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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01793

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2024, 22/01793


C4



N° RG 22/01793



N° Portalis DBVM-V-B7G-LLIB



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

- CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 20/00061)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCE

en date du 04 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 02 mai 2022





APPELANTS :



Monsieur [N] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représ...

C4

N° RG 22/01793

N° Portalis DBVM-V-B7G-LLIB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 20/00061)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCE

en date du 04 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 02 mai 2022

APPELANTS :

Monsieur [N] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

Syndicat L'UNION SYNDICALE DES TRAVAILLEURS DE LA MÉTALLURG IE (USTM) CGT DROME ARDECHE, pris en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

Syndicat L'UNION LOCALE CGT DE [Localité 8], pris en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE :

S.A.S. CAROSSERIE VINCENT ET FILS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Olivier DUBOST, avocat plaidant inscrit au barreau de SAINT-ETIENNE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 mai 2024

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [N] [J], né le 7 août 1961, a été embauché par la société par actions simplifiée (SAS) Carrosserie Vincent et fils, à compter du 1er juillet 1977 en qualité de ferreur, statut ouvrier, coefficient 170.

Le contrat est soumis à la convention collective nationale des services de l'automobile (commerce et réparations).

En 1992, M. [J] a occupé des fonctions de représentant du personnel au comité d'entreprise, dont il a démissionné le 1er août 1995.

Le 23 octobre 2001, la société Carrosserie Vincent et fils a notifié à M. [J] un premier avertissement pour avoir accompli son travail de manière délibérément lente sans respecter les consignes.

En 2002, M. [J] a été élu membre de la délégation unique du personnel.

A compter de 2002 M. [J] a formulé plusieurs demandes auprès de l'inspection du travail relatives aux différences de traitement qu'il estimait subir du fait de ses activités de représentant du personnel au sein de la société.

En mai 2003, suite à l'entrée en vigueur d'un avenant de la convention collective instituant, à compter du 1er juin 2003, une nouvelle grille de classification, la société Carrosserie Vincent et fils a informé M. [J] de son nouveau positionnement à l'échelon majoré 5 avec la qualification d'opérateur.

Le 11 février 2008, la société Carrosserie Vincent et fils a notifié à M. [J] un deuxième avertissement pour avoir refusé de se présenter à son entretien annuel.

Le 15 mai 2008, la société Carrosserie Vincent et fils a notifié à M. [J] un troisième avertissement pour avoir manqué de respecter la procédure de prise de congés.

Le 28 avril 2009, la société Carrosserie Vincent et fils a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de M. [J].

Par décision en date du 31 juillet 2009 la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle de la Drôme a refusé le licenciement de M. [J].

Par décision en date du 4 février 2010 le Ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé l'autorisation de licenciement de M. [J].

Par requête en date du 4 mai 2010 M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence d'une demande en annulation de plusieurs sanctions disciplinaires et en paiement de dommages intérêts pour discrimination syndicale.

Le 10 janvier 2011, M. [J] a été désigné en qualité de délégué syndical CGT.

Par jugement en date du 13 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Valence a rejeté les demandes d'annulation des sanctions et condamné la société Carosserie Vincent et fils à verser à M. [J] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts « pour discrimination salariale en application de l'article L. 1132-1 du code du travail ».

Par courrier en date du 3 janvier 2017 l'inspectrice du travail a constaté que M. [J] n'avait pas bénéficié de la même évolution salariale et professionnelle que ses collègues de travail de 2012 à 2015, qu'il s'agissait d'une différence de traitement en lien avec ses activités syndicale et a demandé à l'employeur de régulariser la situation du salarié.

Par courrier en date du 13 novembre 2017 la société Carosserie Vincent et fils a répondu à l'inspection du travail en déniant toute différence de traitement liée à une appartenance syndicale.

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 19 juin 2019, M. [J] a proposé à son employeur, par l'intermédiaire de son conseil, un règlement amiable du litige estimant être victime de discrimination.

Par courrier en réponse en date du 10 juillet 2019, l'employeur a contesté toute discrimination.

Suivant requête visée le 21 février 2020, M. [N] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins d'obtenir la condamnation de la société Carrosserie Vincent et fils a lui payer des rappels de salaire, reconnaitre une situation de discrimination et de harcèlement, reconnaitre un manquement de l'employeur à son obligation de formation, et obtenir les indemnités afférentes.

Par ordonnance en date du 9 juillet 2020 le bureau de conciliation et d'orientation a rejeté les mesures sollicitées par M. [J] tendant à la production d'éléments concernant les salariés embauchés entre 1975 et 1990 encore présents dans l'entreprise en décembre 2016.

Par acte visé le 14 mai 2021 le syndicat Union syndicale des travailleurs de la métallurgie (USTM) CGT Drôme Ardèche est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité paiement de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral et financier.

Le 27 mai 2021 l'Union locale CGT de [Localité 8] est intervenue volontairement à l'instance et a sollicité paiement de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral et financier.

Selon procès-verbal en date du 22 juillet 2021 le conseil de prud'hommes de Valence s'est déclaré en partage de voix.

La société Carrosserie Vincent et fils s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 4 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Valence, en formation de départage, a :

Déclaré irrecevable 1'intervention volontaire de l'union locale CGT de [Localité 8] ;

Déclaré recevable l'intervention volontaire de l'union syndicale des travailleurs de la métallurgie (USTM) CGT Drôme-Ardèche ;

Débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

Débouté l'USTM CGT Drôme-Ardèche de l'ensemble de ses demandes ;

Débouté la société Carrosserie Vincent et fils de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [J] aux entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 7 avril 2022 pour M. [J], la société Carrosserie Vincent et fils et le syndicat USTM CGT Drôme Ardèche, et le 11 avril 2022 pour l'Union locale CGT de [Localité 8].

Par déclaration en date du 2 mai 2022, M. [J], le syndicat l'USTM CGT Drome-Ardèche et l'union locale CGT de [Localité 8] ont interjeté appel.

La société Carrosserie Vincent et fils a formé appel incident.

