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04/07/2024 | FRANCE | N°23/00473

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 04 juillet 2024, 23/00473


C5



N° RG 23/00473



N° Portalis DBVM-V-B7H-LVXN



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





La SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE


>CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/00914)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy

en date du 15 décembre 2022

suivant déclaration d'appel du 27 janvier 2023





APPELANTE :



SARL [6], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ...

C5

N° RG 23/00473

N° Portalis DBVM-V-B7H-LVXN

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/00914)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy

en date du 15 décembre 2022

suivant déclaration d'appel du 27 janvier 2023

APPELANTE :

SARL [6], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Lara GAILLARD, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, en charge du rapport et Mme Elsa WEIL, Conseiller, ont entendu le représentant de la partie appelante en son dépôt de conclusions et le représentant de la partie intimée en ses conclusions et plaidoirie, assistés de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 04 juillet 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

À la suite d'une requête du 15 novembre 2013 de la SARL [6] contre l'URSSAF de la Haute-Savoie et d'une opposition du 3 novembre 2017 à une contrainte de l'URSSAF Rhône-Alpes du 12 octobre 2017, un jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy du 15 décembre 2022 (N° RG 17/914) a :

- ordonné la jonction des dossiers 2018/137 et 2017/914 sous ce dernier numéro,

- déclaré irrecevable l'opposition à contrainte pour défaut de motivation,

- constaté qu'une contrainte du 12 octobre 2017 pour un montant de 24.278 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour les années 2010 et 2011 et les cotisations de mai 2016 est devenue définitive et comporte les effets d'un jugement sans qu'il y ait lieu à en prononcer la validation,

- débouté l'URSSAF de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société au paiement des frais de signification de la contrainte de 72,53 euros et tous actes de procédure nécessaires à son exécution,

- condamné la société aux dépens,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration du 27 janvier 2023, la SARL [6] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions signifiées le 26 juillet 2023 et reprises oralement à l'audience devant la cour, la SARL [6] demande :

- la réformation du jugement sauf à le confirmer en ce qu'il a débouté l'URSSAF de ses demandes plus amples ou contraires,

- in limine litis, le débouté de l'URSSAF pour prescription de son action,

- que l'opposition soit jugée recevable pour être valablement motivée et que l'URSSAF soit déboutée de sa demande à ce titre,

- au fond, l'annulation du redressement,

- le débouté de toutes les demandes de l'URSSAF,

- que la contrainte soit déclarée non valable et l'URSSAF déboutée de ses demandes,

- la condamnation de l'URSSAF aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 13 mars 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, l'URSSAF Rhône-Alpes demande :

- la confirmation du jugement,

- subsidiairement le débouté des demandes de la société,

- la condamnation de la société à régler la somme de 21.581 euros outre 2.697 euros de majorations de retard conformément à la mise en demeure et la contrainte, outre les majorations de retard complémentaires,

- la condamnation de la société aux dépens et à lui régler 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur les faits et la procédure

1. - A titre liminaire, la cour relève que la SARL [6] soulève à juste titre dans ses conclusions une difficulté dans la manière dont a été conduite la procédure en première instance, sans que l'URSSAF n'apporte de réplique sur ce point. Ceci a engendré une confusion dans l'ordre et la présentation des moyens et des demandes des parties : seule l'opposition à contrainte a été traitée par le tribunal, alors qu'il a joint à cette opposition une autre procédure qui se rapportait à une contestation préalable du redressement et de la mise en demeure à l'origine de cette contrainte.

2. - Il convient donc ici de reprendre les faits et la procédure à l'origine du premier recours de la SARL [6] et d'examiner les demandes relatives à ce recours, avant d'examiner l'opposition à la contrainte.

