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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01221

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2024, 22/01221


C4



N° RG 22/01221



N° Portalis DBVM-V-B7G-LJI6



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY<

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 21/00028)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 25 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 23 mars 2022





APPELANTE :



Madame [PL] [NY]

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée pa...

C4

N° RG 22/01221

N° Portalis DBVM-V-B7G-LJI6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 21/00028)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 25 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 23 mars 2022

APPELANTE :

Madame [PL] [NY]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me David LAURAND de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

INTIMEE :

S.A.S. [C] SERVICES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Marianne SAUVAIGO de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substituée par Me Igal ENNEDAM, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 avril 2024

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [PL] [NY] a été embauchée par la société par actions simplifiée (SAS) [C] services le 14 janvier 2011, en qualité de secrétaire service achats, par contrat de travail à durée déterminée suivi, à compter du 1er mai 2011, d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [NY] occupait la fonction d'assistante service achats, statut employé coefficient IV de la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques du 1er juin 1956.

En janvier 2020, la supérieure hiérarchique directe de Mme [NY] a été remplacée par M. [W] [R].

Mme [NY] a été placée en arrêt de travail du 19 mars au 16 mai 2020.

A l'issue de cet arrêt travail, elle a fait l'objet d'une mesure de chômage partiel jusqu'au 29 juin 2020.

Le 17 juillet 2020 Mme [NY] a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 9 octobre 2020, Mme [NY] a, par l'intermédiaire de son conseil, signalé à son employeur une dégradation de ses conditions de travail ainsi que des agissements relevant d'un harcèlement moral.

La société [C] service a diligenté une enquête interne dont les conclusions ont été remises le 12 novembre 2020.

Le 26 janvier 2021, le médecin du travail a déclaré Mme [NY] inapte à son poste, en précisant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 janvier 2021, la société [C] services a convoqué Mme [NY] à un entretien en vue de son éventuel licenciement qui s'est tenu le 11 février 2021.

Par lettre recommandée en date du 16 février 2021, la société [C] services a notifié à Mme [NY] son licenciement pour inaptitude professionnelle.

Par requête du 18 mars 2021, Mme [NY] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar aux fins de voir reconnaître une situation de harcèlement moral dont elle aurait été victime, déclarer son licenciement comme nul, reconnaître un manquement imputable à l'employeur à son obligation de sécurité, et obtenir la condamnation de la société à lui payer les indemnités afférentes.

La société [C] services s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 25 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :

« Dit et jugé que la société [C] services n'a pas commis d'actes de harcèlement moral à l'encontre de Mme [NY] ;

Débouté Mme [NY] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral subi ;

Dit et jugé que l'inaptitude de Mme [NY] ne trouve pas sa cause directe et certaine dans le harcèlement moral subi ;

Débouté Mme [NY] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture illicite de son contrat de travail ;

Débouté Mme [NY] de sa demande d'indemnité conventionnelle de préavis et de congés payés afférents ;

Dit et jugé, en outre, que la société [C] services a manqué à son obligation de sécurité ;

Condamné, en conséquence, la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts ;

Condamné la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

Débouté la société [C] services de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société [C] services aux entiers dépens de l'instance. »

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 25 février 2022 pour Mme [NY] et pour la société [C] services.

Par déclaration en date du 23 mars 2022, Mme [NY] a interjeté appel.

La société [C] services a formé appel incident.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2024, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [NY] sollicite de la cour de :

« Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Mme [NY] n'a pas subi des faits de harcèlement moral et que son inaptitude ne trouve pas sa cause directe et certaine dans le harcèlement subi ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi ;

- Prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude, car consécutif à des agissements de harcèlement moral ;

En conséquence,

- Condamner la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture illicite de son contrat de travail ;

- Condamner la Société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 4 420 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de préavis outre 442 euros brut de congés payés afférents ;

- Confirmer le jugement entrepris en qu'il a été dit que la société [C] a manqué à obligation de sécurité mais réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [NY] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Dans tous les cas,

