La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°23/03723

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2024, 23/03723


C1



N° RG 23/03723



N° Portalis DBVM-V-B7H-MACC



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Nadia BEZZI



la SELARL AIDI VIAL ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG R23/00013)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 04 octobre 2023

suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2023





APPELANTE :



S.A.S. COPAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualit...

C1

N° RG 23/03723

N° Portalis DBVM-V-B7H-MACC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Nadia BEZZI

la SELARL AIDI VIAL ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG R23/00013)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 04 octobre 2023

suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2023

APPELANTE :

S.A.S. COPAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY, substituée par Me Marine LEBRIS, avocat au barreau d'ANNECY,

INTIME :

Monsieur [P] [V] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Magalie AIDI de la SELARL AIDI VIAL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 avril 2024

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, en charge du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 juin 2024.

Exposé du litige :

M. [P] [V] [L] a été embauché par la SAS Copal le 1er avril 1986 selon contrat de travail à durée déterminée. Il occupait, au dernier état connu de la relation contractuelle, le poste de technicien de maintenance, niveau 4, échelon 1, coefficient 255 de la convention collective départementale des industries métallurgiques, électriques et connexes des départements de l'Isère et des Hautes Alpes.

Par requête du 13 juin 2023, M. [L] et le syndicat CGT Copal ont saisi le conseil de prud'hommes de Vienne en sa formation de référé, aux fins d'obtenir la condamnation de la SAS Copal à payer à M. [L] un rappel d'indemnité de trajet pour la période comprise entre février 2020 et janvier 2023, outre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 4 octobre 2023, le conseil de prud'hommes de Vienne, en sa formation de référé, a :

Déclaré qu'il était compétent pour traiter du litige,

Dit M. [L] recevable et partiellement bien fondé en ses demandes,

Dit les demandes du syndicat CGT Copal infondées,

Constaté que la SAS Copal a payé à M. [L] la somme de 818,35 en juin 2023 au titre de l'indemnité de trajet rétroactive sur les trois dernières années,

Condamné la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 2500 euros à titre de provision sur dommages et intérêts pour exécution déloyale et résistance abusive,

Condamné la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelé que la présente ordonnance est assortie de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 489 du code de procédure civile,

Fixé le salaire moyen mensuel brut de M. [L] au montant de 3816,92 euros,

Condamné la SAS Copal aux entiers dépens.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

La SAS Copal en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 25 octobre 2023.

Par conclusions transmises par voie électronique le 21 novembre 2023, la SAS Copal demande à la cour d'appel de :

« Infirmer l'ordonnance de la formation des référés du conseil de prud'hommes de Vienne du 4 octobre 2023 en ce qu'elle a :

- Déclaré qu'elle était compétente pour traiter du litige,

- Dit M. [L] recevable et partiellement fondé en ses demandes,

- Condamné la SAS Copal à verser M. [L] la somme de 2500 euros à titre de provision sur dommages-intérêts pour exécution déloyale et résistance abusive,

- Débouté la SAS Copal de ses demandes reconventionnelles à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS Copal aux dépens,

Statuant à nouveau,

Constater que la SAS Copal a payé à M. [L] 818,35 en juin 2023 au titre de l'indemnité de trajet rétroactive sur les trois dernières années,

Débouter M. [L] de cette demande,

Juger qu'il existe une contestation sérieuse sur les autres demandes,

Se déclarer incompétent au profit de la juridiction du fond,

Juger que les demandes de M. [L] sont irrecevables et infondées,

Débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel,

Condamner M. [L] à payer à la SAS Copal la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [L] aux dépens ».

Par conclusions transmises par voie électronique le 21 décembre 2023, M. [L] demande à la cour d'appel de :

« Rejeter toutes les demandes formées par la SAS Copal,

Juger que la formation des référés est compétente pour statuer sur ce litige,

Juger les demandes de M. [L] fondées et recevables,

Juger que M. [L] est domicilié à 12 km de la société Copal,

Juger que la société Copal a indemnisé M. [L] pour ses trajets en considération d'une distance de 6 km,

En conséquence,

Condamner la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 5000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts pour exécution déloyale et résistance abusive,

Condamner la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 2000 euros s'agissant de la procédure d'appel, outre 1500 euros au titre de la procédure devant la juridiction de premier degré,

En tout état de cause,

Rejeter toutes les demandes formées par la SAS Copal,

Infirmer l'ordonnance dans son principe s'agissant des demandes formulées par la syndicat CGT Copal,

Y procédant,

Condamner la SAS Copal à verser au syndicat CGT Copal à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession à hauteur de 5 000 euros,

Condamner la SAS Copal à verser au syndicat CGT Copal la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mars 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 8 avril, a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Le syndicat CGT Copal, qui a été débouté de ses demandes formulées devant les premiers juges, n'a pas interjeté appel de l'ordonnance de référé du 4 octobre 2023.