3. - L'URSSAF de la Savoie a adressé à la SARL [5] [Y] (dénomination à l'époque de la SARL [6] selon les conclusions de celle-ci) une lettre d'observations du 27 mars 2013 à la suite d'un contrôle sur l'application des législations de sécurité sociale dans ses établissements sur les années 2010 et 2011, qui a conclu à un rappel de 21.927 euros au titre de trois chefs de redressement :

- chef n° 1 : 488 euros en raison d'une absence de réduction de plafond annuel lors de la période d'absence de Mme [J] [Y] qui ne pouvait être neutralisée,

- chef n° 2 : 4.671 euros au titre de frais professionnels pour l'utilisation de véhicules, concernant des remboursements de déplacements de Mme [J] [Y] avec un véhicule ayant aussi engendré des remboursements pour MM. [A], [X], [B] et [H] [Y] et sur une période au cours de laquelle elle était en absence non rémunérée, et en l'absence de justification des cartes grises,

- chef n° 3 : 16.768 euros pour le même type de frais, concernant des remboursements de déplacements de MM. [A], [X] et [B] [Y], en raison d'incohérences entre le nombre de véhicules et de personnes, en l'absence de production des cartes grises demandées et en présence d'un planning imprécis.

À la suite des observations de la SARL [6], l'inspecteur du recouvrement a répondu le 12 juin 2013 en maintenant les chefs de redressement n° 2 et 3. Il était considéré que les remboursements à Mme [Y], qui aurait conduit son mari M. [H] [Y] pendant son arrêt maladie de longue durée, ne pouvaient pas correspondre à des frais professionnels, et les remboursements concernant MM. [Y] étaient fondés sur des justificatifs incohérents entre eux, avec des incohérences supplémentaires au regard de nouveaux justificatifs produits, contradictoires et sur des véhicules supplémentaires.

L'URSSAF de la Savoie a donc adressé à la SARL Holding [H] [Y] une mise en demeure du 20 juillet 2013 pour un montant de 24.623 euros, soit 21.926 euros de redressement à l'issue de la lettre d'observations du 27 mars 2013 et 2.697 euros de majorations de retard.

La SARL [6] a saisi la commission de recours amiable le 21 août 2013 pour contester les chefs de redressement n° 2 et 3 et la commission a statué le 26 novembre 2013 en maintenant les rappels.

4. - Il est justifié d'un recours du 15 novembre 2013 adressé au tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) d'Annecy qui avait pour objet la contestation de la mise en demeure en l'absence, à ce moment, de réponse de la commission de recours amiable.

Il est également justifié d'une ordonnance de retrait du rôle du TASS à l'audience du 11 février 2016 à la demande de l'avocat de la SARL [5] [Y].

Il résulte des conclusions de la SARL [6], non contredites par l'URSSAF sur ces points, et de l'exposé de la procédure du jugement contesté que :

- la société a demandé le réenrôlement de ce recours par conclusions du 12 février 2018 (dossier n° 2018/137),

- un jugement du 27 mai 2021 a ordonné la jonction de l'opposition à la contrainte intervenue entretemps le 12 octobre 2017 (dossier n° 2017/914) avec le dossier n° 2018/137, et a rouvert les débats au 3 mars 2022,

- il a été acté un défaut de péremption à cette audience du 3 mars 2022, et une disjonction des deux dossiers en raison de l'irrecevabilité soulevée dans le dossier d'opposition à contrainte,

- l'examen des deux dossiers a été renvoyé à l'audience du 20 octobre 2022,

- le jugement dont appel a joint à nouveau les deux dossiers.

Ainsi, même si la motivation du tribunal est limitée à l'opposition à la contrainte, il n'en demeure pas moins que l'URSSAF sollicitait, selon l'exposé de ses demandes, qu'il soit dit que le redressement était bien-fondé dans son quantum, le débouté de la société de ses demandes, et la condamnation de la société au paiement sauf validation de la contrainte ; tandis que la SARL [6] soulevait le caractère indu des sommes réclamées et le débouté des demandes de l'URSSAF.

La contestation des deux chefs de redressement n° 2 et 3 doit être examinée.

Sur la contestation des chefs de redressement n° 2 et 3

5. - La SARL [6] fait valoir que Mme [Y] était dans une situation particulière, atteinte d'une maladie grave et en arrêt maladie, et que, s'agissant d'une entreprise familiale, une partie des frais professionnels de son époux, également salarié de la société, a été portée sur ses bulletins de salaire pour donner à Mme [Y], décédée depuis de cette maladie, « une fiction d'existence au sein de la société » ainsi que le conclue celle-ci. Il est par contre souligné qu'il n'y a eu aucune fraude, car les frais ont bien été engagés par M. [Y] et n'ont été comptabilisés qu'une fois sur les bulletins de salaire de Mme [Y].