- Condamner la société [C] services à verser à Mme [NY] a somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- Condamner la même aux entiers dépens. »

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2024, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société [C] services sollicite de la cour de :

« Confirmer le jugement n° RG F 21/00028 rendu le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Montélimar en ce qu'il a :

- Jugé que la société [C] services n'a pas commis d'actes de harcèlement moral à l'encontre de Mme [NY] ;

- Débouté Mme [NY] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral subi ;

- Jugé que l'inaptitude de Mme [NY] ne trouve pas sa cause directe et certaine dans le harcèlement moral subi ;

- Débouté Mme [NY] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture illicite de son contrat de travail ;

- Débouté Mme [NY] de sa demande d'indemnité conventionnelle de préavis et de congés payés afférents ;

- Jugé n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement n° RG F 21/00028 rendu le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Montélimar en ce qu'il a :

- Jugé que la société [C] services a manqué à son obligation de sécurité ;

- Condamné, en conséquence, la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts ;

- Condamné la société [C] services à verser à Mme [NY] la somme de 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société [C] services de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société [C] services aux entiers dépens de l'instance ;

Et, statuant de nouveau,

Juger que la société [C] services n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;
Débouter Mme [NY] de l'intégralité de ses demandes infondées y compris celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

A l'inverse,

Condamner Mme [NY] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mars 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 29 avril 2024, a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

1 ' Sur le harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, doivent être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

« En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

1.1 - Les éléments de faits avancés :

Mme [NY] avance, comme faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral, les éléments suivants :

un harcèlement managerial de son supérieur hiérarchique, M. [R],

les agissements de M. [C], président directeur général de la société,

des reproches injustifiés sur la qualité de son travail,

une surcharge de travail,

des pressions pour la pousser à quitter la société.

Le harcèlement managerial de son supérieur hiérarchique, M. [R] :

Mme [NY] soutient que M. [R], à compter de sa prise de fonction mi-janvier 2020, a mis en 'uvre à son égard des méthodes de gestion relevant d'un harcèlement managerial.

D'une première part elle invoque des invitations envoyées par Outlook pour évoquer des dossiers, outre le fait de lui imposer une relecture des mails qu'elle entendait adresser.

Elle s'appuie sur les déclarations de Mme [OF] [KX], faites dans le cadre de l'enquête interne, produites par l'employeur, dont il ressort que sa collègue a déclaré « ['] Je pense que [W] est maladroit dans sa façon de faire (envoyer des mails ' et relire les mails de [PL]) mais c'était au tout début de son embauche. ['] ».

Cependant aucun autre élément ne tend à matérialiser une relecture systématique des courriels rédigés par la salariée.

Et l'employeur confirme avoir utilisé les outils proposés par Outlook, sans que de tels échanges ne caractérisent des agissements susceptibles de porter atteinte à son destinataire, ni ne révèlent un manque de confiance, d'autant qu'il n'est pas allégué que ce mode de communication aurait été exclusivement réservé à la salariée.

D'une seconde part Mme [NY] soutient s'être vue reprocher de manière constante et répétée un manque de productivité.

L'employeur confirme, dans ses écritures, que la salariée s'était vue demander d'augmenter sa productivité en précisant « il ne s'agissait en rien d'une agression mais d'un simple constat de sous charge de travail ». Ainsi il confirme avoir mis en cause la productivité de Mme [NY] ainsi qu'une distorsion de sa charge de travail par rapport à celle des autres salariés.

Pour autant il convient de constater que la salariée, qui ne précise ni les circonstances ni les termes de ces reproches, ne prétend pas qu'ils aient été formulés de manière méprisante, dénigrante, offensante ou publique.

Et M. [R], a confirmé, au cours de l'enquête interne, s'être interrogé, dès le mois de janvier, sur la charge de travail de Mme [NY], et avoir recherché des pistes d'optimisation de son temps de travail après la période de remplacement à son poste pendant son arrêt de travail du 19 mars 2020 au 16 mai 2020.

