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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01894

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2024, 22/01894


C1



N° RG 22/01894



N° Portalis DBVM-V-B7G-LLQ5



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Laurent CHABRY





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



CO

UR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 21/00007)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 13 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 11 mai 2022





APPELANT :



Monsieur [L] [Y]

né le 01 Janvier 1973 à [Localité 10] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]



...

C1

N° RG 22/01894

N° Portalis DBVM-V-B7G-LLQ5

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Laurent CHABRY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 21/00007)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 13 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 11 mai 2022

APPELANT :

Monsieur [L] [Y]

né le 01 Janvier 1973 à [Localité 10] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Laurent CHABRY, avocat au barreau de LYON,

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. ALLIANCE MJ, prise en la personne de Me [N] [T] et Me [P] [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PCI. M ENERGIES,

[Adresse 1]

[Localité 4]

n'ayant pas constitué avocat, ni défenseur syndical, à qui la déclaration d'appel a été signifiée au siège à personne habilitée le 13 juillet 2022,

Association AGS-CGEA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

n'ayant pas constitué avocat, ni défenseur syndical, à qui la déclaration d'appel a été signifiée au siège à personne habilitée le 13 juillet 2022,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 mai 2024

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, en charge du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [L] [Y] a été embauché le 12 janvier 2013 suivant contrat de travail à durée indéterminée, par la société à responsabilité limitée (SARL) PCI.m Energies, anciennement dénommée PCI.m-GHIS, en qualité d'installateur photovoltaïque.

Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel brut de 2 912,90 euros.

La société PCI-m Energies est une société de moins de dix salariés qui dépend de la convention collective du bâtiment ouvriers Rhône-Alpes.

M. [Y] a été placé en activité partielle à compter du 17 mars 2020, dans le cadre des mesures gouvernementales prises au titre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Le 12 juin 2020, la société PCI.m Energies lui a adressé une lettre de mise en demeure, au motif que depuis le 9 juin 2020, il ne s'était pas présenté sur le chantier.

Le 3 octobre 2020, la société PCI.m Energies lui a notifié un avertissement par courrier.

Le 14 octobre 2020, lui a notifié un second avertissement par courrier.

Par courrier en date du 16 octobre 2020, M. [Y] a contesté le second avertissement.

Par courrier du même jour, il a dénoncé ses conditions de travail, et mis en demeure la société PCI.m Energies de respecter ses obligations contractuelles.

Par courrier en réponse en date du 23 octobre 2020, la société PCI.m Energies a contesté la mise en demeure de M. [Y].

Par courrier recommandé du 30 octobre 2020, la société PCI.m Energies a adressé un courrier à M. [Y], en lui demandant de justifier de son absence.

Le 6 novembre 2020, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 17 novembre 2020.

Le 20 novembre 2020, M. [Y] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Par courrier en date du 11 décembre 2020, M. [Y] a contesté ses conditions de travail et les motifs de son licenciement pour faute grave.

C'est dans ces conditions que par requête en date du 11 janvier 2021, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne aux fins de contester le bien-fondé de ces avertissements et de son licenciement, de voir reconnaitre une situation de harcèlement moral à son endroit et obtenir les indemnités afférentes.

La société PCI.m Energies s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 15 février 2022, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL PCI.m Energies, et désigné la SELARL Alliance MJ représentée par Maître [N] [T] et [P] [G], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 13 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Vienne a :

Dit et jugé que les avertissements notifiés à M. [Y] les 3 et 14 octobre 2020 sont justifiés ;
Dit et jugé que M. [Y] n'a pas été victime de harcèlement moral ;
Dit et jugé que le licenciement de M. [Y] n'est pas nul ;
Dit et jugé que le licenciement de M. [Y] n'est pas sans cause réelle et sérieuse ;
Dit et jugé que le contrat de travail n'a pas été exécuté de façon déloyale par la société PCI.m Energies ;
Débouté M. [Y] de sa demande d'annulation des avertissements des 3 et 14 octobre 2020 ;
Débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
Débouté M. [Y] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement nul et de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
Débouté M. [Y] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
Débouté M. [Y] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de sa demande d'indemnité de licenciement ;
Débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
Débouté M. [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [Y] aux entiers dépens de l'instance.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception distribués le 16 avril 2022 pour M. [Y] et à une date inconnue pour la société PCI.m Energies.

