C5
N° RG 22/04308
N° Portalis DBVM-V-B7G-LTLA
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
La CAF DES HAUTES-ALPES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 04 JUILLET 2024
Appel d'une décision (N° RG 21/00091)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Gap
en date du 16 novembre 2022
suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2022
APPELANT :
Monsieur [S] [J]
né le 12 août 1966 à [Localité 10] (42)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Marie France KHATIBI, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/001467 du 22/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMEE :
La CAF DES HAUTES-ALPES, dont le N° SIRET est le [N° SIREN/SIRET 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparante en la personne de M. [W] [N], régulièrement muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Mme Elsa WEIL, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 avril 2024,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024 prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par courrier du 21 janvier 2021 remis en main propre le 3 février 2021, la CAF des Hautes-Alpes a notifié à M. [S] [J] une régularisation de son dossier d'allocation adulte handicapé (AAH), la prise en compte de l'ensemble de ses revenus perçus depuis le 1er octobre 2017 pour le calcul de l'AAH du 1er janvier 2018 au 30 septembre 2020, la modification de ses déclarations de ressources pour les années 2017, 2018 et 2019, et une dette de prestations familiales de 22.936,11 euros.
M. [J] a saisi la commission de recours amiable par courrier du 9 février 2021, mais la commission n'a pas statué.
Le Pôle social du Tribunal judiciaire de Gap, saisi d'un recours de M. [J] contre la CAF des Hautes-Alpes, a par jugement du 16 novembre 2022':
- déclaré M. [J] irrecevable en ses demandes relatives à la procédure de contrôle de 2013, en ses demandes relatives à l'APL, en ses demandes relatives à la pénalité administrative et en toutes ses demandes étrangères à l'objet exclusif du présent litige,
- débouté M. [J] de ses demandes plus amples ou contraires, en ce compris ses demandes indemnitaires,
- condamné M. [J] à payer à la CAF la somme de 21.130,71 euros au titre d'un indu d'AAH concernant la période du 1er janvier 2018 au 30 septembre 2020,
- condamné M. [J] aux dépens et à payer à la CAF une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 2 décembre 2022, M. [J] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives notifiée le 21 mars 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, M. [J] demande':
- que son appel soit déclaré recevable,
- la réformation de la décision du jugement,
- le débouté des demandes de la CAF,
- que soient écartées des débats les pièces produites par la CAF obtenues par usage du droit de communication et que soit ordonnée leur destruction,
- que soit ordonné à la CAF le rétablissement de son adresse aux [Adresse 8] à [Localité 1] du 1er janvier 2014 au 29 octobre 2021,
- que soit ordonné à la CAF le rétablissement de l'accès à son compte en ligne CAF sans qu'il ait de conditions inconstitutionnelles à valider,
- que soit ordonné le paiement par la CAF de l'APL depuis le 1er janvier 2014,
- que soit ordonné le paiement par la CAF de l'AAH depuis le 1er janvier 2021,
- la condamnation de la CAF à lui payer pour le préjudice de suspension d'APL subi sur son niveau de vie depuis janvier 2014 des dommages et intérêts à hauteur de 100 euros par mois à compter du 1er janvier 2014 et jusqu'à la signification de la décision à intervenir,
- la condamnation de la CAF à lui payer pour le préjudice de suspension d'APL et d'AAH subi sur sa qualité de vie depuis janvier 2014 des dommages et intérêts à hauteur de 5000 euros,
- la condamnation de la CAF à lui payer en réparation du préjudice subi de la suspension d'APL sur son niveau de vie depuis janvier 2021 à de justes dommages et intérêts à hauteur de 100,00 euros par mois à compter du 1er janvier 2021 jusqu'à la signification de la décision à intervenir,
- la condamnation de la CAF à lui payer pour compenser la perte d'APL sur son logement provisoire des dommages et intérêts mensuels correspondant au montant maximum de l'APL qu'il pourrait prétendre du 1er novembre 2021 jusqu'à la proposition de relogement à intervenir,
- la condamnation de la CAF à lui payer la somme de 1.500,00 euros de dommages et intérêt en réparation du préjudice découlant de la collecte, détention, usage et divulgation d'informations privées erronées,
- la condamnation de la CAF à lui verser la somme de 5.000 euros pour violation des droits fondamentaux par discrimination concomitamment à celle de l'article 1 du protocole n° 1 de la CEDH,
- la condamnation de la CAF à lui payer la somme de 5.000,00 euros de dommages et intérêt en réparation du préjudice d'atteinte à sa dignité depuis janvier 2014,
- la condamnation de la CAF au paiement à son profit d'une astreinte de 50 euros par jour de retard pour paiement d'arriérés d'APL depuis le 1er janvier 2014 jusqu'au 29 octobre 2021,
- la condamnation de la CAF au paiement de dommages et intérêts à son profit correspondant au montant maximum d'APL pour hébergement provisoire depuis le 29 octobre 2021 à compter de la décision à intervenir, et jusqu'au relogement à intervenir,
- la condamnation de la CAF au paiement d'une astreinte de 50 euros par jour de retard pour le rétablissement de l'AAH et le paiement de l'arriéré depuis le 1er janvier 2021 à compter de la signification de la décision à intervenir,
- la condamnation de la CAF aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'Aide Juridictionnelle,
- subsidiairement, l'annulation du prétendu indu retenu par la CAF et la condamnation de celle-ci aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'Aide Juridictionnelle.