Depuis le 1er novembre 2022 M. [J] bénéficie de ses droits à la retraite.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2024, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [J] sollicite de la cour de :

« Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'union locale CGT de [Localité 8] ;

- Débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouté l'USTM CGT Drome-Ardèche de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné M. [J] aux entiers dépens ;

Et, reformant le jugement,

Juger que M. [J] a subi une discrimination et un harcèlement discriminatoire en raison de ses activités syndicales ;

Juger que la société Carrosserie Vincent et fils a violé ses obligations de formation et ses obligations conventionnelles ;

En conséquence,

Ordonner le repositionnement de M. [J] à l'échelon 6 à compter du 1er janvier 2019 ;

Ordonner la fixation de son salaire brut mensuel à 1 942 euros à compter du 1er janvier 2019, ainsi que le rappel des salaires correspondant, augmentés chaque année de la moyenne des augmentations individuelles et collectives perçues par la catégorie professionnelle du salarié ;

Ordonner la délivrance des bulletins de salaire afférents, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant le prononcé du jugement ;

Condamner la société Carrosserie Vincent et fils à verser à M. [J] :

- Au titre des dommages-intérêts réparant le préjudice économique issu de la discrimination : 15 367 euros net ;

- Au titre du préjudice né de la perte de chance d'évoluer professionnellement : 10 000 euros net ;
- Au titre des dommages-intérêts réparant le préjudice moral né de la discrimination : 10 000 euros net ;

- Au titre du préjudice né du manquement à l'obligation de formation : 10 000 euros net ;

- Au titre des dommages-intérêts réparant le harcèlement discriminatoire subi : 45 000 euros net ;

- Au titre des dommages-intérêts réparant la violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical : 5 000 euros ;

Rejeter l'intégralité des demandes de la société Carrosserie Vincent et fils ;

Condamner la société Carrosserie Vincent et fils à verser à M. [J] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Condamner la société Carrosserie Vincent et fils aux entiers dépens. »

Aux termes de ses conclusions du 15 janvier 2023, l'Union syndicale des travailleurs de la métallurgie USTM CGT Drôme Ardèche sollicite de la cour de :

« Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré recevable l'intervention volontaire de l'USTM CGT Drôme Ardèche,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union Locale CGT de [Localité 8],

- Débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté l'USTM CGT Drôme Ardèche de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné Monsieur [J] aux entiers dépens.

Et, Réformant le jugement :

- Rejeter l'intégralité des demandes formées par la SAS Carrosserie Vincent et fils et notamment celle formée au titre de son appel incident à savoir l'infirmation de la décision en ce qu'elle a accueilli l'intervention volontaire de l'USTM CGT Drôme Ardèche,

- Condamner la SAS Carrosserie Vincent et fils à verser au profit de l'USTM CGT Drôme-Ardèche la somme de 5.000 € nets au titre du préjudice moral et financier, direct ou indirect,

- Condamner la SAS Carrosserie Vincent et fils à verser au profit de l'USTM CGT Drôme-Ardèche la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SAS Carrosserie Vincent et fils aux entiers dépens. »

Aux termes de ses conclusions du 15 janvier 2023, l'Union locale CGT de [Localité 8] sollicite de la cour de :

« Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union locale CGT de [Localité 8],

- Débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté l'USTM CGT Drôme Ardèche de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné M. [J] aux entiers dépens.

Et, Réformant le jugement :

- Juger recevable l'intervention volontaire de l'UL CGT de [Localité 8],

- Rejeter l'intégralité des demandes formées par la SAS CAROSSERIE VINCENT ET FILS,

- Condamner la SAS Carrosserie Vincent et fils à verser au profit de l'UL CGT de [Localité 8] la somme de 5.000 € nets au titre du préjudice moral et financier, direct ou indirect,

- Condamner la SAS Carrosserie Vincent et fils à verser au profit de l'UL CGT de [Localité 8] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SAS Carrosserie Vincent et fils aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 avril 2024, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Carrosserie Vincent et fils sollicite de la cour de :

« Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence en date du 4 avril 2022 en ce qu'il a :

- Débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes ;

- Déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'union locale CGT de [Localité 8] ;

- Condamné M. [J] aux entiers dépens.

L'infirmer pour le surplus ;

Déclarer irrecevable l'intervention volontaire de l'USTM CGT Drôme Ardèche ;

Subsidiairement,
Débouter l'USTM CGT Drôme-Ardèche de ses demandes ;

En tout état de cause,

Condamner M. [J] à verser à la société Carrosserie Vincent et fils la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

Condamner l'USTM CGT Drôme Ardèche à verser à la société Carosserie Vincent et fils la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'union locale CGT de [Localité 8] à verser à la société Carrosserie Vincent et fils la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 avril 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 6 mai 2024, a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

1 ' Sur la discrimination :

Premièrement, il résulte de l'article 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

L'article 1er de la loi du 27 mai 2008 dispose :

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant;

2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.

L'article L 2141-5 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n°2015-994 du 17 août 2015, prévoit qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Le même article tel qu'issu de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 dispose que :

Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Un accord détermine les mesures à mettre en 'uvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes. Cet accord prend en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.

Au début de son mandat, le représentant du personnel titulaire, le délégué syndical ou le titulaire d'un mandat syndical bénéficie, à sa demande, d'un entretien individuel avec son employeur portant sur les modalités pratiques d'exercice de son mandat au sein de l'entreprise au regard de son emploi. Il peut se faire accompagner par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Cet entretien ne se substitue pas à l'entretien professionnel mentionné à l'article L. 6315-1.

L'article L 2141-8 du même code énonce que les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d'ordre public. Toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

Deuxièmement, aux termes de l'article L.1134-1 du même code, il appartient, en cas de litige, au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, et il incombe alors à l'employeur, au vu des éléments ainsi produits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'appréciation des éléments doit être globale de sorte que les éléments produits par le salarié ne doivent pas être analysés isolément les uns des autres.

Les éléments de fait que doit présenter le salarié peuvent résulter de la comparaison de sa situation avec celle d'autres salariés ou peuvent ressortir de l'examen de la seule situation du salarié en elle-même, en ce qui concerne la notation, l'évaluation, la rémunération ou la carrière de l'intéressé depuis sa désignation comme délégué syndical, ou une prise en compte des absences liées à l'activité syndicale ou des perturbations entraînées dans la gestion de l'emploi du temps du salarié (Soc, 27 mai 2008, pourvoi n°07-40.145, Soc. 1er juillet 2009, pourvoi n° 08-40.988, Soc. 20 févr. 2013, pourvoi n° 10-30.028).

