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non comparant

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été régulièrement communiquée à M. Guillaume GIRARD, Avocat général près la cour d'appel de Grenoble qui a fait connaître son avis le 3 juilet 2024,

DEBATS :

A l'audience publique tenue le 04 juillet 2024 par Martine RIVIERE, Conseillère, délégué par le premier président en vertu d'une ordonnance en date du 23 décembre 2023, assistée de Frédéric STICKER, greffier, et de [D] [L] greffière stagiaire

ORDONNANCE :

prononcée publiquement le 04 juillet 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signée par Martine RIVIERE et par Frédéric STICKER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par arrêté préfectoral en date du 18 juin 2024 pris en considération d'un certificat médical établi le 18 juin 2024 par le docteur [X], M. [W] [N] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 18 juin 2024 au sein de l'Etablissement de santé mentale [6] ([6]).

Les certificats médicaux des 24 h et 72 h ont été établis les 19 juin 2014 (Docteur [E]) et 21 juin 2024 (Docteur [R]).

Par requête du 21 juin 2024, le Préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de maintien de la mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 26 juin 2024, le juge des libertés et de la détention de Bourgoin-Jallieu a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement de M. [W] [N] , cette mesure n'entrant en vigueur que 24 heures après sa notification afin que puisse être mis en oeuvre un programme de soins.

Par déclaration reçue par mail et enregistrée au greffe le 27 juin 2024, le Préfet de l'Isère a interjeté appel de la dite ordonnance.

Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 4 juillet 2024.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction en chambre du conseil, la publicité des débats étant de nature à entraîner une atteinte à l'intimité de la vie privée.

Par avis écrit du 3 juillet 2024 dont les parties ont eu connaissance, le procureur général a conclu à l'absence d'objet de l'appel du fait de la levée de l'hospitalisation de M. [N] et indiqué qu'il n'assistera pas à l'audience.

Le Préfet de l'Isère n'a pas comparu.

Maître Julien Paris, conseil de M. [W] [N], a demandé la confirmation de la décision déférée, en l'absence de danger et d'éléments médicaux récents.

M. [W] [N], qui a eu la parole en dernier, explique les circonstances l'ayant conduit à être hospitalisé le 18 juin 2024 dans un contexte de rupture de traitement et de consommation de cannabis et d'alcool en raison de la précarité de sa situation économique. Il expose avoir contacté à plusieurs reprises le GEIPAN pour leur expliquer avoir vu deux OVNI, sans réponse de leur part, ce qui l'avait conduit à leur envoyer des messages de menaces qu'il dit regretter.

Depuis sa sortie le 27 juin 2024, il soutient avoir entrepris des démarches de soins auprès du CMP de [Localité 7] et d'un psychiatre libéral et avoir trouvé un emploi de technico-commercial.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2024 à 15 heures.

Motifs de la décision :

L'appel a été formé dans les conditions et dans le délai prescrits par les articles R.3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique. Il est recevable.

L'article L. 3213-1 du code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

Selon l'article L. 3211-12-1 du même code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission.

En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.

Le premier juge a retenu que l'arrêté préfectoral daté du 18 juin 2024 décidant d'une admission provisoire en soins psychiatriques sans consentement de M. [W] [N] a été pris pour le préfet et par délégation, par le sous-préfet et directeur de cabinet M. [B] [I] sans qu'il soit justifié que ce dernier pouvait à cette date décider d'une admission en soins psychiatriques sans consentement, aucun arrêté portant délégation de fonctions et de signatures n'étant versé au dossier, et ce faisant en a déduit que l'arrêté préfectoral du 18 juin 2024 est irrégulier, cette irrégularité faisant grief à la personne hospitalisée en vertu de l'article L3216-l du code de la santé publique.

Or, il est justifié que par arrêté préfectoral du 21 août 2023, M. [B] [I] dispose d'une délégation de signature à l'effet de signer tous actes relatifs aux mesures concernant les soins sous contrainte à la demande du représentant de l'Etat.

Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, qui n'a procédé à aucune vérification sur ce point, l'arrêté préfectoral du 18 juin 2024 portant admission en soins psychiatriques sans consentement de M. [W] [N] n'est entaché d'aucune irrégularité.

M. [W] [N] a été placé en garde-à-vue le 18 juin 2024 pour des faits de menaces de crime contre les personnes matérialisée par écrit, image ou autre objet, s'agissant de messages menaçants adressés au GEIPAN en parlant d'un futur attentat.