La matérialité des reproches mettant en cause la productivité de la salariée est donc établie.

D'une troisième part, Mme [NY] a signalé avoir fait l'objet d'une agression verbale de la part de M. [R] le 19 mars 2020 par les mots « tu ne pouvais pas venir le dire, tu as des jambes tu peux te lever, viens tout de suite en salle de réunion faut qu'on se parle », lui reprochant de ne pas l'avoir informé du fait qu'elle était parvenue à trouver un fournisseur de gel hydroalcoolique.

Dans ses écritures l'employeur précise que M. [R] a répondu sur « un ton un peu sec mais en aucun cas injurieux ou humiliant »,

Aussi dans le cadre de l'enquête interne, M. [I] [T], supérieur hiérachique, décrivant les difficultés rencontrées pour maintenir la production pendant la période de confinement à compter de mars 2020 dans un contexte de pénurie de masques et de gel hydroalcoolique a confirmé l'existence de cet incident, en se limitant toutefois à rapporter des propos qu'il n'a pas personnellement entendus.

Ces seuls éléments restent donc insuffisants à établir la matérialité d'une agression verbale.

Il en ressort que Mme [NY] n'établit pas l'existence d'un harcèlement managerial exercé par son nouveau supérieur hiérarchique mais uniquement des reproches réitérés de celui-ci sur son rythme de travail, mettant en cause sa productivité.

Le comportement du président directeur général de la société, M. [C] :

Mme [NY] n'établit pas la matérialité des faits invoqués à l'encontre de M. [C].

- Elle indique avoir fait l'objet d'un management autoritaire reposant sur la peur, créant un environnement intimidant, hostile et dégradant en s'appuyant uniquement sur l'attestation rédigée par M. [V] [K] qui ne mentionne aucun fait précis. Le témoin se limite en effet à des affirmations d'ordre général : « Il est vrai que pour les personnes qui vivent dans les alentours de [Localité 4], le bassin d'emploi étant assez fermé, il est compliqué de trouver du travail en dehors des principaux employeurs (dont [C]) et cette petite ville où tout se sait, fait que le management « de la peur » a une forte importance sur certaines personnes qui savent que si elles deviennent blacklistées de chez [C], il sera très compliqué de trouver du travail à [Localité 4]. Mme [NY] faisait partie de ces personnes et avec son caractère très gentil, elle était donc une cible parfaite pour ce type de management plutôt strict avec une pression assez importante. »

- Elle soutient que M. [C] a dévalorisé son travail mais elle ne produit que deux attestations qui manquent de pertinence faute de précision quant aux agissements visés contre elle.

Ainsi M. [G] [U] atteste avoir démissionné de la société [C] en décembre 2018 en raison du comportement de M. [C] et indique : « Le dénigrement, l'infantilisation et l'absence de considération professionnelle pour le travail engagé sont d'autres caractéristiques comportementales qui ont généré un environnement de travail non propice à la performance et au bien être sur son lieu de travail ».

Et M. [N] [Z] atteste « L'absence de considération de notre investissement personnel était difficile à vivre ».

- Elle dénonce des critiques répétées et le dénigrement de la qualité de son travail en s'appuyant sur les déclarations de ces mêmes témoins.

Cependant seul M. [U] précise « ['] je me souviens d'un directeur d'usine me demandant s'il y avait un problème avec [PL] [NY], Monsieur [C] racontant à qui veut l'entendre « qu'elle ne faisait que des erreurs ».

Aucun autre élément pertinent ne tend à corroborer de telles critiques sur la qualité de son travail.

- Elle décrit la mise en place d'une surveillance permanente et des mesures mesquines concernant la réduction du chauffage, une comptabilisation des passages aux toilettes, des réflexions sur sa tenue vestimentaire, le fait de lui demander de nettoyer des portes de placard en s'appuyant sur ses propres déclarations mais s'abstient de verser des éléments probants autre que sa propre lettre adressée au directeur des ressources humaines.