1.1 ' Sur le motif prohibé :

Pour que le régime de la preuve applicable à la discrimination syndicale soit retenu, il incombe au préalable au salarié de démontrer que son employeur avait connaissance de l'exercice effectif par le salarié d'une activité syndicale dans l'entreprise.

En l'espèce, M. [J] soutient avoir exercé des activités syndicales au sein de l'entreprise à partir de la fin des années 1980 sans produire aucun justificatif à ce titre.

En revanche, il est acquis aux débats qu'il a occupé des fonctions de représentant du personnel à partir de 1992 jusqu'à sa démission en 1995.

Il est également démontré, par les courriers adressés à l'employeur par l'Union locale CGT [Localité 8] qu'il était désigné en qualité de délégué syndical CGT au sein de l'entreprise le 10 janvier 2011, le 17 novembre 2014 et le 2 octobre 2018.

Il en résulte que l'employeur était informé de son mandat syndical de 1992 à 1995 puis à partir de 2011.

1.2 ' Sur les faits avancés par le salarié :

Au cas d'espèce, M. [J] avance comme éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de ses activités syndicales, des faits supposés être intervenus antérieurement au jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Valence en date du 13 septembre 2011 auxquels l'employeur oppose l'autorité de la chose jugée de cette décision.

Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Or le conseil de prud'hommes de Valence, saisi par M. [J] de demandes à l'encontre de la société Carrosserie Vincent et fils, dans son jugement du 13 septembre 2011, a arbitré l'indemnisation du préjudice du salarié au jour où elle a statué, au vu des éléments recueillis lors des plaidoiries le 21 juin 2011, au titre d'une discrimination relevant des dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail.

En conséquence il est définitivement statué sur le préjudice subi à ce titre pour la période antérieure au 21 juin 2011.

En outre, aux termes des dispositions de l'article R.1452-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable avant le décret du 20 mai 2016, soit pour les instances introduites avant le 1er août 2016, s'appliquait un principe d'unicité de l'instance interdisant aux parties de former des demandes liées au contrat de travail, se rapportant à une période antérieure à un jugement devenu définitif.

Il s'en déduit que M. [J] ne peut, dans le cadre de présente procédure, demander à voir statuer sur l'existence d'une discrimination pour la période antérieure au 21 juin 2011 sur laquelle le conseil de prud'hommes de Valence a définitivement statué.

Il en résulte que seuls les éléments faits postérieurs à la date du 21 juin 2011 peuvent être invoqués par le salarié dans le cadre de la présente procédure au soutien de sa nouvelle demande.

M. [J] avance comme éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de ses activités syndicales, supposés être intervenus postérieurement au 21 juin 2011, les éléments suivants :

- un blocage de carrière,

- de rares augmentations individuelles,

- des actes de harcèlement discriminatoires,

- l'absence de réaction de son employeur aux constats dressés par l'inspection du travail.

1.2.1 ' Un blocage de carrière :

En premier lieu le salarié n'est pas fondé à invoquer le repositionnement défini par l'employeur avec la mise en 'uvre de la nouvelle grille de classification entrée en vigueur le 1er juin 2003 dès lors qu'il s'agit de circonstances antérieures au jugement du 13 septembre 2011.

En deuxième lieu, M. [J] échoue à matérialiser un refus d'accès à une formation habilitation conduite grue en produisant :

- le courrier adressé le 12 août 2019 à Mme [B], responsable des ressources humaines aux termes duquel il regrette de ne pas avoir bénéficié des formations nécessaires à l'utilisation d'engins, susceptibles de lui permettre d'utiliser des machines plus performantes pour éviter de se voir ensuite reprocher de travailler trop lentement,

- le courrier en réponse en date du 25 septembre 2019 aux termes duquel l'employeur lui a proposé d'échanger sur le sujet d'une prochaine formation de conduite de pont roulant avec radio-commande et d'une formation de conduite de chariot de catégorie 3,

- le courrier subséquent daté du 29 novembre 2019 par lequel le salarié a affirmé que les formations proposées n'étaient pas adaptées, voire dégradantes.

M. [J] déplore l'absence de réponse apportée à ce dernier courrier, sans pour autant préciser pour quels engins il souhaitait bénéficier d'une formation ou obtenir une habilitation, ni quelles formations il sollicitait.

De surcroît il ne caractérise aucunement le caractère inadapté ou dégradant des propositions adressées en réponse par l'employeur.

Encore, il ressort des comptes rendus d'entretiens professionnels des 7 mars 2016 et 9 janvier 2019, produits par l'employeur que M. [J] n'avait pas exprimé de demandes de formation ou d'habilitation à la conduite d'engins mais uniquement une demande de formation en soudure lors du dernier entretien, sans lien avec l'utilisation d'engins.

Faute de preuve d'une telle demande de formation M. [J] n'établit pas avoir essuyé un refus de son employeur de lui faire bénéficier d'une formation de conduite de grue tel qu'il le soutient.

En troisième lieu le salarié soutient qu'à partir de l'année 1981, l'employeur lui a progressivement retiré l'exercice de ses activités et l'a maintenu au même positionnement.

Toutefois il ne présente pas d'élément au titre d'un retrait d'activité.

En revanche il est établi qu'il a conservé le même positionnement au coefficient 190 et à l'échelon 5 depuis 2002.

Etant rappelé qu'il n'est pas fondé à invoquer les faits allégués antérieurs au 21 juin 2011, il est matériellement établi que le salarié n'a pas bénéficié d'une évolution de son positionnement depuis cette date.

1.2.2 ' De rares augmentations individuelles :

Pour soutenir qu'il n'a bénéficié que de rares augmentations individuelles de salaire le salarié s'appuie sur les observations rédigées par l'inspectrice du travail le 3 janvier 2017 dont il ressort notamment, qu'après examen des éléments communiqués par l'employeur, elle a constaté que :

« - M. [N] [J] a le deuxième salaire le plus bas de l'ensemble des salariés monteurs ('),

- M. [N] [J] est le salarié qui a le plus faible pourcentage d'augmentation de salaire entre 2012 et 2015, soit 3,23 % d'augmentation ['],

- le pourcentage moyen d'augmentation des salaires annuels des seuls salariés « opérateurs monteurs » est de 5,34 % pour les salariés présents de 2012à 201,

- le pourcentage moyen d'augmentation des salaires annuels de tous les salariés « monteurs » (opérateurs monteurs, opérateurs monteurs confirmés et opérateurs monteurs spécialistes) entre 2012 et 2015 est de 6,4 % soit le double de celui de M. [J] ».