Pour autant, M. [L] a formulé des demandes au nom du syndicat CGT Copal dans le dispositif de ses conclusions.

Par note en délibéré transmise par voie électronique le 4 juin 2024, sur demande de la cour, la SAS Copal sollicite l'irrecevabilité des demandes formulées par M. [L] au nom du syndicat CGT Copal aux motifs, premièrement qu'elle n'a pas interjeté appel contre les chefs de l'ordonnance de référé ayant débouté le syndicat CGT Copal de ses demandes, deuxièmement que le syndicat, qui ne s'est pas constitué intimé, n'a pas formé appel incident sur ces chefs de l'ordonnance, ce dont il résulte que l'effet dévolutif n'a pas opéré pour ces chefs et que la cour n'en est pas saisie, troisièmement que M. [L] n'a pas le pouvoir de formuler des demandes au nom du syndicat.

M. [L] indique pour sa part que le syndicat CGT Copal, qui ne s'est pas constitué intimé, ne formule aucune demande en cause d'appel.

En considération de ces constatations, il y a lieu de déclarer les demandes formulées par M. [L] au nom du syndicat CGT Copal irrecevables pour défaut de qualité à agir.

Sur la compétence du juge des référés :

Moyens des parties,

La SAS Copal fait valoir que :

- Elle ne conteste pas que le contrat de travail de M. [L] prévoit au titre des avantages sociaux le paiement d'une indemnité de trajet par jour de travail effectif lorsque le lieu d'habitation du salarié est situé à plus de 5 km de la société,

- Elle a toujours appliqué le principe de paiement de l'indemnité de trajet en réévaluant si besoin les trajets en appliquant la règle de la distance la plus courte conformément aux prescriptions de l'URSSAF, et en faisant évoluer la méthode de calcul en fonction des outils disponibles : historiquement de clocher à clocher, puis en appliquant le calcul des distances réelles via les outils tels que Mappy ou ViaMichelin,

- Elle a reconnu au cours de l'année 2022 que l'ancienne méthode de calcul avait été maintenue pour certains salariés et que l'indemnité de trajet qui leur avait été versée avait été soit minorée soit majorée selon que l'ancienne méthode de calcul de la distance leur était plus ou moins favorable que la nouvelle méthode de calcul de la distance qui aurait dû leur être appliquée,

- Un consensus s'est dégagé pour ne pas régulariser pour le passé mais uniquement pour l'avenir, afin de ne pas pénaliser les salariés ayant perçu une indemnité de transport surévaluée,

- Elle a annoncé aux salariés ayant demandé un paiement rétroactif qu'elle ne régulariserait que pour l'avenir dans un courrier envoyé le 22 décembre 2022,

- Les salariés ont décidé de maintenir leur demande et elle a annoncé lors de la réunion du CSE du 8 juin 2023 qu'elle procéderait à la régularisation sur la paie de juin 2023,

- Malgré cette annonce, M. [L] a tout de même saisi la formation de référé,

- Il a bien perçu le montant rétroactif des indemnités de trajet qu'il réclamait au cours des trois dernières années avec sa paie du mois de juin 2023,

- Pour toutes ces raisons, M. [L] ne peut alléguer aucune faute ou aucune résistance abusive de sa part,

- Le salarié ne fait la démonstration d'aucun préjudice ni de son étendue résultant de la prétendue résistance abusive et exécution déloyale du contrat de travail,

- Il existe donc une contestation sérieuse sur les demandes indemnitaires de M. [L],

- M. [L] demande à la formation de référé de se prononcer sur des questions de fond,

- La formation de référé n'était donc pas compétente pour la condamner à allouer à M. [L] une somme à titre de provision sur dommages et intérêts pour résistance abusive et exécution déloyale du contrat de travail.

M. [L] fait valoir pour sa part que :

- Le refus de l'employeur de verser un rappel d'indemnité de trajet alors qu'il a lui-même reconnu son erreur dans le calcul de la distance entre le domicile et le lieu de travail caractérise un trouble manifestement illicite justifiant qu'une décision soit prise en référé pour la faire cesser,

- Sa demande ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse, l'employeur ayant reconnu son erreur,

- Sa demande présentait un caractère sérieux et évident.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour relève que le conseil de prud'hommes a constaté que la SAS Copal a payé à M. [L] la somme de 818,35 euros en juin 2023 au titre de l'indemnité de trajet rétroactive sur les trois dernières années.

