C6
N° RG 22/04631
N° Portalis DBVM-V-B7G-LUHV
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024
Appel d'une décision (N° RG 21/00704)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence
en date du 29 novembre 2022
suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2022
APPELANT :
Monsieur [F] [E]
de nationalité Algérienne
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par Me Stéphane GRENIER, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Marine RONK, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/001770 du 08/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMEE :
Organisme CPAM DE LA DROME, SIRET : [N° SIREN/SIRET 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3],
[Localité 1]
dispensée de comparaitre
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Mme Elsa WEIL, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 avril 2024,
Mme Elsa WEIL, Conseiller chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu le représentant de l'appelant en ses conclusions et plaidoirie,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [F] [E] était salarié intérimaire en qualité d'ouvrier non qualifié auprès de la société [5].
Le 24 juillet 2020, il était victime d'un accident du travail.
La déclaration d'accident du travail daté du 27 juillet 2020 précisait qu'il «'nettoyait un carter de projection'; il a retiré ses gants anti-coupures pour gratter la pâte sous le convoyeur'; objet dont le contact a blessé la victime': lames du carter'».
M. [F] [E] était placé en arrêt de travail à compter du 25 juillet 2020, date du certificat médical initial qui précisait qu'il souffrait de «'plaies pulpaires D3 et D4 de la main droite ».
Par décision en date du 10 août 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme notifiait à M. [F] [E] la prise en charge de cet accident au titre du risque professionnel.
Ce dernier était déclaré consolidé le 31 décembre 2020.
Par décision en date du 5 janvier 2021, M. [F] [E] se voyait notifier par la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme un taux d'incapacité permanente de 3 %.
Le 18 janvier 2021, M. [F] [E] déclarait une rechute, qui faisait l'objet d'un refus de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie.
Suite à la contestation du salarié, une expertise médicale technique était organisée par application des article L. 411-1 et R. 141-1 du code de la sécurité sociale. Après examen de M. [F] [E], le Dr [M] concluait qu'à la date du 18 janvier 2021, il n'existait pas de symptômes traduisant une aggravation de l'état dû à l'accident en cause et survenu après la consolidation fixée au 31 décembre 2020.
Par décision du 25 juin 2021, la caisse primaire d'assurance maladie notifiait à M. [F] [E] sa décision de maintenir son refus initial de prise en charge.
M. [F] [E] saisissait la Commission médicale de recours amiable le 12 juillet 2021, qui confirmait la décision de la caisse primaire d'assurance maladie le 18 octobre 2021.
Il saisissait alors le pôle social du tribunal judiciaire de Valence d'un recours contre cette décision de rejet.
Par jugement du 29 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a débouté M. [F] [E] de sa demande et a confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 18 octobre 2021.
Le 21 décembre 2022, M. [F] [E] a interjeté appel de cette décision.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 30 avril 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme ayant été dispensée de comparaître, et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 4 juillet 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [F] [E] selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives, déposées le 11 avril 2024, et reprises à l'audience demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Valence du 29 novembre 2022, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- Constater que la rechute du 18 janvier 2021 est la conséquence de l'accident du travail initial survenu le 24 juillet 2020 ;
- Condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
M. [F] [E] soutient que depuis le 18 janvier 2021 il a subi une aggravation de son état dont il justifie médicalement et pas simplement un désagrément corporel au titre des séquelles de l'accident du travail dont il a été victime. Il souligne que depuis celui-ci il n'a pu reprendre aucune activité professionnelle.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme par ses conclusions d'intimée déposées le 22 mars 2024 et reprises à l'audience demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le pôle social de le 29 novembre 2022,
- débouter M. [F] [E] de ses demandes.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme indique qu'il convient de distinguer la rechute de la manifestation des séquelles d'un accident du travail. Elle souligne que si les plaies relevées par le certificat médical du 18 janvier 2021 sont imputables à l'accident du travail du 24 juillet 2020, en revanche, cette situation n'est pas à l'origine d'une aggravation de l'état de M. [F] [E], ce qui ne permet donc pas de prendre en charge celles-ci au titre d'une rechute. Elle précise que le Dr [M], expert désigné dans le cadre de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale a confirmé l'avis du médecin conseil et l'assuré ne dépose aucune pièce médicale permettant de remettre en cause les conclusions claires, précises et dénuées d'ambiguïtés de l'expert. A ce titre, elle relève que l'aggravation mentionnée concerne une autre lésion, le syndrome canalaire, sans lien avec l'accident initial.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Victime le 24 juillet 2020 d'un accident du travail, dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme le 10 août 2020, M. [F] [E] a sollicité que soient déclarées imputables à cet accident les lésions décrites sur un certificat médical de rechute du 18 janvier 2021 indiquant «'D*algies plaies pulpe 3ème 4ème doigts'» (pièce 7 de l'intimée).
En application des dispositions de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mars 2013, la rechute s'entend de toute modification de l'état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la date de la guérison apparente ou de la consolidation de la blessure.
