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27/06/2024 | FRANCE | N°22/04297

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 27 juin 2024, 22/04297


C5



N° RG 22/04297



N° Portalis DBVM-V-B7G-LTKG



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





La CPAM SAVOIE



Me Nadia BEZZI





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE G

RENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 20/00354)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 21 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2022





APPELANTE :



La CPAM SAVOIE HD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en ce...

C5

N° RG 22/04297

N° Portalis DBVM-V-B7G-LTKG

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La CPAM SAVOIE

Me Nadia BEZZI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 20/00354)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 21 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2022

APPELANTE :

La CPAM SAVOIE HD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service Juridique

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

dispensée de comparution à l'audience

INTIMEE :

Madame [C] [P]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Julia ROSA, avocat au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 avril 2024,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu le représentant de la partie intimée en ses conclusions et plaidoirie,

Et l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024 prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par courrier du 27 juillet 2020, la CPAM de la Savoie a notifié à l'avocat de madame [C] [P], en réponse à un courrier du 16 juin 2020 sur le suivi d'une déclaration d'accident du travail du 2 février 2018, un refus de donner suite à la demande d'instruction de ce dossier.

La commission de recours amiable de la caisse a rejeté, le 1er octobre 2020, la contestation de l'assurée.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry, saisi d'un recours de madame [P] contre la CPAM de la Savoie, a, par jugement du 21 novembre 2022 :

- déclaré le recours recevable,

- dit que Mme [P] a subi un accident du travail le 2 février 2018,

- enjoint la caisse de prendre en charge l'accident du travail ainsi que les soins et arrêts en découlant,

- condamné la caisse aux dépens et à verser à Mme [P] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration du 2 décembre 2022, la CPAM de la Savoie a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 26 mai 2023, la CPAM de la Savoie, dispensée de comparution à l'audience du 9 avril 2024, demande :

- que l'action soit déclarée prescrite,

- l'infirmation du jugement.

Par conclusions n° 2 du 2 avril 2024, la CPAM de la Savoie a ajouté à ses demandes des prétentions subsidiaires tendant au débouté des demandes de madame [P] et à ce qu'elle soit condamnée aux dépens, outre 11 pièces supplémentaires à son bordereau (pièces n° 18 à 28).

Par conclusions du 8 février 2024 reprises oralement à l'audience devant la cour, madame [P] demande :

- la confirmation du jugement,

- que son recours soit déclaré recevable,

- la reconnaissance de son accident du travail,

- la condamnation de la CPAM à prendre en charge l'accident du travail et les soins et arrêts en découlant,

- le débouté des demandes de la caisse,

- la condamnation de la caisse aux dépens d'instance et d'exécution et à lui verser deux sommes de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre de chaque instance.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

1. - L'article 16 du Code de procédure civile prévoit que « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »

La CPAM de la Savoie, qui a demandé sa dispense de comparution à l'audience du 9 avril, ne justifie pas la communication de ses conclusions du 2 avril à l'intimée, qui conteste les avoir reçues, en sachant que la cour les a reçues le 5 avril.

La cour n'est donc pas mise en mesure de vérifier que ces conclusions, et les pièces n° 18 à 28, ont été communiquées dans le respect du principe de la contradiction, elles seront donc écartées des débats.

2. - L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 1er septembre 2023, dispose que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »

L'article L. 441-2 du même code ajoute que : « L'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés.

La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit l'accident. »

Selon l'article R. 441-1 applicable depuis le 21 décembre 1985, « Les formalités de déclaration d'accident sont effectuées par l'employeur conformément aux dispositions des articles L. 441-2 et L. 441-4 . »

L'article R. 441-2, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 1er décembre 2019, ajoutait que : « La déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Elle doit être envoyée, par lettre recommandée, si elle n'est pas faite à l'employeur ou à son préposé sur le lieu de l'accident. »

L'article R. 441-3, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 1er décembre 2019, disposait que : « La déclaration de l'employeur ou l'un de ses préposés prévue à l'article L. 441-2 doit être faite par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés. »

