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27/06/2024 | FRANCE | N°22/04437

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 27 juin 2024, 22/04437


C6



N° RG 22/04437



N° Portalis DBVM-V-B7G-LTWW



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







La SELARL [3]



La SELARL BERNY AVOCAT





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COU

R D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 22/00062)

rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence

en date du 15 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2022





APPELANTE :



L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercic...

C6

N° RG 22/04437

N° Portalis DBVM-V-B7G-LTWW

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La SELARL [3]

La SELARL BERNY AVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 22/00062)

rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence

en date du 15 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2022

APPELANTE :

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE substitué par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SAS [4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Claire-Hélène BERNY de la SELARL BERNY AVOCAT, avocat au barreau de LYON substituée par Me Jordan MICCOLI, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 avril 2024,

Mme Elsa WEIL, Conseiller chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,

Et l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024 prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société [4], qui propose à des professionnels d'accroitre leur réseau professionnel en échange d'une adhésion annuelle, a fait l'objet d'un contrôle d'assiette et du respect de la législation sociale par les services de l'URSSAF pour les périodes allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019.

A l'issue du contrôle, une lettre d'observation datée du 7 juin 2021 lui a été adressée pour un montant de 38 868, 82 € lui notifiant trois chefs de redressements principalement liés à l'assujettissement et à l'affiliation des présidents et des ambassadeurs de clubs détaillés comme suit :

1. ASSUJETTISSEMENT ET AFFILIATION AU REGIME GENERAL ' PRESIDENT DE CLUB : Régularisation de 34.435,31 € de cotisations

2. ASSUJETTISSEMENT ET AFFILIATION AU REGIME GENERAL ' AMBASSADEURS : Redressement de 4.677,11€ de cotisations

3. FORFAIT SOCIAL ET PARTICIPATION PATRONALE AUX REGIMES DE PREVOYANCE AU 01/01/2012 : Redressement créditeur de 243,60 € de cotisations.

Après l'envoi d'un courrier le 12 juillet 2021 de la société [4], l'URSSAF a confirmé les chefs de redressement dans leur principe mais a ramené le chef de redressement n°1 à la somme de 29 023, 48 €.

Le 4 novembre 2021, l'URSSAF adressait à la société [4] une mise en demeure d'un montant total de 33 457 €.

Cette dernière a contesté les deux premiers motifs de redressement auprès de la commission de recours amiable par courrier en date du 27 septembre 2021.

Suite à la décision implicite de rejet de la commission, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Valence par requête du 25 janvier 2022 reçue au greffe le 27 janvier 2022.

La commission de recours amiable a rendu, par la suite, une décision explicite de rejet le 28 février 2022, notifiée le 2 mars 2022.

Par jugement en date du 15 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a notamment :

- annulé le redressement pour un montant de 20 023, 48 € relatif à l'assujettissement et à l'affiliation des présidents de clubs de la société [4] au régime général,

- confirmé partiellement le chef de redressement relatif à l'assujettissement et à l'affiliation des ambassadeurs de la société [4] au régime général et débouté cette dernière de sa demande d'annulation du redressement pour un montant de 4 677, 11 € à ce titre,

- condamné la société [4] au paiement de la somme de 4677, 11 € sans préjudice des majorations, au titre de l'assujettissement et l'affiliation au régime général des ambassadeurs de la société [4],

- déboute la société [4] et l'URSSAF RHONE ALPES de leurs demandes indemnitaires fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 décembre 2022, l'URSSAF RHONE ALPES a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 19 octobre 2023, la société [4] a formé un appel incident portant sur la validation du second chef de redressement.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 9 avril 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 18 juin 2024. La décision a été prorogée au 27 juin 2024 en raison d'une surcharge d'activité.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'URSSAF RHONE ALPES, selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives n°2 déposées le 2 avril 2024, et reprises à l'audience, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- confirmer les deux chefs de redressements notifiés par lettre d'observations du 7 juin 2021 à la société [4] relatifs à l'assujettissement des présidents et ambassadeurs ;

- condamner la société [4] à verser à l'URSSAF RHONE ALPES la somme de 35.093 euros au titre des cotisations, sans préjudice des majorations de retard initiales et complémentaires ;

- condamner la société [4] à verser à l'URSSAF RHONE ALPES la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF RHONE ALPES soutient que certains présidents de clubs, qui perçoivent un défraiement forfaitaire (entre 1 000 € et 5 000 € par an) pour exercer leur mission d'animation du club, n'étaient pas affiliés comme travailleurs indépendants. Or, ces derniers signent une charte avec la société [4] qui permet, selon l'URSSAF, de caractériser l'existence d'un contrat entre celle-ci et le président d'un club, une rémunération et un lien de subordination existant parallèlement entre les parties.

