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02/07/2024 | FRANCE | N°17/02265

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 02 juillet 2024, 17/02265


N° RG 17/02265 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JAFF



N° Minute :





C1

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC x2



SELARL CABINET FERRARO



SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
















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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 2 JUILLET 2024



Appel d'un jugement (N° R.G. 10/00933) rendu par le tribunal de grande instance de Vienne en date du 23 mars 2017, suivant déclaration d'appel du 2 mai 2017





APPELANTS :



Mme [H] [F] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 17] ...

N° RG 17/02265 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JAFF

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC x2

SELARL CABINET FERRARO

SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 2 JUILLET 2024

Appel d'un jugement (N° R.G. 10/00933) rendu par le tribunal de grande instance de Vienne en date du 23 mars 2017, suivant déclaration d'appel du 2 mai 2017

APPELANTS :

Mme [H] [F] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 17] (43)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

M. [T] [Y]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

Mme [Z] [Y]

née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

M. [U] [Y]

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 17] (43)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentés par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Lynda LETTAT-OUATAH, avocat au barreau de LYON substituée et plaidant par Me PONTILLE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. L'AGENT JUDICIAIRE DE L ETAT agissant ès qualités de détenteur du mandat légal de représentation de l'Etat

[Adresse 19]

[Localité 13]

représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me DELIMATA, avocat au barreau de LYON

Organisme CAISSE DE PRÉVOYANCE ET DE RETRAITE DE LA SNCF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Joseph FERRARO de la SELARL CABINET FERRARO, avocat au barreau de VIENNE

Mutuelle MUTUELLE MGAS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 11]

MUTUELLE GENERALE DES CHEMINOTS prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 12]

non représentées

Etablissement CPAM DU RHONE prise en la personne de son représentant légal domiilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me PHILIP de LABORIE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 janvier 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, et Mme Ludivine Chetail, conseillère qui a fait son rapport, assistées de Mme Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seules les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 10 mai 2008, M. [T] [Y] a chuté en effectuant une figure de BMX dite 'tail whip', en vélo-cross, dans le cadre d'un circuit sauvage implanté sur une parcelle située [Adresse 15] à [Localité 20] (Isère), appartenant au domaine privé de l'Etat géré par l'établissement public d'aménagement EPIDA devenu l'EPANI.

Dans les suites de cet accident, M. [T] [Y] a présenté une tétraplégie complète de niveau lésionnel C5.

Par assignations des 22, 23 et 24 juin 2010, M. [T] [Y], M. [U] [Y] et Mme [H] [F] épouse [Y], ses parents, et Mme [Z] [Y], sa soeur, ont saisi le tribunal de grande instance de Vienne aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 23 mars 2017, le tribunal judiciaire de Vienne a :

- déclaré que l'accident survenu le 10 mai 2008 dont a été victime M. [T] [Y] est consécutif à la faute exclusive de la victime ;

- constaté que l'EPANI est représenté par M. [J] [M], ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, nommé liquidateur de l'EPANI par arrêté du 9 janvier 2014 ;

- débouté les consorts [Y] de la totalité de leurs demandes ;

- mis M. [V] [C] hors de cause ;

- mis M. [X] [C] et M. [P] [C] hors de cause ;

- débouté l'Agent judiciaire de l'Etat, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, la CAPI et la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné les consorts [Y] à payer à M. [C], à MM. [X] et [P] [C], parties mises hors de cause, la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les consorts [Y] aux dépens lesquels seront recouvrés par Me Gaëlle Chavrier, Me Philippe Romulus, Me Joseph Ferraro et Me Fabrice Posta selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel en date du 2 mai 2017, Mme [H] [F] épouse [Y], M. [T] [Y], Mme [Z] [Y] et M. [U] [Y] ont interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par arrêt en date du 7 janvier 2020, la cour d'appel de Grenoble a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation délivrée par les consorts [Y] à l'encontre de M. [E] pour vice de forme ;

- déclaré recevable l'appel en intervention de M. [E] par les consorts [Y] ;

- déclaré recevable l'intervention de la société MACIF en cause d'appel ;

- déclaré recevable l'appel en intervention forcée de M. [E] à l'encontre de la société Axa France IARD ;

- confirmé le jugement entrepris sur la mise hors de cause de MM. [V], [X] et [P] [C], sur l'indemnité procédurale et sur les dépens ;

- infirmé le jugement entrepris pour le surplus ;

- statuant à nouveau et y ajoutant, mis hors de cause de M. [E], les sociétés d'assurance MACIF et Axa France IARD et la [Adresse 16] (CAPI) ;

- débouté en conséquence, les consorts [Y] de toutes les prétentions dirigées à l'encontre de ces parties ;

- dit que l'EPANI aux droits duquel se trouve l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat est responsable uniquement sur le fondement de la responsabilité pour faute et que sa responsabilité est limitée à hauteur de 30 % des conséquences dommageables de l'accident dont M. [T] [Y] a été victime le 10 mai 2008, ce dernier étant lui-même responsable à hauteur de 70 % ;

- ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [L] [A], remplacé par le docteur [N] [B] par une ordonnance en date du 15 mai 2020 ;

- condamné l'Agent judiciaire de l'Etat représentant l'Etat qui se trouve aux droits de l'EPANI à payer à M. [T] [Y] une provision de 60 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

Le docteur [B] a déposé un rapport d'expertise définitif le 2 décembre 2020.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions n° 5 notifiées par voie électronique le 9 janvier 2014, M. [T] [Y] demande à la cour de :

- déclarer l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, responsable de l'accident dont il a été victime le 10 mai 2008 à hauteur de 30 % ;

- dire et juger que l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, est tenu d'indemniser le préjudice consécutif à l'accident dont il a été victime le 10 mai 2008 ;

- constater son désistement en raison de l'accord partiel intervenu entre les parties concernant les postes de préjudices suivants : préjudice scolaire, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement ;

- condamner l'Agent judiciaire de l'Etat à lui verser, en sa qualité de victime directe, les sommes suivantes en réparation de son préjudice après application du taux de réduction du droit à indemnisation à hauteur de 70 % :

préjudices patrimoniaux temporaires :

dépenses de santé actuelles : 6 317,89 euros ;

frais divers : 2 749,50 euros ;

assistance temporaire tierce personne : 161 300,73 euros ;

pertes de gains professionnels actuels : 7 200 euros ;

préjudices patrimoniaux permanents :

dépenses de santés futures : 235 454,56 euros outres réserves ;

frais divers : 671 828,91 euros ;

aménagement du logement : 1 094,86 euros outre réserves ;

aménagement du véhicule : 399 511,00 euros ;

assistance tierce personne permanente : 5 578 979,62 euros ;

A titre principal : à compter du 19 avril 2011, date de la consolidation médico-légale : un capital échu jusqu'au 31 décembre 2023 : 831 810,12 euros, un arrérage à échoir : 4 474 369,50 euros ;

A titre subsidiaire : capital à échoir à compter du 19 avril 2011 : 831 810,12 euros ;

rente trimestrielle à compter du 1er janvier 2022 : 20 756,25 euros révisable tous les cinq ans et indexée en fonction du coût réel ou à défaut de l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale ;

pertes de gains professionnels futurs : 718 619,10 euros ;

incidence professionnelle : 75 000 euros ;

préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

préjudice esthétique : 4 500 euros ;

préjudices extrapatrimoniaux permanents :

préjudice esthétique permanent : 21 000 euros ;

préjudice de dépersonnalisation : 6 000 euros ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône, à la mutuelle générale des cheminots et à la mutuelle MGAS ;

- condamner l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI à verser au demandeur la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

- condamner les mêmes aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Me Dejan Mihajlovic, SELARL Dauphin et Mihajlovic, avocat au barreau de Grenoble, sur son affirmation de droit et ce, sur la base des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n° 5 notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, M. [U] [Y] demande à la cour de :

- déclarer l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, responsable de l'accident dont il a été victime le 10 mai 2008 à hauteur de 30 % ;

- dire et juger que l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, est tenu d'indemniser son préjudice consécutif à l'accident dont son fils a été victime le 10 mai 2008, en qualité de victime par ricochet ;

- constater son désistement en raison d'un accord partiel intervenu entre les parties, de ses demandes formulées au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence ;

- condamner l'Agent judiciaire de l'Etat à lui verser, en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes en réparation de son préjudice après application du taux de réduction du droit à indemnisation à hauteur de 70 % :

frais divers : 550,84 euros outre réserves

perte de revenus : 45 659,45 euros

aménagement du logement : 24 424,63 euros

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône, à la Mutuelle générale des cheminots et à la mutuelle MGAS ;

- condamner l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

- condamner les mêmes aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Me Dejan Mihajlovic, SELARL Dauphin et Mihajlovic, avocat au barreau de Grenoble, sur son affirmation de droit et ce, sur la base des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n° 5 notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, Mme [H] [F] épouse [Y] demande à la cour de :

- déclarer l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, responsable de l'accident dont M. [Y] a été victime le 10 mai 2008 à hauteur de 30 % ;

- dire et juger que l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, est tenu d'indemniser son préjudice consécutif à l'accident dont son fils a été victime le 10 mai 2008, en qualité de victime par ricochet ;

- constater son désistement, en raison de l'accord partiel intervenu entre les parties, de ses demandes formulées au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence ;

- condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat à lui verser, en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes en réparation de son préjudice après application du taux de réduction du droit à indemnisation à hauteur de 70 % :

frais divers : 4 658,44 euros outre réserves

perte de revenus : 101 370,04 euros

frais d'aménagement du logement : 24 424,63 euros

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône, à la mutuelle générale des cheminots et la Mutuelle MGAS ;

- condamner l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI à verser au demandeur la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

- condamner les mêmes aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Me Dejan Mihajlovic, SELARL Dauphin et Mihajlovic, avocat au barreau de Grenoble, sur son affirmation de droit et ce, sur la base des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, Mme [Z] [Y] demande à la cour de :

- déclarer l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, responsable de l'accident dont M. [Y] a été victime le 10 mai 2008 à hauteur de 30 % ;

- dire et juger que l'Agent judicaire de l'Etat représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, est tenu d'indemniser son préjudice consécutif à l'accident dont son frère a été victime le 10 mai 2008, en qualité de victime par ricochet ; - constater son désistement, en raison de l'accord partiel intervenu entre les parties, de ses demandes formulées au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence ;

- condamner l'Agent judiciaire de l'Etat à lui verser, en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes après application du taux de réduction du droit à indemnisation à hauteur de 70 % :

frais divers : 4 336,64 euros

incidence professionnelle : 15 000 euros

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône, à la mutuelle générale des cheminots et à la mutuelle MGAS ;

- condamner l'Agent judicaire de l'Etat, représentant l'Etat, venant aux droits de l'EPANI à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

- condamner les mêmes aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Me Dejan Mihajlovic, SELARL Dauphin et Mihajlovic, avocat au barreau de Grenoble, sur son affirmation de droit et ce, sur la base des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, l'Agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :

1) sur l'indemnisation des préjudices de M. [T] [Y] :

- fixer l'indemnisation des préjudices de M. [T] [Y] à la part de responsabilité de 30 % retenue à l'encontre d'EPANI aux droits duquel il vient, en application de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 7 janvier 2020 ;

- prendre acte du désistement d'instance et d'action de M. [T] [Y] pour les demandes portant sur l'indemnisation de son préjudice scolaire, de son déficit fonctionnel temporaire, de ses souffrances endurées, de son déficit fonctionnel permanent, de son préjudice d'agrément, de son préjudice sexuel et de son préjudice d'établissement, et lui donner acte de ce qu'il accepte purement et simplement le désistement d'instance et d'action de M. [T] [Y] ;

- débouter M. [T] [Y] des demandes présentées au titre de :

l'incidence professionnelle,

les frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement neuf,

le préjudice de dépersonnalisation,

des frais divers avant consolidation : des équipements numériques sans lien avec le handicap,

des dépenses de santé futures : des dépenses pour lesquelles le reste à charge de M. [T] [Y] n'est pas justifié et des dépenses non justifiées par la présentation d'une facture acquittée par M. [T] [Y],

des frais divers après consolidation : des frais de vacances ;

- débouter M. [T] [Y] de toute demande d'actualisation des préjudices patrimoniaux, et subsidiairement, actualiser les indemnités allouées à M. [T] [Y] au titre de ses préjudices patrimoniaux sur la base du taux d'intérêt du livret A, sous réserve de la justification préalable des sommes réellement exposées au titre des préjudices patrimoniaux ;

- débouter M. [T] [Y] de toute demande d'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux permanent sous forme de capital, et lui allouer une indemnisation au titre de ses préjudices patrimoniaux sous forme de rente trimestrielle n° 51-695 du 24 mai 1951, payable à terme échu ;