- Elle dénonce l'instauration d'un climat délétère en s'appuyant sur les mêmes attestations de M. [Z], Mme [S] et [U] qui décrivent une atmosphère malsaine et stressante par l'instauration d'une pression morale exercée par M. [C]. Outre le fait que l'employeur conteste la fiabilité de ces déclarations, les témoins se limitent à des affirmations d'ordre général qui ne suffisent pas à matérialiser l'exercice de pression sur Mme [NY].

- Elle établit, avec les attestations rédigées par M. [B] [F], M. [H] [Y], et M. [P] [A], que M. [C] avait exprimé sa désapprobation concernant le port du masque au début de la crise sanitaire.

Toutefois ce positionnement ne révèle pas des agissements dirigés contre la salariée.

En effet celle-ci affirme d'une part qu'elle souffrait d'une déficience pulmonaire nécessitant une grande vigilance l'obligeant à porter le masque sur son lieu de travail dès le début de la crise sanitaire et d'autre part que M. [C] moquait sa peur du virus. Cependant les éléments produits ne concernent ni sa propre fragilité, ni le dénigrement allégué.

Les reproches injustifiés sur la qualité de son travail :

Il convient de constater que les reproches invoqués ne portent pas sur la qualité de son travail mais visent sa rapidité d'exécution et sa productivité.

La salariée argue du caractère vexatoire d'une telle mise en cause au regard de ses qualités professionnelles reconnues.

Pour autant, il ressort des comptes rendus d'entretien professionnel versés aux débats que sa responsable hiérarchique, Mme [E] [S], avait déjà précédemment interrogé sa charge de travail, son organisation, et sa capacité à prioriser les urgences.

Et la salariée ne produit aucun élément susceptible de matérialiser un aspect vexatoire ou humiliant de ces reproches, ni quant aux propos tenus, ni quant au ton utilisé.

Sous couvert de reproches injustifiés sur la qualité de son travail, Mme [NY] invoque donc les mêmes faits que ceux précédemment retenus concernant des reproches visant son manque de productivité.

Une surcharge de travail :

Mme [NY] soutient avoir subi un important accroissement de sa charge de travail en raison d'une part, d'un important « turn over » au sein du service et d'autre part du départ de deux collaborateurs en octobre 2019 sans toutefois établir une situation de surcharge.

Le fait que le médecin du travail a relevé, le 30 janvier 2020, qu'elle décrivait un « sommeil moyen en lien avec le travail » n'est pas pertinent pour caractériser une telle situation.

Aussi Mme [NY] produit :

- le compte-rendu d'entretien professionnel du 24 mars 2015 qui révèle que sa responsable Mme [S] avait interrogé l'ampleur de sa charge de travail en indiquant : « [PL] donne toute satisfaction sur son poste mais elle doit mieux gérer son stress lorsque sa charge de travail est importante » alors que la salariée mentionnait « la gestion du stress est difficile lorsque la surcharge de travail est constante et qu'il n'y a pas de période creuse pour se mettre à jour » ;

- le compte-rendu d'entretien professionnel du 24 mars 2017 à l'issue duquel sa responsable hiérarchique a réitéré ses interrogations : « il faudra cette année creuser savoir si la charge de travail est trop importante ou si l'organisation du travail doit être optimisée (ou les 2). » en fixant pour premiers objectifs « prioriser les tâches, s'organiser » et « prise de recul par rapport aux tâches quotidiennes » ;

- le compte-rendu d'entretien professionnel du 14 février 2018 à l'issue duquel la salariée s'est encore vu assigner les mêmes objectifs, alors qu'elle-même indiquait « Il faudra gagner du temps sur certaines tâches afin que la charge de travail supplémentaire ne fasse pas prendre de retard » ;

- un courriel de sa responsable Mme [E] [S], en date du 10 mai 2019, intitulé « alerte charge actuelle [PL] », qui faisait état d'un accroissement des tâches en indiquant « Les commandes hors production spécifiques dont s'occupe [PL] se multiplient. ['] [PL] n'ayant pas de binôme, personne ne fait son travail pendant les vacances (contrairement aux autres assistantes achats) et les demandes s'accumule ['] la situation risque de se dégrader encore suite à mon départ car inévitablement [PL] devra gérer des appels/mails et réorienter les personnes vers les bons interlocuteurs ».