En effet, l'URSSAF relève que de nombreuses obligations imposées par la société [4] pèsent sur les présidents de clubs, que la société détient un pouvoir de sanction contre ces derniers, la charte précisant qu'ils ne seront défrayés que si les obligations ont été respectées, et qu'ils s'intègrent dans un service organisé par la société [4]. Elle souligne que pour les présidents non immatriculés comme travailleurs indépendants au RCS, il n'existe aucune présomption d'indépendance et que de ce fait, elle n'a pas à établir pour ceux-ci un quelconque lien de subordination. En tout état de cause, elle estime que ce lien est prouvé entre la société [4] et les présidents de clubs dans la mesure où ces derniers exercent une activité au profit de la société [4], à travers une relation contractuelle matérialisée par la charte des présidents, et contre une rémunération fixée également par celle-ci. De plus, elle relève que tout en étant libres des moyens à mettre en place, les présidents doivent répondre à des objectifs fixés par la société [4] et notamment établir un calendrier des réunions et maintenir un seuil de 12 membres au sein de son club. Elle souligne que si ce seuil n'est pas respecté, la société supprime le défraiement du président, ce qui constitue à ses yeux un véritable pouvoir de sanction. A ce titre, elle relève que la charte liste une série d'obligations dont le non-respect peut être sanctionné notamment par l'exclusion du club et du réseau [4], la procédure mise en 'uvre à cette fin s'apparentant à une procédure de licenciement. Enfin, elle explique que la société [4] fournit aux présidents de clubs des moyens logistiques pour remplir leurs objectifs et qu'inversement, ces derniers doivent lui transmettre l'ensemble des documents en sa possession sur les membres de son club et le fonctionnement de celui-ci.

Par ailleurs, en ce qui concerne les ambassadeurs, l'URSSAF explique que la situation de ces derniers est parfaitement similaire avec celle des présidents de clubs, une charte identique, assimilable à un contrat de travail comportant une rémunération et un lien de subordination, les concernant.

Enfin, l'URSSAF souligne que pour les présidents ou ambassadeurs immatriculés au RCS en qualité de travailleurs indépendants, les sommes ayant été déclarées comme des revenus de leur activité d'indépendant, elle n'a pas procédé à une régularisation mais a demandé à l'entreprise de se conformer à la législation pour l'avenir.

La SAS [4], par ses conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 19 octobre 2023, déposées le 18 mars 2024 et reprises à l'audience, demande à la cour de :

- Confirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Valence en ce qu'il a annulé le redressement pour un montant de 29 023,48 € au titre de l'assujettissement et affiliation au régime général des présidents de clubs de la Société [4],

- Infirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Valence du 15 novembre 2022 en ce qu'il a jugé qu'il existait un lien de subordination entre les Ambassadeurs et la Société [4], confirmé partiellement la décision de la CRA portant sur le second chef de redressement pour un montant de 4 677,11 € au titre de l'assujettissement et l'affiliation au régime général des ambassadeurs de la Société [4] et en ce qu'il a débouté la Société [4] de sa demande d'annulation du redressement,

Statuant à nouveau,

- Annuler le redressement notifié par lettre d'observation du 7 juin 2021 à la Société [4] relatif à l'assujettissement et à l'affiliation des Ambassadeurs, pour un montant de 4 77,11 Euros,

- Condamner l'URSSAF à verser à la Société [4] la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance

La SAS [4] expose que contrairement à ce qu'affirme l'URSSAF, il n'existe aucun lien de subordination entre les présidents de clubs et elle. Ainsi, elle explique qu'elle ne les choisit pas mais que les présidents sont élus au sein d'un club et que par la suite, ces derniers bénéficient d'une autonomie complète dans l'organisation et la gestion du club. Elle estime que la charte doit s'analyser comme un cahier des charges et que la simple existence d'obligations réciproques entre les présidents et la société [4] ne suffit pas à caractériser un lien de subordination entre elles et ne peut pas être assimilée au pouvoir de direction de l'employeur. De plus, elle souligne qu'elle n'intervient pas sur le choix des membres faisant partie du club, et que le président n'a pas à justifier de l'accomplissement de sa mission, aucun pouvoir disciplinaire n'étant exercé sur ce dernier et aucune exclusion n'étant possible dès lors que le président est à jour de sa cotisation. En revanche, la sanction financière prévue en cas de non réalisation de la prestation prévue permet de caractériser la nature commerciale du contrat et d'exclure toute notion de salariat, les sanctions financières étant expressément exclues par le droit du travail.