- subsidiairement, si la cour devait procéder par voie de capitalisation pour les préjudices patrimoniaux permanents, faire application du barème BCRIV 2021, et allouer à M. [T] [Y] les sommes suivantes :

préjudices patrimoniaux temporaires :

dépenses de santé : 5 103,70 euros

frais divers : 1 167,98 euros

assistance temporaire tierce personne : 46 112,10 euros

pertes de gains professionnels actuels : 2 430 euros

subsidiairement, incidence professionnelle : 9 000 euros

préjudices patrimoniaux permanents :

dépenses de santé futures : capital représentatif : 103 521,99 euros selon barème BCRIV 2021 assistance tierce personne permanente : au titre des arrérages échus : 339 015 euros, au titre des arrrages à échoir à compter du 1er janvier 2022, sous forme de rente trimestrielle de 10 449 euros, indexée sur la loi n° 51-695 du 24 mai 1951, payable à terme échu ;

pertes de gains professionnels futurs : au titre des arrérages échus : 41 940 euros, au titre des arrérages à échoir, sous forme de rente trimestrielle de 1 350 euros, indexée sur la loi n° 51-695 du 24 mai 1951, payable à terme échu,

frais de véhicule adapté : au titre des arrérages échus : 4 249,51 euros ; au titre des arrérages à échoir : 26 307,24 euros ;

préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

préjudice esthétique : 1 500 euros ;

préjudices extrapatrimoniaux permanents :

préjudice esthétique permanent : 9 000 euros ;

- déduire des sommes allouées les provisions d'ores et déjà versées ;

2) sur l'indemnisation des préjudices de Mme [H] [F]-[Y] :

- limiter l'indemnisation des préjudices de Mme [F]-[Y] à la part de responsabilité de 30 % retenue à l'encontre d'EPANI aux droits duquel il vient, en application de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 7 janvier 2020 ;

- prendre acte du désistement d'instance et d'action de Mme [H] [F] [Y] pour les demandes portant sur l'indemnisation de son préjudice d'affection et de ses troubles dans les conditions d'existence ;

- lui donner acte de ce qu'il accepte purement et simplement le désistement d'instance et d'action de Mme [F] [Y] ;

- débouter Mme [F]-[Y] de sa demande au titre de ses pertes de revenus, et de son incidence professionnelle ;

- allouer à Mme [F] [Y] les sommes suivantes :

frais divers : 1 816,39 euros ;

frais de logement : 22 915,50 euros ;

3) Sur l'indemnisation des préjudices de M. [U] [Y] :

- limiter l'indemnisation des préjudices de M. [U] [Y] mise à la charge de l'EPANI à la part de responsabilité de 30 % retenue à son encontre en application de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 7 janvier 2020 ;

- prendre acte du désistement d'instance et d'action de M. [U] [Y] pour les demandes portant sur l'indemnisation de son préjudice d'affection et de ses troubles dans les conditions d'existence ;

- lui donner acte de ce qu'il accepte purement et simplement le désistement d'instance et d'action de M. [U] [Y] ;

- débouter M. [Y] de sa demande au titre des dépenses de santé futures à titre viager, de ses pertes de revenus, et de son incidence professionnelle ;

- allouer à M. [U] [Y] les sommes suivantes :

frais divers : 413,14 euros

frais de logement : 22 915,50 euros ;

4) Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [Z] [Y] :

- limiter l'indemnisation des préjudices de Mme [Z] [Y] mise à la charge de l'EPANI à la part de responsabilité de 30 % retenue à l'encontre d'EPANI aux droits duquel il vient, en application de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 7 janvier 2020 ;

- prendre acte du désistement d'instance et d'action de Mme [Z] [Y] pour les demandes portant sur l'indemnisation de son préjudice d'affection et de ses troubles dans les conditions d'existence ;

- lui donner acte de ce qu'il accepte purement et simplement le désistement d'instance et d'action de Mme [Z] [Y] ;

- allouer à Mme [Z] [Y] les sommes suivantes :

frais divers : 222,79 euros

- débouter Mme [Z] [Y] de sa demande au titre des dépenses de santé futures à titre viager et de l'incidence professionnelle ;

5) sur la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône :

- débouter la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône de toute demande indemnitaire capitalisée,

- fixer le montant total de l'annuité viagère pouvant être retenue pour l'appareillage, frais médicaux, de biologie et pharmaceutiques à la somme de 17 574,29 euros par an, soit après application du taux de responsabilité 5 272,28 euros par an, payable à terme échu et indexée selon la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 ;

- faire application du droit de préférence de la victime poste par poste ;

6) en tout état de cause :

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône, à la mutuelle générale des cheminots et à la mutuelle MGAS.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2021, la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF demande à la cour de :

- d'accueillir comme justes et bien-fondées ses demandes ;

- condamner l'EPANI aux droits duquel se trouve l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat, à lui payer la somme de 254 029,58 euros au titre des prestations servies à M. [T] [Y], en lien avec l'accident dont il a été victime le 10 mai 2008 ;

- ordonner que l'EPANI, aux droits duquel se trouve l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat, devra payer à la CPRSNCF, tous droits réservés, les prestations qui seront versées au titre des dépenses de santé futures, dans la limite de 30 % de leur montant, en cas d'aggravation de l'état M. [T] [Y] ;

- condamner l'EPANI aux droits duquel se trouve l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat, à lui payer la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

- condamnerl'EPANI aux droits duquel se trouve l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat, à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'EPANI aux droits duquel se trouve l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat, aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- ordonner que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Joseph Ferraro, associé de la SELARL cabinet Ferraro, pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône demande à la cour de :

- accueillir comme justes et bien-fondées ses demandes ;

- condamner l'EPANI aux droits duquel se trouve l'État, représenté par l'Agent judiciaire de l'État, à lui régler la somme de 330 585,72 euros au titre des prestations servies à M. [T] [Y] en lien avec l'accident dont il a été victime, outre 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

- condamner l'EPANI aux droits duquel se trouve l'État, représenté par l'Agent judiciaire de l'État, à lui la somme de 2 500 euros en application des dispositions

de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant d'instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Josette Dauphin, avocat associé de la SELARL Dauphin Mihajlovic, avocat sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'y a pas lieu de déclarer à nouveau l'Agent judiciaire de l'Etat, venant aux droits de l'EPANI, responsable du préjudice subi par les appelants à hauteur de 30 % des conséquences de l'accident dont a été victime M. [T] [Y] le 10 mai 2008.

Par ailleurs, l'Agent judiciaire de l'Etat intervient en qualité de représentant légal de l'Etat et ne peut à ce titre être condamné à indemniser les victimes. Il convient de condamner l'Etat lui-même à verser ces sommes.

1. Sur la demande d'indemnisation de M. [T] [Y]

Il convient de constater que M. [T] [Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice scolaire, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement, compte tenu de l'accord des parties sur l'indemnisation de ces chefs de préjudice.

a) sur les modalités d'indemnisation

- sur le principe de l'actualisation de l'indemnité allouée au jour de la décision pour les postes de préjudices temporaires

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite l'actualisation au jour du jugement de l'ensemble des indemnités allouées en réparation de ses préjudices patrimoniaux selon l'indice INSEE des prix à la consommation 'ensemble des ménages hors tabac' dépenses de santé futures, des frais divers avant consolidation et leur renouvellement, et de l'assistance par tierce personne avant consolidation et les arrérages échus de l'assistance par tierce personne future après consolidation.

L'Agent judiciaire du Trésor s'oppose à cette demande aux motifs que la perception d'indemnités provisionnelles compensent la dépréciation monétaire alléguée et que les frais non déboursés par M. [Y] ne peuvent être actualisés. A titre subsidiaire, il estime qu'une actualisation ne pourrait être accordée que sur le taux du livret A.

Réponse de la cour

D'une part, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties, et d'autre part, l'évaluation du préjudice doit être faite par le juge, au moment où il rend sa décision, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date. L'actualisation de l'indemnité allouée en réparation du préjudice est de droit lorsqu'elle est demandée (Crim., 28 mai 2019, n° 18-81.035 ; Civ. 2ème, 9 mars 2023, n° 21-19.322).

Par suite, il y a lieu d'allouer à M. [Y], pour chacun des postes de préjudices économiques, l'actualisation des sommes exposées par lui en fonction de la variation de l'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages hors tabac de l'INSEE, cette référence correspondant davantage à l'évolution du coût de la vie que le taux du livret A.

- sur la demande de capitalisation des arrérages à échoir

Moyens des parties

M. [Y] demande la capitalisation des arrérages à échoir et l'application du barème 2022 de la Gazette du Palais au taux -1.

L'Agent judiciaire de l'Etat demande que les postes de préjudices patrimoniaux permanents soient indemnisés sous forme de rente trimestrielle et viagère dans l'intérêt de la victime. Il sollicite à titre subsidiaire que l'application du barème 2022 de la Gazette du Palais soit rejetée au profit du BCRIV 2021, aux motifs que le premier repose sur des paramètres critiquables à plusieurs titres.

Réponse de la cour

L'Agent judiciaire de l'Etat ne démontre pas en quoi M. [Y] aurait intérêt à bénéficier du versement d'une rente par préférence à un capital, alors-même qu'il dispose des ressources sociales et intellectuelles pour en assurer la gestion.

Aussi convient-il de fixer l'indemnité due à M. [Y] sous forme de capital et non de rente viagère.

Il sera appliqué le barème de la Gazette du palais 2022 par préférence au barème BCRIV demandé par l'Agent judiciaire de l'Etat, dès lors que le premier repose sur une table qui tient compte de la mortalité la plus récente de la population générale et un taux d'actualisation, dont le calcul est basé sur la valeur moyenne du TEC 10 et la prise en compte de l'inflation générale des prix, fixé à 0 %, avec une variante à -1 %, ce qui permet de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire et répond en conséquence à l'exigence de réparation intégrale.

Le barème de la Gazette du Palais de 2022 a été élaboré dans un contexte de forte inflation liée notamment à la situation internationale.Toutefois, la cour doit statuer en fonction des éléments dont elle dispose au moment où elle statue. Or en l'espèce, il s'avère que si la croissance économique reste faible, elle est néanmoins positive, pendant que l'inflation ne cesse de refluer. En conséquence, le choix d'un barème à taux zéro correspond davantage à la situation actuelle et sera retenu.

b) sur dépenses de santé actuelles

Moyens des parties

M. [T] [Y] soutient avoir exposé des frais médicaux restés à charge correspondant à des frais de pharmacie pour un montant de 839,34 euros, des honoraires d'ostéopathie pour un montant de 217 euros, des frais de matériel pour un montant de 15 955,97 euros, dont il demande l'actualisation et la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 21 059,62 euros.

L'Agent judiciaire de l'Etat accepte la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 17 012,31 euros.

Réponse de la cour

Conformément à l'accord des parties sur le montant de la dépense hors actualisation, ce poste de préjudice est évalué à la somme de 17 012,31 euros, outre les sommes prises en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie et la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF (CPRSNCF).

c) sur les frais divers temporaires

Moyens des parties

M. [T] [Y] soutient avoir exposé les frais suivants :

- des frais d'assistance à expertise pour un montant de 1 440 euros, dont il demande l'actualisation et la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 1 617,79 euros ;

- des frais en lien avec l'hospitalisation (téléphone, internet, chambre individuelle) pour un montant de 501,69 euros, dont il demande l'actualisation et la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 638,25 euros ;

- des frais de transport pour un montant de 29,40 euros, dont il demande l'actualisation et la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 36,89 euros ;

- des frais d'équipements numériques pour un montant de 2 483,77 euros, dont il demande l'actualisation et la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 3 097,21 euros.

L'Agent judiciaire du Trésor propose de fixer ce poste de préjudice comme suit :

- frais d'assistance à expertise : 1 440 euros ;

- frais en lien avec l'hospitalisation : 501,69 euros ;

- frais de transport : 29,40 euros ;

- équipement numérique en lien avec le handicap : 1 153,90 euros.

Il estime que l'achat d'un ordinateur portable, d'un téléviseur, d'un Iphone et d'un Ipad n'ont pas de lien causal avec l'accident et le handicap dont souffre M. [T] [Y], mais relèvent de l'équipement courant d'un foyer en matériel numérique.

Réponse de la cour

Conformément à l'accord des parties, ce poste de préjudice est évalué aux sommes suivantes :

- frais d'assistance à expertise : 1 440 euros ;

- frais en lien avec l'hospitalisation : 501,69 euros ;

- frais de transport : 29,40 euros.

S'agissant de l'équipement numérique, il existe un lien de causalité entre l'accident et l'exposition de frais tendant à adapter le matériel numérique de M. [Y] à son handicap mais il n'est pas justifié de lien avec l'achat du matériel de base lui-même. Conformément à la proposition de l'Agent judiciaire de l'Etat, ce poste de préjudice doit être limité à la somme de 1 922,19 euros.

