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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01160

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2024, 22/01160


C4



N° RG 22/01160



N° Portalis DBVM-V-B7G-LJDP



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Raphaël REINS



la SELARL NUMA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F18/00138)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 07 février 2022

suivant déclaration d'appel du 19 mars 2022





APPELANT :



Monsieur [K] [B]

né le 05 Juillet 1960 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1...

C4

N° RG 22/01160

N° Portalis DBVM-V-B7G-LJDP

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Raphaël REINS

la SELARL NUMA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F18/00138)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 07 février 2022

suivant déclaration d'appel du 19 mars 2022

APPELANT :

Monsieur [K] [B]

né le 05 Juillet 1960 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Raphaël REINS, avocat au barreau de COLMAR,

INTIMEE :

S.A.S.U. PANTHERA SECURITE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Philippe PASSANANTE de la SELARL NUMA AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 avril 2024

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [K] [B] a été embauché par la société par action simplifiée unipersonnelle (SASU) Panthera sécurité, anciennement la société ETSSRA, le 14 janvier 1983 suivant contrat de travail à durée indéterminé en qualité d'agent de sécurité confirmé, qualification agent exploitation, niveau III, échelon 3, coefficient 150 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

M. [B] exerçait ses fonctions dans un établissement situé sur le site du centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) du Tricastin (Drôme).

En juin 2015 M. [B] a présenté une demande de mutation pour être affecté sur le site [Localité 6] (Haut-Rhin).

Par courrier en date du 28 novembre 2016, il s'est vu notifier une décision de refus de sa demande de mutation.

Le 3 février 2017, M. [B] a été pris en charge par l'infirmerie du site de Triscatin, puis transporté au centre hospitalier suite à un malaise survenu sur son lieu de travail.

A compter du 3 février 2017 M. [B] a été placé en arrêt de travail sans discontinuer.

Une déclaration d'accident du travail a été faite par l'employeur le même jour le 3 février 2017.

Par décision en date du 5 mai 2017, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de l'accident du 3 février 2017.

Le 5 juillet 2017 le médecin du travail a déclaré M. [B] « inapte à tous postes dans l'entreprise » en ajoutant « inaptitude totale et définitive à son poste de travail et à tous postes dans l'entreprise pour raisons médicales ».

Par courrier recommandé en date du 7 septembre 2017, la société Panthera sécurité a notifié à M. [B] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [K] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar par requête du 20 septembre 2018 aux fins de contester son licenciement ainsi que les conditions d'exécution du contrat et obtenir paiement de différentes créances indemnitaires et salariales.

La société Panthéra sécurité s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 7 février 2022, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :

Dit et jugé que le licenciement de M. [B] repose bien sur une cause réelle et sérieuse pour inaptitude médicalement constatée avec impossibilité de reclassement et l'a débouté, en conséquence, de toutes ses demandes afférentes ;

Dit et jugé que M. [B] n'apporte pas d'élément suffisant pour caractériser des faits de harcèlement moral ;

Condamné en outre, la société Panthera sécurité à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 5 000 euros net à titre de non-respect des accords d'entreprises sur les entretiens professionnels et les formations qualifiantes ;

- 1 000 euros net à titre de non-respect des accords d'entreprises relatifs aux actions d'informations sur la retraite ;

- 100 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté M. [B] de toutes ses autres demandes ;

Débouté la société Panthera sécurité de l'ensemble de ses prétentions y compris celle basée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

Condamné la société Panthera sécurité aux entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 4 mars 2022 pour M. [B] et pour la société Panthera sécurité.

Par déclaration en date du 19 mars 2022, M. [B] a interjeté appel.

La SASU Panthera sécurité a constitué avocat le 24 mars 2022.

Selon conclusions en date du 27 décembre 2023, l'appelant a élevé un incident devant le conseiller de la mise en état, au visa des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, aux fins de voir déclarer irrecevables toutes conclusions qui seraient déposées par la société intimée dans le cadre de la présente procédure.

Suivant ordonnance juridictionnelle en date du 13 février 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'irrecevabilité dirigée contre des actes futurs.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2024, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [B] sollicite de la cour de :

« Déclarer l'appel formé par M. [B] recevable et bien fondé ;

Faire droit à l'ensemble des demandes, moyens et prétentions du concluant ;

Déclarer les demandes de l'intimée irrecevables, en tous cas mal-fondées, les rejeter ;

Débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions y compris s'agissant d'un éventuel appel incident ;

Infirmer le jugement entrepris en son ensemble, à savoir en ce que le conseil des prud'hommes a statué comme suit :

- Dit et jugé que le licenciement de M. [B] repose bien sur une cause réelle et sérieuse pour inaptitude médicalement constatée avec impossibilité de reclassement et le débouté en conséquence de toutes ses demandes afférentes ;

