N° RG 22/03035 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPOP
C5
N° Minute :
copie certifiée conforme délivrée
aux avocats le :
Copie Exécutoire délivrée
le :
aux parties (notifiée par LRAR)
aux avocats
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 25 JUIN 2024
APPEL
Jugement au fond, origine juge aux affaires familiales de Grenoble, décision attaquée en date du 27 juin 2022, enregistrée sous le n° 20/00288 suivant déclaration d'appel du 3 août 2022
APPELANTE :
Mme [R] [E]
née le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Isabelle STAUFFERT-GIROUD de la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008065 du 20/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIME :
M. [F] [K]
né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]/FRANCE
représenté par Me Jean-Michel DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
Mme Christelle ROULIN, Conseillère,
DEBATS :
A l'audience publique du conseil du 26 mars 2024, Mme Christelle Roulin, conseillère, chargée du rapport, assistée de Mme Abla Amari, greffière a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [F] et Mme [E] [R], tous les deux de nationalité française, ont vécu en concubinage puis se sont séparés.
Par acte authentique du 24 octobre 2014, ils ont acquis en indivision, à hauteur de 58,33'% pour Mme [E] et 41,67'% pour M. [K], un bien immobilier sis à [Localité 8] (38) au prix de 180 500 euros, financé par deux prêts et un apport personnel de 40 000 euros pour Mme [E] et 4 350 euros pour M. [K].
Le bien indivis a été vendu le 14 septembre 2018 et un litige est survenu entre les parties lors de la répartition du prix de vente séquestré en étude notariale.
Par exploit du 11 décembre 2019, Mme [E] a fait assigner M. [K] devant le juge aux affaires familiales de Grenoble en partage et sollicité le versement à son profit de l'intégralité de la somme séquestrée.
Par jugement contradictoire du 27 juin 2022, le juge aux affaires familiales de Grenoble a notamment':
ordonné les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existante entre M. [K] et Mme [E],
dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire pour y procéder s'agissant d'opérations purement comptables,
dit que la proportion de 58,33'% pour Mme [E] et 41,67'% pour M. [K] prévue à l'acte d'acquisition du bien immobilier indivis doit s'appliquer à la restitution aux parties de la somme de 30 484,88 euros actuellement détenue en la comptabilité de l'étude [B] de [Localité 10],
enjoint en conséquence, en tant que de besoin, l'étude [B] de [Localité 10], à verser aux parties la somme litigieuse de 30 484,88 euros selon la proportion susmentionnée,
dit que les sommes restant dues au titre des deux crédits à la consommation souscrits par les parties devront quant à elles être supportées par moitié par chacune d'elles au stade de la contribution à la dette,
rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
débouté Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,
dit que Mme [E] supportera la charge des dépens, avec application des règles applicables en matière d'aide juridictionnelle,
débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.
Le 3 août 2022, Mme [E] a interjeté appel du jugement du 27 juin 2022 en toutes ses dispositions expressément visées dans la déclaration d'appel.
Par acte du 25 octobre 2022, Mme [E] a assigné M. [K] en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Grenoble aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire du jugement déféré.
Par ordonnance de référé en date du 25 janvier 2023, la première présidente de la cour d'appel de Grenoble a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 février 2023, Mme [E] demande à la cour de':
réformer le jugement rendu le 27 juin 2022 par le juge aux affaires familiales de Grenoble,
et statuant à nouveau,
ordonner le versement au profit de Mme [E] de la somme de 29 445,39 euros actuellement séquestrée en l'étude [B], notaire à [Localité 10],
dire que la décision à intervenir sera opposable au notaire,
condamner M. [K] à la somme de 5 000 euros pour résistance abusive,
le condamner à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, M. [K] demande à la cour de':
déclarer l'appel interjeté par Mme [E] à l'encontre du jugement du 27 juin 2022 par le juge aux affaires familiales de Grenoble recevable mais non fondé,
confirmer cette décision en toutes ses dispositions,
débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
condamner Mme [E] à régler à M. [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, alors que Mme [E] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions expressément visées dans sa déclaration d'appel et sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, de réformer le jugement, sans préciser les chefs à infirmer, elle ne formule de demande qu'en ce qui concerne la restitution du prix de vente séquestré en l'étude de Me [B] et des dommages-intérêts pour résistance abusive. Le jugement sera donc confirmé pour le surplus conformément à l'article 954 du code de procédure civile, notamment en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision.