Par conclusions déposées le 5 février 2024 et reprises oralement à l'audience devant la cour, la CAF des Hautes-Alpes demande':
- la confirmation du jugement,
- le débouté des demandes de M. [J],
- que les pièces de M. [J] soient déclarées irrecevables,
- la confirmation de la décision des services administratifs de la CAF,
- la condamnation de M. [J] au remboursement de la somme de 21.130,71 euros,
- la condamnation de M. [J] aux dépens et à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À la demande de la cour, M. [J] a fait parvenir le 9 avril 2024 un courrier en date du 26 mai 2023 justifiant sa communication de ses conclusions et de ses pièces n° 18 à 21, remerciant le bénéfice de la dispense d'une nouvelle communication des pièces n° 1 à 17 communiquées devant le tribunal, avec un accusé de réception de ce courrier par la caisse le 30 mai 2023'; ce courrier et l'accusé de réception avaient, en fait, déjà été transmis à la cour le 1er juin 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
1. - L'article 9 code de procédure civile dispose que': «'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.'»
L'article 1302-1 du code civil prévoit que': «'Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.'»
Selon une jurisprudence constante, c'est au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées qu'il incombe de prouver le caractère indu du paiement': il appartient donc à un organisme de sécurité sociale de justifier la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et les versements indus donnant lieu à recouvrement (Civ. 1, 13 mai 1986: Bull. civ. I, 120'; Soc. 20 oct. 1998, 96-41.698'; Civ. 1, 16 nov. 2004, 01-17.182'; Civ. 2, 27 janv. 2022, 20-11.702).
2. - L'article R. 821-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 17 novembre 2010 au 21 janvier 2022, disposait que': «'Lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés ne perçoit pas de revenu d'activité professionnelle ou est admis dans un établissement ou un service d'aide par le travail mentionnés à l'article L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles, la condition de ressources prévue à l'article L. 821-3 s'applique conformément aux dispositions du présent article.
II. - La condition de ressources s'apprécie au regard des revenus perçus au cours de l'année civile de référence mentionnée à l'article R. 532-3.
Les revenus pris en compte sont ceux définis aux articles R. 532-3 à R. 532-7, sous réserve de l'application des articles R. 821-4-3, R. 821-4-4, D. 821-9 et D. 821-10 (...)
III. - Les ressources déterminées conformément au II sont prises en compte pour déterminer le droit à l'allocation servie au titre de chaque période de douze mois commençant le 1er janvier, sous réserve de l'application des articles R. 532-4 à R. 532-7, R. 821-4-3, R. 821-4-4, D. 821-9 et D. 821-10, ainsi que, en cas de modification de la situation familiale en cours de période de paiement, des dispositions prévues à l'article L. 552-1.'»
L'article R. 532-3, dans sa version en vigueur du 22 août 2009 au 1er janvier 2021, précisait que': «'Les ressources retenues sont celles perçues pendant l'année civile de référence. L'année civile de référence est l'avant-dernière année précédant la période de paiement.
Sous réserve des dispositions des articles R. 532-4 à R. 532-8 et des alinéas suivants du présent article, les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu d'après le barème des revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu'».
3. - En l'espèce, la CAF produit au débat les déclarations de ressources trimestrielles AAH de M. [J] couvrant la période entre octobre 2017 et décembre 2020': toutes mentionnent que l'allocataire n'avait «'aucun revenu'».
