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27/06/2024 | FRANCE | N°24/00081

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Hospitalisation d'office, 27 juin 2024, 24/00081


N° RG 24/00081 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MJTF



N° Minute :































































































Notification le :



27 juin 2024











AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C O U

R D ' A P P E L D E G R E N O B L E



JURIDICTION PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 27 JUIN 2024





Appel d'une ordonnance 27/0740 rendue par le Juge des libertés et de la détention de GRENOBLE en date du 13 juin 2024 suivant déclaration d'appel reçue le 18 juin 2024



ENTRE :



APPELANT :



Monsieur [V] [O] [S]

actuellement hospitalisée à l'établissement de santé mentale, [8]

né le 24 Janvier 1982...

N° RG 24/00081 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MJTF

N° Minute :

Notification le :

27 juin 2024

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E

JURIDICTION PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 27 JUIN 2024

Appel d'une ordonnance 27/0740 rendue par le Juge des libertés et de la détention de GRENOBLE en date du 13 juin 2024 suivant déclaration d'appel reçue le 18 juin 2024

ENTRE :

APPELANT :

Monsieur [V] [O] [S]

actuellement hospitalisée à l'établissement de santé mentale, [8]

né le 24 Janvier 1982 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

assisté de Me Julien PARIS, avocat au barreau de GRENOBLE

ET :

INTIMES :

CENTRE HOSPITALIER [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

non comparant

PREFECTURE A.R.S.

[Adresse 2]

[Localité 4]

non comparante

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été régulièrement communiquée à M. Guillaume GIRARD, Avocat général près la cour d'appel de Grenoble qui a fait connaître son avis le 26 juin 2024,

DEBATS :

A l'audience publique tenue le 27 juin 2024 par Lionel BRUNO, Conseiller, délégué par le premier président en vertu d'une ordonnance en date du 23 décembre 2023, assisté de Frédéric STICKER, greffier, en présence de [C] [F], greffière stagiaire

ORDONNANCE :

prononcée publiquement le 27 juin 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signée par Lionel BRUNO et par Frédéric STICKER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Par arrêté du Préfet de l'Isère du 11 janvier 2019, monsieur [S] [V] a été admis en soins psychiatriques sans consentement au Centre hospitalier [6]. Cette mesure a été prolongée, notamment par décision du 14 décembre 2023 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grenoble, autorisant le maintien des soins en hospitalisation sous contrainte. Par arrêté du 7 mai 2024, le Préfet a ordonné le maintien de la mesure de soins en hospitalisation complète jusqu'au 11 janvier 2024 inclus.

Par requête du 27 mai 2024, le Préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention afin de statuer sur la poursuite de cette hospitalisation à temps complet sans consentement.

Par ordonnance du 13 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien des soins sous hospitalisation complète, au motif que si le dernier certificat médical mensuel et l'avis motivé du 28 mai 2024 indiquent que l'état du patient s'est amélioré et qu'un projet d'accueil en MAS est travaillé, ils démontrent cependant qu'il existe une symptomatologie résiduelle négative et une vulnérabilité dans le lien aux autres, éléments qui ne sont pas perçus par le patient qui persiste dans le déni de ses troubles et qui demande régulièrement à interrompre le traitement.

Par conclusions écrites du 26 juin 2024, le parquet général a conclu à la confirmation de l'ordonnance contestée.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'appel formé est recevable en la forme.

A l'audience, le conseil de l'appelant a sollicité la mainlevée de l'hospitalisation complète, en raison du défaut de pouvoirs de monsieur [W], personne ayant signé l'arrêté du 7 mai 2024 portant maintien de la mesure d'admission en soins psychiatriques, aucune délégation de signature n'était produite. Il a soutenu également que la commission départementale des soins psychiatriques n'a pas été saisie.

Sur le premier point, en la forme, la décision d'admission ou de maintien en soins psychiatriques sans consentement doit émaner d'une personne compétente juridiquement. Elle doit comporter la signature de son auteur, la mention lisible du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. Si le signataire n'est pas le maire, le directeur d'établissement ou le représentant de l'État, il doit disposer d'une délégation de signature en bonne et due forme.

ll appartient au juge des libertés et de la détention de contrôler la régularité des décisions prises dans le cadre de l'admission en soins psychiatriques sans consentement et la nécessité d'une telle mesure.

En l'espèce, l'arrêté du 7 mai 2024 a été pris au nom du préfet de l'Isère par monsieur [D] [W], « pour le préfet et par délégation, le sous-préfet, directeur de cabinet ».

Si l'articIe 43 du décret n°2204-374 du 29 avril 2004 prévoit que le préfet de département puisse déléguer sa signature, encore faut-il que ladite délégation soit produite, afin de pouvoir en vérifier la régularité.