Il convient de rappeler que le salarié peut produire, au nombre des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, un rapport établi par un inspecteur du travail, eu égard aux compétences reconnues aux corps de l'inspection du travail, notamment par les articles L. 8112-1 et L. 8112-2 du code du travail, aux prérogatives qui leur sont reconnues par l'article L. 8113-5 du même code et aux garanties d'indépendance dont bénéficient leurs membres dans l'exercice de leurs fonctions, peu important que l'agent de contrôle soit intervenu à la demande de l'une des parties et n'ait pas relevé par un procès-verbal les infractions éventuellement constatées (Soc., 15 janvier 2014, pourvoi n° 12-27.283).

Dès lors M. [J] matérialise suffisamment, avec la production de ce rapport, que les augmentations salariales dont il a bénéficié étaient plus faibles que celles de ses collègues.

1.2.3 ' Des actes de harcèlement discriminatoires :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

Il résulte des dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En premier lieu il convient de rappeler que le salarié n'est pas fondé à invoquer des agissements supposés être intervenus avant le 21 juin 2011 de sorte les faits antérieurs à cette date ne sont pas retenus.

En second lieu M. [J] s'appuie sur les courriers échangés avec son employeur après le jugement du 13 septembre 2011 pour soutenir qu'il a subi des pressions, une surveillance et des reproches réitérés et injustifiés et qu'il s'est par ailleurs heurté tantôt à l'hostilité, tantôt à l'indifférence de l'employeur.

Cependant l'examen attentif des courriers de l'employeur conduit à constater qu'il n'en ressort aucun reproche, ni pression, ni hostilité :

- par courrier du 30 juillet 2012 relatif à la planification des congés annuels l'employeur informe le salarié que ses congés sont fixés du 6 août au 27 août 2012 et lui demande de transmettre ses souhaits pour les congés restants, en ajoutant qu'il souhaite avoir les relations « les plus apaisées possibles » et qu'il lui demande de « respecter les règles élémentaires de fonctionnement qui permettent d'organiser l'activité et l'adaptation de l'entreprise »,

- par courrier du 20 août 2012 l'employeur lui a notifié une interdiction de travailler jusqu'à la date de fin de ses congés le 26 août 2012,

- par courrier en date du 1er décembre 2014 l'employeur a répondu aux accusations du salarié en concluant « nous considérons également comme inacceptable, les accusations de « mensonges et de malhonnêteté » que vous avez proférées à notre encontre, de même que votre complaisance à entretenir une situation de perpétuel conflit, à tous très préjudiciable »,

- par courrier du 18 février 2015 l'employeur a indiqué répondre à des accusations du salarié en lui proposant une nouvelle rencontre destinée à finaliser son entretien d'évaluation et lui permettre de se positionner quant à une éventuelle part d'augmentation individuelle,

- par courrier du 12 mai 2015 l'employeur répond aux contestations de l'entretien annuel d'évaluation du 27 février 2015 en relevant les éléments considérés comme étant « satisfaisants », « juste satisfaisants », et « insatisfaisants »,

- par courrier du 10 février 2016 l'employeur répond au courrier du salarié du 6 janvier 2016 exprimant des points de désaccords et une inégalité de traitement en indiquant « vous ne nous avez fourni malheureusement depuis nos derniers échanges aucune raison de modifier notre appréciation quant à la qualité de votre implication personnelle ainsi que des travaux qui vous sont confiés », et « il n'est aucunement dans nos intentions de polémiquer sans fin avec vous concernant les différents thèmes que vous évoquez à nouveau et qui ont été déjà souverainement appréciés par le juge ».

Et la fréquence des échanges écarte toute attitude d'indifférence ou absence de réponse de l'employeur.

En troisième lieu le salarié invoque les difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions d'élu et soutient que l'employeur persistait à refuser que ses interventions soient consignées dans les procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise.

Il s'évince des courriers précités qu'il s'agissait d'un point de réclamation du salarié auquel l'employeur a répondu dans son courrier du 1er décembre 2014 dans les termes suivants « plutôt que de vous plaindre du fait que les procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise rédigés par son secrétaire ne retranscriraient pas vos prises de position, nous vous rappelons que vous disposez de la possibilité dont vous n'avez jamais usée, de demander des modifications ou des rajouts à ces procès-verbaux au moment de leur approbation. »

Etant destinatrice de ce courrier, l'inspection du travail a, par courrier du 5 janvier 2015, fait observer à l'employeur d'une part que les procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise sont rédigés par le secrétaire du comité d'entreprise, d'autre part qu'ils doivent refléter les débats et les décisions prises, et enfin que « si le secrétaire du comité d'entreprise n'est pas tenu de rapporter intégralement toutes les interventions, tout membre du comité peut cependant demander des adjonctions lors de l'adoption du procès-verbal ».

Outre le fait que le salarié impute ces refus au « secrétaire du CE en accord avec le président de séance » (son courrier du 28 janvier 2015), et non pas à son employeur, ces échanges ne suffissent pas à matérialiser une intervention effective de l'employeur pour refuser de voir consigner une intervention de M. [J] au procès-verbal de réunion du comité d'entreprise, mais matérialise seulement une réponse de l'employeur aux contestations du salarié élu.

Et l'attestation rédigée par Mme [S] [D], élue, manque d'objectivité et d'impartialité dès lors que le témoin, prend parti pour la position de M. [J] en décrivant un conflit au sein du comité d'entreprise entre « la liste patronale », dont M. [W], secrétaire, et « la liste des salariés », dont M. [J] et elle-même. Surtout, elle se limite à déclarer que M. [W] « a toujours refusé de tenir compte des commentaires [de M. [J] et elle-même dans les PV] et ne les a jamais affichés » sans autre précision circonstanciée.