Sur le partage du prix de vente du bien immobilier :
En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Mme [E] demande d'infirmer le jugement et d'ordonner le versement à son profit de la somme de 29 445,39 euros séquestrée en l'étude [B], notaire à [Localité 10]. Elle précise que la somme séquestrée est désormais de 29 445,39 euros, le notaire ayant déduit plusieurs sommmes dues au Trésor public. Elle expose que la décision rendue permet à M. [K] de s'enrichir à son détriment, puisqu'il va percevoir la somme de 12 269,89 euros en ayant versé un apport de 4350 euros lors de l'acquisition du bien, alors qu'elle ne percevra que 17 715,55 euros en ayant versé un apport de 40 000 euros. Elle déclare avoir en outre investi plus que M. [K] pour l'amélioration de ce bien. Elle souligne qu'il est bien précisé dans l'acte de vente que, dans le cas, où le bien serait vendu avant amortissement total de l'emprunt, le prix de vente serait réparti en fonction des proportions de l'acquisition et que le notaire les avait bien informés de l'importance de conserver des preuves de leurs contributions respectives au financement de l'acquisition. Elle indique par ailleurs que M. [K] a une situation professionnelle plus enviable que la sienne, un patrimoine immobilier et qu'elle doit faire régler la moitié des crédits restant dus.
M. [K] demande de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la proportion 58,33%/41,67% doit s'appliquer à la restitution du prix de vente. Il souligne que l'acte authentique du 24 octobre 2024 prévoit une clause particulière s'agissant de la répartition du prix en cas de revente ou de partage, selon laquelle dans le cas où le bien serait vendu avant l'amortissement total de l'emprunt, le prix de vente sera réparti en fonction des proportions d'acquisition et il sera retenu sur la quote part revenant à chacun des vendeurs les sommes dont ils sont redevables à hauteur de 50% chacun au titre de l'emprunt et de toutes les charges afférentes à la propriété du bien (impôts), sous réserve de justifier le cas échéant que le financement ne s'est pas réalisé conformément aux quotités d'acquisition. Il souligne que Mme [E] ne revendique ni ne prouve que le financement du bien ne s'est pas réalisé conformément aux quotités d'acquisition mentionnées dans l'acte et sollicite une répartition selon les proportions 58,33%/41,67% du solde du prix de vente après remboursement des dettes pesant sur l'indivision.
Il est constant et il ressort de l'acte de vente en date du 24 octobre 2014 que le bien immobilier a été acquis au prix de 180 500 euros, outre les frais, financé par deux crédits d'un montant total de 169 450 euros et un apport de Mme [E] à hauteur de 40 000 euros et de M. [K] à hauteur de 4350 euros, soit un total de 154 725 euros pour Mme [E] et de 89 075 euros pour M. [K], chacun remboursant la moitié des crédits immobiliers. Cette répartition correspond à la quote part de propriété du bien, soit 58,33% pour Mme [E] et 41,67% pour M. [K].
Il est expressément prévu dans l'acte de vente une 'convention de répartition du prix en cas de revente ou de partage' selon laquelle : 'le prix de vente sera réparti entre les indivisaires au prorata de leur quote part de la propriété du bien. Cependant :
1° dans le cas où le bien serait vendu avant l'amortissement total de l'emprunt, le prix de vente sera réparti en fonction des proportions d'acquisition ci-dessus fixées.
Sur la quote part revenant à chacun des vendeurs, il sera retenu les sommes dont ils sont redevables, dans les proportions suivantes :
- au titre de l'emprunt (capital, intérêts, indemnités, accessoires, faris de mainelvée...) : à hauteur de 50% en ce qui concerne M. [K] et de 50% en ce qui concerne Mme [E],
- au titre de toutes les charges afférentes à la propriété du bien (impôts etc...) à hauteur de 50% en ce qui concerne M. [K] et de 50% en ce qui concerne Mme [E],
2°) si le financement ne se réalise pas conformément aux quotités d'acquisition mentionnées ci-dessus, il en sera tenu compte au profit de celui qui aura versé au delà de ce qui était prévu, le jour de la liquidation de l'indivision dans les termes de l'article 815-13 du code civil, sous réserve d'en justifier à cette date.
