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27/06/2024 | FRANCE | N°23/00292

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 27 juin 2024, 23/00292


C3



N° RG 23/00292



N° Portalis DBVM-V-B7H-LVI3



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL [6]









AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

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CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 22/00373)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 19 décembre 2022

suivant déclaration d'appel du 13 janvier 2023





APPELANTS :



S.E.L.A.R.L. [5] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit s...

C3

N° RG 23/00292

N° Portalis DBVM-V-B7H-LVI3

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL [6]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 22/00373)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 19 décembre 2022

suivant déclaration d'appel du 13 janvier 2023

APPELANTS :

S.E.L.A.R.L. [5] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Nicolas ROGNERUD de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Monsieur [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Nicolas ROGNERUD de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Organisme CPAM DE LA SAVOIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

dispensée de comparaitre

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 mai 2024,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu le représentant de l'appelant en ses conclusions et plaidoiries,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La SELARL [5], dont le siège social est situé à [Localité 7], a pour gérant monsieur [C] [K], infirmier libéral.

Le 14 septembre 2022, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Savoie a notifié à monsieur [K] un indu pour un montant de 14 046,71 euros fondé sur des anomalies liées au non respect des règles de facturation telles que prévues par la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) constatées au titre des soins réalisés entre le 2 août 2019 et le 24 décembre 2021.

Ce courrier, adressé en lettre simple, mentionne que les faits constatés lui ont été notifiés par courrier du 4 août 2022, en recommandé avec accusé de réception, retourné par la Poste avec la mention « pli avisé non réclamé ».

La SELARL [5] a assigné en référé la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie devant le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry par acte du 28 novembre 2022 au motif que des retenues d'un montant de 15 936,51 euros, lui causant un trouble manifestement illicite, ont été effectuées par la caisse primaire au titre de l'indu notifié par cette dernière le 14 septembre 2022, contesté par monsieur [K] le 8 novembre 2022 devant la commission de recours amiable.

Monsieur [K] est intervenu volontairement en cours d'instance.

Par ordonnance de référé du 19 décembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :

- déclaré irrecevable le recours formé par la SELARL [5] ;

- reçu l'intervention volontaire de M. [K] ;

- débouté M. [K] de l'intégralité de son recours ;

- condamné M. [K] aux dépens.

Le 13 janvier 2023, la SELARL [5] et monsieur [K] ont interjeté appel de cette ordonnance de référé.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 7 mai 2024 lors de laquelle la cour a dispensé la caisse primaire d'assurance maladie de comparaître sur sa demande formulée le 6 mai 2024 et les parties ont été avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 27 juin 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SELARL [5] et monsieur [C] [K], au terme de leurs conclusions d'appelants déposées le 10 juillet 2023, reprises oralement à l'audience, demandent à la cour de :

- réformer l'intégralité de l'ordonnance rendue par le juge des référés du pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry le 19 décembre 2022 en ce qu'il a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer recevables les demandes formulées par la SELARL [5],

- condamner la CPAM de Savoie à verser les prestations facturées par la SELARL [5] pour le mois de novembre 2022 d'un montant de 15.738,72 euros, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

- condamner la CPAM de Savoie à cesser les retenues illicites sur les paiements dus à la SELARL [5], sous astreinte de 300 euros par retenue illicite constatée,

- condamner la CPAM de Savoie à verser à la SELARL [5] une provision de 5.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices subis,

- condamner la CPAM de Savoie à verser à la SELARL [5] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Á titre subsidiaire,

- condamner la CPAM de Savoie à verser les prestations facturées par M. [K] pour le mois de novembre 2022 d'un montant de 15.738,72 euros, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

- condamner la CPAM de Savoie à verser à M. [K] une provision de 5.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices subis,

En tout état de cause,

- condamner la CPAM de Savoie à verser à M. [K] la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de première instance,

- condamner la CPAM de Savoie aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Ils soutiennent que le recours exercé par la SELARL [5] est recevable au motif qu'en réalité, seule la société a qualité à agir, représentée par monsieur [K] en qualité de gérant de la structure. Ils considèrent en outre que le recours étant également et conjointement exercé par monsieur [K] lui-même, les demandes formulées seront recevables en tout état de cause.