Et le salarié n'allègue ni ne justifie de demandes de modification des procès-verbaux soumis à l'approbation du comité d'entreprise.

Les éléments produits par M. [J] sont donc insuffisants pour matérialiser les interventions imputées à l'employeur dans la rédaction des procès-verbaux du comité d'entreprise.

En quatrième lieu le salarié avance que son employeur a délibérément contourné son mandat de délégué syndical en convoquant directement l'union locale CGT à la négociation d'un protocole d'accord préélectoral au lieu d'en aviser directement M. [J] délégué syndical.

Or la société démontre qu'elle avait adressé les invitations aux organisations syndicales ainsi qu'aux délégués syndicaux, y compris à M. [J], par courrier recommandé distribué le 4 juillet 2019, l'intéressé étant en arrêt maladie à cette date.

En conséquence la matérialité de ce fait n'est pas établie.

En cinquième lieu, le salarié avance qu'il a subi l'hostilité personnelle de M. [Z], responsable des ressources humaines et de M. [I], ancien responsable du salarié.

Il s'appuie sur l'attestation rédigée par M. [U] qui affirme que M. [Z] lui avait dit « on te voit souvent discuter avec [N] [J], il faudrait que tu l'évites que tu lui parles le moins possible [']. Il m'a aussi dit que M. [J] n'était pas de bonne fréquentation pour moi-même et pour le bien de l'entreprise. Deux trois ans après, M. [K] [A], cadre, m'a dit que M. [J] ne ferait plus partie de l'entreprise d'ici peu. ».

Si cette seule attestation ne suffit pas à matérialiser le comportement hostile de M. [I], en revanche, il convient de relever qu'aux termes des observations rédigées le 3 janvier 2017, l'inspectrice du travail a rapporté qu'à l'occasion du contrôle effectué le 22 février 2016, M. [Z] lui avait indiqué, s'agissant de l'évolution salariale « Il a les augmentations moyennes de l'entreprise, qu'il ne mérite pas, mais on lui donne pour ne pas avoir de problèmes » et, relevant que le salarié n'avait pas fait l'objet d'avertissement depuis décembre 2014 « on le tolère mais on souhaite qu'il ne soit pas là ».

Et bien qu'il s'agisse de propos tenus à un tiers et non pas au salarié directement, un tel dénigrement auprès de l'inspection du travail matérialise suffisamment un élément susceptible de relever d'un harcèlement moral.

Il résulte de ce qui précède que le salarié matérialise un seul élément de fait de sorte que les agissements de harcèlement discriminatoire allégués ne sont pas retenus.

En revanche le dénigrement exprimé par M. [Z] auprès de l'inspection du travail constitue un élément de fait qu'il y a lieu de retenir au titre de la discrimination invoquée.

1.2.4 - L'absence de réaction de son employeur aux constats dressés par l'inspection du travail :

M. [J] avance que l'employeur a manqué de donner suite aux courriers de l'inspection du travail.

Il a été précédemment rappelé que l'inspection du travail a procédé à un contrôle en 2016 et rédigé des observations à l'adresse de l'employeur le 3 janvier 2017 en concluant « au vu des constats opérés je vous engage à procéder à une régularisation de la situation de M. [J], en ce qui concerne son évolution salariale entre 2012 et 2015. Je vous engage également à prendre toutes les mesures nécessaires afin que cette différence de traitement cesse. Je vous informe qu'en cas de refus de remédier à la situation d'infraction constatée, cela pourra constituer un élément d'appréciation quant aux suites à donner à ces constats. Je vous demande de bien vouloir m'informer des suites réservées à ces observations dans les meilleurs délais ».

Si par courrier en date du 18 décembre 2017 l'inspection du travail devait relever qu'un rappel avait été adressé à l'employeur le 25 septembre 2017, il est établi que par courrier du 12 octobre 2017 la nouvelle responsable des ressources humaines, Mme [B] a sollicité un entretien, puis adressé une réponse en date du 13 novembre 2017 contestant les observations faites, de sorte que l'inspectrice du travail a conclu « L'employeur semble mettre en doute l'objectivité de l'analyse de l'inspection du travail en 2016 qu'il ne m'appartient pas de juger. Aussi une nouvelle intervention de l'inspection ne me paraît pas pouvoir faire évoluer favorablement votre situation dans l'entreprise ».

Dès lors, il ne peut être reproché à l'employeur ne pas avoir réagi davantage aux constats dressés par l'inspection du travail.

Ce fait n'est pas donc retenu.

1.3 ' Sur l'analyse des faits matériellement établis :

Il résulte de ce qui précède que le salarié matérialise les faits suivants :

- son maintien au coefficient 190 et à l'échelon 5 sans évolution depuis le 21 juin 2011,

- des augmentations salariales plus faibles que celles de ses collègues,

- l'hostilité exprimée par M. [Z].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [J] établit la matérialité de plusieurs faits précis qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination, dont il fait grief à l'employeur, à raison de ses activités syndicales.

Dès lors il incombe à la société Carrosserie Vincent et fils de prouver que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

1.4 ' Sur les justifications apportées par l'employeur :

Sur le maintien au coefficient 190 et à l'échelon 5 sans évolution depuis le 21 juin 2011 :

D'une première part la société Carrosserie Vincent et fils produit des éléments de comparaison avec quatre autres salariés, dont elle affirme qu'ils travaillent dans le même atelier que M. [J], qu'ils ont été embauchés avant 1988 et qu'ils étaient présents dans l'entreprise en décembre 2016.

Elle justifie de leur classement à des échelons équivalents de celui de M. [J] au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle classification au 1er juin 2003, sans produire d'élément de comparaison concernant leur évolution dans l'entreprise depuis septembre 2011 de sorte que ces éléments sont inopérants.

D'une deuxième part la société invoque le manque d'investissement professionnel du salarié en s'appuyant sur les comptes rendus d'entretien annuel des 7 septembre 2011 et 11 septembre 2014 dont il ressort que le salarié a écourté les entretiens et refusé de signer, et, s'agissant de l'entretien du 27 février 2015, qu'il n'a formulé aucune observation et a refusé de signer sa présence. Toutefois ces éléments attestent de la persistance des difficultés relationnelles entre le salarié et son employeur, sans apporter d'information sur le mérite du salarié à bénéficier d'une évolution professionnelle.