- Dit et jugé que M. [B] n'apporte pas d'élément suffisant pour caractériser des faits de harcèlement moral ;

- Condamné en outre la société Panthera sécurité à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 5 000 euros net à titre de non-respect des accords d'entreprises sur les entretiens professionnels et les formations qualifiantes ;

- 1 000 euros net à titre de non-respect des accords d'entreprises relatifs aux actions d'informations sur la retraite ;

- 100 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté M. [B] de toutes ses autres demandes ;

Et, statuant à nouveau,

Dire et juger que la rupture du contrat de travail en une rupture sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner l'intimée à verser au concluant les montants suivants, et ce avec intérêt au taux légal à compter de la demande :

- 79 200 euros brut (équivalent à 3 ans de salaire) au titre de l'indemnité de licenciement en sus de l'indemnité l'égale prévue à l'article L. 1234-9 ancien du code du travail et au moins supérieur à 6 mois de salaire, en réparation du préjudice subi lié au licenciement injustifié ;

- Au doublement des indemnités de licenciement pour cause d'inaptitude professionnelle augmentées des indemnités compensatrices de préavis non payées ;

- Sur ce point, le concluant sollicite ainsi le versement d'une indemnité de :

- 32 692,26 euros brut à titre d'indemnité à ce titre ;

- 20 000 euros à titre d'indemnité pour harcèlement moral et pression injustifiée sur la personne du salarié ;

- 20 000 euros à titre d'indemnité au titre de la mise en danger par faute intentionnelle de l'employeur, liée à la modification intentionnelle du programme de fixation des heures supplémentaires et à la surcharge de travail mettant en péril le salarié ;

- 12 000 euros d'indemnité en réparation du préjudice subi par le concluant, pour non-respect par l'employeur des accords d'entreprise s'agissant des entretiens professionnels et les formations professionnelles qualifiantes et ce malgré l'ancienneté de 34 ans du concluant ;
- 5 000 euros d'indemnité à titre de préjudice pour non-respect par l'employeur des accords d'entreprise relatif aux actions d'informations retraite ;

- 13 200 euros brut d'indemnité au titre du travail dissimulé dont s'est rendu coupable l'employeur ;

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect du temps de repos entre les vacations ;
- 10 000 euros à titre d'indemnité pour cause d'absence de remise de l'attestation de salaire employeur ;

- 30 000 euros au titre du préjudice économique et moral subi par M. [B] à la suite du refus de sa demande de mutation en Alsace et au non-respect des engagements faits par l'employeur, ayant impacté sa vie privée et à l'absence de toute démarche de l'employeur pour procéder au reclassement du salarié ;

- 20 000 euros bruts à ce titre au titre des rappels de salaires s'agissant des heures supplémentaires imposées au concluant ;

Condamner la société Panthéra sécurité sous astreinte de 30 euros par document et par jour de retard à compter de la demande, à transmettre les fiches, permettant l'évaluation des heures supplémentaires sur la période de 3 ans ayant précédé la rupture du contrat ;

Réserver à la juridiction de Céans compétente pour liquider ladite astreinte ;

Condamner la société Panthéra sécurité à la rectification des bulletins de salaire considérés des 3 dernières années et ce sous astreinte de 30 euros par bulletin de salaire et par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

Réserver à la juridiction de Céans compétente pour liquider ladite astreinte ;

Dire que l'ensemble des montants de condamnation portera intérêt au taux légal à compter de la demande ;

Condamner la société Panthéra sécurité à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage jusqu'à concurrence de 6 mois conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail ;

La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure de 1ère instance et d'appel ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne l'intimée à verser au concluant un montant de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de 1ère instance ;
Condamner l'intimée à verser au concluant un montant de 4 000 euros au titre de la procédure de 1ère instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner l'intimée au concluant, un montant de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. »

La société Panthéra sécurité n'a pas conclu.

Par conclusions en date du 27 décembre 2023, M. [B] a élevé un incident aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions susceptibles d'être déposées par la société intimée.

Suivant ordonnance juridictionnelle en date du 13 février 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande d'irrecevabilité et condamné M. [K] [B] aux dépens de l'incident.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mars 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 29 avril 2024, a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.

1 ' Sur les prétentions relatives à l'exécution du contrat de travail :

1.1 ' Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, aux termes du dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, M. [B] sollicite paiement d'une somme de 20 000 euros brut à titre de rappels de salaire ainsi que la condamnation sous astreinte de l'employeur à lui remettre les fiches permettant l'évaluation des heures supplémentaires sur la période de trois années ayant précédé la rupture.

Aussi dans les motifs de ses conclusions d'appel il précise qu'il « se réserve le droit de calculer le nombre d'heures supplémentaires réalisées et rappel de salaire à ce titre ».