Dans le certificat d'admission du 18 juin 2024, le docteur [X], mandaté afin d'expertise, a décrit un patient qui a une représentation persécutive de sa famille, de Pôle Emploi, de différentes entreprises, d'une ancienne assistante sociale à l'encontre de laquelle il avait présenté dans le passé un délire érotomaniaque et à l'encontre du GEIPAN (Groupe d'Etudes et d'informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés). Il a rappelé que sur le plan psychiatrique, il présente des antécédents de troubles psychiatriques anciens, des décompensations psychotiques dans le passé, qu'il n'aurait plus actuellement de suivi psychiatrique régulier mais dit prendre un traitement, la présentation étant évocatrice d'un délire sectorisé, à la conviction délirante d'avoir vu des OVNI et de ne pas être entendu par le GEIPAN à qui il aurait envoyé à plusieurs reprises des demandes sans réponse. Il a noté qu'il y a une insomnie majeure, le délire est vécu dans une conviction totale, un ton infatué, un vécu diffus de persécution, une agressivité dans la relation liée à un vécu de préjudice. Le Docteur [X] a conclu que ses troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes et portent atteinte de façon grave à l'ordre public.

Dans un certificat médical du 19 juin 2014 (certificat de 24 heures), le Docteur [E] a constaté que : ' le patient est bien connu du service, suivi régulièrement par une infirmière au CMP dans le cadre d'une obligation de soins. Le patient reste instable sur le plan thymique, dit avoir constaté des ovnis, convaincu que ces objets existent mais dit ne pas avoir la preuve matérielle ('photos qui peuvent prouver les véracité de ses propos'). M. [N] est célibataire, sans enfant, il vit en colocation et reconnait avoir des consommations cannabiques excessives ces derniers temps à visée anxiolytique, relatant des difficultés financières ainsi qu'un isolement social, semble persécuté par les proches. ll existe une adhésion totale au délire hallucinatoire qui semble en lien avec la consommation excessive du cannabis. Le patient nous dit qu'il n'est pas en rupture de traitement malgré une non prise en charge par un psychiatre en ambulatoire. il ne s'oppose pas aux soins et au traitement mais compte-tenu de l'envahissement psychotique et l'adhésion au délire son consenternent n'est pas recevable et la mesure des soins sous contrainte reste justifiée'.

Dans le certificat du 21 juin 2024 (certificat de 72 heures), le Docteur [R] a constaté que : 'malgré l'évolution favorable il persiste des éléments délirants imaginatifs, le patient reste convaincu de l'existence d'Ovni, sa conviction est inébranlable, il dit qu'il a voulu alerter et partager ces informations avec les organismes concernés, il parle de soucoupe volante, et de course poursuite entre des policiers et un extraterrestre conduisant un véhicule lorsqu'il était aux Etats-Unis, le patient a conscience ' qu'on ne le croit pas' ce qui majore un vécu de frustration, et de colère, il reconnait que son discours l'isole socialement et même au niveau du cercle familial. ll regrette les menaces, et juge son comportement disproportionné, il fait un lien avec la consommation de toxiques. Pas d'idées suicidaires, pas de trouble du comportement auto et/ou hétéro agressif au sein de l'unité. Au regard de l'absence de critique de la pathologie psychiatrique et la nécessite d'ajustement des traitements, l'hospitalisation complète doit se poursuivre pour améliorer l'état clinique du patient et prévenir ainsi les passages à l'acte.'

Aucun certificat médical n'a pu être établi en vue de l'audience du fait de la sortie d'hospitalisation de M. [N] le 27 juin 2024. Toutefois, les éléments médicaux dont dispose la cour sont récents et rien n'établit l'existence d'une amélioration notable de son état de santé en quelques jours, d'autant que M. [N] évoque une reprise de contact avec le CMP et un prochain rendez-vous avec un médecin psychiatre exerçant en libéral sans le justifier.

Eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure il apparaît que M. [W] [N] présente des troubles importants du comportement se traduisant par des actes hétéroagressifs (menaces d'attentat), ces éléments justifiant la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, d'autant qu'il n'est pas démontré la mise en place d'un programme de soins adapté aux troubles décrits.

Dans ces conditions, il convient d'infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu en date du 26 juin 2024.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Martine Rivière, conseillère déléguée par M. le premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel formé par le Préfet de l'isère,

Au fond, infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu en date du 26 juin 2024,

Autorisons le maintien des soins de M. [W] [N] en hospitalisation complète,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe à l'ensemble des parties appelées par tout moyen,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Hospitalisation d'office
Numéro d'arrêt : 24/00084
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;24.00084 ?
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