D'une troisième part la société produit les attestations rédigées par M. [V] [R], cadre technique, et par M. [A] [K], cadre responsable de l'atelier jusqu'en 2012, qui décrivent au sujet de M. [J], une qualité de travail aléatoire, une faible autonomie et une incapacité à se remettre en cause en cas d'erreur. Ces attestations, quoiqu'elles se révèlent précises et circonstanciées, restent à prendre en compte avec prudence s'agissant de deux supérieurs hiérarchiques de l'intéressé, liés à la société Carrosserie Vincent et fils par un lien de subordination.

D'une quatrième part, l'employeur produit les fiches d'évaluation des autres salariés de l'atelier soudure qui avaient été communiquées à l'inspection du travail, dont il ressort qu'en étant noté respectivement 16/40 en 2011 et 18/40 en 2014, M. [J] présente une notation inférieure à celle de ses collègues, laquelle varie de 22/40 à 33/40 en 2011 et de 25/40 à 31/40 en 2014.

L'employeur démontre avoir mis en place des critères objectifs et procédé à une évaluation régulière des qualités professionnelles de M. [J] pour retenir une notation faible par rapport à celle de ses collègues.

Le salarié conteste, dans le cadre du présent litige, les termes de ces évaluations relevant qu'elles sont établies par une hiérarchie dont il dénonce le comportement harcelant. Or il a été précédemment constaté que le salarié ne présentait pas d'élément suffisant au titre d'un comportement harcelant de sa hiérarchie. Aussi le salarié développe des arguments concernant des évaluations antérieures au 21 juin 2011. Enfin il objecte être noté défavorablement sur des éléments subjectifs tels que « « jugement et maîtrise de soi », « dynamisme et volonté d'amélioration permanente », « capacité à travailler en équipe » dont il ignore les critères d'évaluation alors que les circonstances de l'espèce démontrent qu'il n'a pas permis à l'employeur d'objectiver ces critères en refusant les échanges nécessaires lors de l'entretien annuel.

D'une sixième part, s'agissant du niveau de polyvalence de M. [J], la société critique l'analyse de l'inspection du travail en faisant valoir, au vu d'une attestation rédigée par Mme [E] [G], responsable qualité, que la classification notée 1 pour M. X, opérateur monteur confirmé, est en réalité supérieure à celle notée 2 pour M. [J], opérateur monteur, tel que mentionné sur le tableau de polyvalence transmis à l'inspection.

Dès lors l'employeur démontre que le salarié compte parmi les salariés de l'atelier de montage les moins polyvalents.

Avec ces derniers éléments l'employeur démontre qu'il n'a pas reconnu au salarié des qualités et une progression susceptibles de permettre son placement à une classification supérieure selon les procédures d'évaluation établies au sein de l'entreprise sur la base de critères dont l'objectivité n'est pas utilement contestée par le salarié, ni mis en cause par l'analyse de l'inspection du travail. La société justifie ainsi que le maintien de M. [J] au coefficient 190 et à l'échelon 5 repose sur des critères étrangers à toute discrimination.

Des augmentations salariales plus faibles que celles de ses collègues :

En réponse aux observations de l'inspection du travail qui a retenu que le salarié a « le deuxième salaire le plus bas de l'ensemble des salariés monteurs » et « le plus faible pourcentage d'augmentation de salaire entre 2012 et 2015 », l'employeur objecte que cette analyse a été faite par comparaison des rémunérations brutes effectivement versées aux salariés soudeurs, comprenant les heures supplémentaires effectuées par certains, mais ne comprenant pas les indemnités journalières versées aux salariés absents, pour en déduire que le critère de la rémunération annuelle réellement perçue n'est pas pertinent pour opérer une comparaison utile.

Par un courrier en date du 13 novembre 2017, il a adressé ces mêmes objections à la Direccte, en précisant « Un salarié qui n'aurait fait aucune heure supplémentaire et qui aurait été absent pour maladie au cours de l'année aurait donc une baisse de salaire, quand bien même il aurait bénéficié d'une augmentation. C'est le cas de M. [J] qui a bénéficié sur la période de 4,70% d'augmentation (1,5% en 2012, 1,5% en 2013, 1% en 2014 et 0,7% en 2015). »

Pour autant l'employeur ne produit aucun élément pertinent concernant les heures supplémentaires comprises dans les rémunérations annuelles analysées par l'inspection du travail, ni en ce qui concerne les absences pour maladie de M. [J] susceptibles d'avoir marqué une baisse de sa rémunération hors indemnités journalières. Les bulletins de paie versés au débat ne permettent pas de procéder à une telle analyse, en l'absence des éléments concernant les autres salariés.

En conséquence l'employeur échoue à établir le bien fondé de ses objections.

Par ailleurs il ne produit aucun élément pertinent concernant les critères d'octroi des augmentations dont ont bénéficié les autres salariés de l'atelier.

Partant l'employeur échoue à démontrer que le faible pourcentage d'augmentation de salaire dont a bénéficié M. [J] est fondé sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'hostilité exprimée par M. [Z] :

Par un courrier en date du 13 novembre 2017 la société Carrosserie Vincent et fils a répondu à l'inspection du travail en vue de s'expliquer sur les propos tenus par M. [Z] lors du contrôle sans parvenir à démontrer que son dénigrement serait étranger à toute discrimination.

En effet elle se limite à procéder par affirmation pour indiquer d'une part que « l'augmentation qui lui est attribuée ne correspond pas à ce que mérite objectivement son travail mais ne lui est attribuée qu'afin de ne pas alimenter son argumentaire sur une éventuelle discrimination syndicale » et d'autre part que faute d'autorisation de licenciement, elle n'avait « pas d'autre choix que de conserver M. [J] dans l'entreprise même si son travail et son investissement ne correspondent pas à ce que nous sommes en droit d'attendre d'un collaborateur ».

Il a certes été précédemment constaté que l'employeur n'avait pas reconnu au salarié des qualités susceptibles de permettre une évolution de sa classification professionnelle.