Par déclaration en date du 11 mai 2022, M. [Y] a interjeté appel.

Par actes d'huissier en date du 13 juillet 2022, M. [Y] a :

- signifié la déclaration d'appel à la SELARL Alliance MJ représentée par Maître [N] [T] et [P] [G], en qualité de liquidateur judiciaire, et à l'AGS-CGEA de [Localité 7] selon les modalités de remise à personne morale

- signifié ses conclusions à la SELARL Alliance MJ représentée par Maître [N] [T] et [P] [G], en qualité de liquidateur judiciaire, et l'AGS-CGEA de [Localité 7], selon les modalités de remise à personne.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Y] sollicite de la cour de :

« Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Vienne ;

Et statuant à nouveau,
Annuler les avertissements notifiés à M. [Y] les 3 et 14 octobre 2020 ;
Juger que M. [Y] a été victime de harcèlement moral ;
Juger nul le licenciement pour faute grave de M. [Y] ;

Subsidiairement,
Juger que le licenciement de M. [Y] ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse ;
Juger que le contrat de travail ayant lié les parties a été exécuté de façon déloyale par la société PCI.m Energies ;

En conséquence,
Fixer au passif de la société PCI.m Energies les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts au titre de l'annulation des avertissements des 3 et 14 octobre 2020 : 1 500 euros net ;
- Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros net ;
- Indemnité compensatrice de préavis : 5 825,80 euros brut ;
- Congés payés afférents : 582,58 euros brut ;
- Indemnité de licenciement : 6 066,11 euros net ;
- Dommages et intérêts pour licenciement nul : 30 000 euros net ;

Subsidiairement,
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 000 euros nette ;
Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 8 000 euros net ;
Condamner la société Alliance MJ, représentée par Me [N] [T] et [P] [G], ès-qualités de liquidateur de la société PCI. Energies, à remettre à M. [Y] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes aux condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
Condamner la société Alliance MJ représentée par Me [N] [T] et [P] [G], ès-qualités de liquidateur de la société PCI.m Energies et l'AGS-CGEA aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel. »

La SELARL Alliance MJ représentée par Maître [N] [T] et [P] [G], en qualité de liquidateur judiciaire, et l'association Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 7] n'ont pas constitué avocat.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 09 avril 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 6 mai 2024, a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

SUR QUOI :

Il doit être rappelé à titre liminaire que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la contestation des avertissements notifiés le 03 et le 14 octobre 2020 :

D'une première part, l'article L. 1331-1 du code du travail énonce :

Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En application des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, en cas de litige, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié à l'appui de ses allégations, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

D'une deuxième part, il résulte des dispositions de l'article L 5122-1 du code du travail que :

I- Les salariés sont placés en position d'activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l'autorité administrative, s'ils subissent une perte de rémunération imputable :

-soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d'établissement ;

-soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail.

En cas de réduction collective de l'horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d'activité partielle individuellement et alternativement.

II. - Les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'Etat. L'employeur perçoit une allocation financée conjointement par l'Etat et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage. Une convention conclue entre l'Etat et cet organisme détermine les modalités de financement de cette allocation.

Le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.

En application de ces dispositions, le chômage partiel entraîne la suspension du contrat de travail. En cas de chômage partiel avec réduction des horaires, et non d'arrêt total de l'activité, l'entreprise peut alterner dans la semaine les jours de télétravail ou de travail sur site et les jours d'inactivité pour chômage partiel.

D'une troisième part, selon l'article R 4624-29 du code du travail, dans sa version applicable du 1er janvier 2017 au 31 mars 2022, en vue de favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs en arrêt de travail d'une durée de plus de trois mois, une visite de pré-reprise est organisée par le médecin du travail à l'initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du travailleur.