Enfin les acquéreurs déclarent avoir reçu toutes précisions et avertissements du notaire soussigné quant aux conséquences de leurs déclarations sur le financement de la présente acquisition et plus particulièrement quant à la réalité de leurs apports personnels. Ils se reconnaissent également informés de l'importance, notamment en vue de la revente du bien et du partage du prix devant en résulter, de conserver la preuve de leurs contributions respectives du financement de cette aqcuisition, ce dont ils déclarent faire leur affaire personnelle.
Cette convention est expressément acceptée par chacun des acquéreurs indivisaires'.
Il ressort de cette clause, visée par les deux parties dans leurs conclusions, que dans le cas où le bien serait vendu avant l'amortissement total de l'emprunt, le prix de vente sera réparti en fonction des proportions d'acquisition ci-dessus fixées et que, sur la quote part revenant à chacun des vendeurs, il sera retenu les sommes dont ils sont redevables, à proportion de 50% chacun.
La proportion 58,33% pour Mme [E] et 41,67% pour M. [K] s'applique au prix de vente, dont il faut ensuite déduire les sommes dont ils sont redevables à hauteur de 50% chacun, et non au reliquat du prix après déduction de ces sommes.
En disant que la proportion de 58,33% pour Mme [E] et 41,67% pour M. [K] s'applique à la restitution aux parties de la somme détenue en l'étude notariale, le juge aux affaires familiales a fait une mauvaise interprétation de l'acte de vente et le jugement doit donc être infirmé.
Il doit être également infirmé en ce qu'il a ordonné un partage de la somme de 30 484,88 euros, alors qu'il ressort des relevés de comptes communiqués par les deux parties que la somme séquestrée en l'étude notariale est d'un montant de 29 445,39 euros.
A la lecture de ce relevé de compte, il convient de répartir le prix de vente de 190 173,69 euros, à hauteur de 58,33%, soit 110 928,31 euros pour Mme [E] et de 41,67%, soit 79 245,38 euros pour M. [K], puis de déduire de ces sommes la moitié du montant total des charges relatives à l'emprunt et au Trésor public.
Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive :
Vu l'article 1240 du code civil ;
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, Mme [E] ne rapporte pas la preuve d'une telle faute ou mauvaise foi de M. [K]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'est pas opportun de faire droit aux demandes des parties à ce titre.
Sur les dépens de l'instance :
M. [K] sera condamné aux entiers dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du juge aux affaires familiales de Grenoble en date du 27 juin 2022 en ce qu'il a dit que la proportion de 58,33'% pour Mme [E] et 41,67'% pour M. [K] prévue à l'acte d'acquisition du bien immobilier indivis doit s'appliquer à la restitution aux parties de la somme de 30 484,88 euros actuellement détenue en la comptabilité de l'étude [B] de [Localité 10] et en ce qu'il a enjoint en conséquence, en tant que de besoin, l'étude [B] de [Localité 10], à verser aux parties la somme litigieuse de 30 484,88 euros selon la proportion susmentionnée, mais le confirme en ses autres dispositions frappées d'appel,
Statuant à nouveau,
Dit que le prix de vente de 190 173,69 euros est réparti à hauteur de 58,33% pour Mme [E] et de 41,67%, pour M. [K],
Dit que sur la quote part revenant à chacun des vendeurs, il sera retenu les sommes dont ils sont redevables au titre de l'emprunt et du Trésor public à proportion de 50% chacun,
Renvoie les parties devant l'étude [B], notaire à [Localité 10], aux fins de procéder la répartition des fonds sur les bases du présent arrêt,
Y ajoutant,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne M. [K] aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
PRONONÇÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par la greffière Abla Amari, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
A. AMARI A. BARRUOL