Pour autant, il ne s'explique nullement sur le caractère dénigrant et hostile des propos tenus par le directeur des ressources humaines quand il a dénié au salarié le mérite des augmentations moyennes qui lui étaient accordées et affirmé « on lui donne pour ne pas avoir de problème » et « on le tolère mais on souhaite qu'il ne soit pas là ».

En conséquence l'employeur échoue à démontrer que le dénigrement et l'hostilité exprimés par M. [Z] sont fondés sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans ces circonstances, eu égard aux deux éléments de fait, pris dans leur globalité, matériellement établis par M. [J], auxquels la société Carrosserie Vincent et fils, n'a pas apporté les justifications utiles, s'agissant d'un faible pourcentage d'augmentation de salaire et de l'hostilité exprimée par le directeur des ressources humaines, il convient de dire, que le salarié a fait l'objet de discrimination syndicale depuis le 21 juin 2011.

2 ' Sur les demandes subséquentes aux agissements :

2.1 ' Sur les demandes relatives au repositionnement :

La réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.

Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.

Et il est constant qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement l'étendue du préjudice subi par un salarié résultant d'une discrimination, de sorte qu'il peut être réparé, d'une part, en application de la reconstitution de carrière aux dates souverainement fixées et selon les niveaux retenus de la classification des emplois prévus dans l'entreprise correspondant aux fonctions exercées par le salarié, et d'autre part, par une indemnisation du préjudice matériel résultant de la discrimination.

Toutefois, en l'état il n'est pas retenu que le maintien de M. [J] au coefficient 190 et à l'échelon 5 repose sur des agissements discriminatoires.

Et M. [J] qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie pour solliciter son positionnement à l'échelon 6 à compter du 1er janvier 2019 s'abstient de démontrer qu'il assure effectivement, de façon habituelle dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En conséquence, il doit être débouté, par confirmation du jugement déféré, de cette demande tendant à voir ordonner son repositionnement à l'échelon 6.

Par suite il est également débouté de sa demande tendant à voir fixer son salaire, à compter du 1er janvier 2019, à la somme de 1 942 euros désignée comme correspondant à l'échelon 6 revendiqué.

Il est donc également débouté de sa demande tendant à la délivrance sous astreinte des bulletins de salaire correspondant.

Par ailleurs, le salarié s'appuie sur la méthode Clerc afin d'évaluer son préjudice économique en intégrant à la fois l'écart de salaire subi depuis le 1er janvier 2019 du fait de son positionnement et l'incidence sur sa retraite.

Cependant il détaille son calcul sur la base du salaire brut mensuel de 1 942 euros correspondant au positionnement revendiqué.

Au vu de ce qui précède il est également débouté de ce chef de prétention.

Aussi la cour relève qu'elle n'est pas saisie d'une demande en réparation d'un préjudice économique susceptible de résulter de la disproportion constatée entre les augmentations de salaire dont il a bénéficié par rapport à celles dont ont bénéficié les autres salariés monteurs entre 2012 et 2015.

2.2 ' Sur la demande en réparation d'un préjudice de perte de chance d'évolution professionnelle :

Au vu de ce qui précède et des agissements discriminatoires retenus, M. [J] est débouté de sa demande en réparation d'un préjudice de la perte de chance d'évolution professionnelle vers l'échelon 7.

2.3 ' Sur la demande en réparation d'un harcèlement discriminatoire :

Il a été précédemment jugé que les agissements de harcèlement discriminatoire allégués ne sont pas retenus.

Partant M. [J] est débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice en résultant.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

2.4 ' Sur la demande en réparation d'un préjudice moral :

Selon l'article L. 2141-8 du code du travail, toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

La discrimination syndicale retenue constitue une atteinte à la liberté syndicale qui a valeur constitutionnelle, de sorte que M. [J] est bien fondé à demander la réparation du préjudice subi du fait de cette discrimination.

Le préjudice moral du salarié résulte également du fait qu'il a bénéficié, entre 2012 et 2015, d'augmentation salariale plus faibles que celles de ses collègues, soit dans une proportion chiffrée par l'inspecteur du travail à 3,23 % d'augmentation alors que tous les salariés bénéficiaient d'une augmentation de 6,4 % sur la même période, soit le double de celui de M. [J] et qu'il s'est trouvé dénigré devant l'inspection du travail par le directeur des ressources humaines affirmant « Il a les augmentations moyennes de l'entreprise, qu'il ne mérite pas, mais on lui donne pour ne pas avoir de problèmes » et « on le tolère mais on souhaite qu'il ne soit pas là ».

Compte tenu des circonstances décrites et des conséquences dommageables qu'elles ont eues pour M. [J] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, la cour évalue que le préjudice moral subi par le salarié du fait de cette discrimination persistante doit être réparé par l'allocation d'une indemnité de 10 000 euros net.

3 ' Sur la demande en réparation d'un préjudice de perte de chance de formation

Premièrement il a été précédemment jugé que M. [J] ne matérialise pas de refus de son employeur de lui faire bénéficier d'une formation de conduite de grue.

Aucun acte discriminatoire n'est retenu à ce titre.

Deuxièmement aux termes de l'article L. 6321-1 du code de travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de cette obligation.

L'employeur a l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi, même si les salariés n'ont formulé aucune demande de formation au cours de l'exécution de leur contrat de travail.

En l'espèce, l'employeur produit la liste des formations suivies par M. [J] depuis son embauche, soit trois formations avant 2012 (habilitation soudure, autorisation de conduite pont roulant -chariot, équipier de première intervention) et cinq formations après 2012 (habilitation soudure, équipier première intervention, information ATEX, lecture de plans, évacuation incendie).

Toutefois, l'employeur ne produit aucun autre élément permettant d'établir que M. [J] a pu bénéficier d'autres formations depuis son embauche le 1er juillet 1977, que ce soit en vue d'une adaptation à son poste, ou d'une perspective d'évolution de carrière.

Dès lors, l'employeur échoue à démontrer avoir suffisamment assuré l'adaptation de M. [J] à son poste de travail pendant la durée de la relation de travail.

Ainsi M. [J] a travaillé pendant plus de 40 années en qualité de monteur soudeur sans se voir proposer de formation susceptible de permettre le développement de nouvelles compétences.

Par conséquent, par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société Carrosserie Vincent et fils à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros net au titre d'un manquement à l'obligation de formation.