Par suite, le poste de préjudice correspondant à l'ensemble des frais divers exposés avant consolidation doit être fixé à la somme de 3 893,28 euros [1 922,19 + 1 440 + 501,69 + 29,40].

d) sur l'assistance temporaire par tierce personne

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite la somme de 537 669,08 euros correspondant à l'indemnisation de l'aide humaine à hauteur de 27 heures par jour, sept jours sur sept, au taux horaire de 23,65 euros, sans distinguer entre les heures passives et les heures actives, et sur justificatif de la dépense pour les heures prises en charge par un prestataire en 2010 et 2011.

L'Agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas le besoin de M. [Y] d'être assisté par une tierce personne sur une base horaire de 24 heures sur 24, sept jours sur sept, auxquels il faut ajouter trois heures pour les transferts. Il estime qu'il faut déduire de ce volume horaire 3 heures 30 de soins quotidiens réalisés par une infirmière diplômée d'Etat qui font partie de la créance des organismes sociaux. Il fait valoir que la prestation de compensation du handicap couvre le financement de la tierce personne par prestataire de telle sorte que M. [Y] n'a pas exposé de frais. Il soutient qu'il faut déduire les périodes d'hospitalisation de l'indemnisation. Il propose une indemnisation du 11 septembre 2009 au 19 avril 2011 déduction faite de 24 jours d'hospitalisation, à raison de 13 euros par heure active et 9 euros par heure passive.

Réponse de la cour

L'assistance par tierce personne recouvre l'indemnisation de la 'perte d'autonomie de la victime atteinte d'un déficit fonctionnel la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne' (Civ. 2ème, 28 février 2013, n° 11-25.927 ; 6 juillet 2023, n° 22-19.623).

Le docteur [N] [B] a conclu aux termes du rapport d'expertise du 2 décembre 2020 que l'état de santé de M. [Y] nécessite l'assistance d'une tierce personne 24 heures sur 24 (16 heures en actif, 8 heures en passif) auxquelles il faut ajouter 3 heures par jour pour les transferts (actif), soit un total de 27 heures par jour.

Bien que l'expert n'a pas répondu aux dires sur ce point, il convient de considérer que l'intervention d'une infirmière n'a pas à être déduite de l'appréciation du besoin en assistance par tierce personne en ce qu'il ne s'agit pas d'une intervention pour ce motif mais pour prodiguer des soins médicaux.

Comme l'a relevé l'Agent judiciaire du Trésor, il convient de déduire de la période précédant la consolidation les périodes d'hospitalisation qui correspondent à une durée de 292 jours et non de 56 jours, la période d'hospitalisation initiale du 22 mai 2008 au 1er décembre 2008 ayant été omise, dès lors que M. [Y] ne justifie ni n'allègue un besoin précis d'assistance qui aurait été nécessaire pendant ces périodes.

Il n'y a pas lieu de distinguer selon que l'assistance par tierce personne est passive ou active ni selon qu'elle a été prodiguée par la famille de M. [Y] ou par des intervenants rémunérés pour ce faire, s'agissant de l'indemnisation d'un besoin.

Par suite, sur la base d'un taux horaire de 23 euros, sur la période du 10 mai 2008 au 19 avril 2011, déduction faite des périodes d'hospitalisation, et sur la base de 410 jours par an pour tenir compte des jours fériés et des congés payés, le préjudice de M. [T] [Y] peut être évalué à la somme de 431 769,18 euros [23 x 27 x (1073-292)/410 x 365].

e) sur la perte de gains professionnels actuels

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite la somme de 24 000 euros sur la base d'une perte de salaire de 2 000 euros net par mois pour les fonctions de conducteur de travaux en sortie d'école en janvier 2010. Son remarquable parcours universitaire démontre à quel point il était passionné par son projet professionnel d'une part, mais encore qu'il disposait de toutes les compétences requises pour atteindre cet objectif d'autre part. Si une perte de chance devait être retenue sur ces bases, il estime qu'elle ne saurait être inférieure à 90 %.

L'Agent judiciaire de l'Etat propose la somme de 8 100 euros correspondant à une perte de chance de 60 % d'avoir un salaire de 1 800 euros par mois du 1er septembre 2010 au 19 avril 2011, soit 7,5 mois. Il soutient que le parcours scolaire pour accéder à un niveau Master ou ingénieur n'était pas finalisé et allait devenir davantage sélectif.

Réponse de la cour

Les pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail visent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'accident, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage. Ces pertes de gains peuvent être totales, c'est-à-dire priver la victime de la totalité des revenus qu'elle aurait normalement perçus pendant la maladie traumatique en l'absence de survenance du dommage, ou être partielles, c'est-à-dire la priver d'une partie de ses revenus sur cette période. L'évaluation judiciaire ou amiable de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

Au jour de l'accident, M. [T] [Y] était étudiant en deuxième année de DUT 'génie civil' et était inscrit en troisième année pour obtenir un diplôme de conducteur de travaux en Master 1.

Il est constant et non contesté que M. [Y] n'est pas apte à exercer la fonction de conducteur de travaux.

Néanmoins, il n'a pas subi antérieurement à la consolidation de son état une perte de gains professionnels réelle dès lors qu'il n'occupait pas un emploi rémunéré au jour de l'accident.

En revanche, M. [Y] a subi une perte de chance de percevoir un salaire de conducteur de travaux. Cette perte de chance concerne la période comprise entre l'obtention potentielle de son diplôme courant juin 2010 et la consolidation de ses blessures, le 19 avril 2011, soit sur une durée de 10 mois.

Compte-tenu des résultats scolaires de M. [Y], qui a obtenu postérieurement à l'accident une licence en sciences humaines et sociales et de ce que les entreprises du bâtiment sont en recherche de salariés dans le métier de conducteur de travaux, il est très probable qu'il aurait obtenu son diplôme de Master 1 et un emploi correspondant à brève échéance. La perte de chance peut donc être évaluée à 80 %.

M. [Y] produit un document émis par le site 'salairemoyen.com' dont il ressort que le salaire mensuel moyen net d'un conducteur de travaux cadre est de 3 456 euros, tandis que l'Agent judiciaire de l'Etat produit un document relatif aux 'salaires du BTP par métiers' et plus spécialement au 'salaire conducteur de travaux' dont il ressort que le salaire net mensuel moyen d'un conducteur de travaux débutant est de 1 925 euros. La seconde évaluation apparaît correspondre davantage au salaire qui aurait été perçu par M. [Y] en qualité de conducteur de travaux non cadre et débutant.

Par suite, le préjudice résultant de la perte de chance de gains professionnels actuels peut être évalué à la somme de 15 400 euros [1 925 x 10 x 0,8].

f) sur les dépenses de santé futures

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite la fixation de ce poste de préjudice à la somme totale de 565 003,31 euros correspondant aux sommes suivantes :

- frais de pharmacie : 144 948,89 euros ;

- honoraires de consultation en ostéopathie et podologie : 21 835,01 euros ;

- frais de matériel : 398 219,23 euros.

L'Agent judiciaire de l'Etat offre la somme de 345 073,33 euros et demande le rejet des demandes qui ne sont pas justifiées par la production de factures. Il conteste également :

- le remboursement de l'achat de crème pour le visage, dont il ne serait pas justifié qu'il soit en lien avec le handicap et celui de thiocolchocoside, déjà remboursé par la caisse primaire d'assurance-maladie sous une autre dénomination ;

- le remboursement de frais d'ostéopathie dont l'utilité ne serait pas étayée alors que M. [Y] bénéficie déjà de cinq séances hebdomadaires de kinésithérapie ;

- le remboursement de six consultations annuelles en podologie alors qu'il n'en justifie que de cinq ;

- des réserves quant à l'acquisition d'un lit médicalisé ;

- l'achat initial d'un fauteuil roulant manuel, pris en compte au titre des dépenses de santé actuelles et dont le reste à charge n'est pas justifié, et son renouvellement en 2014 et 2019 ;

- le renouvellement de coussins anti-escarres et leur housse en 2011, 2013, 2015, 2017 et 2019 ;

- le renouvellement d'un fauteuil roulant électrique en 2014 et 2019 ;

- le renouvellement d'un support easy-rider en 2014 et 2019 ;

- le renouvellement d'un écran LCD graphique HMC et du kit pour écran en 2016 et 2021 ;

- le renouvellement d'une table de lit en 2013 et 2018 ;

- le renouvellement d'une chaise de douche et de sa sangle de dossier en 2014 et 2019 ;

- le renouvellement d'un coussin anti-escarre de chaise de douche ;

- le renouvellement d'un lève-personne pour mise à l'eau et de sa sangle ;

- le renouvellement d'un rail lève-personne au plafond avec moteur.

Réponse de la cour

- sur les frais de pharmacie

Ainsi que l'a relevé l'Agent judiciaire de l'Etat, M. [Y] ne justifie pas d'un lien de causalité entre l'achat d'une crème pour le visage de marque Uriage et son handicap.

De même, l'achat de thiocolchicoside (myorelaxant) est déjà comprise dans les produits pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie.

Ainsi, sur la base d'un coût annuel de 2 120,04 euros [(213,77-13,9-23,20) x 12], les dépenses de santé futures en pharmacie peuvent être évaluée comme suit :

- arrérages échus entre le 19 avril 2011 et le jour du présent arrêt : 27 990,34euros [13x2 120,04 + 2 120,04/365x74] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 au taux 0 % : 93 699,41 [2 120,04 x 44,197] ;

soit la somme totale de 121 689,75 euros.

- sur les honoraires d'ostéopathie et de podologie

L'ostéopathie est une discipline qui vise à rétablir une harmonie corporelle et la mobilité nécessaire aux mouvements quotidiens pour prévenir des troubles pathologiques tandis que la kinésithérapie est un expert en rééducation et agit de façon ciblée après un traumatisme. Ces deux disciplines peuvent donc être complémentaires.

Néanmoins, en l'absence de justificatif, M. [Y] ne démontre pas la fréquence de son besoin en ostéopathie ni le coût resté à sa charge après intervention de sa mutuelle.

Il convient donc de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre de frais futurs en ostéopathie.

S'agissant des frais de podologie, M. [Y] ne justifie pas d'un besoin de six séance par an, alors qu'il justifie avoir exposé depuis la consolidation des blessures des honoraires de consultation en podologie à raison de cinq fois par an.

Par suite, sur la base d'un cout annuel de 175 euros [5 x 35 euros], le préjudice de M. [Y] peut être évalué comme suit :

- arrérages échus du jour de la consolidation le 19 avril 2011 au jour du présent arrêt : 2 312,40 euros [175 x 4823/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 au taux 0 % : 7 734,47 euros [175 x 44,197] ;

soit la somme totale de 10 046,87 euros.

- sur les frais de matériel

Il est constant et non contesté que le handicap de M. [Y] nécessite qu'il dispose du matériel listé par l'expert.

S'agissant de l'indemnisation d'un besoin, il n'y a pas lieu d'exiger de M. [Y] qu'il justifie du renouvellement effectif de ces appareillages.

En ce qui concerne les attelles au poignets, M. [Y] justifie d'un coût annuel de 57,32 euros correspondant à la somme restée à sa charge lors du dernier renouvellement. Il revendique une fréquence de renouvellement biannuelle qui n'est cependant pas justifiée. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 57,32 euros et d'une fréquence de renouvellement annuelle :

- arrérages échus : du jour de la consolidation le 19 avril 2011 au jour du présent arrêt : 757,41 euros [57,32 x 4823/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 au taux 0 % : 2 533,37 euros [57,32 x 44,197] ;

soit la somme totale de 3 290,78 euros.

En ce qui concerne la location d'un lit médical, M. [Y] justifie d'un coût annuel de 260 euros correspondant à la somme restée à sa charge lors du dernier renouvellement. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 260 euros et d'une fréquence de renouvellement annuelle :

- arrérages échus : du jour de la consolidation le 19 avril 2011 au jour du présent arrêt : 3 435,56 euros [260 x 4823/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 au taux 0 % : 11 491,22 euros [260 x 44,197] ;

soit la somme totale de 14 926,78 euros.

Il convient néanmoins, comme M. [Y] le demande, de réserver les dépenses de santé futures liées à l'acquisition et au renouvellement d'un lit médicalisé.

En ce qui concerne les chaussettes de contention, M. [Y] justifie d'un coût mensuel de 13,80 euros. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 165,60 euros :

- arrérages échus : du jour de la consolidation le 19 avril 2011 au jour du présent arrêt : 2 188,19 euros [165,60 x 4 823/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 au taux 0 % : 7'319,02 euros [165,60 x 44,197] ;

soit la somme totale de 9 507,21euros.