Avant le 1er décembre 2019, l'article R. 441-10 prévoyait que : « La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. » ; et l'article R. 441-7 prévoyait que : « Les certificats médicaux adressés à la caisse primaire d'assurance maladie par le praticien, conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 devront mentionner, indépendamment des renseignements prévus audit article, toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l'origine traumatique ou morbide des lésions. »

À compter du 1er décembre 2019, des dispositions similaires étaient prévues inversement dans l'article R. 441-7 : « La caisse dispose d'un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial prévu à l'article L. 441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l'accident, soit engager des investigations lorsqu'elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées émises par l'employeur. » ; et l'article R. 441-10 : « Les certificats médicaux adressés à la caisse primaire d'assurance maladie par le praticien, conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 devront mentionner, indépendamment des renseignements prévus audit article, toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l'origine traumatique ou morbide des lésions. »

L'article L. 441-6 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 16 décembre 2020, précisait que : « Le praticien établit, en double exemplaire, un certificat indiquant l'état de la victime et les conséquences de l'accident ou les suites éventuelles, en particulier la durée probable de l'incapacité de travail, si les conséquences ne sont pas exactement connues. Il adresse directement un de ces certificats à la caisse primaire et remet le second à la victime. »

Il résulte donc de ces dispositions que dès lors qu'il est établi la survenance d'un évènement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celle-ci est présumée imputable au travail, sauf pour celui qui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail.

Mais il résulte également de ces dispositions qu'une reconnaissance implicite d'un accident du travail par la caisse primaire ne peut survenir qu'après le dépassement par la caisse de son délai d'instruction qui court à compter de la réception d'une déclaration d'accident du travail, qui n'est soumise à aucune forme, et d'un certificat médical initial, soumis aux prescriptions du Code de la sécurité sociale, ces documents étant destinés à permettre à l'organisme de sécurité sociale de statuer sur la survenance d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail ayant entraîné une lésion, ou sur la survenance d'une lésion à l'occasion du travail.

En l'espèce, madame [P] revendique une déclaration d'accident du travail par courrier du 6 février 2019 qui se limite à prier la caisse de « trouver, en annexe, l'original de la déclaration d'accident du travail établie le 25 janvier 2019 concernant un fait survenu le 2 février 2018 ». Il s'agit là d'une confusion entre la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial, puisque c'est le certificat médical initial du 25 janvier 2019 qui était joint au courrier du 6 février 2019.

Le certificat médical initial ne saurait être assimilé à la déclaration d'accident du travail en application des textes cités ci-dessus.

Par ailleurs, le courrier du 6 février 2019, qui ne se présente à aucun moment comme une déclaration d'accident du travail en soi, porte en outre en référence le renvoi à un « AT/MP du 10 mai 2017 », et non du 2 février 2018, ce qui ne pouvait que générer encore plus de confusion. Madame [P] verse d'ailleurs avec ses pièces une déclaration d'accident du travail du 24 octobre 2018 pour un accident du travail du 10 mai 2017 (au sujet d'un malaise ou d'une dépression après un entretien annuel) et un certificat médical initial du 31 aout 2018 (pour un épisode dépressif majeur post-entretien du 10 mai 2017).

Ainsi, non seulement ce que madame [P] présente comme une déclaration d'accident du travail était soit un courrier se référant à un autre accident du travail, soit un courrier adressant un certificat médical initial, mais il résulte de ces éléments que l'assurée a présenté à deux reprises des certificats médicaux initiaux très éloignés de la date de l'accident du travail concerné (25 janvier 2019 pour le 2 février 2018, 31 aout 2018 pour le 10 mai 2017).

Enfin, le certificat médical initial constatait une tentative de suicide, un burn-out et une souffrance au travail, donc trois évènements ou affections larges ou ne se recouvrant pas, sans autre précision sur le rattachement de l'un ou l'autre, à un fait survenu le 2 février 2018 ou plus particulièrement sur une tentative de suicide survenue à cette date, étant rappelé la confusion générée par une référence à un accident du travail du 10 mai 2017. Il convient de relever en outre que ce certificat ne comportait aucun autre élément sur les circonstances, la nature, le lieu et l'horaire précis d'un fait accidentel identifié qui aurait été en lien avec le travail, ni sur sa déclaration à l'employeur par la salariée.