Et la cour n'est saisie d'aucune demande en paiement d'un rappel d'indemnité de transport, M. [L] indiquant au contraire dans ses conclusions qu'il a été rempli de ses droits à ce titre.

Dès lors, la prétention de la SAS Copal visant à ce que le salarié soit débouté de sa demande de rappel d'indemnité de transport ne répond à aucune demande formulée par le salarié dans le dispositif de ses conclusions, et est en conséquence dépourvue d'objet.

Selon l'article R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article R. 1455-6 du même code, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Selon l'article R. 1455-7 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Par ailleurs, selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

En outre, selon l'article L. 3245-1 du même code, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Premièrement, il ressort des éléments versés aux débats par les parties que lors de la réunion du comité social et économique du 7 juillet 2022, la direction a été alertée sur le fait que certains salariés se voyaient encore appliquer la méthode dite de « clocher à clocher » pour déterminer la distance séparant leur domicile du siège de l'entreprise afin de calculer le montant de l'indemnité de trajet ; puis que la direction a reconnu lors de la réunion du comité social et économique du mois d'octobre 2022 que cela faisait « une dizaine d'années (que la méthode de "clocher à clocher" n'était plus utilisée) et que les indemnités de transport sont calculées sur le kilométrage le plus court entre le domicile et Copal », mais qu'un « grand nombre de salariés ne se voyait pas appliquer cette règle » ; et qu'elle a annoncé une régularisation de cette situation pour l'avenir à compter du mois d'octobre 2022.

Deuxièmement, le salarié établit qu'il a mis en demeure la SAS Copal, par lettre recommandée avec avis de réception du 19 décembre 2022, de lui verser un rappel d'indemnité de transport sur les trois années à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'erreur de son employeur, le salarié indiquant que la SAS Copal avait continué à lui appliquer la méthode de calcul de « clocher à clocher », alors qu'elle avait cessé d'appliquer cette méthode pour d'autres salariés depuis dix ans, et que la méthode de calcul de « clocher à clocher » lui était défavorable.

Troisièmement, il ressort d'un courrier en réponse de l'employeur du 22 décembre 2022 envoyé par lettre recommandée avec avis de réception que la SAS Copal a refusé d'accéder à la demande du salarié au motif que « le montant de (l')indemnité de trajet apparaît chaque mois sur (le) bulletin de salaire » depuis son embauche et qu'à aucun moment le salarié n'a fait part à la direction d'une erreur de calcul de distance, la SAS Copal ajoutant que le salarié n'apporte aucun élément nouveau justifiant qu'elle accède à sa demande de rappel d'indemnité de trajet pour les trois années précédant la connaissance de ladite erreur.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que la SAS Copal a reconnu qu'elle n'avait pas calculé la distance séparant le domicile de M. [L] de la société selon la nouvelle méthode utilisée dans l'entreprise depuis au moins dix ans, et que l'ancienne méthode qui avait continué de lui être appliquée lui était défavorable.

Ainsi, le préjudice subi par le salarié résultant d'un manque à gagner du fait du versement d'une indemnité de transport inférieure à celle qu'il aurait dû percevoir pendant au moins dix ans n'apparaît pas sérieusement contestable.

Quatrièmement, si l'employeur a indiqué lors de la réunion du comité social et économique du 8 juin 2023 qu'il allait mettre en 'uvre « la régularisation (de l'indemnité kilométrique) sur les trois dernières années pour tous les salariés concernés sur la paie du mois de juin 2023 », il apparaît que M. [L] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes le 26 avril 2023, soit avant cette annonce, et dans tous les cas, avant l'intervention de la régularisation.

Il en résulte, d'une part que la juridiction prud'homale en sa formation de référé était bien compétente pour ordonner à l'employeur le paiement de la créance indemnitaire, d'autre part que cette demande n'était pas sans objet au moment de la saisine de la juridiction.

Cinquièmement, il ressort des éléments du dossier et rappelés ci-dessus que l'employeur a refusé d'accéder à la demande de rappel d'indemnité du salarié sans lui opposer aucun motif susceptible de mettre en cause le bien-fondé de sa demande et qu'il n'est finalement revenu sur sa décision qu'au début du mois de juin 2023 après que trois salariés, dont M. [L], ont saisi le conseil de prud'hommes le 26 avril 2023, la SAS Copal ne produisant aucun élément susceptible d'expliquer ni justifier autrement son changement de position.

En effet, si la SAS Copal soutient que sa décision de ne procéder à un rappel d'indemnité de transport a été prise en accord avec les salariés afin de ne pas pénaliser ceux qui auraient, à l'inverse de M. [L], bénéficié pendant de nombreuses années d'une indemnité de transport surévaluée, elle ne verse aucun élément aux débats permettant de le démontrer.