Par ailleurs, elle souligne que les rémunérations versées ne peuvent être assimilées à un salaire dans la mesure où elles ne sont pas fixes, et qu'elles peuvent être inexistantes en fonction du nombre de membres d'un club.

En ce qui concerne les ambassadeurs, elle explique que tout comme les présidents, l'ambassadeur est un travailleur indépendant qui organise son activité comme il l'entend, la charte n'étant qu'un cahier des charges permettant de structurer la relation entre ces derniers et elle. Elle souligne que si, à la différence des présidents, elle choisit les ambassadeurs, pour autant, elle ne leur donne pas d'instruction et ceux-ci n'exécutent pas leur activité au sein d'un service organisé. De même, elle souligne qu'elle ne contrôle pas la manière dont ils exécutent leur mission, la simple rédaction d'un compte rendu annuel ne permettant pas de caractériser celui-ci mais s'apparentant plutôt à une simple information. De plus, elle relève qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de sanction si un ambassadeur se révèle défaillant et que le non-paiement d'une mission s'inscrit dans une relation commerciale et non salariale, ce type de sanction étant interdite en droit du travail.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. L'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que " sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. "

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au présent litige précise que " les cotisations de sécurité sociale dues au titre de l'affiliation au régime général des personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3 sont assises sur les revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette définie à l'article L. 136-1-1. Elles sont dues pour les périodes au titre desquelles ces revenus sont attribués. "

Enfin, l'article L. 311-11 du code de la sécurité sociale dispose notamment que " Les personnes physiques visées au premier alinéa de l'article L. 120-3 du code du travail ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre. "

Par ailleurs, la jurisprudence définit le contrat de travail comme la convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous subordination, moyennant une rémunération. Trois éléments permettent donc de caractériser la relation de travail : l'exercice d'une activité professionnelle, une rémunération et un lien de subordination. Toutefois, c'est bien ce dernier élément qui va permettre de différencier le contrat de travail d'une relation contractuelle relative à l'exécution d'une prestation rémunérée. La jurisprudence a donc précisé cette notion en retenant que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

2. En l'espèce, la société [4] explique qu'elle propose des services à des professionnels afin de leur permettre d'accroître leur réseau professionnel et leur chiffre d'affaires en contrepartie d'une adhésion annuelle. A cette fin, elle met en place des clubs locaux composés de professionnels qui échangent, lors de réunions, des informations et des services professionnels. Chaque club est animé par un président, élu par les membres du club local. Le président s'appuie sur des ambassadeurs qui ont pour rôle de promouvoir l'activité de la société [4] et d'assister les présidents.

L'URSSAF a considéré qu'il existait un lien de subordination tant entre la société [4] et les présidents qu'avec les ambassadeurs.

3. En ce qui concerne les présidents, l'URSSAF a opéré une distinction entre les présidents de club qui justifiaient d'une immatriculation en qualité de travailleur indépendant et ceux qui n'étaient pas immatriculés en cette qualité. Le redressement ne concerne donc que les présidents non immatriculés.

L'URSSAF estime, concernant ces derniers, que n'étant pas inscrits au RCS en qualité de travailleurs indépendants, leur affiliation est automatique sans qu'elle ait à établir un quelconque lien de subordination. Or, l'article L. 8221-6 du code du travail dispose notamment que " I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.

Dès lors, si l'absence d'affiliation au RCS en qualité de travailleur d'indépendants ne permet pas de bénéficier de la présomption d'indépendance prévue par l'article sus-visé, en revanche, cette situation ne permet pas à l'URSSAF d'en déduire qu'a contrario, une présomption de salariat s'impose lui permettant ainsi de contourner la nécessité d'établir un lien de subordination entre les présidents non-inscrits et la société [4]. Ce moyen sera donc écarté.

4. Pour soutenir que le lien entre la société [4] et les présidents permet de caractériser un contrat de travail, l'URSSAF retient la signature d'une charte entre les parties, une rémunération forfaitaire, appelée 'défraiement' dans la charte, allant de 1000 à 5000 € par an et un lien de subordination caractérisé par une dépendance juridique des présidents vis-à-vis de la société [4] au regard des onze obligations mises à leur charge par la charte, la société pouvant également ne pas les défrayer si l'ensemble de ces obligations n'a pas été respecté, et l'intégration des présidents dans le cadre d'un service organisé, à travers la fourniture de moyens logistiques notamment.