Si ces éléments matérialisent un accroissement de sa charge de travail, ils ne suffisent pas à établir que cette évolution avait entraîné une surcharge avérée, susceptible de relever d'agissements de harcèlement moral.

Les pressions exercées pour obtenir son départ de la société :

Mme [NY] soutient qu'elle s'est vu proposer une rupture conventionnelle, dès son retour de chômage partiel le 29 juin 2020, avec des propos intimidants et menaçants tels que « « si tu restes, la pression sera telle que tu vas exploser en plein vol », « si tu refuses de signer, tu t'exposes à des sanctions disciplinaires » ou « sinon on continue comme ça et nous on monte un dossier contre toi ».

Cependant la salariée s'abstient de produire d'autres éléments pertinents susceptibles de corroborer ses propres déclarations.

Mme [X] [M] et de M. [J], entendus dans le cadre de l'enquête interne, confirment certes lui avoir proposé une rupture conventionnelle, et par courriel en date du 8 juillet 2020 de Mme [X] [M] demande à Mme [NY] de faire connaître sa décision pour le 9 juillet 2020 au lieu du 10 juillet 2020, sans que ces éléments ne révèlent de propos intimidant ou menaçant ni l'exercice de pression.

Et Mme [NY] invoque des man'uvres similaires précédemment utilisées envers deux autres salariés, à savoir M. [H] [Y] qui affirme avoir fait l'objet de pressions pour accepter une rupture conventionnelle après le premier confinement et M. [A] qui explique avoir cédé à des pressions indirectes après une période d'arrêt de travail pour l'inciter à proposer une rupture conventionnelle. Ces attestations dont la fiabilité est contestée, ne suffisent pas à établir la matérialité de pressions supposées similaires exercées à l'encontre de Mme [NY].

La matérialité d'actes d'intimidation ou de pression dirigés contre Mme [NY] pour l'inciter à accepter une rupture conventionnelle n'est donc pas établie.

Il résulte de ce qui précède que Mme [NY] établit uniquement avoir subi des reproches réitérés mettant en cause sa productivité.

1.2 ' L'analyse des éléments matériellement établis :

Mme [NY] démontre avoir connu une dégradation de son état de santé dès lors qu'elle était placée en arrêt de travail le 19 mars 2020, le médecin indiquant sur le volet 1 « trouble anxiodépressif réactionnel ».

Par un certificat médical en date du 23 septembre 2020 le docteur [L] [O], médecin généraliste, a indiqué que l'état de santé de Mme [NY] « a nécessité un arrêt maladie du 19 mars au 16 mai 2020 en raison d'une situation de surmenage et de burn out, réactionnels aux difficultés rencontrées sur son lieu de travail » sans toutefois préciser les constatations qu'il avait faites.

En tout état de cause, les termes de l'arrêt de travail du 19 mars 2020 suffisent à caractériser une dégradation de l'état de santé de la salariée dix semaines après l'embauche de M. [R].

En conséquence, Mme [NY] établit d'une part la matérialité de reproches réitérés, subis à partir de la mi-janvier 2020, par lesquels M. [R] a mis en cause sa productivité et d'autre part une dégradation subséquente de son état de santé, de sorte que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement à son encontre.

1.3 ' Les éléments de justification de l'employeur :

En réponse la société [C] services, pour considérer que les éléments de fait retenus sont étrangers à tout agissement de harcèlement moral, soutient que les reproches adressés à la salariée étaient justifiés, la charge du poste de Mme [NY] étant inférieure à celle de ses collègues.

Il convient de rappeler que les reproches matériellement établis visent uniquement sa productivité sans remettre en cause la qualité de son travail, ni contenir des propos humiliant ou dénigrant.