L'article L. 443-2 du même code prévoit que si l'aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d'assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute.
Postérieurement à la guérison ou à la consolidation, les lésions ne bénéficient donc plus de la présomption d'origine professionnelle de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et il appartient à l'assuré d'apporter la preuve que l'aggravation ou l'apparition de la lésion a un lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail, sans intervention d'une cause extérieure.
Seules les aggravations de l'état de santé du salarié victime qui ont justifié de nouveaux traitements survenus postérieurement à la consolidation ou à la guérison de l'accident du travail initial ou de la maladie professionnelle initiale du salarié, sont à considérer comme des rechutes.
Conformément aux dispositions de l'article L.141-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 25 janvier 1990 au 1er janvier 2022, précédant son abrogation, « quand l'avis technique de l'expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'État auquel il est renvoyé à l'article L.141-1, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Au vu de l'avis technique, le juge peut, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise ».
Il en résulte que les conclusions de l'expert, lorsqu'elles sont motivées, claires, précises et dépourvues d'ambiguïté, s'imposent aux parties ainsi qu'au juge tant que la régularité de l'avis de l'expert n'est pas contestée et qu'aucune partie n'a demandé une nouvelle expertise.
Cette nouvelle expertise n'est qu'une faculté et non une obligation pour la juridiction ('le juge peut').
Le juge qui n'estime pas nécessaire d'ordonner un complément d'expertise ou, sur demande des parties, une nouvelle expertise, est lié par les conclusions de l'expert (pourvoi n°16-19.056).
Au soutien de sa demande de prise en charge de la rechute alléguée, M. [F] [E] prétend que les lésions dont il souffre constituent une évolution des séquelles de l'accident du 24 juillet 2020 en relation directe et exclusive avec celui-ci.
Cependant il convient de rappeler que, suite à son accident de travail 24 juillet 2020 ayant entraîné des plaies pulpaires D3 et D4 de la main droite M. [F] [E] a été déclaré consolidé le 31 décembre 2020. Le certificat médical de rechute du 18 janvier 2021 fait état quant à lui des lésions suivantes : « D*algies plaies pulpe 3ème 4ème doigts'», aucune notion d'aggravation des lésions n'étant évoquée par le médecin.
Pour le médecin conseil, les lésions décrites sur le certificat médical du 18 janvier 2021 n'étant pas imputables à l'accident du travail initial, il a donc émis un avis défavorable d'ordre médical à la demande de prise en charge de l'assuré donnant lieu au refus notifié le 27 janvier 2021 (pièce n°9 de l'intimée) par la caisse primaire, puis, à la mise en 'uvre d'une expertise médicale technique en raison de la contestation de M. [F] [E].
A l'issue de l'examen de l'assuré, le docteur [M] a lui aussi clairement écarté tout lien de causalité direct entre l'accident du travail du 24 juillet 2020 et les lésions et troubles invoqués à la date du 18 janvier 2021, ajoutant «'qu'à la date du 18 janvier 2021, il n'existait pas de symptôme traduisant une aggravation de l'état dû à l'accident en cause et survenue après la consolidation fixée au 31 décembre 2020.'» (pièce n°10 de l'intimée).
Ces conclusions du 29 avril 2021 non équivoques et suffisamment motivées, reprises dans le rapport d'expertise communiqué à l'assuré (pièce n°2 de l'appelant), confirment ainsi celles du médecin conseil.
Elles ne sont en tout cas pas remises en cause par le certificat médical du Dr [D] en date du 2 décembre 2021 (pièce 5 de l'appelant), qui constatait que «'les pulpes des 3ème et 4ème doigts sont déformés, cicatricielles, insensibles'», étant rappelé que M. [F] [E] a été consolidé le 31 décembre 2020 avec séquelles, un taux d'incapacité permanente partielle de 3 % lui ayant été attribuée.
De même, le certificat médical du 22 juillet 2022 faisant état d'une aggravation d'un syndrome canalaire médian (pièce 6 de l'appelant), concerne une autre lésion que celle faisant suite à l'accident du travail du 24 juillet 2020 et ne permet donc pas de retenir une aggravation.
Aucun des moyens soulevés par l'appelant ne lui permet donc de satisfaire à son obligation probatoire de l'existence d'un lien de causalité direct et exclusif entre les lésions décrites par son médecin avec l'accident du travail du 24 juillet 2020.
Dès lors que l'avis de ce médecin expert s'impose à la caisse comme à l'assuré, que ce dernier ne justifie en outre d'aucun élément probant de nature à contredire les conclusions claires et motivées du docteur [M], le refus de prise en charge de la rechute sera donc maintenu.
Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les mesures accessoires,
M. [F] [E] qui succombe sera tenu de supporter la charge des dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera aussi rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG 21/00704 du 29 novembre 2022 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence,
Y ajoutant,
Déboute M. [F] [E] de toutes ses demandes,
Condamne M. [F] [E] aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président