5. Toutefois, si la charte (pièce 12 de l'intimé) ne précise pas la manière dont les présidents sont recrutés, il n'est pas contesté que ces derniers sont en réalité élus par leurs membres. Par ailleurs, si la charte indique que le président doit effectuer son mandat dans son intégralité (article 11), elle ne prévoit pas la possibilité pour la société [4] de pouvoir mettre fin à celui-ci. La société [4] ne peut donc choisir les présidents et mettre fin à leur mandat, ce qui ne correspond pas à la définition du pouvoir de direction et de sanction de l'employeur, qui a minima dispose du pouvoir de choisir ses salariés. De plus, la subordination du versement d'une rémunération au respect par le président des obligations posées par la charte qu'il signe après son élection n'apparaît pas constituer en elle-même un pouvoir de sanction, contrairement à l'analyse faite par l'URSSAF, dans la mesure où toute relation contractuelle peut, classiquement, subordonner la contrepartie d'une prestation au fait qu'elle soit effectivement réalisée.

6. Par ailleurs, en ce qui concerne l'intégration dans le cadre d'un service organisé, la charte laisse en réalité une grande latitude aux présidents dans l'organisation des réunions quant aux dates, lieux, horaires et fréquences, en dehors du nombre de celles-ci fixé à environ 22 par an. De même, les missions des présidents ne sont pas particulièrement définies, l'article 1 de la charte se contentant d'évoquer une animation " active et dynamique du club local " et les engagements vis-à-vis de la société [4] ayant trait à l'actualisation de relevés statistiques et au retour des tickets BIZ.

7. Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, l'URSSAF échoue à démontrer l'existence d'un lien de subordination entre la société [4] et les présidents des clubs. Le redressement portant sur l'assujettissement et l'affiliation des présidents de club sera donc annulée et le jugement confirmé sur ce point.

8. En ce qui concerne les ambassadeurs, la charte les concernant (pièce 14 de l'intimée) dispose qu'ils sont choisis par la société [4] (page 3 de la charte) et que celle-ci peut mettre fin à la relation contractuelle à tout moment et sans motif (article III Fin de la relation.) Par ailleurs, la mission de l'ambassadeur est précisément définie dans la charte, celle-ci prévoyant une série de missions confiées, un secteur d'intervention et des incompatibilités. La charte prévoit notamment que les ambassadeurs doivent rendre compte à la société [4] de leur action et du développement de chaque club de son secteur (1.1 3°).

De même, une rémunération est prévue pour les ambassadeurs, appelée " compensation financière " (article II), qui recouvre une rémunération proportionnelle au nombre d'adhésions enregistrées, des remboursements de frais et une rémunération selon le type de participation au club avec une prime significative lorsque le club atteint 20 membres.

9. Dès lors, il apparaît, au regard de l'ensemble de ces éléments, qu'un lien de subordination est possible entre les ambassadeurs et la société [4], à travers la faculté, pour celle-ci, d'exercer à l'encontre des ambassadeurs un pouvoir de direction et de sanction associé à une rémunération.

10. A nouveau, l'URSSAF a distingué entre les ambassadeurs faisant l'objet d'une immatriculation en qualité de travailleurs indépendants, pour lesquels il a adressé une observation pour l'avenir, et madame [J] et monsieur [E], qui n'ont fait l'objet d'aucune immatriculation, pour lesquels elle a adressé un redressement.

Au regard de la relation salariale pouvant exister entre deux des ambassadeurs et la société [4], il apparaît, nécessaire de surseoir à statuer afin que l'URSSAF puisse mettre en cause ces derniers afin qu'ils puissent être informés de la procédure les concernant et faire valoir leurs droits le cas échéant.

11. Dans l'attente, les dépens et les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile seront réservées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n°22/00062 rendu le 15 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence en ce qu'il a écarté un lien de subordination entre les présidents de clubs et la société [4] et annulé le premier chef de redressement pour un montant de 29 023, 48 € au titre de l'assujettissement et l'affiliation au régime général des présidents de clubs de la société [4].

Y ajoutant,

Sursoit à statuer sur le 2ème chef de redressement relatif à l'assujettissement et l'affiliation au régime général des ambassadeurs de la société [4], afin que l'URSSAF Rhône Alpes puisse mettre en cause madame [K] [J] et monsieur [W] [E] dans la présente procédure.

Réserve les dépens et les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne la réouverture des débats.

Renvoie la cause et les parties à l'audience du mardi 3 décembre 2024 - 9 heures.

Dit que le présent arrêt tient lieu de convocation sauf pour Mme [J] et M. [E].

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par monsieur Jean-Pierre Delavenay, président et par madame Chrystel Rohrer, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/04437
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.04437 ?
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