En ce qui concerne le fauteuil roulant manuel, M. [Y] justifie d'un coût de 3 198,11 euros lors du premier achat le 14 août 2009, pris en charge au titre des dépenses de santé actuelles, et les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les cinq ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 639,62 euros [3 198,11/5] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 14 août 2014 au jour du présent arrêt : 6 326,10 euros [639,62 x 3 610/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 au taux 0 % : 28 269,29 euros [639,62 x 44,197] ;

soit la somme totale de 34 595,39 euros.

En ce qui concerne les coussins anti-escarres à air pour les fauteuils, M. [Y] justifie d'un coût de 346,50 euros resté à charge et les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les deux ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 173,25 euros [346,50/2] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 14 août 2011 au jour du présent arrêt : 2 233,74 euros [173,25 x 4 706/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 7 657,13 euros [173,25 x 44,197] ;

soit la somme totale de 9 890,87 euros.

L'offre de l'Agent judiciaire de l'Etat à hauteur de 15 554,38 euros doit donc être retenue.

En ce qui concerne le coussin de positionnement anti-escarres à air pour fauteuil électrique, M. [Y] justifie d'un coût de 29 euros resté à charge et les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les deux ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 14,50 euros [29/2] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 14 août 2011 au jour du présent arrêt : 186,95 euros [14,50 x 4 706/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 640,85 euros [14,50 x 44,197] ;

soit la somme totale de 827,81 euros.

En ce qui concerne la housse de coussin anti-escarre, M. [Y] justifie d'un coût de 50,76 euros resté à charge et les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les deux ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 25,38 euros [50,76/2] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 21 décembre 2013 au jour du présent arrêt : 267,43 euros [25,38 x 3846/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 1 121,72 euros [25,38 x 44,197] ;

soit la somme totale de 1 389,15 euros.

En ce qui concerne le fauteuil roulant électrique, M. [Y] justifie d'un coût de 11 093,11 euros resté à charge et les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les cinq ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 2 218,62 euros [11 093,11/5] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 14 août 2014 au jour du présent arrêt : 21 943,06 euros [2 218,62 x 3610/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 98 056,35 euros [2 218,62 x 44,197] ;

soit la somme totale de 119 999,41 euros.

En ce qui concerne les accessoires 'adapter et jack binder' afférents au fauteuil électrique, M. [Y] justifie d'un coût de 50,50 euros aux termes de la facture du dernier renouvellement et les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement annuelle. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 50,50 euros :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 14 août 2010 au jour du présent arrêt : 701,60 euros [50,50 x 5071/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 2 231,95 euros [50,50 x 44,197] ;

soit la somme totale de 2 933,55 euros.

En ce qui concerne le support 'easy rider', permettant de contrôler l'environnement, M. [Y] justifie d'un coût de 507 euros aux termes de la facture d'acquisition. La fréquence de renouvellement de ce matériel peut raisonnablement être évaluée à tous les cinq ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 101,40 euros [507/5] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 11 décembre 2014 au jour du présent arrêt : 969,83 euros [101,40 x 3491/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 4 481,57 euros [101,40 x 44,197] ;

soit la somme totale de 5 451,41 euros.

En ce qui concerne l'écran LCD graphique HMC et son kit, M. [Y] justifie d'un coût de 1 156,90 euros aux termes de la facture d'acquisition. La fréquence de renouvellement de ce matériel peut raisonnablement être évaluée à tous les cinq ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 231,38 euros [1 156,90/5] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 5 décembre 2021 au jour du présent arrêt : 595,88 euros [231,38 x 940/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 10 226,30 euros [231,38 x 44,197] ;

soit la somme totale de 10 822,18 euros.

S'agissant de la table de lit, M. [Y] justifie d'un coût de 39,90 euros aux termes de la facture d'acquisition le 16 octobre 2008. La fréquence de renouvellement de ce matériel peut raisonnablement être évaluée à tous les dix ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 3,99 euros [39,9/10] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 16 octobre 2018 au jour du présent arrêt : 22,80 euros [3,99 x 2086/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 176,35 euros [3,99 x 44,197] ;

soit la somme totale de 199,15 euros.

S'agissant de la chaise de douche, M. [Y] justifie d'un coût de 461euros aux termes de la facture d'acquisition le 9 septembre 2009. La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère indique prendre en charge la somme de 102,62 euros tous les neuf ans. Cette fréquence de renouvellement apparaît raisonnable. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 39,82 euros [(461-102,62)/9] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 9 septembre 2018 au jour du présent arrêt : 231,61 euros [39,82 x2123/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 1 757,93 euros [39,82 x 44,147] ;

soit la somme totale de 1 989,54 euros.

En ce qui concerne la sangle de la chaise de douche, M. [Y] justifie d'un coût de 26 euros. Les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les trois ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 8,67 euros [26/3] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 19 avril 2014 au jour du présent arrêt : 88,53 euros [8,67 x 3727/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 383,18 [8,67 x 44,197] ;

soit la somme totale de 471,71 euros.

En ce qui concerne le coussin anti-escarre pour la chaise de douche, M. [Y] justifie d'un coût de 109 euros. Les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les deux ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 54,50 euros [109/2] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 9 septembre 2011 au jour du présent arrêt : 698,79 euros [54,5 x 4680/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 2 408,74 euros [54,5 x 44,197] ;

soit la somme totale de 3 107,53 euros.

En ce qui concerne le lève-personne pour mise à l'eau, M. [Y] justifie d'un coût de 5 965,67 euros [6 305-339,33] selon facture du 14 juin 2019. Les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les sept ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 852,24 euros [5965,67/7] :

- arrérages échus : du jour de l'acquisition le 14 juin 2019 au jour du présent arrêt : 4 307,90 euros [852,24 x 1845/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 37 666,45 euros [852,24 x 44,197] ;

soit la somme totale de 41 974,35 euros.

En ce qui concerne la sangle du lève-personne pour mise à l'eau, M. [Y] justifie d'un coût de 339,33 euros selon facture du 14 juin 2019. Les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les trois ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 113,11 euros [339,33/3] :

- arrérages échus : du jour de l'acquisition le 14 juin 2019 au jour du présent arrêt : 571,75 euros [113,11 x 1845/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 4 999,12 euros [113,11 x 44,197] ;

soit la somme totale de 5 570,87 euros.

S'agissant du rail lève-personne au plafond avec moteur, M. [Y] justifie d'un coût de 5 857,35 euros selon facture du 30 juillet 2009. Les parties s'accordent sur une fréquence de renouvellement tous les sept ans. La caisse primaire d'assurance-maladie prend en charge la somme de 24,15 euros par an pour la sangle du lève-personne. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 812,61 euros [5 857,35/7 - 24,15] :

- arrérages échus : du jour du premier renouvellement le 30 juillet 2016 au jour du présent arrêt : 6 443 euros [812,61 x 2894/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 35 914,92 euros [812,61 x 44,197] ;

soit la somme totale de 42 357,92 euros.

Concernant enfin les frais de réparation du matériel, M. [Y] justifie avoir engagé la somme de 1 721,95 euros pour la réparation d'un fauteuil et d'un coussin anti-escarres entre 2012 et 2020. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 191,32 euros [1 721,95/9] :

- arrérages échus : comme demandé du 1er janvier 2021 au jour du présent arrêt  669,88 euros [191,32 x 1278/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 8 455,77 euros [191,32 x 44,197] ;

soit la somme totale de 9 125,65 euros.

Au titre des appareillages à renouveler, le préjudice de M. [Y] est donc de 324 094,77 euros

[3290,78+14926,78+9507,21+34595,39+15554,38+827,81+1389,15

+119 999,41+2 933,55 +5 451,41+10 822,18 +199,15+1 989,54 +471,71

+3 107,53+41 974,35+5 570,87+42 357,92+9 125,65].

- sur les frais pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie

S'agissant des dépenses de santé à la charge de la caisse primaire d'assurance-maladie, il ressort d'un décompte du 20 avril 2023 qu'elle avait exposé à cette date des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport pour un montant de 161 136,06 euros, ce qui n'est pas contesté par les parties.

Après cette date, la caisse primaire d'assurance-maladie évalue les dépenses de santé futures à la somme de 23 529,88 euros par an tandis que l'Agent judiciaire de l'Etat limite cette évaluation à 17 574,29 euros par an en ne retenant pas le montant du premier appareillage. Cette dernière évaluation sera retenue.

Ainsi, les dépenses de santé futures à la charge de la caisse primaire d'assurance-maladie peuvent être évaluées comme suit :

- arrérages échus : du 20 avril 2023 au jour du présent arrêt : 21 137,30 euros [17 574,29 x 439/365] ;

- arrérages à échoir : 17 574,29 euros par an, versée sous forme de rente annuelle indexée à terme échu en application de la loi du 24 mai 1951.

La caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône a donc exposé des débours pour un montant total de 182 273,36 [21 137,30 + 161 136,06].

Par suite, le préjudice subi par M. [Y] au titre des dépenses de santé futures doit être évalué à la somme totale de 455 831,39 euros [121 689,75 + 10 046,87 + 324 094,77], outre les dépenses prises en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie (182 273,36 euros).

g) sur les frais divers permanents

Moyens des parties

M. [Y] sollicite l'indemnisation de frais divers exposés postérieurement à la consolidation de ses blessures :

- des frais de photocopies et des frais postaux relatifs à l'obtention de son dossier médical pour un montant de 97,19 euros, ;

- le renouvellement de ses équipements numériques pour un montant de 74 393,22 euros ;

- des frais de vacances.

L'Agent judiciaire de l'Etat accepte la somme de 85,97 euros concernant les frais de photocopies et celle de 3 844,38 euros pour les arrérages échus du renouvellement de l'équipement numérique, outre les arrérages à échoir qu'il ne chiffre pas. Il s'oppose à l'indemnisation d'un préjudice lié aux vacances aux motifs de son coût exorbitant et de ce qu'il ne présente pas de lien avec le handicap de M. [Y].

Réponse de la cour

En ce qui concerne les frais de photocopies exposés par M. [Y], il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 85,97 euros, qui sera actualisée comme indiqué précédemment.

S'agissant de l'équipement numérique, comme indiqué au titre des frais divers exposés avant consolidation, il existe un lien de causalité entre l'accident et l'exposition de frais tendant à adapter le matériel numérique de M. [Y] à son handicap mais il n'est pas justifié de lien avec l'achat du matériel de base lui-même. Conformément à la proposition de l'Agent judiciaire de l'Etat, ce poste de préjudice doit être limité à l'indemnisation du renouvellement des frais relatifs au logiciel 'Dragon dictate' et au trackball.

Concernant le logiciel 'Dragon dictate', M. [Y] justifie avoir engagé la somme de 207,79 euros selon facture du 9 janvier 2012. Les parties s'accordent pour un renouvellement tous les cinq ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 41,56 euros [207,79/5] :

- arrérages échus : du premier renouvellement le 9 janvier 2017 au jour du présent arrêt : 310,96 euros [41,56 x 2731/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 1 836,83 euros [41,56 x 44,197] ;

soit la somme totale de 2 147,79 euros.

Concernant le trackball, M. [Y] justifie avoir engagé la somme de 115 euros selon facture du 25 septembre 2008. Les parties s'accordent pour un renouvellement tous les cinq ans. Le préjudice subi par M. [Y] peut être évalué comme suit sur la base d'un coût annuel de 23 euros [115/5] :

- arrérages échus : du premier renouvellement le 25 septembre 2013 au jour du présent arrêt : 247,83 euros [23 x 3933/365] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 1 016,53 euros [23 x 44,197] ;

soit la somme totale de 1 264,36 euros.

En ce qui concerne le coût des vacances, il est certain que le handicap de M. [Y] va entrainer pour lui un surcoût, notamment s'il souhaite se rendre à l'étranger et emprunter l'avion.

Néanmoins, M. [Y] ne démontre pas qu'il avait l'habitude de voyager à l'étranger et il est excessif de considérer qu'il allait le faire sur l'ensemble des cinq semaines de congés annuels auxquelles il pouvait prétendre. Il ne démontre pas davantage le montant du surcoût engendré par son handicap. Par suite, celui-ci sera évalué à la somme de 500 euros par an, ce qui représente par capitalisation à compter du présent arrêt la somme de 22 098,50 euros [500 x 44,197].

Il convient donc de fixer le préjudice subi par M. [T] [Y] au titre des frais divers permanents à la somme totale de 25 596,62 euros [85,97+2147,79 +1264,36+22 098,50].

h) sur l'assistance par tierce personne permanente

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite la somme de 18 596 598,70 euros correspondant à l'indemnisation de l'aide humaine 27 heures par jour, sept jours sur sept, au taux horaire de 23,44 euros puis 25 euros à compter du 1er janvier 2024, sans distinguer entre les heures passives et les heures actives, et sur justificatif de la dépense pour les heures prises en charge par un prestataire en 2012 et 2023.