Le refus de la SAS Copal caractérise ainsi une exécution déloyale du contrat de travail manifeste, de sorte que l'obligation de la SAS Copal de réparer le préjudice subi résultant de ce manquement ne se heurte à aucune opposition sérieuse.

En conséquence, la demande de provision sur dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail relevait également de la compétence de la formation de référé du conseil de prud'hommes.

Et le fait que l'employeur se soit acquitté de son obligation de verser le rappel d'indemnité de transport au moment où les premiers juges ont statué n'a pas rendu sans objet la saisine du salarié.

Au vu de ces constatations, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence de la formation de référé du conseil de prud'hommes soulevée par la SAS Copal et la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'objet de la demande du salarié.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties,

La SAS Copal fait valoir que :

- M. [L] a perçu le montant rétroactif des indemnités de trajet qu'il réclamait au cours des trois dernières années avec sa paie du mois de juin 2023,

- Il ne peut lui être reproché aucune résistance abusive, dès lors qu'elle a accédé à la demande de M. [L] avant que celui-ci saisisse la formation de référé,

- Il ne peut non plus lui être reproché aucune exécution déloyale du contrat de travail, la décision de ne tenir compte du nouveau calcul des distances que pour l'avenir résultant d'un consensus afin de ne pas pénaliser les salariés ayant perçu une indemnité surévaluée,

- M. [L] ne fait la démonstration d'aucun préjudice résultant du manquement allégué.

M. [L] fait valoir pour sa part que :

- Son contrat de travail prévoit le versement d'une indemnité de trajet lorsque le domicile se situe à plus de 5 km de l'entreprise,

- Un accord d'entreprise prévoit la rémunération des trajets à travers un tableau d'indemnisation,

- L'examen de ses bulletins de salaire permet de constater que l'employeur n'a pas indemnisé la distance réelle située entre son domicile et l'entreprise,

- Il était parfaitement légitime à solliciter la régularisation de sa situation, dès lors que la SAS Copal avait calculé son indemnité de trajet à partir d'une distance erronée,

- Bien qu'elle ait reconnu son erreur, la SAS Copal a refusé d'accéder à sa demande de rappel d'indemnité de trajet pour la période non prescrite,

- La résistance de la SAS Copal l'a contraint à saisir la juridiction prud'homale,

- Cette attitude caractérise une résistance abusive de la part de l'employeur et une exécution déloyale du contrat de travail.

Sur ce,

Selon l'article R. 1455-7 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat de travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Il a été précédemment constaté que la SAS Copal n'avait opposé aucune explication susceptible de justifier du bien-fondé de son refus d'accéder à la demande de rappel d'indemnité de transport formulée par le salarié, et que ce refus avait contraint M. [L] à saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes afin d'obtenir la réalisation de ses droits.

Ainsi, l'exécution déloyale du contrat de travail apparaît manifeste et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

M. [L] est dès lors bien fondé à solliciter devant la formation de référé une provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur.

Eu égard au comportement de la SAS Copal qui a contraint le salarié à la saisine de la juridiction prud'homale, afin d'obtenir le paiement du rappel d'indemnité de transport dû, il convient, comme les premiers juges, de condamner la SAS Copal à lui payer la somme de 2 500 euros net à titre de provision sur dommages et intérêts.

L'ordonnance de référé entreprise est confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer l'ordonnance de référé entreprise sur les frais irrépétibles et les dépens.

La SAS Copal est condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, cette condamnation emportant nécessairement rejet de sa demande reconventionnelle formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de l'appel,

REJETTE l'exception d'incompétence de la formation de référé soulevée par la SAS Copal,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'objet de la demande de M. [P] [V] [L] soulevée par la SAS Copal,

DECLARE irrecevables les demandes formulées par M. [P] [V] [L] au nom du syndicat CGT Copal,

CONFIRME l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Vienne en ce qu'il a :

Déclaré qu'il était compétent pour traiter du litige,

Constaté que la SAS Copal a payé à M. [L] la somme de 818,35 en juin 2023 au titre de l'indemnité de trajet rétroactive sur les trois dernières années,

Condamné la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 2 500 euros à titre de provision sur dommages et intérêts pour exécution déloyale et résistance abusive,

Condamné la SAS Copal à verser à M. [L] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SAS Copal aux entiers dépens,

Y ajoutant,

DEBOUTE la SAS Copal de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Copal à payer à M. [P] [V] [L] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS Copal aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 23/03723
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.03723 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award