Un rapport d'enquête de la caisse daté du 18 janvier 2021 mentionne les éléments suivants':
- l'objet du contrôle était de vérifier la résidence principale de M. [J], à [Localité 6] (05) ou à [Localité 1] (05), à la suite d'un signalement reçu';
- les particuliers ou organismes contactés l'ont été entre mars et juin 2020';
- un entretien a eu lieu à la CAF le 30 septembre 2020 à la suite d'un avis de passage du 7 septembre';
- les éléments recueillis n'ont pas permis d'établir que le logement à [Localité 1] est la résidence principale de M. [J], et la consultation des relevés bancaires de celui-ci a permis de constater la présence de ressources restées inexpliquées qui doivent être prises en considération dans le calcul du droit à l'AAH';
- l'argumentaire précise que': le réexamen de la situation de M. [J] fait suite à une proche expulsion afin de déterminer la possibilité de percevoir des allocations logement'; le bailleur contacté a confié des doutes sur l'occupation effective du logement faute d'utilisation de la chaudière collective, [5] a confirmé l'absence de contrat d'électricité, la DGFIP a transmis un relevé de propriété mentionnant une indivision sur deux propriétés bâties et un terrain non bâti, un droit de communication bancaire a donc été exercé'; les comptes révèlent des virements et remises de chèques à hauteur de 24.193,04 euros en 2017, 10.724,35 euros en 2018, 27.328,90 euros en 2019 et 4.772,25 euros de janvier à juillet 2020, présentés de manière détaillée par l'enquêtrice dans son rapport'; un terrain a été acheté le 6 juillet 2020 pour 133.345,55 euros sans financement bancaire'; l'AAH est versée sur un compte non utilisé (ne servant donc pas pour vivre au quotidien) sauf d'importants retraits ponctuels (retraits de 2.000 et 5.000 euros en mars et avril 2018, trois retraits pour 8.800 euros en mars 2019, deux chèques pour 10.000 euros en octobre 2019, un chèque de 1.000 euros en décembre 2019, un chèque de 4.000 euros en janvier 2020, un chèque de 2.000 euros en mars 2020)'; interrogé, M. [J] a déclaré utiliser des bouteilles d'eau remplies à la fontaine en bas de son immeuble, se doucher chez des amis sans préciser leurs noms, utiliser un panneau solaire, ne pas avoir son nom sur la boite aux lettres d'une maison à [Localité 6] avant de le reconnaître, une fois montrées des photos prises la veille, et d'en expliquer la présence pour continuer à percevoir ses droits et ses courriers de la CAF'; M. [J] a également maintenu vivre de l'AAH et a dénoncé les preuves apportées avec les relevés bancaires, expliqué que les mouvements consistaient en des prêts d'argent et des remboursements, préférant ne pas laisser son argent sur ses comptes faute de confiance dans les banques'; lors de trois déplacements à des heures différentes au logement déclaré à [Localité 1], il n'y avait personne au domicile, la boite aux lettres était remplie, les volets fermés et aucun panneau solaire n'était présent';
- il est évoqué qu'un contrôle de situation réalisé le 24 décembre 2014 avait conclu à l'absence d'occupation régulière du même logement à [Localité 1]';
- il était demandé à M. [J] de fournir les reconnaissances de dette pour chaque somme relevée avec un courrier manuscrit et une pièce d'identité des débiteurs, mais l'allocataire a contesté la légitimité du contrôle et du droit de communication exercé en amont, s'est adressé au directeur, par courrier du 20 octobre 2020, qui lui a répondu le 18 novembre 2020 (à son adresse à [Localité 6]) en confirmant leur légitimité et en réitérant la demande de justificatifs'; malgré plusieurs délais supplémentaires accordés, M. [J] n'a fourni aucun des éléments demandés.
Il ressort de ces éléments recueillis par l'enquêtrice de la CAF (dont il est justifié par ailleurs une carte d'identité professionnelle avec agrément du 15 septembre 2017 et assermentation du 27 juin 2016, un procès-verbal de prestation de serment du 24 juin 2016 et une délégation de signature et habilitation d'accès par la directrice comptable et financière de la CAF du 1er juin 2020) l'existence de sommes portées au crédit des comptes de M. [J] et un refus de justification de leurs natures et provenances, ainsi que des explications factuelles sur un mode de vie qui ne sont pas corroborées par les constatations réalisées.
La CAF disposait donc d'éléments suffisants sur l'existence de sommes indument versées au titre de l'AAH, qui est calculée sur la base des ressources de l'allocataire concerné, alors que de multiples ressources détaillées n'ont pas été déclarées chaque trimestre par M. [J].
Il convient de souligner ici que l'appelant ne conteste ni la perception des sommes réclamées par la caisse au titre de l'AAH, ni le calcul des indus effectué sur la base des sommes retenues par la caisse.
