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04/07/2024 | FRANCE | N°23/00045

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 04 juillet 2024, 23/00045


C5



N° RG 23/00045



N° Portalis DBVM-V-B7H-LUTC



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





Le Conseil Départemental de l'Isère





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE G

RENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 22/443)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 29 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 26 décembre 2022





APPELANT :



M. [E] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Carole BALO...

C5

N° RG 23/00045

N° Portalis DBVM-V-B7H-LUTC

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Le Conseil Départemental de l'Isère

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 22/443)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 29 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 26 décembre 2022

APPELANT :

M. [E] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Carole BALOCHE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ISERE SERVICE PRESTATIONS FINANCIERES ET AIDE SOCIALE, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparant en la personne de Mme [P] [Z] régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, en charge du rapport et Mme Elsa WEIL, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations, assistés de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 04 juillet 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du département de l'Isère a notifié à [V] [G], par courrier du 10 juin 2011, le bénéfice de la prestation compensatoire du handicap (PCH) du 1er juin 2010 au 31 mars 2020.

Par courrier du 28 octobre 2019 adressé à [V] [G], le département de l'Isère l'a invité à demander le renouvellement de sa PCH qui arrivait à échéance en mars 2020.

Par courrier du 26 janvier 2021, le département de l'Isère a notifié à M. [E] [G] un indu de 56.882 euros au titre de la PCH versée à [V] [G] sur un compte commun, sans avoir été informé de son décès intervenu le 30 octobre 2012, soit entre le 1er novembre 2012 et le 31 mars 2020.

Par courrier du 8 novembre 2021, M. [G] a demandé une remise de dette.

Par courrier du 21 mars 2022, le département de l'Isère a notifié un rejet de la demande de remise par la commission permanente du conseil départemental lors de sa séance du 28 janvier 2022, et une lettre de relance du 7 mai 2022 a été envoyée à M. [G] pour obtenir le paiement de l'indu de 56.882 euros.

À la suite d'une requête du 17 mai 2022 de M. [G] contre le département de l'Isère, un jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 29 novembre 2022 (N° RG 22/443) a :

- confirmé la décision du président du conseil départemental du 28 janvier 2022 rejetant la demande de remise de dette,

- débouté M. [G] de ses demandes,

- condamné M. [G] aux dépens.

Par déclaration du 26 décembre 2022, M. [G] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 18 mars 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, M. [G] demande :

- l'infirmation du jugement,

- le constat de l'acquisition de la prescription biennale,

- une remise de dette,

- subsidiairement les plus larges délais de paiement à raison de 120 euros par mois,

- la condamnation du conseil départemental aux dépens.

Au visa de l'article L. 242-8 du Code de l'action sociale et des familles, M. [G] se prévaut de la prescription biennale qui court à compter du versement des sommes indues. Il estime que sa bonne foi ne peut pas être remise en cause compte tenu des épreuves personnelles extrêmement difficiles auxquelles il a dû faire face, à la suite des décès de son épouse et de son fils en l'espace de quelques mois, une forte dépression chronique l'ayant conduit à une tentative de suicide, plusieurs hospitalisations et une thérapie pendant plus de quatre ans. Ces difficultés ont fait qu'il n'a pas été en mesure de faire ses déclarations et démarches administratives. Il souligne que le tribunal a reconnu qu'il s'agissait d'une négligence sévère et non d'une fraude ou d'une fausse déclaration, aucune fraude ne lui ayant été par ailleurs notifiée.

M. [G] expose vivre seul avec une retraite de 1.600 euros par mois, liste ses charges courantes et justifie de ses problèmes de santé importants et de ses revenus et charges en versant l'intégralité de ses documents.

Par conclusions du 19 février 2024 reprises oralement à l'audience devant la cour, le département de l'Isère demande :

- la confirmation du jugement,

- le débouté des demandes de M. [G],

- la condamnation de M. [G] aux dépens.

Au visa des articles 2224 du Code civil et L. 245-8 et R. 245-72 du Code de l'action sociale et des familles, le département souligne que M. [G] n'a pas porté à sa connaissance le décès de son épouse en 2012 et a continué à percevoir 600 euros par mois sur un compte commun avec sa défunte épouse pendant sept ans et cinq mois, qu'enfin ce n'est qu'en effectuant une démarche auprès d'[V] [G] par courrier du 28 octobre 2019 que l'information de son décès a été portée à la connaissance du département par la mairie de [Localité 4].