En la cause, ce problème a été porté à la connaissance du juge des libertés et de la détention, lequel a estimé qu'il a pu être vérifié que monsieur [W] dispose bien d'une délégation de pouvoirs pour toute mesure relative aux soins sans consentement. Cependant, la décision déférée ne précise pas comment cette vérification a été opérée, le dossier transmis à la cour ne contenant aucun acte constatant une telle délégation de signature.

Cependant, l'article L. 3216-1, alinéa 2 du code de la santé publique dispose que l'irrégularité affectant la décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. Pour obtenir la mainlevée d'une mesure, le patient doit donc prouver à la fois une irrégularité et le grief qui en est résulté pour lui. Autrement dit, l'irrégularité ne fait pas nécessairement grief et la Cour de cassation prononce des cassations pour manque de base légale toutes les fois où les décisions se bornent à retenir l'existence d'une irrégularité et à lever la mesure pour ce seul motif, ainsi pour une irrégularité liée à l'absence de la mention des nom, prénom, qualité du signataire de la décision d'admission et de maintien en hospitalisation à la demande d'un tiers (1re Civ., 18 juin 2014, pourvoi n° 13-16.363)

En la cause, la cour constate que par décret du Président de la République du 21 juin 2023, monsieur [D] [W], sous-préfet, a été nommé directeur de cabinet du préfet de l'Isère pour une durée de trois ans. La consultation du recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère à la disposition du public permet de constater que monsieur [W] a reçu délégation de signature, par arrêté du préfet de l'Isère du 21 août 2023 n°38-2023-08-21-00005 publié le 23 août 2023 au recueil n°169, pour les mesures concernant les soins sans consentement à la demande du représentant de l'État.

Il en résulte qu'il avait ainsi qualité pour signer l'arrêt du 7 mai 2024 prolongeant la mesure d'hospitalisation, alors qu'il n'est pas justifié d'un grief tenant à une absence de délégation de pouvoirs. Il n'y a pas ainsi lieu de lever la mesure contestée à ce titre.

Concernant ensuite l'absence de saisine de la commission départementale des soins psychiatriques, il résulte de l'article R3211-12 du code de la santé publique que la requête saisissant le juge des libertés et de la détention comprend un certain nombre de documents, au nombre desquels ne figure pas la saisine de la commission départementale. En outre, aucun grief n'est établi à ce titre. Il n'a y a pas plus lieu à mainlevée de la mesure contestée à ce titre.

Sur le fond, par arrêté du préfet de l'Isère du 11 janvier 2019, l'appelant a été admis en soins psychiatriques sans consentement. Cette décision a été prolongée, notamment le 14 décembre 2023, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grenoble. Par arrêté du 7 mai 2024, le préfet a ordonné le maintien de la mesure de soins en hospitalisation complète jusqu'au 11 novembre 2024 inclus, et il a saisi le juge des libertés par requête du 27 mai 2024 afin de statuer sur la poursuite de cette hospitalisation à temps complet sans consentement.

Les différents certificats médicaux, notamment du 28 mai 2024, indiquent que l'appelant est suivi depuis de nombreuses années pour des troubles psychiatriques chroniques sévères, associés à une déficience intellectuelle et à des carences éducatives et affectives. Il a été hospitalisé suite à une rechute psychotique, associée à un passage à l'acte sur le personnel soignant. Un maintien à domicile en logement autonome est qualifié de très complexe, en raison de la symptomatologie résiduelle, outre une grande difficulté en terme d'autonomie et d'un déni amenant à l'appelant à interrompre son traitement.

L'appelant a déjà fait l'objet de 34 hospitalisations en psychiatrie, dans le cadre de décompensations, et il a été hospitalisé en UMD pendant une dizaine d'années au total. Les certificats médicaux concluent à l'impossibilité d'un retour à domicile et à une admission en structure de type maison d'accueil spécialisée. Sa capacité de discernement est altérée, et avant son hospitalisation en janvier 2019, l'appelant avait bénéficié d'une levée de la mesure de contrainte en août 2018, mais s'était ensuite présenté lui-même en janvier 2019 à l'hôpital, en phase de grande décompensation, avec des propos incohérents et un état d'incurie, avec une perte de poids importants. Lors de sa nouvelle hospitalisation, il a été placé en chambre de contention et à l'isolement pendant de nombreux mois. Le dernier certificat médical du 25 juin 2024 confirme la persistance des troubles.

Au vu de ces éléments médicaux, l'état de l'appelant justifie le maintien d'une hospitalisation complète, afin d'éviter un arrêt des soins et une nouvelle décompensation psychiatrique compromettant la sûreté des personnes. La décision du juge des libertés et de la détention sera ainsi confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Lionel BRUNO délégué par le premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grenoble du 13 juin 2024 maintenant la mesure d'hospitalisation complète de [O] [S] [V] en toutes ses dispositions ;

Disons que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe à l'ensemble des parties appelées par tout moyen ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Hospitalisation d'office
Numéro d'arrêt : 24/00081
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;24.00081 ?
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