En l'espèce, par courrier en date du 3 octobre 2020, la SARL PCI.m Energies a notifié à M. [Y] un avertissement, au motif que le 02 et le 03 octobre 2020, il ne s'est pas rendu, sans prévenir la direction, sur un chantier situé à [Localité 9].

Par courrier en date du 14 octobre 2020, la SARL PCI.m Energies a notifié à M. [Y] un nouvel avertissement, au motif que le 12 et le 13 octobre 2020, il ne s'est pas rendu, sans prévenir la direction, sur un chantier situé à [Localité 8].

La cour observe d'abord que contrairement à l'affirmation de M. [Y], l'entreprise n'avait pas arrêté totalement son activité, seul un dispositif de chômage partiel ayant été mis en place à compter du 18 mars 2020, lequel était toujours en cours durant le mois d'octobre 2020, comme le démontrent ses bulletins de paie, de sorte que l'employeur pouvait lui adresser la directive de se rendre sur un chantier.

Et M. [Y] en était parfaitement informé puisque l'examen de son bulletin de salaire du mois de juin 2020 démontre qu'il a travaillé au début du mois de juin 2020.

En revanche il résulte des pièces produites que M. [Y] se trouvait en arrêt pour maladie à compter du 09 juin 2020, puis durant tout le mois de juillet, d'août et septembre 2020, puis placé de nouveau en chômage partiel le 1er octobre 2020.

Or l'employeur, qui ne conclut pas sur cette demande, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que M. [Y] a été précisément préalablement informé des directives données concernant les chantiers qu'il devait réaliser les 2,3,12 et 13 octobre, ni qu'un planning lui avait été transmis pour le mois d'octobre 2020.

Et la cour observe que l'employeur, qui affirme dans le courrier d'avertissement du 14 octobre 2020, que M. [Y] lui a envoyé un courriel dans lequel il reconnait avoir refusé de se rendre sur ces deux chantiers, ne produit pas ce courriel aux débats.

Aussi, l'employeur n'apporte aucun élément de réponse au courrier de contestation du second avertissement que lui a adressé M. [Y] le 16 octobre 2020, dans lequel il indique qu'« il n'y avait ni camion, ni carte Go, ni matériel pour moi ».

Enfin, la cour a rappelé que M. [Y] se trouvait en arrêt maladie du 09 juin au 30 septembre 2020.

Or l'employeur ne démontre pas davantage avoir organisé une visite médicale de reprise, alors qu'il reproche à son salarié de ne pas s'être rendu sur son lieu de travail les 02,03, 12 et 13 octobre 2020.

En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que les deux avertissements notifiés au salarié ne sont pas justifiés par l'employeur, de sorte qu'ils doivent annulés, et ce par infirmation du jugement entrepris.

La cour relève que M. [Y] a subi un préjudice moral à raison de la notification de ces avertissements injustifiés qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 500 euros net pour chaque avertissement.

Par infirmation du jugement déféré, il convient de fixer la créance de M. [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PCI-m Energies à la somme de 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts.

Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

« En cas de litige relatif à l'application des articles L. 1151-1 à L. 1152-3 et L. 1152-3 à L. 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, M.[Y] fait valoir, au titre du harcèlement moral qu'il soutient avoir subi, les faits suivants :

- l'employeur lui a adressé un courrier de mise en demeure le 12 juin 2020 au motif qu'il aurait été en absence depuis le 9 juin 2020, alors même que l'employeur savait qu'il se trouvait en arrêt maladie,

- l'employeur lui a notifié deux avertissements injustifiés,

- il a été le seul salarié de l'entreprise à ne pas faire l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique, ou une rupture conventionnelle.

Premièrement, M. [Y] démontre que son employeur lui a adressé un courrier de mise en demeure pour abandon de poste le 12 juin 2020, en lui reprochant son absence depuis le 9 juin 2020.

Or M. [Y] soutient que son employeur savait qu'il se trouvait en arrêt de travail pour maladie, lequel apparait sur son bulletin de salaire du mois de juin 2020 à compter du 09 juin 2020.

Mais M. [Y] s'abstient de produire cet arrêt maladie, et ne justifie pas davantage qu'à la date du 12 juin 2020, il l'avait effectivement transmis à son employeur.