4. - Une procédure contradictoire du 4 décembre 2020 avait été adressée à M. [J] par courrier du 22 décembre 2020 (à son adresse à [Localité 6]) et par courriel du même jour (qu'il reconnaît avoir reçu), à laquelle l'allocataire a répondu le 22 janvier 2021 en contestant le contrôle et sans apporter les justificatifs qui lui avaient été demandés sur toutes les sommes litigieuses.
M. [J] a demandé et obtenu la communication du rapport d'enquête par courrier du 9 février 2021, et a saisi la commission de recours amiable de la caisse par un autre courrier du même jour.
Le 5 février, l'enquêtrice de la CAF a pris en compte la justification par M. [J] d'une provenance de 1.600 euros sur son compte bancaire en juin 2017, en déduisant cette somme des ressources retenues pour ce mois (soit 17.000 euros au lieu de 18.600 euros).
Le 21 janvier 2021, la CAF a notifié à M. [J] (à son adresse à [Localité 6]) l'indu de 22.936,11 euros en mentionnant la prise en compte de l'ensemble de ses revenus perçus depuis le 1er octobre 2017 pour le calcul de l'AAH de janvier 2018 à septembre 2020, en modifiant les déclarations de ressources annuelles pour 2017 à 2019 et en étudiant et changeant ses droits de janvier 2018 à septembre 2020. Cette notification a été remise en mains propres à M. [J] le 3 février 2021.
5. - M. [J] soulève plusieurs nullités de forme pour inobservation de formalités substantielles ou d'ordre public qui lui auraient causé des griefs au sens de l'article 114 du code de procédure civile.
L'article 114 du code de procédure civile prévoit que': «'Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.'»
M. [J] se prévaut du non-respect de la Charte du contrôle des allocataires de la CAF, mais celle-ci n'a pas de valeur normative justifiant le prononcé de nullités.
M. [J] reproche à l'enquêtrice de la CAF d'avoir refusé de lui présenter sa carte professionnelle, ce qui n'est pas établi et ne saurait fonder un quelconque grief alors que le rendez-vous de l'allocataire avec l'enquêtrice a eu lieu dans les locaux de la CAF. Le doute éventuel sur sa qualité de contrôleuse assermentée et agréée ne saurait être davantage soutenu, d'autant que ces qualités sont prouvées par les pièces versées au débat.
M. [J] reproche à la CAF de produire une pièce fabriquée de manière précipitée et pour dissimuler une irrégularité, en l'occurrence une délégation de signature et d'habilitation antidatée car sa date, le 1er juin 2020, était le lundi de Pentecôte et donc un jour férié'; or, s'il s'agissait bien du lundi de Pentecôte, ce jour férié peut être un jour travaillé ou non, au titre de la journée de solidarité. M. [J] reconnaît en outre que l'irrégularité de cet acte ne serait pas en soi suffisante pour invalider son contrôle.
M. [J] relève également que cette délégation vise des textes abrogés depuis le 24 mai 2020': il est exact que les articles D. 253-11 et D. 253-13 du code de la sécurité sociale cités par cette délégation sont abrogés depuis respectivement le 20 octobre 2007 et le 25 mai 2020, mais aucune conséquence n'est tirée de ces références erronées qui concernent le rôle et les mandataires de l'agent comptable.
M. [J] fait ensuite valoir que l'agrément et l'assermentation posent problème. Toutefois, la carte professionnelle prouve que l'enquêtrice bénéficiait d'un agrément. Par ailleurs, l'assermentation émanant du tribunal d'instance de Saint-Étienne et les éléments qui tendent à montrer que la carte date de l'époque où l'enquêtrice travaillait à la CAF de la Loire sont sans conséquence dès lors que M. [J] cite lui-même l'arrêté du 5 mai 2014 fixant les conditions d'agrément des agents et des praticiens-conseils chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, en vigueur au 30 septembre 2020, et qui prévoyait': «'L'agrément est automatiquement suspendu dans les cas suivants : 1° Suspension du contrat de travail de l'agent de contrôle ; 2° Affectation sur un nouvel emploi sans fonction de contrôle.'» Or, il ressort bien des éléments de la cause que l'enquêtrice menait une activité de contrôle et que son agrément n'était donc pas suspendu. Par ailleurs, aucun grief n'est justifié du fait que la copie de la carte professionnelle est agrandie au point de ne pas montrer le bas de la carte.