Ils font valoir que les retenues réalisées par la CPAM concernent les factures de soins établies au nom de celle-ci avec le numéro 73 6 75004 3 et non des factures dressées par monsieur [K] à titre personnel.

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, ils considèrent que les impayés de la caisse constituent un trouble manifestement illicite puisqu'il y a une contradiction certaine entre le titulaire du compte sur lequel ont été réalisées les retenues, à savoir la SELARL [5], et l'identité de la personne à qui l'indu a été notifié, monsieur [K]. D'après eux, il existe en outre un dommage imminent.

Ils exposent que la caisse primaire ne pouvait procéder de son propre chef à des retenues, alors que l'indu avait été contesté par monsieur [K] par deux courriers des 8 et 23 novembre 2022. Pour procéder à des retenues, la caisse primaire doit :

- soit bénéficier d'un titre exécutoire (rendant le juge de l'exécution compétent) et qui n'aurait pas été exécuté volontairement par son débiteur, ce qui n'est pas le cas concerné par la situation de la société [5],

- soit le faire dans les conditions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale en cas d'indu non contesté par le professionnel de santé, texte inapplicable au cas présent.

Ils prétendent que le second courrier de la CPAM de Savoie du 14 septembre 2022 a fait courir un nouveau délai de contestation de deux mois.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, dispensée de comparaître, selon ses conclusions d'intimée déposées le 15 avril 2024, demande à la cour de :

In limine litis,

- déclarer la SARL [5] irrecevable pour défaut de qualité à agir et en conséquence, rejeter l'intégralité de ses demandes,

Au fond et en tout état de cause,

- constater l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent,

- laisser les dépens à la charge de M. [K],

- débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes.

La caisse soutient que la SELARL [5] n'a pas qualité pour agir au nom et pour le compte de monsieur [K], de sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable. Elle observe que la facturation des actes litigieux a été réalisée via le numéro de monsieur [K] et non de la société, le numéro AM utilisé pour la facturation des actes litigieux étant celui de monsieur [K] (736750043) et correspond au numéro RPPS de professionnel de santé 10106642175 attribué à un cabinet individuel à son nom.

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'elle estime non caractérisé en l'espèce, elle s'interroge sur le montant réclamé par l'appelant qui ne correspond pas, d'après elle, ni au montant de l'indu notifié, ni même aux retenues concrètement effectuées.

Elle considère que ces retenues sont licites et régulières en l'absence de contestation par monsieur [K] dans le délai imparti de deux mois suivant la notification du 4 août 2022 envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception et non réclamée par celui-ci.

Elle expose qu'il a été régulièrement avisé du contrôle de facturation dont il faisait l'objet depuis le 3 juin 2022 (date de réception du constat d'anomalie envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mai 2022), n'a pas retiré le courrier recommandé du 4 août 2022, ni effectué de démarche auprès de ses services à réception du courrier simple du 14 septembre 2022 pour présenter ses observations dans les délais, comme le lui permettent les dispositions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale.

Elle prétend que monsieur [K] ne justifie pas davantage d'un dommage imminent dès lors que, dès réception de son recours devant la commission de recours amiable, les retenues sur prestations ont été suspendues.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de l'assignation en référé de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie par la SELARL [5] devant la formation de référé du pôle social du tribunal judiciaire.

L'article R 142-1-A-II° du code de la sécurité sociale dispose que : 'Sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les demandes portées devant les juridictions spécialement désignées en application des articles L 211-16, L 311-15 et L 311-16 du code de l'organisation judiciaire sont formées, instruites et jugées, au fond comme en référé, selon les dispositions du code de procédure civile'.

En application des dispositions combinées des articles L 142-4 et R 142-1 du même code, les demandes en référé formées devant ces juridictions ne sont pas soumises à la procédure de recours préalable obligatoire devant la commission de recours amiable, en ce qu'elles ne portent pas sur la contestation d'une décision d'un organisme de sécurité sociale préalablement notifiée au requérant.