4 ' Sur la demande en dommages et intérêts au titre d'une violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical :

Sous couvert d'une exécution déloyale du contrat de travail et d'un manquement aux dispositions de la convention collective définissant l'obligation pour l'employeur de respecter les mandats syndicaux, M. [J] développe pour partie les mêmes moyens que ceux afférents à ses prétentions au titre de la discrimination syndicale subie en qualité d'élu mandaté, de sorte que les manquements de l'employeur à ce titre ne sauraient fonder une demande supplémentaire de dommages et intérêts puisque M. [J] a d'ores et déjà bénéficié de la réparation de l'intégralité du préjudice subi à raison de la discrimination subie.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

5 ' Sur l'intervention de l'Union locale CGT de [Localité 8] et le syndicat USTM CGT :

Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

L'intérêt collectif de la profession ne se confond ni avec l'intérêt général ni avec les intérêts individuels des salariés. Un même comportement irrégulier de l'employeur peut causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession et aux intérêts particuliers des salariés. Dans un tel cas, le syndicat peut agir en justice au titre du premier préjudice, mais pas au titre des seconds.

Premièrement, tel que relevé par les premiers juges, il résulte d'une part des termes de l'article 5 chapitre 3 des statuts de l'union locale CGT de [Localité 8], que le bureau est composé au moins d'un secrétaire général, d'un secrétaire général adjoint, d'un trésorier, d'un trésorier adjoint, d'un secrétaire à la formation syndicale et d'autre part des termes de l'article 6 que l'union locale agit en justice sur mandat du bureau exécutif devant toutes les juridictions.

Or l'union locale produit un mandat signé le 11 mai 2021 à la suite d'une séance du bureau exécutif du 3 mai 2021 sous le nom de M. [Y] [F], trésorier, sans qu'il soit possible d'en identifier le signataire puisque la signature est précédée de la mention « PO ».

Surtout, l'union locale justifie du renouvellement du bureau exécutif composé uniquement d'un secrétaire général, d'un secrétaire adjoint et d'un trésorier contrairement aux dispositions précitées de l'article 5. Et devant la cour l'union locale ne présente aucune explication complémentaire.

Par confirmation du jugement entrepris, l'intervention volontaire de l'union locale CGT de [Localité 8] est donc déclarée irrecevable.

Deuxièmement, s'agissant de l'action du syndicat USTM CGT Drôme Ardèche, l'article 15 de ses statuts prévoit qu'il est habilité à agir en justice sur décision du collectif USTM CGT 26/07 et dont il justifie par un mandat en date du 7 mai 2021 signé par Mme [O] [M], secrétaire de l'USTM, faisant suite à une assemblée générale qui s'est réunie le 7 mai 2021.

Par confirmation du jugement déféré, l'intervention volontaire du syndicat USTM CGT Drôme Ardèche est donc déclarée recevable.

Aussi les agissements discriminatoires subis par le salarié à raison de l'exercice de ses mandats et de son activité syndicale sont de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession dès lors qu'ils sont susceptibles de dissuader d'autres salariés de s'engager syndicalement, de se porter candidat aux élections professionnelles et d'accepter la responsabilité de mandats similaires à ceux assumés par M. [J].

Et bien que le syndicat n'allègue ni ne démontre être intervenu auprès de l'employeur pendant l'exécution du contrat de travail de M. [J] en vue de faire cesser les agissements subis, il y a lieu de réparer ce préjudice par l'octroi d'un montant de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

6 ' Sur la capitalisation des intérêts :

Au visa de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de dire que les intérêts au taux légal se capitaliseront, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.

Il convient de rappeler, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, que les sommes indemnitaires allouées en principal sont d'un montant laissé à l'appréciation du juge, de sorte les intérêts au taux légal ne courent qu'à compter de la décision qui les prononce, soit au cas d'espèce, à compter du présent arrêt.

7 ' Sur les demandes accessoires :

La société Carrosserie Vincent et fils, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance par infirmation du jugement déféré, y ajoutant les dépens d'appel.

En conséquence, il y a lieu de rejeter sa demande indemnitaire au titre de ses frais irrépétibles en première instance et en cause d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [J] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Carrosserie Vincent et fils à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

Aussi il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le syndicat USTM CGT Drôme Ardèche de sa demande au titre des frais irrépétibles et de condamner la société Carrosserie Vincent et fils à lui verser une indemnité de 1 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable 1'intervention volontaire de l'union locale CGT de [Localité 8] ;

- Déclaré recevable l'intervention volontaire de l'union syndicale des travailleurs de la métallurgie (USTM) CGT Drôme-Ardèche ;

- Débouté M. [N] [J] de ses demandes tendant à voir :

- ordonner son repositionnement à compter du 1er janvier 2019,

- ordonner la fixation de salaire à compter du 1er janvier 2019 à 1942 euros,

- ordonner la délivrance sous astreinte des bulletins de salaire afférents,

- Débouté M. [N] [J] de ses demandes en dommages et intérêts réparant :

- le préjudice économique résultant d'une discrimination,

- le préjudice né d'une perte de chance d'évoluer professionnellement,

- le préjudice résultant d'un harcèlement discriminatoire,

- le préjudice résultant de la violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical

- Débouté la société Carrosserie Vincent et fils de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs d'infirmation et y ajoutant,

DIT que M. [N] [J] a fait l'objet d'une discrimination syndicale depuis le 21 juin 2011 ;

CONDAMNE la société Carrosserie Vincent et fils à lui verser les sommes suivantes :

10 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né de la discrimination subie,

5 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né du manquement de l'employeur à son obligation de formation.

CONDAMNE la société Carrosserie Vincent et fils à verser au syndicat USTM CGT Drôme Ardèche la somme de 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts ;

DIT que les intérêts au taux légal courent sur ces condamnations indemnitaires à compter du présent arrêt ;

DIT que les intérêts au taux légal se capitaliseront, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;

CONDAMNE la société Carrosserie Vincent et fils à verser à M. [N] [J] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE la société Carrosserie Vincent et fils à verser au syndicat USTM CGT Drôme Ardèche la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

DEBOUTE la société Carrosserie Vincent et fils de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la société Carrosserie Vincent et fils aux entiers dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/01793
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01793 ?
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