L'Agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas le besoin de M. [Y] d'être assisté par une tierce personne sur une base horaire de 24 heures sur 24, sept jours sur sept, auxquels il faut ajouter trois heures pour les transferts. Il estime qu'il faut déduire de ce volume horaire 3 heures 30 de soins quotidiens réalisés par une infirmière diplômée d'Etat qui font partie de la créance des organismes sociaux. Il fait valoir que la prestation de compensation du handicap couvre le financement de la tierce personne par prestataire de telle sorte que M. [Y] n'a pas exposé de frais. Il soutient qu'il faut déduire les périodes d'hospitalisation de l'indemnisation. Il propose une indemnisation du 20 avril 2011 au 31 décembre 2013, déduction faite de 16 jours d'hospitalisation, à raison de 13 euros par heure active et 9 euros par heure passive, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2021, déduction faite de 16 jours d'hospitalisation, à raison de 14 euros par heure active et 10 euros par heure passive, puis à compter du 1er janvier 2022 une rente de 34 830 euros par trimestre payable à terme échu.

Réponse de la cour

L'assistance par tierce personne recouvre l'indemnisation de la 'perte d'autonomie de la victime atteinte d'un déficit fonctionnel la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne' (Civ. 2ème, 28 février 2013, n° 11-25.927 ; 6 juillet 2023, n° 22-19.623).

Le docteur [N] [B] a conclu aux termes du rapport d'expertise du 2 décembre 2020 que M. [Y] nécessite l'assistance d'une tierce personne 24 heures sur 24 (16 heures en actif, 8 heures en passif) auxquelles il faut ajouter 3 heures par jour pour les transferts (actif), soit un total de 27 heures par jour.

Bien que l'expert n'a pas répondu aux dires sur ce point, il convient de considérer que l'intervention d'une infirmière n'a pas à être déduite de l'appréciation du besoin en assistance par tierce personne en ce qu'il ne s'agit pas d'une intervention pour ce motif mais pour prodiguer des soins médicaux.

Il n'y a pas lieu de distinguer selon que l'assistance par tierce personne est passive ou active ni selon qu'elle a été prodiguée par la famille de M. [Y] ou par des intervenants rémunérés pour ce faire, s'agissant de l'indemnisation d'un besoin.

Par suite, sur la base d'un taux horaire de 23 euros, sur la base de 410 jours par an pour tenir compte des jours fériés et des congés payés, le préjudice de M. [T] [Y] peut être évalué comme suit :

- arrérages échus, pour la période du 19 avril 2011 au jour du présent arrêt : 3 364 339,81 euros [23 x 27 x 4823/365 x 410] ;

- arrérages à échoir par capitalisation pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 11 252 998,17 euros [23 x 27 x 410 x 44,197] ;

soit la somme totale de 14 617 337,98 euros.

i) sur les frais d'aménagement du logement

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite 3 649,45 euros correspondant à des frais de réparation des aménagements réalisés au domicile de ses parents et que les frais relatifs à son propre logement soient réservés dans l'attente qu'il quitte le logement familial.

L'Agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de débouter M. [Y] de toute demande au titre de frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement.

Réponse de la cour

Ces dépenses concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap. Ce poste de préjudice inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.

Outre les frais d'adaptation du logement appartenant à ses parents, dont ces derniers demandent indemnisation en leur nom personnel, M. [Y] soutient avoir exposé les frais suivants :

- intervention suite absence de courant : 659,78 euros selon facture du 15 octobre 2014 (pièce n° 9-2) ;

- intervention pour moteur de ventilation : 310,39 euros selon facture du 31 octobre 2014 (pièce n° 9-3) ;

- remplacement d'un moteur de porte coulissante selon facture du 13 avril 2015 : 719,70 euros (pièce n° 9-4) ;

- changement de condensateurs et fourniture d'une télécommande : 88 euros selon facture du 13 décembre 2016 (pièce n° 9-5) ;

- remplacement de la carte électronique pour l'automatisme du portail deux ventaux : 250 euros selon facture du 5 décembre 2016 (pièce n° 9-5) ;

- remplacement de moteur sur portes coulissantes : 1 017,50 euros selon facture du 31 décembre 2019 (pièce n° 9-6).

Ces dépenses sont en lien avec l'entretien des dispositifs installés dans le logement des parents de M. [Y] pour s'adapter à son handicap et doivent être indemnisés au titre des frais de logement adapté.

En ce qui concerne l'acquisition d'un logement propre et son aménagement, la cour ne peut rejeter la demande de M. [Y] sans modifier l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile (Civ. 2ème, 4 avril 2024, n° 22-13.280).

Il appartiendra à M. [Y] de demander une indemnisation complémentaire en aggravation s'il venait à exposer des frais supplémentaires de logement adapté.

Il convient donc de fixer à la somme de 3 649,45 euros l'indemnisation due à ce titre.

j) sur les frais d'aménagement du véhicule

Moyens des parties

M. [Y] demande la fixation de ce poste de préjudice à la somme totale de 1 431 378,08 euros correspondant à l'achat effectif d'un véhicule adapté Fiat Doblo et au surcroût lié à l'aménagement du véhicule, ainsi qu'à l'acquisition future d'un véhicule Van Mercedes plus adapté, et à son renouvellement tous les cinq ans.

S'agissant des arrérages échus, l'Agent judiciaire de l'Etat propose la somme de 14 165,04 euros correspondant aux surcoût lié au handicap lors de l'achat du premier véhicule en 2010 mais s'oppose au deux renouvellements réclamés en l'absence de justificatif. S'agissant des arrérages à échoir, il propose de retenir un véhicule Ford Tourneo Custom dont les dimensions seront adaptées à la taille de M. [Y] et à la dimension de son fauteuil électrique, le véhicule Van Mercedes étant trop onéreux. Il offre la somme de 87 690,81 euros sur la base de l'acquisition d'un nouveau véhicule pour la somme de 47 562,25 euros dont il retire la valeur estimative du véhicule qu'il aurait acquis dans l'accident, le prix de revente du véhicule précédent et l'amortissement annuel, et avec un renouvellement tous les huit ans.

Réponse de la cour

Les frais de véhicule adapté correspondent aux dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent. Il convient d'inclure dans ce poste de préjudice le surcoût lié au renouvellement du véhicule et à son entretien.

Il est constant et non contesté que le handicap de M. [Y] nécessite qu'il dispose d'un véhicule adapté.

M. [Y] a acquis un véhicule Fiat Doblo le 29 juillet 2010 pour la somme de 29 165,04 euros. Il doit bénéficier de l'indemnisation du surcoût de l'achat d'un véhicule adapté par rapport au véhicule qu'il aurait acquis sans l'accident. Un tel véhicule peut-être évalué au prix moyen de 15 000 euros. L'offre de l'Agent judiciaire de l'Etat pour un montant de 14 165,04 euros apparaît donc assurer une réparation intégrale du préjudice subi par M. [Y].

M. [Y] doit également être indemnisé pour le renouvellement de ce véhicule, sans qu'il ait à justifier de la réalité de ses dépenses, s'agissant d'indemniser un besoin. Le fréquence de renouvellement d'un véhicule adapté peut être raisonnablement évaluée à tous les six ans.

Le véhicule Van Mercedes dont M. [Y] envisage l'acquisition présente un niveau d'équipement élevé, dont il ne justifie pas qu'il serait en lien avec son handicap. Le véhicule Ford Tourneo Custom proposé par l'Agent judiciaire de l'Etat présente toutes les caractéristiques utiles par rapport au handicap de M. [Y], de telle sorte que c'est son évaluation (47 562,25 euros) qui devra être retenue.

Il doit également être déduit la valeur moyenne du véhicule qu'il aurait acquis sans son handicap (15 000 euros) et la valeur résiduelle du véhicule précédent (5 775 euros).

Par suite, les frais de véhicule adapté peuvent être évalués à la somme de 26 787,25 euros [47 562,25 - 15 000 - 5 775].

Sur la base d'un renouvellement du véhicule tous les six ans, il convient d'évaluer le coût d'adaptation de son véhicule comme suit :

- arrérages échus (du 29 juillet 2016, date du premier renouvellement, au jour du présent arrêt) : 34 600,20 euros [93 mois x 26 787,25/72] ;

- arrérages à échoir à compter du présent arrêt : par capitalisation jusqu'à l'âge de 80 ans, comme demandé par M. [Y], pour un homme de 36 ans au jour du présent arrêt : 203 605,42 euros [26 787,25/72 x 12 x 45,605].

Il convient donc de fixer ce poste de préjudice à la somme totale de 252 370,66 euros [14 165,04 + 34 600,20 + 203 605,42 euros].

k) sur la perte de gains professionnels futurs

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite la somme de 3 004 515,96 euros sur la base d'un revenu mensuel de 2 000 euros pendant dix ans, puis 3 781 euros ensuite, soit un revenu annuel net de 45 372 euros capitalisé de manière viagère afin de prendre en compte la perte de tout droit à la retraite et l'évolution de salaire sur une carrière.

L'Agent judiciaire de l'Etat propose la somme de 139 800 euros de la date de consolidation au 31 décembre 2021, sur la base d'une perte de chance de 60 % et d'un salaire moyen de 2 000 euros net par mois, puis une rente trimestrielle indexée sur la base d'un salaire moyen de 2 500 euros net par mois.

Réponse de la cour

Il s'agit ici d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

Au jour de l'accident, M. [T] [Y] était étudiant en deuxième année de DUT 'génie civil' et était inscrit en troisième année pour obtenir un diplôme de conducteur de travaux en Master 1.

Il est constant et non contesté que M. [Y] n'est pas apte à exercer la fonction de conducteur de travaux.

Néanmoins, il ne subit pas postérieurement à la consolidation de son état une perte de gains professionnels réelle dès lors qu'il n'occupait pas un emploi rémunéré au jour de l'accident.

En revanche, M. [Y] a subi une perte de chance de percevoir un salaire de conducteur de travaux. Cette perte de chance concerne la période comprise entre la consolidation de ses blessures, le 19 avril 2011 et son départ à la retraite, ainsi que les revenus postérieurs à cette date.

Compte-tenu des résultats scolaires de M. [Y], qui a obtenu postérieurement à l'accident une licence en sciences humaines et sociales, et de ce que les entreprises du bâtiment sont en recherche de salariés dans le métier de conducteur de travaux, il est très probable qu'il aurait obtenu son diplôme de Master 1 et un emploi correspondant à brève échéance. La perte de chance peut donc être évaluée à 80 %.

M. [Y] produit un document émis par le site 'salairemoyen.com' dont il ressort que le salaire mensuel moyen net d'un conducteur de travaux cadre est de 3 456 euros, tandis que l'Agent judiciaire de l'Etat produit un document relatif aux 'salaires du BTP par métiers' et plus spécialement au 'salaire conducteur de travaux' dont il ressort que le salaire net mensuel moyen d'un conducteur de travaux débutant est de 1 925 euros et celui d'un conducteur de travaux présentant une ancienneté de plus de dix ans de 2 601 euros. La seconde évaluation apparaît correspondre davantage au salaire qui aurait été perçu par M. [Y] en qualité de conducteur de travaux non cadre.

Par suite, le salaire mensuel net qu'aurait pu percevoir M. [Y] peut être évalué à la somme moyenne de 2 432 euros pour une carrière d'une durée d'environ 40 ans, et son salaire annuel à la somme de 29 184 euros.

Aussi, par capitalisation viagère pour un homme de 23 ans au jour de la consolidation de ses blessures, le préjudice résultant de la perte de chance de gains professionnels futurs peut être évalué à la somme de 1 830 140,31 euros [29 184 x 0,8 x 78,388].

l) sur l'incidence professionnelle

Moyens des parties

M. [Y] sollicite la somme de 250 000 euros en réparation de la perte de chance professionnelle et de l'arrêt définitif de toute activité professionnelle. Il souligne qu'il subit une perte de chance d'évolution professionnelle, ainsi qu'une exclusion sociale et une dévalorisation personnelle qui conduisent inéluctablement à un profond isolement social.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté aux motifs que l'indemnisation d'une perte totale de revenus à titre viager serait incompatible avec l'indemnisation de l'incidence professionnelle.

Réponse de la cour

Si certains aspects de l'incidence professionnelle sont exclus lorsque la victime est inapte à l'emploi, tels les frais de reclassement professionnels, l'accroissement de la pénibilité, la perte de chance professionnelle ou la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de droits à la retraite déjà indemnisée en viager au titre des pertes de gains professionnels futurs, d'autres aspects ne sont en revanche pas incompatibles avec une inaptitude définitive à l'emploi.