Enfin, selon l'article 31 du code de procédure civile auquel renvoie par défaut le code de la sécurité sociale, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Au cas d'espèce, quand bien même le numéro AM de monsieur [K] a été utilisé pour la facturation des soins litigieux et correspond au numéro RPPS attribué à un cabinet individuel à son nom, il n'est pas contesté par la caisse et établi par les pièces versées par les appelants que les remboursements de soins par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie sont effectués sur le compte bancaire de la SELARL (à associé unique) [5] (pièce n° 3 : Banque de Savoie n° [XXXXXXXXXX02]) et que ces soins n'ont pas tous été pratiqués par monsieur [C] [K] mais aussi par une certaine [P], infirmière diplômée d'Etat collaboratrice de la SELARL [5] (pièce n° 8).

En conséquence, la SELARL [5] avait bien intérêt à agir pour obtenir, en référé, la condamnation sous astreinte de la caisse primaire d'assurance maladie à cesser les retenues qu'elle estime illicites sur les paiements effectués à elle et à reprendre le versement des prestations facturées par elle.

L'ordonnance querellée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable le recours formé par la SELARL [5].

- Sur les demandes en référé de M. [C] [K] et de la SELARL [5].

L'article L 133-4 du code de la sécurité sociale relatif à l'inobservation des règles de tarification, de distribution et de facturation des professionnels de santé en son III° dispose notamment que :

'Si le professionnel ou l'établissement n'a ni payé le montant réclamé, ni produit d'observations et sous réserve qu'il n'en conteste pas le caractère indu, l'organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir'.

Au cas présent :

- le 27 mai 2022, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié un constat d'anomalies pour une somme totale de 14 046,71 euros à monsieur [K] et demandé ses observations, avec un accusé réception de ce pli retiré par monsieur [K] le 3 juin ;

- le 4 août 2022, en l'absence de celles-ci, il a été notifié à monsieur [K] un indu de 14 046,47 euros avec indication du délai de deux mois pour saisir la commission de recours amiable en lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 11 août, présentée au cabinet professionnel de monsieur [K] le 12 août, pli non retiré, qui a été retourné à la caisse primaire d'assurance maladie le 30 août ;

- le 14 septembre 2022, une seconde notification d'indu identique lui a été adressée en lettre simple et le 8 novembre 2022 seulement, il a saisi d'un recours la commission de recours amiable pour contester le montant de l'indu.

La caisse admet avoir procédé à un total de 13 401,61 euros de retenues et il n'est pas contesté et justifié qu'elle a repris les paiements des facturations présentées le 29 novembre 2022 (pièce caisse n° 6).

À la date de clôture des débats en première instance le 12 décembre 2022, il n'y avait donc aucun trouble manifestement illicite à faire cesser ou dommage imminent à prévenir, puisque les retenues ont été pratiquées en application des dispositions légales de l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale précitées et ont cessé dès contestation de monsieur [K].

Le juge des référés ne peut non plus condamner la caisse primaire d'assurance maladie à verser à la SELARL [5] ou monsieur [K] une somme de 15 738,72 euros au titre des soins facturés en novembre 2022, sauf à se prononcer au fond sur le mérite ou non de l'indu, faisant l'objet de contestations sérieuses relevant de la compétence du juge du fond.

Pour les mêmes motifs, il ne peut être accordé à monsieur [K] une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices qui supposerait de reconnaître l'existence d'une telle créance de dommages et intérêts, non sérieusement contestable de monsieur [K] envers la caisse primaire d'assurance maladie.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée pour le surplus, sauf à débouter également la SELARL [5], jugée recevable en son action, de ses demandes.

Les dépens seront supportés par les appelants qui succombent.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme partiellement l'ordonnance RG n° 22/00373 rendue par le président du pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry le 19 décembre 2022 en ce qu'elle a déclaré irrecevable le recours formé par la SELARL [5].

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare recevable l'assignation en référé par la SELARL [5] de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie devant le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry.

Déboute la SELARL [5] de l'intégralité de ses demandes.

Confirme, pour le surplus, l'ordonnance du 19 décembre 2022.

Y ajoutant,

Condamne monsieur [C] [K] et la SELARL [5] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par monsieur Jean-Pierre Delavenay, président et par madame Chrystel Rohrer, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 23/00292
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.00292 ?
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