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04/07/2024 | FRANCE | N°23/00707

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 04 juillet 2024, 23/00707


C6



N° RG 23/00707



N° Portalis DBVM-V-B7H-LWRL



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :













AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBR

E SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 20/00468)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 15 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 06 juin 2022 (N° RG 22/02195)

Affaire radiée le 30 janvier 2023 et réinscrite le 14 février 2023





APPELANTE :



S.A.S. [6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

...

C6

N° RG 23/00707

N° Portalis DBVM-V-B7H-LWRL

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 20/00468)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 15 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 06 juin 2022 (N° RG 22/02195)

Affaire radiée le 30 janvier 2023 et réinscrite le 14 février 2023

APPELANTE :

S.A.S. [6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparante en la personne de Mme [P] [E] régulièrement munie d'un pouvoir

INTIMEE :

Organisme CPAM DE L'ISERE

Service Contentieux Général

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en la personne de Mme [J] [Y] régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024

Mme Elsa WEIL, Conseiller, en charge du rapport et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 04 juillet 2024.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] [F], salarié de la société [6], mis à la disposition de l'entreprise [5] en qualité de conducteur poids lourds, a été victime d'un accident du travail le 27 mars 2019.

Le certificat médical initial établi le jour même faisait état de « contusion rachis thoraco-lombaire'». Il prévoyait un arrêt de travail jusqu'au 1er avril 2019.

Le lendemain, l'employeur établissait une déclaration d'accident du travail dans laquelle il mentionnait que « en chargeant des palettes de nourriture sur le camion, M. [B] [F] était sur le hayon du camion quand il a tiré sur le transpalette bloqué et est tombé du camion. Douleur(s) au dos global(e)s.'»

Par courrier en date du 3 avril 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a notifié aux parties la décision de prise en charge de l'accident survenu le 27 mars 2019 au titre de la législation professionnelle.

M. [B] [F] a bénéficié par la suite d'un certificat médical de prolongation le 1er avril 2019 par le Dr [O] qui mentionnait une nouvelle lésion «'contusion rachis suite à chute de 1,5 m avec probable entorse cervicale + contusion cheville gauche'».

Cette nouvelle lésion a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle le 23 avril 2019.

En revanche, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge la lésion déclarée le 10 décembre 2019 par le salarié au titre du retentissement psychologique.

M. [B] [F] a été déclaré consolidé par le médecin conseil le 28 mars 2020 sans séquelles indemnisables.

Par courrier recommandé du 17 février 2020, la société [6] a contesté devant la commission de recours amiable la durée des arrêts de travail consécutifs à l'accident en date du 27 mars 2019 de M. [B] [F].

Lors de sa séance du 27 avril 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de l'employeur.

La société [6] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble le 15 mai 2020 afin de contester cette décision de rejet.

Par jugement du 15 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- débouté la société de son recours et de l'intégralité de ses demandes,

- déclaré opposable à la société [6] la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail de M. [B] [F], survenu le 27 mars 2019, ainsi que les arrêts de travail et soins en découlant,

- dit que la société conservera la charge des dépens.

Le 10 juin 2022, la société [6] a interjeté appel de cette décision.

Le dossier a fait l'objet d'une radiation le 30 janvier 2023.

Après réinscription au rôle le 14 février 2023, les débats ont eu lieu à l'audience du 4 avril 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 4 juillet 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société [6] selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives, déposées le 17 février 2023, et reprises à l'audience demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 15 avril 2022 en ce qu'il a débouté la société,

Statuant à nouveau,

- juger inopposable à la société l'ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail du 27 mars 2019,

avant-dire droit :

- ordonner une expertise médicale sur pièce et nommer un expert avec pour mission de :

- se faire remettre le dossier médical de M. [B] [F] par la caisse primaire d'assurance maladie ou son service médical et le transmettre également au médecin conseil de la société [6] ;

- retracer l'évolution des lésions de M. [B] [F], de ses soins et hospitalisations';

- dire si l'ensemble des arrêts de travail pris en charge résultent directement et uniquement de l'accident du travail survenu le 27 mars 2019 et les lésions résultant de l'accident du travail du 27 mars 2019 ;

- déterminer quels sont le cas échéant les seuls arrêts, soins et lésions directement imputables à cet accident du travail et à la lésion initiale de l'assuré ;

- fixer le cas échéant la date à laquelle l'état de santé de M. [B] [F] directement et uniquement imputable à l'accident du travail survenu le 27 mars 2019 doit être considéré comme consolidé.

- convoquer les parties à une réunion contradictoire,

- adresser aux parties un pré-rapport afin de leur permettre de présenter d'éventuelles observations et ce avant le dépôt du rapport définitif,

- juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie.

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère aux entiers dépens.

La société [6] explique qu'au regard des lésions subies par le salarié, la durée de l'arrêt de travail est manifestement injustifiée, et ce d'autant plus que la probable entorse cervicale n'a jamais été confirmée et que l'assuré a été consolidé sans séquelles indemnisables. De ce fait, elle estime que le salarié présentait nécessairement un état antérieur et/ou indépendant ayant interféré avec les suites de l'accident du travail du 27 mars 2019.

Elle souligne que cette analyse est corroborée par son médecin consultant, le Dr [S], qui a mis en évidence l'absence de gravité des lésions initiales imputables à l'accident et l'absence de confirmation de l'entorse cervicale.

Elle considère qu'il existe un différend médical justifiant la mise en 'uvre d'une expertise.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère par ses conclusions d'intimée, déposées le 4 avril 2024 et reprises à l'audience demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 15 avril 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.