3. - La CPAM de la Savoie a réclamé, par courrier du 8 février 2019 adressé à madame [P], un certificat médical initial comportant le diagnostic précis de la pathologie, ce qui a été régularisé par un second certificat médical initial du 25 janvier 2019 mentionnant une dépression grave. Pour autant, la caisse n'était toujours pas en possession d'une déclaration d'accident du travail en plus de ce certificat médical initial régularisé.

La CPAM de la Savoie a réclamé à l'employeur [5] une déclaration d'accident du travail par courrier du 8 février 2019, donc dans le délai de deux ans suivant l'accident allégué du 2 février 2018.

La seule déclaration d'accident du travail finalement fournie, en l'occurrence par l'employeur, date du 17 avril 2020, soit après la fin du délai de deux ans ayant couru à compter du 2 février 2018.

En vertu des dispositions rappelées ci-dessus, il ne saurait être fait grief à la caisse de n'avoir pas instruit une déclaration d'accident du travail inexistante dans ce délai de deux ans, dès lors que s'il appartenait à l'employeur de se conformer à ses obligations légales et réglementaires, madame [P], qui avait relancé son employeur, avait également la possibilité de réaliser une déclaration d'accident du travail de sa propre initiative ; en outre, ayant bénéficié d'arrêts de travail au titre de l'assurance maladie ordinaire, elle ne pouvait pas ignorer pendant deux ans que la CPAM ne l'indemnisait pas au titre d'un accident du travail.

4. - Le courrier du 16 juin 2020 demandant où en était l'instruction de la « déclaration d'accident du travail » de madame [P] est également intervenu au-delà du délai de deux ans ayant commencé à courir le 2 février 2018, pour apporter des éléments supplémentaires à la caisse primaire, afin qu'elle puisse commencer une instruction sur le caractère professionnel d'un fait qui serait survenu le 2 février 2018.

5. - C'est en vain que madame [P] se prévaut d'arrêts de la Cour de cassation qui ne sont pas en rapport avec les faits de la cause, s'agissant d'un cas où une déclaration d'accident du travail avait été réalisée avec le certificat médical initial (Civ. 2, 21 février 2008, 06-21.058), d'un autre où la caisse avait refusé la prise en charge d'une lésion au titre d'une maladie professionnelle puis classé sans suite un certificat médical initial relatif à un accident du travail en sachant que la cour a cassé l'arrêt qui n'avait pas vérifié que la caisse avait une connaissance suffisamment précise des circonstances du fait accidentel invoqué (Civ. 2, 12 février 2015, 13-25.188), et d'un autre où il s'agissait d'une déclaration d'accident du travail concernant le décès d'un salarié et donc en l'absence de certificat médical initial (Civ. 2, 2 mai 2007, 05-21.691). Ainsi, rien ne permet de considérer que l'absence de déclaration d'accident du travail au cours du délai de deux ans prévu pour la formaliser devait conduire la CPAM à instruire un dossier en accident du travail sur le fondement d'un seul certificat médical initial, imprécis, en accident du travail.

6. - Faute de déclaration d'accident du travail, de l'employeur ou de la salariée, jointe au certificat médical initial et permettant à la caisse d'engager une instruction sur un fait accidentel et son lien avec le travail de l'assurée, aucun délai d'instruction n'a commencé à courir et aucune reconnaissance implicite par dépassement du délai d'instruction n'a pu survenir pendant le délai de deux ans au cours duquel madame [P] avait le droit de se prévaloir d'un accident du travail du 2 février 2018.

Le jugement sera donc infirmé et l'appelante sera déboutée de ses demandes de reconnaissance d'un accident du travail et de prise en charge de celui-ci, de ses demandes indemnitaires, et elle sera condamnée aux dépens des deux instances, ce qui entrainera l'obligation de rembourser l'indemnité accordée par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Ecarte des débats les conclusions de la CPAM de la Savoie du 2 avril 2024 et les pièces n° 18 à 28 de la caisse.

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry du 21 novembre 2022.

Et statuant à nouveau,

Déboute madame [C] [P] de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne madame [C] [P] aux dépens de la procédure d'appel et de la première instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par monsieur Jean-Pierre Delavenay, président et par madame Chrystel Rohrer, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/04297
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.04297 ?
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