Ainsi la cour constate que M. [B], qui n'a formulé aucune demande de production de pièces ni devant le conseiller de la mise en état, ni à titre de mesure avant dire droit, ne produit pas de décompte quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies et ne livre aucune indication sur le chiffrage qu'il a effectué pour parvenir à la somme de 20 000 euros.

Par ailleurs, il produit ses bulletins de paie de 2003 à 2017 dont il ressort qu'il était depuis 2014 habituellement rémunéré à hauteur de 151,67 heures par mois, excepté un paiement d'heures supplémentaires intervenu en mai 2016 au titre d'une modulation.

Il produit aussi ses plannings de travail sur la période de janvier 2011 à février 2017 mais ne présente aucune analyse de ces documents.

M. [B] produit encore des tableaux de calculs d'heures supplémentaires effectuées, sur la base d'une durée du travail de 35 heures hebdomadaires, pour les années 2011, 2013 et 2016 qui recouvrent donc partiellement la période courue du 7 septembre 2014 au 7 septembre 2017, étant constaté que le salarié précise que sa demande porte sur la période de trois années ayant précédé la rupture conformément aux règles de prescription applicables.

Or, la cour constate que M. [B] invoque, au soutien de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, l'application d'une annualisation de son temps et un dépassement du plafond de 1607 heures par an.

Force est de constater qu'il ne produit pas le contrat de travail définissant la durée du travail mais uniquement l'avenant du 17 décembre 2002 qui ne mentionne aucune clause relative à la durée du travail.

Il produit un avenant à l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail en date du 15 février 2000, signé avec les représentations syndicales le 22 mars 2007, qui prévoit notamment que la modulation s'applique sur une période du 1er juin N au 31 mai N+1 et qu'en cas de solde d'heures créditeur, une régularisation intervient sous la forme d'heures supplémentaires payées au taux de majoration en vigueur.

Par ailleurs, la cour constate qu'au soutien de sa demande indemnitaire au titre du non-respect du temps de repos, il produit l'avenant n°3 à l'accord d'entreprise du 15 février 2000, signé le 23 mai 2015, dont il ne tire aucune conséquence au titre de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors même que cet accord prévoit, pour les aménagements du temps de travail sur l'année, les modalités de calcul de heures effectuées au-delà de 1607 heures sur l'année, décompte en fin de période de référence, et réglées en principe avec la paie du dernier mois de la période (mois de mai) ou du mois suivant (mois de juin).

Et le salarié verse aux débats des tableaux des heures effectuées annuellement pour les années 2003 à 2017, chiffrés, à partir de l'année 2007, du 1er décembre au 30 novembre de l'année suivante, lesquels, sur la période de trois années ayant précédé la rupture, ne font apparaître un solde d'heures créditeur que pour la période du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2016 et du 1er décembre 2016 au 31 janvier 2017.

Or ces éléments se révèlent inexploitables.

En effet d'une part la période de référence ne correspond pas à celle définie dans les avenants à l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail précités, et d'autre part les nombres d'heures reportés pour chaque mois ne présentent aucune concordance avec les nombres d'heures chiffrés dans les autres tableaux de calculs du temps de travail revendiqué, pour ce qui concerne l'année 2016.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le salarié invoque un dépassement de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaire et un dépassement du seuil de 1 607 heures par an mais qu'il manque de verser aux débats des éléments précis et exploitables permettant d'engager un débat quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

Partant, par confirmation du jugement déféré, il est débouté de sa demande de production de pièces et de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires.

1.2 ' Sur la demande indemnitaire au titre du non-respect des temps de repos entre deux vacations :

L'avenant n°3 à l'accord d'entreprise du 15 février 2000, signé le 23 mai 2015, prévoit, en son article 2.4 sur la durée du travail que :

« [']

- La durée quotidienne de travail effectif, ne peut, en principe, excéder 12 heures, [']

Le temps de repos entre deux services ne peut être inférieur à 12 heures. 24 heures de repos doivent être prévues après 48 heures de travail.

- La durée hebdomadaire du travail effectif ne peut excéder, heures supplémentaires comprises, ni 48 heures au cours d'un même semaine, ni 44 heures en moyenne sur une période quelconque de 12 semaines consécutive. ['] ».

M. [B], qui ne développe pas de moyen de fait, dans les motifs de ses conclusions concernant la demande indemnitaire au titre du non-respect des temps de repos, soutient dans les autres points de ses écritures, que la société Panthera services lui a imposé « un cycle de 61 h 40 mn » entre le 31 janvier 2017 et le 1er février 2017 (page 40).

