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04/07/2024 | FRANCE | N°23/00228

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 04 juillet 2024, 23/00228


C6



N° RG 23/00228



N° Portalis DBVM-V-B7H-LVDU



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SAS [6]



la CPAM DE L'ISÈRE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'AP

PEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 20/853)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 06 décembre 2022

suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2023





APPELANTE :



S.A.S. [6] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette q...

C6

N° RG 23/00228

N° Portalis DBVM-V-B7H-LVDU

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SAS [6]

la CPAM DE L'ISÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 20/853)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 06 décembre 2022

suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2023

APPELANTE :

S.A.S. [6] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service AT

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparante en la personne de Mme [C] [T] régulièrement munie d'un pouvoir

INTIMEE :

Organisme CPAM DE L'ISEREprise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service Contentieux Général

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en la personne de Mme [H] [Z] régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024

Mme Elsa WEIL, Conseiller, en charge du rapport et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 04 juillet 2024.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [W] [L], salarié de la société [6], mis à la disposition de l'entreprise [7] en qualité de maçon VRD, a été victime d'un accident du travail le 25 septembre 2019.

Le certificat médical initial établi le jour même faisait état de « contusion main et poignet droit et d'une contusion hémothorax face antérieure'». Il prévoyait un arrêt de deux jours qui a été prolongé jusqu'au 7 octobre 2019.

Le même jour, l'employeur établissait une déclaration d'accident du travail dans laquelle il mentionnait que « alors que M. [W] [L] marchait à côté d'une tranchée, il a mis son pied sur un tampon qui recouvrait un regard, celui-ci a cassé et il a chuté dans le regard, lui occasionnant une contusion aux poignets et fracture au thorax.'»

Par courrier en date du 3 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a notifié aux parties la décision de prise en charge de l'accident survenu le 25 septembre 2019 au titre de la législation professionnelle.

M. [W] [L] s'est vu par la suite prescrire plusieurs certificats médicaux de prolongation de manière continue, entre le 24 octobre 2019 et 2 novembre 2020 pour fracture du scaphoïde.

M. [W] [L] a été déclaré consolidé par le médecin conseil le 3 novembre 2020 et un taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 6 %.

Par courrier recommandé du 20 juillet 2020, la société a contesté devant la commission de recours amiable la durée des arrêts de travail consécutif à l'accident en date du 25 septembre 2019 de M. [W] [L].

Lors de sa séance du 24 août 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de l'employeur.

La société [6] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble le 28 septembre 2020 afin de contester cette décision de rejet.

Par jugement du 6 décembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- débouté la société de son recours et de l'intégralité de ses demandes,

- déclaré opposable à la société la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail de M. [W] [L], survenu le 25 septembre 2019, ainsi que les arrêts de travail et soins en découlant,

- dit que la société conservera la charge des dépens.

Le 9 janvier 2023, la société [6] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 4 avril 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 4 juillet 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société [6] selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives, déposées le 21 mars 2023, et reprises à l'audience demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 6 décembre 2022 en ce qu'il a débouté la société,

-juger inopposable à la société l'ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail du 25 septembre 2019 au-delà du 7 octobre 2019.

La société explique qu'à l'issue du certificat médical initial et du premier certificat médical de prolongation aucune fracture au poignet n'a été décelée alors même que des examens médicaux ont nécessairement dû être réalisés au CHU. Elle souligne qu'entre le 7 octobre et le 24 octobre 2019, aucun certificat médical n'a été établi et qu'à partir du 24 octobre 2019, les certificats médicaux mentionnent une fracture du scaphoïde du poignet droit, lésion qui ne correspond pas aux lésions initialement constatées suite au fait accidentel. Elle estime qu'il existe une discontinuité de soins et de symptômes qui ne permet pas d'évoquer le bénéfice de la présomption d'imputabilité. A ce titre, elle écarte le diagnostic du professeur [U] et du docteur [M], en indiquant que le lien qu'ils établissent entre la fracture du scaphoïde et l'accident du travail n'a pu se faire qu'à travers les déclarations du patient et que seul le médecin conseil de la caisse peut se prononcer sur l'imputabilité d'une lésion à un accident du travail.

Par ailleurs, elle considère que la fracture du scaphoïde constitue une nouvelle lésion qui aurait dû faire l'objet d'une nouvelle instruction pas la caisse ce qu'elle n'a pas fait, alors même que les lésions initiales ne sont plus évoquées dans les certificats médicaux postérieurs au 24 octobre 2019.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère par ses conclusions d'intimée, déposées le 4 avril 2024 et reprises à l'audience demande à la cour de confirmer le jugement du 6 décembre 2022 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.

La caisse primaire d'assurance maladie expose que conformément à une jurisprudence constante de la cour de cassation, lorsqu'un arrêt de travail a été initialement prescrit à l'assurée à la suite de son accident du travail, la présomption d'imputabilité s'applique jusqu'à la consolidation ou la guérison de son état de santé, sans que la caisse ait à faire la démonstration de la continuité des symptômes et des soins. Elle souligne que M. [W] [L] a été pris en charge de manière continue à la suite de son accident du travail pour des lésions identiques à celles figurant dans son certificat médical initial et que la présomption d'imputabilité au travail s'étend donc pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant la guérison. Elle considère également qu'au regard de la nature de l'accident et de la cohérence des certificats médicaux produits, le lien de causalité entre ceux-ci est bien rapporté. De plus, elle souligne que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un état pathologique antérieur, celui-ci se contentant d'indiquer que les arrêts de travail ont un caractère disproportionné par rapport à la nature de l'accident.