D'une première part la comparaison de l'activité de la salariée avec celle de deux autres collègues, produit par l'employeur, ne permet pas de retenir une distorsion dans la répartition de la charge de travail.

En effet, Mme [NY] démontre, avec les attestations de M. [Z], de M. [K] et de Mme [S], que ses collègues du service achat « Production » se voyaient attribuer des tâches plus automatisées impliquant le traitement d'articles d'ores et déjà intégrés dans la base de données, alors que pour sa part, étant affectée au service achat « Hors production » elle traitait de demandes d'achats plus complexes, concernant tout type de commande pour l'ensemble des sites du groupe, et nécessitant un travail d'analyse, cette différence entre les deux fonctions étant confirmée.

D'une seconde part, l'employeur argue de la facilité à absorber sa charge de travail pendant son absence du 18 mars au 16 mai 2020 alors que l'activité avait nécessairement été perturbée par les mesures de confinement. Ce constat ne suffit donc pas à démontrer que le poste était « sous chargé ».

D'une troisième part, il n'est pas plus probant pour l'employeur de relever que les bulletins de salaire de Mme [NY] ne mentionnent pas d'heures supplémentaires à compter d'octobre 2019.

D'une quatrième part, il est indifférent que sa collègue, Mme [D], assistante service achats, ait déclaré au cours de l'enquête interne « je ne pense pas que son poste était surchargé » puisqu'elle précise « peut-être qu'elle faisait des choses que je ne connais pas » et qu'elle ne disposait pas des éléments d'analyse utile à une telle appréciation.

D'une cinquième part, la société [C] services produit un document daté du 18 avril 2019 qui définit des sujets « repris » par les salariés du service, dont trois sujets attribués à Mme [NY], sans que ce document ne permette d'objectiver l'intégralité de ses attributions.

De même un courriel M. [I] [T] liste, le 27 juillet 2020, les dossiers restant à la charge de Mme [NY] sans élément concernant l'étendue de ses attributions.

En conséquence, les éléments produits par l'employeur ne permettent pas d'établir, tel qu'il le prétend, que la charge de Mme [NY] était très inférieure à celle assumée par ses collègues.

En revanche, le comparatif d'activité, quoique insuffisant à apporter la preuve d'une réelle distorsion, démontre que l'employeur s'est appuyé sur des éléments précis pour interroger la répartition de la charge de travail au sein du service.

L'employeur établit ainsi que ses critiques résultaient de constatations précises de sorte qu'elles relevaient de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur, ce dernier étant fondé à interroger la charge de travail d'un subordonné, aucun abus n'étant matérialisé.

Dès lors la société [C] services démontre que les reproches adressés à Mme [NY] relevaient uniquement de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur et qu'ils étaient justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement.

Par confirmation du jugement déféré, Mme [NY] est donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement moral.

2 ' Sur la contestation du licenciement :

Il s'en déduit que l'inaptitude de Mme [NY] n'est pas liée, même partiellement, aux agissements de harcèlement moral allégués.

Partant elle est déboutée de ses prétentions visant à voir prononcer la nullité du licenciement à raison du harcèlement moral subi, ainsi que de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour rupture illicite du contrat de travail, d'une indemnité conventionnelle de préavis et des congés payés afférents.

Le jugement dont appel est donc confirmé de ces chefs.

3 ' Sur l'obligation de sécurité :

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 prévoit que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

A compter du 1er octobre 2017, la référence à la pénibilité a été remplacée par un renvoi à l'article L 4161-1 du code du travail.

L'article L 4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux  ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il convient de rappeler qu'il incombe, en cas de litige, à l'employeur, tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.

En l'espèce la salariée avance que la société [C] services n'a pas pris toutes les mesures pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale en faisant valoir :

qu'elle a souffert d'une surcharge de travail ;

qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral sans politique de prévention de risques psychosociaux ;

que l'employeur n'a pas pris au sérieux les règles de protection préconisées pendant la pandémie.

D'une première part, il a été précédemment vu que M. [C] avait exprimé sa désapprobation concernant le port du masque au début de la crise sanitaire.