Dès lors, M. [Y] n'objective pas que l'employeur lui a adressé cette mise en demeure, en parfaite connaissance de son arrêt maladie.

Ce fait n'est donc pas retenu.

Deuxièmement, M. [Y] n'apporte aucune pièce, ni aucun élément, au soutien du fait qu'il a été le seul salarié de l'entreprise à ne pas faire l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique ou une rupture conventionnelle.

Ce grief n'est donc pas matériellement établi.

Troisièmement, il a été jugé que les deux avertissements notifiés à M. [Y] les 03 et 14 octobre 2020 étaient injustifiés.

En outre, il résulte des pièces produites que ces avertissements se sont inscrits dans un contexte de pression exercée sur le salarié, lequel a adressé un courrier recommandé à son employeur le 16 octobre 2020, en lui reprochant « une pression qui continue avec à chaque fois des appels, des textos, des mails, et des courriers recommandés à répétition pour constituer un dossier disciplinaire à mon encontre ».

Dès lors, il résulte de ce qui précède que le salarié établit des faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement à son encontre.

Or en réponse, la SARL PCI.m Energies n'allègue d'aucune justification utile, pour considérer que les éléments de fait retenus sont étrangers à tout agissement de harcèlement moral.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que le salarié a fait l'objet de harcèlement moral ayant eu pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Compte tenu des circonstances décrites, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour M. [Y], il convient de retenir que le préjudice subi par le salarié doit être réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros net à titre de dommages-intérêts.

Par infirmation du jugement entrepris, la créance de M. [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PCI-m Energies, sera fixée au titre du harcèlement moral à hauteur de 3 000 euros.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur :

Il résulte de l'article L 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

En l'espèce, M. [Y] affirme que :

- il a été embauché en qualité d'Installateur photovoltaïque,

- sans qu'aucun avenant ne soit régularisé, il lui a été confié des fonctions de Plombier comme le démontre le bulletin de paie établi à compter du mois de juillet 2015,

- il devait gérer 5 équipes de sous-traitants alors même que cette mission ne figurait nullement dans son contrat de travail,

- cette situation lui a incontestablement causé un préjudice financier puisqu'il n'a pas perçu le salaire légitimement dû.

Or la cour constate que M. [Y] produit :

- son contrat de travail en date du 12 janvier 2013, indiquant qu'il occupe les fonctions d'installateur photovoltaïque,

- son bulletin de salaire du mois de juin 2015, mentionnant un emploi d'installateur photovoltaïque,

- ses bulletins de salaire à compter du mois de juillet 2015, lesquels mentionnent un emploi de plombier installateur photovoltaïque.

Ainsi, M. [Y] ne produit aucune pièce ni aucun élément objectif, établissant comme il l'affirme qu'il exerçait des fonctions différentes de celles pour lesquelles il avait été embauché, alors que cette preuve lui incombe.

Il ne démontre pas davantage la réalité d'un quelconque préjudice, lié au salaire auquel il aurait pu prétendre au titre de ces nouvelles fonctions.

Et le courrier de mise en demeure adressé à son employeur le 16 octobre 2020, dans lequel il lui demande de respecter ses obligations au vu du contrat qui les lie, ne fait état d'aucune réclamation relative aux fonctions confiées au salarié.

Dès lors, la demande de M. [Y] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la contestation du licenciement :

Premièrement selon les dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Conformément aux articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

Deuxièmement l'article 1152-3 du code du travail énonce que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition contraire est nul.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement en date du 20 novembre 2020, qui fixe les limites du litige en application de l'article L. 1232-6 du code du travail, que la société PCI.m Energies reproche à M. [Y] son absence injustifiée le 22 octobre 2020, alors qu'il était attendu pour se rendre sur un chantier, l'employeur rappelant que deux avertissements lui avaient été notifiés pour des faits identiques.

Or la cour ne peut que constater que la société PCI.m Energies, qui n'a pas déposé de conclusions devant la cour d'appel, est défaillante à apporter la preuve, qui lui incombe de la faute grave reprochée.