Le point de départ de la prescription commençant à courir à la date de connaissance des faits justifiant l'indu, le recouvrement entamé par courrier du 26 janvier 2021 et l'émission d'un titre de recette du 9 mars 2021 sont intervenus avant l'acquisition de la prescription biennale.

En ce qui concerne la demande de remise, le département se prévaut d'une délibération de sa commission permanente qui a rappelé que toute demande est rejetée en cas d'intention frauduleuse, de fausse déclaration ou de sévère négligence. Or, le décès du fils de M. [G] date d'avril 2012 et celui de son épouse d'octobre 2012, et la bonne foi ne peut pas être retenue à la suite de la perception de 600 euros par mois pendant plus de sept années. C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu pour le moins une sévère négligence.

Par ailleurs, au visa de l'article 1343-5 du Code civil, il ne peut pas être retenu une situation de précarité justifiant une remise, M. [G] ayant déclaré au tribunal percevoir une retraite de 1.200 euros alors qu'il apparaît qu'il percevait en 2021 une retraite de 1.600 euros, en présence d'un crédit personnel arrivé à échéance le 15 mars 2024 et en l'absence de transparence sur sa situation actuelle.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

1. - L'article L. 245-8 du Code de l'action sociale et des familles relatif à la prestation de compensation dispose que : « L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prestation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l'action intentée par le président du conseil départemental en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ».

L'article 2224 du Code civil prévoit que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Il est de jurisprudence constante que celui qui demande une remise de dette à un organisme social ou une collectivité reconnaît, ce faisant, l'existence de la créance de cet organisme ou de cette collectivité (Civ. 2, 9 avril 2009, 08-11.356 ; 14 février 2007, 06-12.149).

Plus précisément, il a été jugé au visa des articles 2224 du Code civil et L. 355-3 du Code de la sécurité sociale, que : « Selon le second de ces textes, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Aux termes du premier, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration.

Ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.

Il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action. » (Assemblée plénière, 17 mai 2023, 20-20.559).

2. - En l'espèce, M. [G] a bien demandé une remise de dette par courrier du 8 novembre 2021, qui plus est en écrivant expressément : « Je ne conteste pas l'existence de cet indu. » Il a donc accepté le principe de l'indu qui, selon un tableau annexé à la notification du 26 janvier 2021, concernait les versements effectués de novembre 2012 à mars 2020. M. [G] n'est donc plus recevable à revendiquer une prescription biennale.

Au surplus, la prescription biennale n'aurait pas pu être envisagée dès lors que l'existence de l'indu n'a été connue de l'organisme assurant le versement de la prestation qu'en octobre 2019 et que l'action en recouvrement a bien été introduite moins de deux ans après cette connaissance, le 26 janvier 2021.

3. - L'article R. 245-72 du Code de l'action sociale et des familles dispose que : « Tout paiement indu est récupéré en priorité par retenue sur les versements ultérieurs de la prestation de compensation. A défaut, le recouvrement de cet indu est poursuivi comme en matière de contributions directes, conformément aux dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ».

L'article 1343-5 du Code civil prévoit que : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».

4. - En l'espèce, il n'est pas contesté à l'audience que M. [G], qui proposait le versement de 120 euros par mois en première instance, n'a toujours pas versé la moindre somme au département de l'Isère alors qu'il reconnaît sa dette depuis presque trois ans. Par ailleurs, il ne justifie pas une absence de patrimoine et ne produit au débat, en ce qui concerne ses ressources, que des avis d'impositions de 2022 et 2023 sur ses revenus de 2021 et 2022 qui étaient respectivement de 20.062 et 20.553 euros avant abattement. En l'absence de démarche positive et conforme à sa reconnaissance de dette, et en l'absence de preuve d'une situation financière actuelle véritablement précaire, il n'y a pas lieu de reprendre les charges exposées ou les difficultés de santé mises en avant, et il y a lieu de constater que les demandes de remise et de délai de remboursement ont été rejetées de manière légitime par le département puis par les premiers juges.

5. - Le jugement sera donc confirmé et M. [G] supportera les dépens de l'instance en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 29 novembre 2022 (N° RG 22/443),

Y ajoutant,

Condamne M. [E] [G] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 23/00045
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.00045 ?
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