Ainsi, le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail est indemnisable au titre de l'incidence professionnelle (Civ. 2ème, 6 mai 2021, n° 19-23.173 ; 14 octobre 2021, n° 20-13.537).

Il est constant et non contesté que le handicap dont souffre M. [T] [Y] l'exclut définitivement du monde du travail.

Il en résulte nécessairement pour lui une dévalorisation sociale de par la privation de cette source d'épanouissement et des relations sociales qu'elle engendre.

Compte-tenu de l'âge de M. [Y] au jour de la consolidation de son état (23 ans), il convient donc de fixer à la somme de 120 000 euros le préjudice subi par M. [T] [Y] à ce titre.

m) sur le préjudice esthétique temporaire

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite l'évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 15 000 euros tandis que l'Agent judiciaire de l'Etat propose celle de 5 000 euros.

Réponse de la cour

L'expert judiciaire a évalué ce poste de préjudice à 5,5/7.

Il ressort de l'expertise qu'entre le jour de l'accident le 10 mai 2008 et le jour de la consolidation de son état le 19 avril 2011, soit pendant près de trois ans, M. [Y] a subi des hospitalisations en réanimation où il a été intubé, puis a été contraint de porter une sonde urinaire ainsi qu'une minerve. Depuis septembre 2008, M. [Y] doit se déplacer en fauteuil roulant et porter des attelles au niveau des poignets. Il présente également trois cicatrices de grande taille au niveau cervical et de la crête iliaque et une main 'en griffe'.

Compte tenu de l'âge de la victime avant la consolidation de ses blessures (de 20 ans à 23 ans), de la durée de cette période et de l'altération grave de son apparence, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 5 000 euros.

n) sur le préjudice esthétique permanent

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite l'évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 70 000 euros tandis que l'Agent judiciaire de l'Etat propose celle de 30 000 euros.

Réponse de la cour

L'expert judiciaire a évalué ce poste de préjudice à 5,5/7.

Il ressort de l'expertise que M. [Y] présente une tétraplégie de niveau C5 et doit par conséquent se déplacer en fauteuil roulant et porter des attelles au niveau des poignets. Il présente également trois cicatrices de grande taille au niveau cervical et de la crête iliaque et une main 'en griffe'.

Compte tenu de l'âge de la victime au moment de la consolidation (23 ans) et de l'altération grave de son apparence, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 40 000 euros.

o) sur le préjudice de dépersonnalisation

Moyens des parties

M. [T] [Y] sollicite la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 20 000 euros aux motifs qu'il est conscient d'avoir changé et que le regard porté sur lui par les autres a également été très largement modifié.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté aux motifs que ce poste de préjudice est déjà inclus sans l'indemnisation du préjudice esthétique et du déficit fonctionnel permanent.

Réponse de la cour

Le préjudice de dépersonnalisation n'est pas consacré par la jurisprudence et n'a pas non plus été envisagé dans la nomenclature Dintilhac.

Ce préjudice tel que décrit par l'appelant correspond en réalité à la fois au préjudice esthétique et au trouble dans les conditions de l'existence compris dans le déficit fonctionnel permanent.

Dès lors que M. [T] [Y] ne rapporte pas la preuve de ce que ce préjudice est distinct du préjudice esthétique et du déficit fonctionnel permanent réparés par ailleurs, il doit être débouté de sa demande à ce titre.

p) sur l'indemnisation due à M. [T] [Y]

- sur l'application de la réduction du droit à indemnisation

Moyens des parties

M. [T] [Y] soutient que les frais de medecin-conseil exposés par la victime ne peuvent se voir appliquer un taux de réduction du droit à indemnisation.

L'Agent judiciaire du Trésor soutient que les honoraires du médecin-conseil doivent se voir appliquer le taux de responsabilité retenu à l'encontre de l'EPANI.

Réponse de la cour

Contrairement à ce qu'affirme M. [T] [Y], il n'y a pas lieu d'exclure du partage de responsabilité les frais d'assistance par médecin-conseil qui composent les frais divers et constituent un préjudice en lien de causalité avec les fautes respectives de M. [Y] et de l'EPANI.

Aux termes de l'arrêt rendu le 7 janvier 2020, la cour d'appel a jugé que l'EPANI était responsable pour 30 % du préjudice subi par M. [T] [Y].

Il convient donc d'appliquer cette réduction du droit à indemnisation à l'ensemble des postes de préjudice.

- sur le recours des tiers payeurs

Moyens des parties

M. [T] [Y] soutient que 'la prestation compensatoire du handicap' ne peut être indemnisée au titre du poste d'assistance par tierce personne'.

L'Agent judiciaire de l'Etat soutient que la prestation compensatoire du handicap couvre le financement de la tierce personne professionnelle employée par M. [Y] de telle sorte que si cette prestation n'est pas soumise à recours, il est pour autant établi que M. [T] [Y] n'a pas mobilisé ses ressources personnelles pour financer la tierce personne professionnelle temporaire.

Aux termes de ses conclusions, la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône demande le remboursement de la somme de 330 585,72 euros, corresponsant à 30 % de la somme de 161 136,06 euros au titre des arrérages échus des dépenses de santé et celle de 940 816,40 euros au titre des arrérages à échoir à partir du 28 avril 2021.

Réponse de la cour

La prestation de compensation du handicap définie aux articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles n'étant pas mentionnée par l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, elle n'ouvre droit à aucune action contre la personne tenue à réparation du dommage et ne peut donc être imputée sur l'indemnité allouée (Civ. 2ème, 6 février 2020, n° 18-19.518).

Il n'y a donc pas lieu de déduire les sommes versées à M. [Y] à ce titre.

Selon l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des organismes tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités réparant des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des postes de préjudice à caractère personnel et, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice.

Il résulte de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 30 de la loi du 5 juillet 1985 que, sauf accord du tiers responsable sur le paiement d'un capital, les caisses de sécurité sociale ne peuvent prétendre au remboursement de leurs dépenses qu'au fur et à mesure de leur engagement (Civ. 2ème, 23 mai 2019, n° 18-14.332).

Il résulte également de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que la préférence reconnue à la victime par ces mêmes textes s'exerce, en cas de limitation de son droit à indemnisation, selon la même modalité (Civ. 2ème, 22 janvier 2009, n° 07-21.099).

Par suite, l'indemnisation due par l'Etat à M. [T] [Y] s'établit comme suit :

Postes de préjudice

Evaluation

Indemnité à la charge du responsable

Indemnité due à la victime

Indemnité due à la CPAM

Indemnité due à la CPRSNCF

Dépenses de santé actuelles

17 012,31

+ 846 765,27

= 863 777,58

863 777,58

x0,3

= 259 133,27

17 012,31

x 0,3

= 5 103,69

0

259 133,27

- 5 103,69

= 254 029,58

Frais divers temporaires

3 893,28

3 893,28

x 0,3

= 1 167,98

1 167,98

Assistance par tierce personne temporaire

431 769,18

431 769,18

x 0,3

= 129 530,75

129 530,75

Perte de gains professionnels actuels

15 400

15 400 x 0,3

= 4 620

4 620

Préjudice esthétique temporaire

5 000

5 000 x 0,3

= 1 500

1 500

Dépenses de santé futures

455 831,39

+ 182 273,36

= 638 104,75

638 104,75

x 0,3

= 191 431,42

455 831,39

x 0,3

= 136 749,42

191 431,42

- 136 749,42

= 54 682

Frais divers futurs

25 596,62

25 596,62

x 0,3

= 7 678,99

7 678,99

Assistance par tierce personne permanente

14 617 337,98

14 617 337,98

x 0,3

= 4 385 201,39

4 385 201,39

Perte de gains professionnels futurs

1830 140,31

1830 140,31

x 0,3

= 549 042,09

549 042,09

Incidence professionnelle

120 000

120 000 x 0,3

= 36 000

36 000

Frais de véhicule adapté

252 370,66

252 370,66

x 0,3

= 75 711,20

75 711,20

Frais de logement adapté

3 649,45

3 649,45

x 0,3

= 1 094,83

1 094,83

Préjudice esthétique permanent

40 000

40 000 x 0,3

= 12 000

12 000

Préjudice de dépersonnalisation

0

0

0

Total

5 345 400,34

54 682

254 029,58

Il convient de condamner l'Etat à verser :

- à M. [T] [Y] la somme de 5 345 400,34 euros, dont il conviendra de déduire les provisions versées ;

- à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF la somme de 254 029,58 euros outre la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

- à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône la somme de 54 682 euros, outre la somme de 17 574,29 euros par an, versée sous forme de rente annuelle indexée à terme échu en application de la loi du 24 mai 1951, outre 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

2. Sur la demande d'indemnisation de M. [U] [Y]

Il convient de constater que M. [U] [Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions de l'existence compte-tenu de l'accord des parties sur l'indemnisation de ces chefs de préjudice.

a) sur les frais divers

Moyens des parties

M. [U] [Y] demande la somme de 1 377,13 euros au titre de frais de transport et d'hébergement et celle de 459 euros au titre de dépenses de santé pour des séances d'ostéopathie. Il demande de réserver les dépenses à venir.

L'Agent judiciaire de l'Etat accepte la demande au titre des frais de transport et d'hébergement et conclut au débouté concernant les frais de santé aux motifs que M. [Y] ne justifie pas que ces dépenses soient en lien direct avec l'accident dont a été victime son fils.

Réponse de la cour

En ce qui concerne les frais d'hébergement, de transport et de rapatriement, compte-tenu de l'accord des parties, il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de 1 377,13 euros.

S'agissant des frais de santé, il est établi que M. [U] [Y] a bénéficié de séances d'ostéopathie entre 2018 et 2021. En regard du temps écoulé entre l'accident et les premières séances et compte tenu du fait que M. [Y] ne vivait pas avec son fils, il n'est pas établi de lien entre ces dépenses de santé et l'accident de [T] [Y].

Il convient donc de débouter M. [U] [Y] de sa demande au titre de dépenses de santé actuelles et de fixer à la somme de 1 377,13 euros les frais divers.

b) sur la perte de gains professionnels

- sur le retard dans la promotion

Moyens des parties

M. [U] [Y] sollicite la fixation de son préjudice de carrière à la somme de 9 996,63 euros aux motifs qu'en raison des bouleversements induits par l'accident de son fils, la promotion qu'il attendait a été retardée et que l'avancée de sa carrière n'a pas été celle qu'il escomptait.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté aux motifs que les éléments communiqués par M. [Y] ne permettent pas d'établir que la position finale qu'il a obtenue aurait été supérieure sans l'accident de son fils.

Réponse de la cour

Au jour de l'accident de son fils, M. [U] [Y] occupait un emploi de vérificateur d'appareillage de signalisation (VAS) au sein de l'unité prestations logistiques de la SNCF Réseau ce qui correspond à une qualification E.

Selon une attestation de Mme [R] [O], sa supérieure hiérarchique, non datée, M. [Y] a 'vu sa promotion sur le poste de dirigeant de proximité - secteur VAS (collège cadre - qualification F) différée au mois d'avril 2009, en raison des circonstances personnelles liées à l'accident du 10 mai 2008'.

Selon M. [L] [S], agent SNCF retraité, il a demandé à M. [Y] de postuler sur un poste de chef de projet dans le courant de l'année 2012 nécessitant un disponibilité en termes de déplacement, et M. [Y] a refusé en raison de l'état de son fils.

Comme le relève l'Agent judiciaire de l'Etat, M. [Y] ne démontre pas, alors que sa carrière a évolué rapidement avant son départ à la retraite, qu'il aurait eu une position plus élevée si l'accident de son fils n'était pas survenu.

Il n'y a donc pas lieu de retenir l'existence d'une perte de gains professionnels de ce chef.

- sur le temps partiel

Moyens des parties

M. [U] [Y] sollicite la fixation de sa perte de gains professionnels pour diminution de son temps de travail à 90 % à la somme de 27 973,77 euros.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté s'agissant de la période de janvier 2014 à mai 2017 aux motifs que M. [U] [Y] avait quitté le domicile familial et estime la perte de revenus pour cause de temps partiel à 10 239,33 euros net sur la période antérieure aux motifs que le taux de temps de travail n'est pas de 90 % et que par ailleur ce taux est appliqué uniquement au traitement, à l'indemnité de résidence et à la majoration salariale de traitement.

Réponse de la cour

M. [U] [Y] ne justifie pas avoir réduit son temps de travail entre 2014 et 2017 en raison de l'état de santé de son fils, alors qu'il ne vivait plus avec celui-ci.

En revanche, il est établi que M. [Y] a réduit son temps de travail sur la période de mars 2011 à décembre 2013 alors qu'il vivait avec son fils.

Son temps de travail était alors de 89,27 %. Ont en conséquence été réduit son traitement, son indemnité de résidence et sa majoration salariale de traitement. Il a ainsi perdu la somme de 319,16 euros brut par mois en 2011, 320,82 euros par mois en 2012 et 322,81 euros par mois en 2013.