M. [J] n'apporte donc aucun élément suffisant au soutien de sa théorie sur le fait que l'enquêtrice de la CAF avait perdu son agrément faute de reconduction de sa fonction de contrôle, ou ne disposait pas de délégation, et son rapport est donc bien recevable.
6. - M. [J] relève une absence d'information de l'objectif et des finalités du contrôle lors de l'entrevue du 30 septembre 2020, ce qui n'est pas prouvé et ne résulte pas des différentes explications demandées et données lors de cet entretien selon les termes du rapport de l'enquête de la caisse, qui fait foi jusqu'à preuve contraire. L'appelant ne saurait soutenir que ce n'est qu'à la lecture de ce rapport qu'il a compris que l'objet de l'enquête était, à l'origine, la vérification de sa résidence principale à [Localité 6] ou à [Localité 1] alors qu'il était convoqué, selon le courrier qu'il verse lui-même au débat (pièce n° 1H12a), pour la vérification de sa situation en sa qualité de bénéficiaire de prestations versées par la CAF, et dont par ailleurs il ne pouvait pas ignorer la nature.
L'appelant soutient également à tort que le contrôle devait être limité à son objet initial, soit la vérification de sa résidence principale, dès lors que l'objet de sa convocation était élargi à l'ensemble de ses prestations et que la vérification de sa situation pouvait conduire à découvrir des ressources non déclarées, comme cela a été le cas en l'espèce.
Enfin, M. [J] n'apporte aucun élément permettant de prétendre que l'exercice du droit de communication par l'enquêtrice de la CAF était injustifié pour déterminer son adresse principale, puisque c'était la totalité de sa situation en lien avec le bénéfice des prestations perçues qui était contrôlée et que l'analyse des comptes était censée permettre, également, de déterminer la réalité de son logement à [Localité 1].
M. [J] fait mention à plusieurs reprises d'un contrôle du 12 juillet 2013 et c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas examiné ses demandes et moyens au titre de ce contrôle. Il convient de relever ici que le recours initial de M. [J], par courrier du 28 avril 2021 reçu le 29 par le tribunal, avait pour objet de contester la décision du 21 janvier 2021 de la CAF de Gap en l'absence de réponse à son recours amiable déposé le 9 février 2021. L'absence de production d'une procédure contradictoire en 2013, du rapport d'enquête et les allégations sur le fait que le contrôle de 2020 n'aurait été que la continuation d'opérations de contrôle menées en 2013 ne repose sur aucune preuve et ne relève pas du présent débat, en sachant que le rapport litigieux dans la présente procédure ne fait qu'évoquer un contrôle datant de 2014 et ayant, qui plus est, donné lieu à une décision de commission de recours amiable.
Il convient de noter ici, également, que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté les demandes et moyens se rapportant à l'APL, qui relève de la compétence de la juridiction administrative depuis une réforme par l'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 et un décret n° 2019-772 du 24 juillet 2019, M. [J] estimant en vain et sans aucune démonstration que sa réclamation porterait sur des APL dues avant cette réforme et qui relèveraient donc de la compétence du juge judiciaire. Il convient de rappeler ici que le présent litige découle d'un recours du 29 avril 2021.
M. [J] reproche à la CAF l'absence de prise en compte de ses observations du 22 janvier 2021 et la perte d'une première voie de recours. Cependant, l'échange contradictoire des éléments retenus au cours de l'enquête administrative de la caisse ne constitue pas une voie de recours, qui s'est ouverte en l'espèce au plan administratif avec la notification de l'indu et au plan judiciaire après ce recours préalable resté sans réponse. Par ailleurs, M. [J] a disposé du temps nécessaire, après l'entretien du 30 septembre 2020, les différents rappels découlant des échanges par courriers ou par courriels avec l'enquêtrice de la caisse ou des courriers du directeur de la CAF, pour répondre aux éléments très précis relevés en particulier par l'étude de ses comptes bancaires. Enfin, il convient de souligner que les observations du 22 janvier 2021 n'apportaient toujours pas de justificatifs de la cause et de la nature des mouvements d'argent pointés par l'enquêtrice de la CAF, mis à part une licitation de 4.830 euros du 2 août 2016 et un contrat de prêt de 2.000 euros du 18 juillet 2016.
M. [J] reproche en vain à la caisse des envois de courriers à une adresse à [Adresse 7] et non à son adresse à [Localité 1], alors qu'il reconnaît lui-même avoir posé son nom sur la boite aux lettres à l'adresse sise à [Adresse 7] pour recevoir les courriers de la CAF'; et c'est en vain qu'il allègue avoir été contraint par la caisse de le faire pour recevoir les courriers de celle-ci alors qu'il lui suffisait de ne pas mettre son nom à cette adresse.