En effet, premièrement, la société PCI.m Energies reproche à M. [Y] son absence le 22 octobre 2020, sans justifier que le salarié était précisément informé des horaires, du lieu, et des modalités éventuelles des chantiers sur lesquels il devait intervenir durant cette période où l'entreprise avait mis en 'uvre un dispositif d'activité partielle.

Elle ne justifie d'ailleurs même pas qu'un planning lui avait été transmis pour le mois d'octobre 2020.

Deuxièmement, la cour a relevé que l'employeur ne démontrait pas davantage avoir organisé une visite médicale de reprise, alors que son salarié s'était trouvé absent pour maladie durant plus de trois mois, jusqu'au 01 octobre 2020.

Troisièmement, il a été relevé que les deux avertissements précédents n'étaient pas justifiés, et s'inscrivaient dans un contexte de harcèlement moral subi par le salarié.

Dès lors, au visa de l'article 1152-3 du code du travail, il convient donc de prononcer la nullité du licenciement de M. [Y], par infirmation du jugement dont appel.

Sur les demandes financières :

Le licenciement de M. [Y] étant nul, le salarié est fondé à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de licenciement.

Ses bulletins de salaire établissent que son salaire moyen brut s'élevait à la somme de 2912,90 euros brut.

Il y a donc lieu de retenir les calculs effectués par M. [Y] et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PCI-m Energies la créance de M. [Y], soit les sommes suivantes, sur le montant desquelles l'employeur ne formule aucune observation utile :

- 5 825,80 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 582,58 euros brut au titre des congés payés afférent,

- 6 066,11 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Par ailleurs, l'article L. 1235-3-1 du code du travail, les dispositions définissant un barème d'indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité afférente à des faits de harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [Y] qui justifie d'une ancienneté dans l'entreprise de sept années entières, était âgé de 47 ans à la date de la rupture. Il justifie avoir perçu une allocation de retour à l'emploi jusqu'au 09 juillet 2021.

A la date du 19 juillet 2021, il a immatriculé son entreprise de pose et d'installation thermique.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'allouer au salarié la somme de 18 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, il convient de fixer la créance de M. [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PCI-m Energies, à hauteur de 18 000 euros.

Sur la garantie de l'AGS :

Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 7] doit sa garantie selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

Sur la remise d'une attestation Pôle emploi, devenu France travail et d'un bulletin de salaire rectifiés :

Il convient d'ordonner à la SELARL Alliance MJ, représentée par Maître [N] [T], pris en sa qualité' de liquidateur judiciaire de la SARL PCI.m Energies de remettre à M. [Y] un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt, et ce par infirmation du jugement entrepris.

La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.

Sur les demandes accessoires :

Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et de la confirmer s'agissant des frais irrépétibles, M. [Y] n'ayant formulé aucune demande à ce titre.

La SELARL Alliance MJ, représentée par Maître [N] [T], pris en sa qualité' de liquidateur judiciaire de la SARL PCI.m Energies, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le contrat de travail n'a pas été exécuté de façon déloyale par la société PCI.m Energies ;
- Débouté M. [L] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
- Débouté M. [L] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'INFIRME, pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

ANNULE les avertissements notifiés à M. [L] [Y] les 3 et 14 octobre 2020,

DIT que le licenciement de M. [L] [Y] est nul,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PCI.m Energies les sommes suivantes :
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts au titre des avertissements notifiés les 3 et 14 octobre 2020,

- 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5 825,80 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 582,58 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 6 066,11 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 18 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,  

ORDONNE à la société Alliance MJ, représentée par Me [N] [T] et [P] [G], ès-qualités de liquidateur de la société PCI.m Energies, à remettre à M. [L] [Y] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat, conformes au présent arrêt,

REJETTE la demande d'astreinte,

DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS représentée par l'AGS-CGEA d'[Localité 7] et qu'elle doit sa garantie dans les conditions définies par l'article L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux,

CONDAMNE la société Alliance MJ représentée par Me [N] [T] et [P] [G], ès-qualités de liquidateur de la société PCI.m Energies, aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/01894
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01894 ?
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