Elle estime que, si la société conteste cette présomption, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'origine de ces soins et arrêts a une cause totalement étrangère au travail permettant de remettre en cause leur caractère professionnel.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident de travail, instituée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime (Cass.civ 2ème 17 février 2011 n°10-14981)'; il appartient à l'employeur, dans ses rapports avec la caisse primaire d'assurance maladie, dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi, de prouver que les lésions invoquées ne sont pas imputables à l'accident (Cass.civ 2ème 28 avril 2011, n°10-15835), et ce en apportant la preuve que les soins et arrêts de travail ont une cause totalement étrangère au travail ou qu'ils se rattachent exclusivement à un état pathologique préexistant et évoluant pour son propre compte.

Par ailleurs, de simples doutes reposant sur le caractère supposé bénin de la lésion et la longueur de l'arrêt de travail ne sauraient suffire à remettre en cause le bienfondé de la décision de la caisse, notamment, en l'absence de tout élément précis et circonstancié de nature à étayer les prétentions de l'employeur, et à justifier l'instauration d'une expertise médicale.

En l'espèce, M. [W] [L] a été placé immédiatement en arrêt de travail, à la suite de son accident du travail, le 25 septembre 2019. Il n'est pas contesté qu'il a bénéficié d'une continuité de soins et d'arrêts de travail entre le 25 septembre et le 7 octobre 2019 (pièces 4 et 5 de l'appelant de l'intimé), pour la même pathologie, à savoir, une contusion main et poignet. Entre le 7 et le 24 octobre 2019, M. [W] [L] n'a bénéficié d'aucun arrêt de travail, puis à partir du 24 octobre 2019, il va à nouveau bénéficier d'une continuité de soins et d'arrêts jusqu'au 2 novembre 2020 mais pour une rupture du scaphoïde. La caisse ne s'explique pas sur cette interruption et sur la modification de l'intitulé de la lésion, alors même que le certificat médical initial ne mentionnait pas l'existence d'une fracture.

Le professeur [U] qui est à l'origine du certificat médical de prolongation du 24 octobre 2019 (pièce 6 de l'appelant) établit un lien, mais sans le détailler, de la fracture du scaphoïde avec l'accident du travail du 25 septembre 2019. Toutefois, ce seul avis, non documenté, ne permet pas de rattacher en lui-même, la lésion nouvellement constatée à l'accident du travail du 25 septembre 2019.

Il existe manifestement une discordance médicale justifiant l'instauration d'une expertise afin de déterminer si la fracture du scaphoïde du poignet droit est rattachée à l'accident du travail en date du 25 septembre 2019.

Le jugement sera donc infirmé.

Dans cette attente du dépôt du rapport d'expertise et de la décision au fond sur le mérite des contestations de l'appelante, les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG n°20/00853 rendu le 6 décembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Ordonne une expertise médicale sur pièces.

Désigne le Docteur [F] [I] [Adresse 2], pour y procéder avec pour mission de :

- se faire remettre le dossier médical de [W] [L] par la caisse primaire d'assurance maladie ou son service médical ;

- le communiquer au médecin consultant désigné par la société [6] si elle en fait la demande ;

- retracer l'évolution des lésions de [W] [L], de ses soins et hospitalisations ;

- dire si l'ensemble des lésions à l'origine des arrêts de travail pris en charge résultent directement et uniquement de l'accident du travail en date du 25 septembre 2019 ;

- déterminer quels sont le cas échéant les seuls arrêts, soins et lésions directement imputables à cet l'accident du travail ;

- déterminer le cas échéant si une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l'accident du travail est à l'origine d'une partie des arrêts de travail ;

- dans l'affirmative, dire si l'accident du travail a pu aggraver ou révéler cette pathologie ou si, au contraire, cette dernière a évolué pour son propre compte ;

- fixer le cas échéant la date à laquelle l'état de santé de [W] [L] directement et uniquement imputable à l'accident du travail en date du 25 septembre 2019 doit être considéré comme consolidé,

- déterminer le taux d'incapacité permanente partielle résultant de cette maladie professionnelle à la date de consolidation.

Dit que [W] [L] devra être avisé par la Caisse de la communication de son dossier médical au médecin désigné par l'employeur (articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale).

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du code de procédure civile, qu'il pourra entendre toutes personnes.

Dit que l'expert aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne, à charge de joindre leur avis au rapport.

Dit que l'expert devra, au terme des opérations d'expertise, mettre en mesure les parties en temps utile de faire valoir leurs observations qui seront annexées au rapport et y répondre.

Rappelle que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, si elles sont écrites les joindre à son rapport si les parties le demandent, faire mention dans son avis de la suite qu'il leur aura donnée et qu'enfin l'expert peut fixer un délai aux parties pour formuler leurs observations à l'expiration duquel il ne sera plus tenu d'en prendre compte sauf cause grave et dûment justifiée auquel cas il en fait rapport au magistrat de la chambre sociale chargé d'instruire l'affaire.

Dit que l'expert dressera rapport de ses opérations pour être déposé au Greffe dans les six mois suivant sa saisine en un original et une copie après en avoir adressé un exemplaire à chacune des parties en cause.

Rappelle que les frais de consultation ou d'expertise sont pris en charge par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (article L. 142-11 du code de la sécurité sociale).

Sursoit à statuer pour le surplus.

Réserve les dépens.

Dit que l'instance sera reprise à la requête de la partie la plus diligente.

Rappelle qu'en cas d'absence de contestation sur le rapport d'expertise, les parties peuvent en demander l'homologation sur simple ordonnance du magistrat de la chambre sociale chargé d'instruire l'affaire (article 941 du code de procédure civile).

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 23/00228
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.00228 ?
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