Aussi convient-il de retenir l'offre de l'Agent judiciaire de l'Etat pour un montant de 10 239,33 euros.

- sur la perte de chance de pension de retraite

Moyens des parties

M. [U] [Y] soutient qu'il aurait dû terminer sa carrière à la position 28 et ayrait perçu une retraite de 2 654,34 euros net alos qu'il perçoit une pension de 2 454,88 euros net par mois.

L'Agent judiciaire de l'Etat soutient que M. [U] [Y] a obtenu un retraite calculée sur son dernier traitement à la position 26 mais qu'il ne démontre pas que sa position finale aurait pu être supérieure à celle obtenue.

Réponse de la cour

Comme le relève l'Agent judiciaire de l'Etat, M. [Y] ne démontre pas, alors que sa carrière a évolué rapidement avant son départ à la retraite, qu'il aurait eu une position plus élevée si l'accident de son fils n'était pas survenu.

Il n'y a donc pas lieu de retenir l'existence d'une perte de gains professionnels de ce chef.

- sur la prise en considération de l'indemnisation versée à la victime directe au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

Moyens des parties

L'Agent judiciaire de l'Etat soutient que le droit à indemnisation du préjudice professionnel du proche qui cesse de travailler ou diminue son activité professionnelle pour pourvoir au besoin d'assistance de la victime principale doit être apprécié en tenant compte de l'indemnisation intervenue au titre de l'assistance par tierce personne et il convient d'indemniser la seule perte de revenu excédant la rémunération allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par tierce personne.

M. [U] [Y] ne répond pas sur ce point.

Réponse de la cour

Il appartient à la cour de rechercher si le préjudice économique personnel du proche en lien direct avec l'accident consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite procède de ce que ce proche a été contraint d'abandonner son emploi pour s'occuper de son fils et si elle ne serait pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne (Civ 2ème, 14 avril 2016, n° 15-16.697).

En l'espèce, la perte de gains professionnels subie par M. [U] [Y] correspond à la réduction de son temps de travail pour assumer l'assistance de son fils.

Cette indemnisation fait double emploi avec l'indemnité allouée à M. [T] [Y] au titre de l'assistance par tierce personne à hauteur de 431 769,18 euros avant consolidation et de 14 617 337,98 euros après consolidation.

Il convient en conséquence de débouter M. [U] [Y] de sa demande d'indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels.

c) sur le préjudice de carrière

Moyens des parties

M. [U] [Y] demande la somme de 50 000 euros aux motifs qu'il a dû placer sa carrière professionnelle au second plan en raison de l'accident de son fils.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté aux motifs que M. [Y] a toujours continué à travailler et qu'il avait été démontré que les promotions professionnelles avortées n'avait pas de lien avec l'accident de son fils.

Réponse de la cour

Comme relevé précédemment, M. [U] [Y] ne démontre pas qu'il aurait dû occuper des postes plus intéressants que ceux qu'il a occupés. Il ne démontre ainsi pas avoir subi un préjudice quant à l'évolution de sa carrière.

Il convient donc de le débouter de ce chef.

d) sur l'aménagement du logement

M. [Y] fait valoir qu'il a été contraint avec Mme [F]-[Y] de faire réaliser une extension de leur logement pour un montant de 152 771,56 euros et d'engager des dépenses de matériels et d'équipements pour aménager cette extension pour un montant de 10 059,29 euros.

L'Agent judiciaire de l'Etat accepte de fixer ce poste de préjudice à la moitié de la somme de 152 771,56 euros, la demande complémentaire de 10 059,29 euros étant déjà comprise dans le premier montant.

Réponse de la cour

Il ressort d'un document intitulé ' récapitulatif factures extension maison' et des factures correspondantes que le montant total des travaux d'adaptation du logement des époux [Y] est de 158 628,91 euros.

Selon un tableau intitulé 'récapitulatif factures extension studio' figurant au dos de la précédente pièce, la somme de 10 059,29 euros demandée par l'appelante, qui se décompose en une somme de 3 101,60 euros au titre d'équipements de salle de bain et de peinture et celle de 6 957,69 euros correspondant à des dépenses pour l'équipement de la cuisine.

Il en ressort que la somme de 10 059,29 euros est comprise dans celle de 158 628,91 euros.

Il convient donc de retenir la proposition de l'Agent judiciaire de l'Etat.

e) sur l'indemnisation due à M. [U] [Y]

Compte tenu de ce qui précède, après application de la réduction du droit à indemnisation de M. [U] [Y] à 30 %, il convient de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24 207,48 euros [(1 377,13 +158 628,91/2) x 0,3].

3. Sur la demande d'indemnisation de Mme [H] [F]-[Y]

Il convient de constater que Mme [H] [F]-[Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions de l'existence compte-tenu de l'accord des parties sur l'indemnisation de ces chefs de préjudice.

a) sur les frais divers

Moyens des parties

Mme [F]-[Y] soutient que M. [Y] et elle-même ont fait face à des frais d'hébergement et de transport pour accompagner leur fils lors des hospitalisations ainsi que des frais de train et de taxi. Elle allègue également avoir exposé des frais de rapatriement, puisqu'ils se trouvaient en Espagne au moment de l'accident, ainsi que des frais de trajet en voiture. Elle expose enfin avoir nécessité une prise en charge chez un acupuncteur de mai 2008 à fin 2012.

L'Agent judiciaire de l'Etat accepte la somme demandée concernant les frais d'hébergement, de transport et de rapatriement, propose de verser la moitié de la somme demandée pour les frais de trajet en voiture en l'absence de justificatifs probants et estime que seules 14 séances d'acupuncture sont justifiées.

Réponse de la cour

En ce qui concerne les frais d'hébergement, de transport et de rapatriement, compte-tenu de l'accord des parties, il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de 1 377,13 euros.

Si le principe de l'indemnisation des trajets supportés par Mme [Y] pour accompagner son fils n'est pas contesté par l'Agent judiciaire de l'Etat, la demanderesse ne produit aucun justificatif autre qu'un relevé établi par ses soins.

En l'absence de preuve quant à la fréquence des visites et au montant des frais engagés, il convient de retenir la somme proposée par l'Agent judiciaire de l'Etat, soit 4 677,50 euros avant réduction du droit à indemnisation.

S'agissant des frais d'acupuncture, il ressort d'une attestation du docteur [K] [D], médecin-praticien, en date du 7 juin 2021 que Mme [H] [F]-[Y] a bénéficié d'un suivi tous les quinze jours suite à l'accident de son fils en mai 2008 et jusqu'à la fin de l'année 2012. Selon un relevé de remboursement de soins de la MFP, Mme [F]-[Y] a consulté le docteur [K] [D] le 17 juin 2008, le 17 juillet 2008, le 27 novembre 2009, le 15 janvier 2010, le 1er février 2010, le 15 février 2010, le 25 février 2010, le 29 octobre 2010, le 10 décembre 2010, le 21 janvier 2010, le 25 février 2011, le 1er avril 2011, le 29 avril 2011, le 20 juin 2011, soit 14 consultations. Elle a exposé la somme de 22 euros dont celle de 14,40 euros a été remboursée par la sécurité sociale. Il n'est en revanche pas établi le montant pris en charge par la mutuelle.

Il convient donc de considérer que l'offre de l'Agent judiciaire de l'Etat est suffisante pour assurer une réparation intégrale du préjudice de Mme [F]-[Y].

Par suite, l'évaluation des frais divers exposés par Mme [F]-[Y] doit être fixée à la somme de 6 665,03 euros [1 377,13+4 677,50+610,40].

b) sur la perte de gains professionnels

- sur la réduction du temps de travail

Moyens des parties

Mme [F]-[Y] sollicite l'indemnisation d'un préjudice professionnel constitué d'une perte de salaire pour la période d'arrêt de travail du 13 mai 2008 au 12 janvier 2009, d'une perte de salaire pour la période en mi-temps thérapeutique du 14 janvier 2009 au 14 juillet 2009, d'une perte de salaire pour travail à temps partiel de 2010 à 2020.

L'Agent judiciaire de l'Etat propose d'évaluer la perte de revenus de Mme [F]-[Y] à la somme de 4 540 euros concernant la perte de gains sur la période de mai à décembre 2008 et à la somme de 418,62 euros concernant la période du 13 août au 31 décembre 2008 au motif que Mme [F] a bénéficié du maintien de son salaire. Il propose la somme de 8 456,74 euros sur la période de temps partiel de 2016 à 2019, celle de 25 193,76 euros sur la période de 2016 à 2019 et celle de 4 244,92 euros en 2020.

Réponse de la cour

La méthode de calcul de l'Agent judiciaire de l'Etat est correcte, sauf en ce qu'elle tient compte du salaire net imposable et non du revenu net réellement perçu par Mme [F]-[Y].

S'agissant de la période du 13 mai 2008 au 12 janvier 2009, Mme [F]-[Y] a été en arrêt de travail et a bénéficié d'un maintien de son traitement pendant trois mois.

Au-delà de cette période de trois mois, elle a perçu un traitement de 9 864,19 euros [2 707,89 + 1 695,38 + 1 698,73 + 1 698,74 +3 972,94 - 1 909,49] alors qu'elle aurait dû percevoir un revenu de 16 138,70 euros [(3695,48 - 500 + 3239,26 + 3251,16+3225,06)/4 x 5]. Elle subit donc une perte de revenus de 6 274,51 euros sur cette période [16 138,70 - 9 864,19].

Du mois de janvier 2009 au mois de juillet 2009, Mme [F]-[Y] a été en mi-temps thérapeutique. Elle a bénéficié du maintien de son traitement et ne subit aucune perte de revenus en dehors de la première quinzaine du mois de janvier.

De juillet 2009 à l'année 2020, Mme [F]-[Y] a travaillé à temps partiel à 80 % et 90 %. Elle produit ses fiches de paye uniquement pour l'année 2020 et les mois de décembre des années 2010 à 2019 et seulement des attestations fiscales de son employeur pour les années 2010 à 2019. Ces éléments ne permettent pas de déterminer si Mme [F]-[Y] a subi une perte de revenus nette.

Pour ces deux dernières périodes, il convient de retenir l'offre de l'Agent judiciaire de l'Etat pour un montant de 418,62 euros pour la première et de 33 650,50 euros [8 456,74+25 193,76] pour la seconde.

La perte de gains professionnels de Mme [Y] pour cause de réduction du temps de travail peut donc être évaluée à la somme de 40 343,63 euros [6 274,51+418,62 + 33 650,50].

- sur la perte de droits à la retraite

Moyens des parties

Mme [F]-[Y] sollicite l'indemnisation d'une perte de droits à la retraite pour un montant de 226 422,93 euros sur la base d'une perte mensuelle de 571 à 703 euros par mois en raison de sa rétrogradation d'échelon.

L'Agent judiciaire de l'Etat estime que Mme [F]-[Y] subit un préjudice de 8 694,48 euros de surcotisation de retraite et une perte annuelle de pension de retraite de 341 euros.

Réponse de la cour

Comme le relève l'Agent judiciaire de l'Etat, la retraite de Mme [F]-[Y] sera calculée sur le montant de son traitement sur les six derniers mois.

Elle ne justifie pas de ce que sa progression d'indice ou de carrière aurait été différente sans l'accident de son fils.

En revanche, il est établi que Mme [F]-[Y] va subir une perte annuelle de pension de retraite de 341 euros par an. Par capitalisation de cette somme à compter de l'âge de 64 ans, âge prévisible de la retraite de Mme [F]-[Y], sur la base du barème de la Gazette du palais 2022 au taux 0 %, le préjudice subi est de 8 077,95 euros [341 x 23,689].

De même, elle a dû assumer la charge de surcotisations pour compenser les périodes de travail à temps partiel pour un montant total de 8 694,48 euros.

Le préjudice sur ses droits à retraite peut donc être évalué à la somme de 16 772,43 euros [8 694,48 + 8 077,95].

- sur la prise en considération de l'indemnisation versée à la victime directe au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

Moyens des parties

L'Agent judiciaire de l'Etat soutient que le droit à indemnisation du préjudice professionnel du proche qui cesse de travailler ou diminue son activité professionnelle pour pourvoir au besoin d'assistance de la victime principale doit être apprécié en tenant compte de l'indemnisation intervenue au titre de l'assistance par tierce personne et il convient d'indemniser la seule perte de revenu excédant la rémunération allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par tierce personne.

Réponse de la cour

Il appartient à la cour de rechercher si le préjudice économique personnel du proche en lien direct avec l'accident consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite procède de ce que ce proche a été contraint d'abandonner son emploi pour s'occuper de son fils et si elle ne serait pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne (Civ 2ème, 14 avril 2016, n° 15-16.697).