En ce qui concerne MM. [Y], la société estime qu'elle n'a pas à produire les justificatifs des montants des dépenses réellement engagées en application des dispositions réglementaires applicables, que les fils [Y] utilisaient bien leurs véhicules pour des missions commerciales, qu'il est justifié des frais dans le courrier en réponse à la lettre d'observations et le courrier de saisine de la commission de recours amiable (pièces n° 8 et 9 de l'appelante), et il est fait sommation à l'URSSAF, dans les conclusions de la société, de produire les justificatifs qu'elle prétendrait détenir.

6. - Pour sa part, l'URSSAF rappelle que si les dispositions réglementaires disposent que l'indemnité kilométrique est forfaitaire, le kilométrage défrayé doit être démontré au regard de la réalité du déplacement, du moyen de transport utilisé, de la puissance du véhicule et du kilométrage effectué. Or, la société n'a jamais transmis d'éléments probants sur ces points et au sujet de la nature des déplacements prétendus professionnels.

Par ailleurs, l'URSSAF souligne la variation des versions concernant les frais de Mme [Y] puisqu'il a été prétendu pendant le contrôle qu'elle avait effectué des déplacements selon un planning, puis après la réception de la lettre d'observations notant qu'elle était en arrêt, qu'elle accompagnait son mari, ce qui a été repris devant la commission de recours amiable, pour aujourd'hui prétendre qu'il s'agissait de frais de son mari portés sur ses bulletins de salaire.

En ce qui concerne MM. [Y], l'URSSAF souligne que la réalité des déplacements professionnels n'a jamais été démontrée, qu'elle ne peut pas être déduite de la seule mission professionnelle des intéressés, et que ces indemnités ont donc été réintégrées à juste titre dans l'assiette des cotisations.

Enfin, l'URSSAF souligne que les pièces n° 12 et 13 produites par l'appelante ne l'ont jamais été auparavant et doivent être écartées, puisqu'elles n'ont pas été communiquées avant la clôture de la période contradictoire.

7. - Il convient de rappeler que, de manière inchangée entre le 19 décembre 2008 et le 23 décembre 2015, l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale prévoyait que : « Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. (')

Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel ».

L'article 1 de l'Arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dispose que : « Les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ».

L'article 2 ajoutait, jusqu'au 2 novembre 2022, que : « L'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9 ».

L'article 4 prévoit également que : « Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale ».

8. - Il résulte de ces dispositions que la SARL [6] devait justifier le caractère réellement professionnel des frais remboursés à ses salariés, sauf à voir l'URSSAF réintégrer ces remboursements dans l'assiette des cotisations sociales, et cela avant que ne puisse se poser la question de l'évaluation forfaitaire des frais de déplacement professionnel exposés.

La SARL [6] ne justifie aucunement la réalité des déplacements, leur nature, les véhicules concernés et leur caractère personnel aux salariés, et l'inspecteur du recouvrement a relevé les incohérences entre des justificatifs qui étaient contradictoires, des véhicules dont la carte grise n'était pas systématiquement produite, mais qui étaient utilisés par plusieurs membres de la famille [Y], et des explications changeantes. Les pièces n° 8 et 9 de l'appelante comprennent plusieurs cartes grises et plusieurs tableaux qui se révèlent imprécis et insuffisants pour justifier la réalité des déplacements allégués et leur caractère professionnel. La variation des explications au sujet des remboursements de frais professionnels à Mme [Y] et la reconnaissance qu'il ne s'agissait pas de frais exposés professionnellement par cette personne, qui n'était pas en activité lors des déplacements litigieux, caractérisent en outre l'absence de caractère effectif des frais professionnels la concernant, ou concernant éventuellement ceux de son mari.