La caisse primaire d'assurance maladie explique qu'à la suite du contrôle diligenté par l'employeur, il est apparu que le salarié n'était pas à son domicile lors du passage de la société [7]. Toutefois, elle souligne que le contrôle a été effectué pendant les heures de sorties qui lui avaient été accordées par le médecin et que de ce fait, il n'est pas possible d'en déduire que l'arrêt de travail n'était pas justifié.

Par ailleurs, la caisse expose que conformément à une jurisprudence constante de la cour de cassation, lorsqu'un arrêt de travail a été initialement prescrit à l'assuré à la suite de son accident du travail, la présomption d'imputabilité s'applique jusqu'à la consolidation de son état de santé, sans que la caisse ait à faire la démonstration de la continuité des symptômes et des soins. Elle souligne que M. [B] [F] a été pris en charge de manière continue à la suite de son accident du travail pour des lésions identiques à celles figurant dans son certificat médical initial et que la présomption d'imputabilité au travail s'étend donc pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant la guérison.

Elle estime que, si la société conteste cette présomption, elle n'apporte pas la preuve que l'origine de ces soins et arrêts a une cause totalement étrangère au travail permettant de remettre en cause leur caractère professionnel. A ce titre, elle considère que le rapport du Dr [S] ne démontre ni l'existence d'un état antérieur, ni que les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail et qu'une expertise médicale ne saurait être demandée pour pallier la carence de l'employeur dans l'administration de la preuve.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1. Il découle des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale au terme d'une jurisprudence constante (Ch. réunies, 7 avril 1921) une présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ('Toute lésion qui se produit dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion d'un travail doit être considérée, sauf preuve contraire, comme résultant d'un accident du travail').

Dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, il ressort de la combinaison des articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale que cette présomption s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

L'absence de continuité de symptômes et soins jusqu'à la date de consolidation n'est pas de nature à écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail contestés par l'employeur.

Le caractère supposé bénin de la lésion et la longueur des arrêts de travail ne sont pas de nature à remettre en cause cette présomption.

Il appartient à l'employeur qui entend la renverser de rapporter la preuve contraire en démontrant que les lésions, soins et arrêts de travail litigieux ont, en totalité ou pour partie, une cause totalement étrangère au travail distincte d'un état pathologique antérieur révélé ou aggravé par l'accident du travail qui affecterait l'articulation ou l'organe lésé par ledit accident.

2. Pour rapporter cette preuve qui lui incombe, la société [6] indique que la durée des arrêts de travail lui paraît injustifiée au regard du caractère qu'elle estime bénin des lésions, d'une entorse cervicale simplement probable, et que M. [B] [F] ayant été consolidé sans séquelles indemnisables, il devait nécessairement présenter un état antérieur ou indépendant interférant avec les suites de l'accident du travail en date du 27 mars 2019.

Or, elle se fonde sur un avis médico-légal d'un médecin (pièce 10 de l'appelante) qu'elle a mandaté à cet effet qui ne formule que des conjectures sur la relation directe et certaine entre les soins et arrêts de travail jusqu'au 28 mars 2020 et l'accident du travail du 27 mars 2019.

3. De plus, à la supposée avérée, cette pathologie antérieure évoquée par l'employeur, affectant les articulations de nouveau lésées par l'accident du travail, aurait alors été réveillée ou aggravée par l'accident survenu, et ne présente donc pas les caractères d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine des arrêts de travail puisque précisément, elle aurait été réactivée ou aggravée par l'accident survenu au travail dont la matérialité et la décision de prise en charge en découlant n'ont pas été contestées.

4. La société [6] n'a versé aux débats qu'un rapport d'analyse, par un médecin qu'elle a mandaté à cet effet, des pièces médicales versées aux débats par la caisse qui relève simplement qu'à ses yeux la durée des arrêts de travail est trop longue, ce qui n'est donc pas de nature à écarter la présomption d'imputabilité.

Cette analyse à elle seule est donc insuffisante à rapporter la preuve, ou à tout le moins un commencement de preuve, d'une cause totalement étrangère au travail de tout ou partie des soins et arrêts de travail présumés imputés à l'accident de travail du 27 mars 2019.

La simple probabilité alléguée par le consultant médical n'est pas suffisante à établir le commencement de preuve qui incombe à l'appelante dès lors qu'il n'est pas démontré que l'état pathologique antérieur allégué, s'il a pu compliquer les soins apportés au salarié ou retarder la consolidation de son état, a provoqué l'accident du travail ou, en tout cas, que cet état constitue la cause exclusive des soins et arrêts de travail prescrits qui auraient existé, quand bien même l'accident du travail ne serait pas survenu.

L'avis de l'expert ne repose donc que sur des considérations générales in abstracto quant à la durée d'arrêts de travail habituellement prescrite pour des contusions et sur le fait que certificat médical initial envisageait une entorse cervicale probable. Ces considérations ne sont donc pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité s'attachant aux prescriptions du médecin traitant ayant suivi concrètement l'assuré de son accident du travail jusqu'à la consolidation.

5. La société [6] sera donc déboutée de sa demande de lui déclarer inopposables les arrêts de travail qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident et d'ordonner avant dire droit à cet effet une expertise médicale judiciaire sur pièces.

La société [6] qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG 20/00468 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble le 15 avril 2022.

Y ajoutant,

Condamne la SAS [6] aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 23/00707
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.00707 ?
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