7. - M. [J] soulève le non-respect de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale par autosaisissement de la CAF.
Cet article, dans sa version en vigueur depuis le 28 décembre 2019, prévoit que': «'Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, ainsi que les directeurs des organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code sont tenus, lorsqu'ils ont connaissance d'informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude, de procéder aux contrôles et enquêtes nécessaires. Ils transmettent à l'autorité compétente de l'Etat le rapport établi à l'issue des investigations menées.'»
Il a déjà été exposé que l'enquête est intervenue dans un contexte d'expulsion et compte tenu notamment d'une absence d'abonnement à des fournisseurs d'énergie ou d'eau et en présence de mouvements d'argent non déclarés sur les comptes bancaires. Il n'est pas justifié de divulgations irrégulières d'une qualité de fraudeur de M. [J] par la seule production de conclusions du propriétaire de son logement à [Localité 1] en justice, par des allégations relatives au contrôle de 2013, et l'appelant ne précise pas, au final, en quoi l'article cité n'aurait pas été respecté, en quoi il y aurait eu autosaisissement ou, indirectement, une demande à des partenaires sociaux de demander un contrôle à la caisse.
M. [J] soulève à tort l'absence de motivation de la décision du 21 janvier 2021 sur le fondement des articles L. 211-2, L. 211-7 et L. 211-8 du code des relations entre le public et l'administration ou de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne puisque, en l'espèce, cette notification d'indu était motivée par la prise en compte de l'ensemble de ses revenus perçus depuis le 1er octobre 2017, la modification subséquente de ses déclarations de ressources annuelles et le changement de ses droits à l'AAH. M. [J] ne saurait prétendre qu'il n'a pas connu l'origine de cette décision ni pu se défendre alors qu'il avait connaissance des griefs de la caisse depuis le 30 septembre 2020, que de nombreuses demandes de justificatifs de l'enquêtrice en charge de son dossier, avec laquelle il a échangé de nombreuses fois, lui ont été adressées et qu'il a bénéficié d'une longue période contradictoire au cours de laquelle il a maintenu son refus de justifier sa situation financière.
8. - M. [J] soulève le non-respect de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale.
Cet article, dans sa version en vigueur du 28 décembre 2019 au 25 décembre 2022, disposait que': «'Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
Lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission, un agent chargé du contrôle peut être habilité par le directeur de son organisme à effectuer, dans des conditions précisées par décret, des enquêtes administratives et des vérifications complémentaires dans le ressort d'un autre organisme. Les constatations établies à cette occasion font également foi à l'égard de ce dernier organisme dont le directeur tire, le cas échéant, les conséquences concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.'»
L'appelant reproche à la CAF un paraphe de la procédure contradictoire sans faire état de la délégation confiée par le directeur de la caisse notamment pour signature, alors que ce texte ne mentionne pas cette obligation, que la délégation a été justifiée dans le cadre de la présente procédure et que ce texte expose par contre le fondement juridique du contrôle opéré et la valeur du rapport d'enquête qu'il critique.
9. - M. [J] conteste l'exercice du droit de communication par l'enquêtrice de la CAF car les articles L. 114-19 et L. 114-20 du code de la sécurité sociale seraient inconstitutionnels en vertu d'une décision n° 2019-789 du Conseil constitutionnel du 14 juin 2019.
Il convient de rappeler ici que l'article L. 114-19 prévoyait le droit de communication permettant d'obtenir divers documents et informations sans que s'y oppose le secret professionnel, et que l'article L. 114-20, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2007 au 11 décembre 2016, précisait que': «'Sans préjudice des autres dispositions législatives applicables en matière d'échanges d'informations, le droit de communication défini à l'article L. 114-19 est exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales à l'exception des personnes mentionnées aux articles L. 82 C, L. 83 A, L. 83 B, L. 84, L. 84 A, L. 91, L. 95 et L. 96 B à L. 96 F.'»
La décision citée du Conseil constitutionnel est venue déclarer contraire à la Constitution l'article L. 114-20, dans sa rédaction résultant de la L. n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui autorise notamment les organismes de sécurité sociale à obtenir les données de connexion des assurés détenues par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d'accès à un service de communication au public en ligne ou les hébergeurs de contenu, ce qui était considéré particulièrement attentatoires à leur vie privée sans présenter de lien direct avec l'évaluation de la situation de l'intéressé au regard du droit à prestation. Par contre, le Conseil, qui constatait également que l'article contesté n'était plus en vigueur lorsqu'il a statué, a précisé que les mesures prises sur le fondement de cette disposition ne pouvaient pas être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité puisque cela méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives.