Pour autant la société [C] services justifie des mesures prises, en concordance avec les mesures gouvernementales adoptées pendant la crise liée à l'épidémie de Covid-19. Elle produit en effet :

- une note interne du 26 février 2020 qui suspend les déplacements professionnels en lien avec la Chine et limite les échanges avec l'Italie,

- une note interne du 11 mars 2020 qui interdit les déplacements liés à la Chine et l'Italie, soumet les autres déplacements vers l'étranger à l'autorisation du Codir et envisage le télétravail à titre exceptionnel,

- un courrier de la sous-préfecture de [Localité 5] en date du 23 mars 2020 confirmant que l'activité de l'entreprise relevait des secteurs non visés par les interdictions,

- plusieurs courriels informant les salariés des mesures de protection à respecter pour lutter contre la propagation du virus,

- les procès-verbaux du CSSCT exceptionnel du 18 mars 2020, du CSE du 17 avril 2020, du 24 avril 2020, du 7 mai 2020, du 28 mai 2020, du 22 septembre 2020 comportant différentes mesures et points d'information sur les mesures de protection mises en 'uvre,

- des échanges de courriels relatifs aux mesures de désinfection des postes de travail, de distribution de bouteilles d'eau individuelles, du développement de VPN pour favoriser le télétravail,

- des échanges avec le médecin du travail,

- la communication d'un livret d'accueil retour confinement à compter du 29 avril 2020,

- la distribution de masques tissus à compter du 27 avril 2020.

En conséquence, la société [C] services démontre avoir mis en 'uvre les mesures nécessaires dans le cadre de la pandémie.

En revanche, d'une deuxième part, alors même que les entretiens d'évaluation professionnelle mentionnaient le fait que la salariée se plaignait de sa charge de travail et que sa supérieure hiérarchique relevait l'utilité de procéder à une évaluation, l'employeur s'abstient de justifier des mesures prises en vue de suivre, évaluer et analyser la charge de travail de Mme [NY].

Partant, bien que les parties ne démontrent ni une surcharge de travail, ni une charge trop allégée, la société [C] services n'allègue ni ne justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques psychosociaux liés à une telle opacité.

M. [R] a d'ailleurs admis, au cours de l'enquête interne « ce poste avait toujours été opaque pour moi ».

D'une troisième part, pour justifier des mesures de prévention mises en 'uvre, la société [C] services s'appuie d'abord sur les dispositions de son règlement intérieur daté du 7 novembre 2017 qui reproduit les textes légaux relatifs au harcèlement moral.

Elle s'appuie aussi sur les dispositions d'un code de conduite sans justifier de sa remise effective à Mme [NY].

Aussi elle invoque sa réactivité aux faits dénoncés par Mme [NY] avec la mise en 'uvre rapide d'une enquête interne.

Cependant elle n'allègue ni ne démontre avoir pris des dispositions pour prévenir tout agissement de harcèlement moral par des mesures de sensibilisation ou de formation.

Or il convient de rappeler que l'obligation générale de prévention qui incombe à l'employeur est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement et que le rejet de la demande tendant à voir reconnaître des agissements harcèlement moral ne fait pas obstacle à l'indemnisation du salarié en réparation du préjudice causé par les manquements de l'employeur à son obligation de prévention. (Soc., 27 nov.2019, n°18-10.551)

En conséquence la société [C] services échoue à justifier du respect de son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de Mme [NY], laquelle démontre avoir subi un préjudice moral résultant de ces différents manquements.

Au vu des circonstances décrites, par confirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société [C] services à payer à Mme [NY] la somme de 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention.

4 ' Sur les demandes accessoires :

La société [C] services, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance, par confirmation de la décision déférée, y ajoutant ceux exposés en cause d'appel.

Partant, la société intimée est déboutée de sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [NY] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société [C] services à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et de la condamner à lui verser une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS [C] services à verser à Mme [PL] [NY] une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

DEBOUTE la SAS [C] services de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS [C] services aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/01221
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01221 ?
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