En l'espèce, la perte de gains professionnels et de droits à la retraite subie par Mme [F]-[Y] correspond à la réduction de son temps de travail pour assumer l'assistance de son fils.

Cette indemnisation fait double emploi avec l'indemnité allouée à M. [T] [Y] au titre de l'assistance par tierce personne à hauteur de 431 769,18 euros avant consolidation et de 14 617 337,98 euros après consolidation.

Il convient en conséquence de débouter Mme [F]-[Y] de sa demande d'indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels.

c) sur le préjudice de carrière

Moyens des parties

Mme [F]-[Y] estime subir un préjudice de carrière tenant au fait qu'elle a renoncé à ses objectifs d'évolution.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté au motif que Mme [F] ne démontre pas l'existence d'une incidence professionnelle.

Réponse de la cour

La seule attestation de M. [I] [G], collègue de Mme [H] [F]-[Y], concernant le passage de celle-ci d'un poste de niveau 5 à un poste de niveau 4, ne suffit pas à établir que l'évolution de sa carrière est en lien avec l'accident de son fils, M. [T] [Y], notamment en l'absence de pièces relatives à l'état de santé de Mme [H] [F]-[Y].

Elle ne rapporte ainsi pas la preuve de l'existence d'une incidence professionnelle distincte des deux postes de préjudice indemnisés au titre de l'assistance par tierce personne au profit de M. [T] [Y] et au titre des troubles dans les conditions de l'existence.

Il convient donc de débouter Mme [H] [F]-[Y] de sa demande d'indemnisation de ce chef.

d) sur l'aménagement du logement

Moyens des parties

Mme [F]-[Y] fait valoir qu'elle a été contrainte avec M. [U] [Y] de faire réaliser une extension de leur logement pour un montant de 152 771,56 euros et d'engager des dépenses de matériels et d'équipements pour aménager cette extension pour un montant de 10 059,29 euros.

L'Agent judiciaire de l'Etat accepte de fixer ce poste de préjudice à la moitié de la somme de 152 771,56 euros, la demande complémentaire de 10 059,29 euros étant déjà comprise dans le premier montant.

Réponse de la cour

Il ressort d'un document intitulé ' récapitulatif factures extension maison' et des factures correspondantes que le montant total des travaux d'adaptation du logement des époux [Y] est de 158 628,91 euros (pièce n° 4-1 de l'appelante).

Selon un tableau intitulé 'récapitulatif factures extension studio' figurant au dos de la précédente pièce, la somme de 10 059,29 euros demandée par l'appelante, qui se décompose en une somme de 3 101,60 euros au titre d'équipements de calle de bain et de peinture et celle de 6 957,69 euros correspondant à des dépenses pour l'équipement de la cuisine.

Il en ressort que la somme de 10 059,29 euros est comprise dans celle de 158 628,91 euros.

Il convient donc de retenir la proposition de l'Agent judiciaire de l'Etat et de fixer ce poste de préjudice à la somme de 79 314,45 euros [158 628,91/2].

e) sur l'indemnisation due à Mme [F]-[Y]

Compte tenu de ce qui précède, après application de la réduction du droit à indemnisation de Mme [H] [F]-[Y] à 30 %, il convient de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 793,84 euros [(6 665,03 +79 314,45 ) x 0,3].

4. Sur la demande d'indemnisation de Mme [Z] [Y]

Il convient de constater que Mme [Z] [Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions de l'existence compte-tenu de l'accord des parties sur l'indemnisation de ces chefs de préjudice.

a) sur les frais divers

Moyens des parties

Mme [Z] [Y] demande la somme de 4 336,64 euros, après réduction de son droit à indemnisation, aux motifs qu'elle a supporté des frais de déplacement pour être au chevet de son frère durant sa période d'hospitalisation, qu'elle a supporté des frais d'ostéopathie et de kinésithérapie et devra supporter des frais d'ostéopathie à titre viager.

L'Agent judiciaire de l'Etat propose l'indemnisation de la moitié des trajets demandés en l'absence de justificatifs probants. Il propose de prendre en charge les frais d'ostéopathie pour un montant de 191,17 euros après réduction du droit à indemnisation à compter de l'année 2016 et conclut au débouté concernant la période antérieure en l'absence de justificatif

Réponse de la cour

Si le principe de l'indemnisation des trajets supportés par Mme [Y] pour rendre visite à son frère n'est pas contesté par l'Agent judiciaire de l'Etat, la demanderesse ne produit aucun autre justificatif qu'un relevé établi par ses soins.

En l'absence de preuve quant à la fréquence des visites et au montant des frais engagés, il convient de retenir la somme proposée par l'Agent judiciaire de l'Etat, soit 4 522,83 euros avant réduction du droit à indemnisation.

En ce qui concerne les frais d'ostéopathie antérieurs à l'année 2016, Mme [Y] produit une facture du 22 octobre 2012 pour un montant de 40 euros. Pour les années 2016 à 2021, elle justifie avoir supporté la somme de 639 euros après prise en charge par sa mutuelle pour un montant de 480 euros [1 119 - 16 x 30].

En revanche, Mme [Y] ne justifie pas de la nécessité pour elle de bénéficier de séances d'ostéopathie en lien avec la pathologie de son frère pour l'avenir.

Par ailleurs, l'Agent judiciaire de l'Etat accepte de prendre en charge la somme de 105,42 euros correspondant à des frais de kinésithérapie exposés entre le mois d'août 2008 et le mois de janvier 2009, ce qui correspond aux justificatifs versés au dossier.

Il convient donc de débouter Mme [Y] de sa demande de prise en charge de frais d'ostéopathie futurs postérieurs à l'année 2021, et de fixer son préjudice au titre de frais médicaux à la somme de 5 307,25 euros [4 522,83 + 639 + 40 + 105,42].

b) sur l'incidence professionnelle

Moyens des parties

Mme [Z] [Y] demande la somme de 50 000 euros, soit 15 000 euros après réduction de son droit à indemnisation, aux motifs que suite à l'accident ses projets professionnels se sont arrêtés nets, et elle a abandonné toutes ces opportunités et choisi son activité professionnelle en fonction des horaires proposés afin de s'occuper de son frère, de moindre intérêt avec un salaire non négocié, dans une agence bancaire. Elle a obtenu des postes d'encadrement jusqu'à une rupture conventionnelle en raison d'un syndrome d'épuisement. Elle estime subir une incidence professionnelle se traduisant par un préjudice lié par une perte de carrière évidente notammment (perte de chance professionnelle, d'évolution professionnelle, perte de droits à la retraite).

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté aux motifs que Mme [Y] ne rapporte aucune réel élément probant de cette incidence professionnelle et de son lien avec le handicap de son frère [T] [Y], qu'elle se borne à invoquer de manière générale l'impossible conciliation entre son rôle d'aidant familial, de mère de famille et une carrière à la hauteur de ses ambitions professionnelles et que ses déclarations démontrent davantage l'incidence du handicap de son frère sur ses conditions d'existence indemnisées par ailleurs.

Réponse de la cour

L'incidence professionnelle vise à 'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap'.

Alors que son frère a été indemnisé au titre d'une assistance par tierce personne, à hauteur de 431 769,18 euros avant consolidation et de 14 617 337,98 euros après consolidation, et qu'elle a elle-même été indemnisée amiablement au titre de troubles dans les conditions de l'existence, Mme [Y] ne produit à l'appui de sa demande aucun élément concernant son parcours universitaire et les projets qu'elle allègue ni concernant son incapacité à travailler à temps plein.

Elle ne rapporte ainsi pas la preuve de l'existence d'une incidence professionnelle distincte des deux postes de préjudice précités.

Il convient donc de débouter Mme [Z] [Y] de sa demande d'indemnisation de ce chef.

c) sur l'indemnisation due à Mme [Z] [Y]

Compte tenu de ce qui précède, après application de la réduction du droit à indemnisation de Mme [Z] [Y] à 30 %, il convient de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 592,17 euros [5 307,25 x 0,3].

4. Sur les frais du procès

Les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, qui autorisent la caisse de sécurité sociale à recouvrer l'indemnité forfaitaire selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale, ne font pas obstacle à ce que le juge alloue cette indemnité à la caisse lorsqu'il condamne le tiers responsable au remboursement des prestations servies (Crim., 19 février 2008, n° 07-86.114).

Il convient de condamner l'Etat à verser à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Vu l'arrêt rendu le 7 janvier 2020,

Concernant les demandes de M. [T] [Y]

Constate que M. [T] [Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice scolaire, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement ;

Déboute M. [T] [Y] de ses demandes au titre de frais futurs en ostéopathie et d'un préjudice de dépersonnalisation ;

Fixe les préjudices subis par M. [T] [Y] comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 17 012,31 euros ;

- frais divers temporaires : 3 893,28 euros ;

- assistance temporaire par tierce personne : 431 769,18 euros ;

- perte de gains professionnels actuels : 15 400 euros ;

- dépenses de santé futures : 455 831,39 euros ;

- frais divers permanents : 25 596,62 euros ;

- assistance par tierce personne permanente : 14 617 337,98 euros ;

- frais d'aménagement du logement : 3 649,45 euros ;

- frais d'aménagement du véhicule : 252 370,66 euros ;

- perte de gains professionnels futurs : 1 830 140,31 euros ;

- incidence professionnelle : 120 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros ;

- préjudice esthétique permanent : 40 000 euros ;

Réserve les frais d'acquisition d'un logement adapté ;

Dit que les sommes accordées à M. [T] [Y] au titre de préjudices économiques (dépenses de santé, frais divers, perte de gains professionnels, frais de logement adapté, frais de véhicule adapté) seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages hors tabac de l'INSEE entre la date de la dépense et le présent arrêt ;

Condamne l'Etat à verser à M. [T] [Y] la somme de 5 345 400,34 euros, dont il conviendra de déduire les provisions versées, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne l'Etat à verser à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF la somme de 254 029,58 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2021 ;

Condamne l'Etat à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône la somme de 54 682 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2023 ;

Condamne l'Etat à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône la somme de 17 574,29 euros par an, versée sous forme de rente annuelle indexée à terme échu en application de la loi du 24 mai 1951 ;

Condamne l'Etat à verser à la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

Condamne l'Etat à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

Condamne l'Etat à verser à M. [T] [Y] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Concernant les demandes de M. [U] [Y]

Constate que M. [U] [Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions de l'existence ;

Déboute M. [U] [Y] de sa demande au titre de frais de santé, d'un préjudice de carrière et d'une perte de gains professionnels ;

Fixe les préjudices subis par M. [U] [Y] comme suit :

- frais divers : 1 377,13 euros ;

- frais d'adaptation du logement : 79 314,45 euros ;

Condamne l'Etat à verser à M. [U] [Y] la somme de 24 207,48 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les sommes accordées à M. [U] [Y] au titre de préjudices économiques seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages hors tabac de l'INSEE entre la date de la dépense et le présent arrêt ;

Condamne l'Etat à verser à M. [U] [Y] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Concernant les demandes de Mme [H] [F]-[Y]

Constate que Mme [H] [F]-[Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions de l'existence ;

Déboute Mme [H] [F]-[Y] de sa demande au titre d'une perte de gains professionnels, d'une perte de droits à la retraire et d'un préjudice de carrière ;

Fixe les préjudices subis par Mme [H] [F]-[Y] comme suit :

- frais divers : 6 665,03 euros ;

- frais d'adaptation du logement : 79 314,45 euros ;

Condamne l'Etat à verser à Mme [H] [F]-[Y] la somme de 25 793,84 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les sommes accordées à Mme [H] [F]-[Y] au titre de préjudices économiques seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages hors tabac de l'INSEE entre la date de la dépense et le présent arrêt ;

Condamne l'Etat à verser à Mme [H] [F]-[Y] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Concernant les demandes de Mme [Z] [Y]

Constate que Mme [Z] [Y] se désiste de ses demandes concernant le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions de l'existence ;

Déboute Mme [Z] [Y] de ses demandes relatives à des frais d'ostéopathie antérieurs à l'année 2016 et postérieurs à l'année 2021 et de sa demande au titre d'une incidence professionnelle ;

Fixe les préjudices subis par Mme [Z] [Y] comme suit :

- frais divers : 5 307,25 euros ;

Condamne l'Etat à verser à Mme [Z] [Y] la somme de 1 592,17 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les sommes accordées à Mme [Z] [Y] au titre de préjudices économiques seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages hors tabac de l'INSEE entre la date de la dépense et le présent arrêt ;

Condamne l'Etat à verser à Mme [Z] [Y] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Etat aux dépens de la procédure d'appel ;

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Joseph Ferraro, Me Josette Dauphin et Me Dejan Mihaljlovic, avocats, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17/02265
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;17.02265 ?
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