M. [J] estime donc à tort que l'article L. 114-19 découle de l'article L. 114-20 alors que ce dernier définit les conditions d'exercice du premier'; et il revendique à tort que les données obtenues par la CAF sur ses comptes sont irrecevables dès lors que l'inconstitutionnalité mise en avant ne pouvait avoir cette conséquence, et ne concernait même pas l'obtention de données de connexion. Le débat engagé par l'appelant, au titre de cette question d'inconstitutionnalité, sur de nouvelles conditions générales d'utilisation du site en ligne de la CAF ou ses difficultés à y accéder ou les autorisations d'utiliser ses données est donc sans objet ni conséquence dans le présent litige.
M. [J] se prévaut également de l'article L. 114-21, dans sa version en vigueur depuis le 23 décembre 2018, qui prévoit que': «'L'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande.'»
Toutefois, il se limite à prétendre que ses observations du 22 janvier 2021 n'auraient pas été prises en compte pendant la phase contradictoire, alors qu'il a été déjà démontré qu'il avait disposé du temps nécessaire pour se défendre avant cette date, y compris après la mise à sa disposition de la procédure contradictoire. Il ajoute que la commission de recours amiable n'a pas statué, alors qu'aucune sanction n'en découle et qu'en tel cas, le recours à la voie judiciaire est ouvert. M. [J] prétend qu'il n'a pas pu vérifier l'authenticité des éléments retenus au titre du droit de communication, alors qu'il en a eu connaissance à compter du 30 septembre 2020. Il fait valoir qu'il n'a pas pu connaître la nature exacte des exigences de la CAF, alors qu'elles lui ont été exposées à plusieurs reprises depuis le 30 septembre 2020. Enfin, M. [J] reconnaît lui-même que les seuls justificatifs donnés à l'époque du contrôle ont bien été pris en compte par l'enquêtrice de la CAF.
M. [J] prétend, sans le prouver, qu'un refus lui aurait été opposé le 30 septembre 2020 lorsqu'il a demandé la communication des documents obtenus par l'usage du droit de communication, oralement lors de l'entretien, puis par des courriers des 12 et 20 octobre 2020 et 9 février 2021 qui, toutefois, ne comportent pas précisément cette demande. Aucune violation des dispositions de l'article L. 114-21 n'est donc justifiée.
M. [J] fait également valoir que le droit de communication défini par l'article L. 114-19 ne respecte pas les articles 7, 8 et 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'il constitue une ingérence dans la vie privée de l'allocataire. Or, il se prévaut lui-même de la décision du Conseil constitutionnel visé ci-dessus qui a bien confirmé que les dispositions relatives à ce droit de communication sont, en leur principe, adaptées à la nécessité de lutter contre les fraudes aux prestations sociales, et M. [J] ne démontre pas dans son cas d'espèce qu'une atteinte disproportionnée a été portée à son droit de propriété.
Au regard de l'ensemble de ces considérations, il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables et d'écarter des débats les pièces et informations issues de l'exercice du droit de communication par la caisse.
10. - M. [J] se prévaut également d'un mode de vie dont il ne justifie pas, selon lequel, tel que décrit dans ses conclusions, il viserait à l'autoconsommation électrique, utiliserait de l'eau en bouteille avec prise de douche en extérieur sans avoir besoin d'eau chaude bien qu'il les prenne froide, cuirait à l'aide d'une bouteille à gaz, n'aurait recours à aucun abonnement ou service en réseau, vivrait dans un appartement à [Localité 1] exposé plein sud avec des voisins qui chauffent au point qu'il aurait même trop chaud à l'intérieur quand il fait froid à l'extérieur.
M. [J] reproche à la CAF, sans le prouver davantage, d'avoir constaté que sa boîte aux lettres n'était pas vide alors qu'elle se situe dans une partie privative, et alors qu'il y laisserait les publicités indésirables pour les porter au recyclage une fois la boîte remplie.
M. [J] se prévaut encore de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1 du Protocole n° 1 dans la mesure où il aurait été privé brutalement de l'APL et de l'AAH, par sanction, sur un motif discriminatoire, à savoir la fortune, une réserve financière ou un mode de fonctionnement atypique. Or, l'appelant ne présente aucune démonstration de discrimination, mais expose simplement l'application des textes du code de la sécurité sociale conditionnant le bénéfice de l'AAH à des critères de ressources pour tout allocataire.