En ce qui concerne les pièces n° 12 et 13 de l'appelante, celle-ci ne formule dans ses conclusions aucun moyen ni aucune demande sur leur fondement, et il convient de rappeler que, comme le soulève l'URSSAF compte tenu du fait que ces pièces n'ont pas été produites avant la présente procédure d'appel, qu'il est constant que le cotisant doit produire, lors des opérations de contrôle, les éléments nécessaires à la vérification du respect de la législation sociale, et qu'une cour d'appel peut légitimement considérer que les pièces versées aux débats à hauteur d'appel par une société doivent être écartées, dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire, telle que définie à l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, et que la société n'a pas, pendant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l'inspecteur (Civ. 2, 7 janvier 2021, n° 19-19.395 et 19'20.035 ; Civ. 2, 19 décembre 2019, n° 18-22.912).

Par conséquent, la SARL [6] n'apporte aucun élément suffisant ou recevable pour soutenir sa contestation et elle sera déboutée de sa contestation des chefs de redressement n° 2 et 3 de la lettre d'observations du 27 mars 2013, et de sa demande formelle d'annulation du redressement qui n'était d'ailleurs pas entièrement contesté puisque la commission de recours amiable n'avait pas été saisie du chef n° 1.

Sur l'opposition à la contrainte

9. - L'article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 11 mai 2017 au 13 août 2022, disposait que : « Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. (...) A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. (')

Le débiteur peut former opposition (...). L'opposition doit être motivée ».

En l'espèce, la SARL [6] a saisi le TASS d'une opposition à contrainte par courrier daté du 3 novembre 2017 ainsi motivée : « Par la présente, je conteste les sommes qui me sont réclamées (montant de la contrainte 21581 € et total réclamé = 24518,67 €), car celles-ci sont indues. Vous trouverez attachée à ce courrier la copie de la contrainte ».

La contrainte du 12 octobre 2017 et l'acte de signification du 24 octobre 2017 comportaient la mention de l'obligation de motiver l'opposition à la contrainte, à peine d'irrecevabilité, en application de l'article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale.

La motivation de l'opposition se limitait donc à dire que les sommes étaient indues, c'est-à-dire sans fondement, sans en préciser le motif, donc en procédant par un pléonasme et contester la contrainte parce qu'elle était contestable.

C'est en vain que la SARL [6] se prévaut d'une jurisprudence qui validerait la seule mention du caractère indu des sommes réclamées, sans la citer, ou du fait que l'opposition avait été faite par un non-professionnel, ou que le recours contre la mise en demeure était motivé, alors que la Cour de cassation juge avec constance que l'opposition, pour être valable, doit contenir des arguments de fait et de droit expliquant les raisons de la contestation (Civ. 2, 7 septembre 2023, 22'13.593 ; 23 mars 2004, 02-31.043), ce qui est à la portée d'un non-professionnel d'autant plus qu'une motivation avait été précédemment exposée lors du recours devant le TASS le 15 novembre 2013.

L'opposition est donc bien irrecevable pour défaut de motivation, la contrainte a acquis les effets d'un jugement sans qu'il soit utile de la valider ou de condamner l'appelante au paiement de la somme recouvrée, et le jugement sera donc confirmé.

10. - Au surplus, la SARL [6] soulevait une prescription de l'action en recouvrement de trois ans pour la contrainte du 12 octobre 2017, par rapport à la mise en demeure du 20 juillet 2013, sur le fondement de l'article L. 244-8-1 du Code de la sécurité sociale, alors que cette disposition n'était applicable qu'aux cotisations concernées par une mise en demeure notifiée à compter du 1er janvier 2017 et, pour les créances ayant fait l'objet de mises en demeure notifiées avant cette date, la réduction du délai de cinq à trois ans était applicable sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) : la prescription de cinq ans prévue par l'article L. 244-11 alors applicable n'était donc pas acquise le 12 octobre 2017.

Sur les frais de procédure

La SARL [6] supportera les dépens de l'instance en appel.

L'équité et la situation des parties justifient que l'URSSAF ne conserve pas l'intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et la SARL [6] sera condamnée à lui payer une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy du 15 décembre 2022 (N° RG 17/914),

Y ajoutant,

Déboute la SARL [6] de sa demande d'annulation du redressement objet de la lettre d'observations du 27 mars 2013,

Condamne la SARL [6] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SARL [6] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 23/00473
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.00473 ?
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