11. - C'est en vain que M. [J] tente de renverser la charge de la preuve, en estimant qu'il appartenait à la CAF de prouver que les sommes perçues sur ses comptes bancaires étaient des revenus, et par exemple des factures d'eau à une autre adresse, une enquête de voisinage, une preuve de sous-location': en effet, la caisse prouvait des crédits importants et répétés sur ses comptes (et une absence d'utilisation pour la vie courante du compte sur lequel était crédité l'AAH) alors que ses déclarations mentionnaient depuis plus de trois ans une absence de toute ressource, et c'était donc bien à M. [J] d'apporter la preuve que ces crédits sur ses comptes ne provenaient pas d'activités lui procurant des ressources.
À cette fin, M. [J] a versé finalement en appel des pièces n° 18 à 21, et en particulier une pièce n° 19, avec ses conclusions, le 26 mai 2023, la CAF ayant accusé réception de ces pièces et conclusions le 30 mai 2023.
La CAF se fonde sur l'article 135 du code de procédure civile, qui prévoit que le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile, pour demander que la pièce n° 19, qui contiendrait les justificatifs demandés depuis le 30 septembre 2020, soit écartée des débats. Toutefois, et au visa également de l'article 16 du même code qui prévoit que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, il ne peut pas être retenu que la production de justificatifs en mai 2023, soit un an avant l'audience au fond du 9 avril 2024, n'a pas permis à la CAF intimée de faire valoir ses arguments et d'apprécier les éléments produits, même si ces pièces sont apportées plus de trois ans après avoir été demandées.
La CAF ne formule aucune observation sur le contenu de cette pièce n° 19, dont il convient d'apprécier la valeur dans le présent litige.
12. - La pièce n° 19 consiste en 223 pages de documents portant sur quatre années': il s'agit principalement de multiples contrats de prêt et reconnaissances de dettes entre particuliers pour des sommes variant entre quelques dizaines et quelques milliers d'euros, et de multiples factures auprès de [9] concernant de très nombreuses ventes d'objets personnels.
Il n'est donné aucune explication détaillée ni présentée aucune démonstration ou moyen permettant de comprendre la nature et la cause exacte de toutes ces opérations. Il n'est pas davantage justifié de relevés de comptes bancaires et M. [J] ne présente aucun recoupement ni aucun pointage entre les sommes relevées par la CAF et les multiples documents produits au débat. L'appelant se limite à conclure qu'il jouit et dispose à sa guise de l'argent sur ses comptes, et a le droit de ne pas toucher aux versements d'AAH afin de se préserver un patrimoine au cas où il deviendrait dépendant.
Ces éléments ne sont pas, en outre, suffisants pour justifier que l'ensemble des sommes retenues par l'enquête de la CAF ne constituaient pas des ressources': il apparaît au contraire que les ventes d'objets personnels sont répétées au point qu'elles apparaissent comme une activité de travailleur indépendant ou d'autoentrepreneur qui n'a pas été déclaré par M. [J]. Et surtout, il n'en reste pas moins que l'allocataire n'a pas déclaré de ressources alors qu'il en bien perçues et qu'il n'a pas mis la CAF, à l'époque du versement de l'AAH, en mesure de vérifier que ces sommes constituaient, ou pas, des revenus devant être pris en compte pour le bénéfice et le calcul de l'AAH.
12. - Dans ces conditions aucune irrégularité de procédure ne pouvant être retenue, l'indu étant caractérisé et fondé et le contentieux de l'APL ne relevant pas du juge judiciaire, les demandes de M. [J] (liées aux droits à l'AAH et à l'APL, l'annulation d'indu, l'irrecevabilité de pièces, le rétablissement d'adresse, d'accès au compte, le versement d'arriérés, des dommages et intérêts, des astreintes) ont été déclarées irrecevables ou rejetées à juste titre par les premiers juges, et le jugement sera donc intégralement confirmé.
M. [J] supportera les dépens de l'instance en appel.
L'équité et la situation des parties justifient que la CAF des Hautes-Alpes ne conserve pas l'intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et M. [J] sera condamné à lui payer une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi':
Déboute la CAF des Hautes-Alpes de sa demande tendant à voir écartées des débats les pièces de M. [S] [J],
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Gap du 16 novembre 2022,
Y ajoutant,
Condamne M. [S] [J] aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne M. [S] [J] à payer à la CAF des Hautes-Alpes la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président