Or à la lecture de ses plannings de janvier 2017 et février 2017, il apparaît que M. [B] a effectué successivement :

- 12 heures de travail le samedi 28 janvier 2017,

- 12 heures le dimanche 29 janvier 2017,

- 7,50 heure le lundi 30 janvier 2018

- 7,50 heures le mardi 31 janvier 2017

- 8 heures le mercredi 1er février 2017,

- 8 heures le jeudi 2 février 2017

- 8 heures le vendredi 3 février 2017.

En lui imposant un rythme de 63 heures de travail sur 7 journées consécutives, la société Panthera services a donc manqué de respecter les temps de repos définis par l'accord d'entreprise précité.

Cette violation des temps de repos ouvre droit à réparation du préjudice moral subi par le salarié (Soc., 7 février 2024, pourvoi n° 21-22.809).

En conséquence, la société Panthera services est condamnée à verser à M. [B] la somme de 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des temps de repos.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

1.3 ' Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l'espèce M. [B] reproche à la société Panthera sécurité d'avoir utilisé, à partir de l'année 2007, une période de référence de novembre à décembre au lieu de mai à juin et d'avoir manqué d'annexer au bulletin de paie une feuille permettant le contrôle objectif des dépassements de 35 heures hebdomadaires et en cas de dépassement de 1607 heures annuels pour permettre de déterminer le nombre d'heures supplémentaires dues.

Il s'appuie également sur une décision rendue par la cour d'appel de Chambéry le 15 mars 2022 qui a condamné la même société au paiement, à un autre salarié, d'une indemnité pour travail dissimulé, pour en déduire que la société Panthera sécurité est coutumière de méthodes qui consistent à modifier les informations intégrées dans son logiciel de calcul des heures de travail.

Toutefois ces considérations ne suffisent pas à démontrer que l'employeur a manqué d'indiquer sur les bulletins de paie de M. [B], un nombre d'heures supplémentaires qu'il avait effectivement réalisé.

Par ailleurs, M. [B] ne démontre pas davantage que l'employeur aurait appliqué, tel qu'il le prétend une période de référence de décembre à novembre de l'année suivante à la place de celle défini dans l'accord d'entreprise. Au contraire il apparaît que le paiement des heures supplémentaires intervenait au mois de mai en concordance avec la période de juin à mai de l'année suivante.

Enfin, c'est par un moyen inopérant qu'il invoque des irrégularités concernant le décompte des repos compensateurs dont il ne tire, par ailleurs, aucune conséquence.

Il en résulte que M. [B] ne démontre ni l'élément matériel ni l'élément intentionnel du travail dissimulé, d'autant qu'il a été procédé à la rémunération de certaines heures supplémentaires effectuées.

La demande d'indemnité pour travail dissimulé doit donc être rejetée, le jugement entrepris étant confirmé à ce titre.

1.4 ' Sur la demande au titre du non-respect des accords d'entreprise s'agissant des entretiens professionnels et des formations qualifiantes :

Premièrement, l'article L 6315-1 du code du travail dispose, depuis l'entrée en vigueur le 7 mars 2014 de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 que le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi.

Aussi aux termes de l'article 4 de l'accord de branche prévention et sécurité relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie, en date du 28 juin 2005, rattaché à la convention collective applicable, chaque salarié ayant au minimum deux années d'activité dans une même entreprise bénéficie, au moins tous les deux ans, d'un entretien professionnel qui a pour finalité de lui permettre d'exprimer son projet professionnel à partir de ses souhaits d'évolution dans l'entreprise, de ses aptitudes et en fonction de la situation de l'entreprise.

Deuxièmement, l'article L. 6321-1 du code de travail dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

La cour relève que le salarié invoque, dans les motifs de ses conclusions, une atteinte au principe d'égalité de traitement en demandant à voir produire la liste des personnes qui ont pu bénéficier de plan de formation, ainsi qu'une discrimination concernant cette obligation de formation professionnelle sans en précise le motif prohibé, et qu'il n'en tire aucune conséquence ni ne présente de demande à ce titre au dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, par application de l'article 954 du code de procédure civile.

En l'espèce, M. [B], qui justifie d'une ancienneté de 34 ans au sein de l'entreprise, n'a bénéficié que d'un seul entretien professionnel en date du 15 décembre 2016, faisant suite à la demande du salarié adressée par courrier recommandé du 8 décembre 2016.

La société Panthera sécurité ne s'explique pas sur l'application des dispositions précitées de l'article 4 de l'accord de branche prévention et sécurité relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie en date du 28 juin 2005.

M. [B] démontre encore qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien professionnel de seconde partie de carrière au passage de ses 45 ans, le 25 juillet 2005, en violation de l'accord national du 5 décembre 2003 et de la loi du 4 mai 2004 alors en vigueur.

En outre, aux termes du plan d'action en faveur de l'emploi des seniors signé le 16 décembre 2009, l'employeur s'était engagé à informer les salariés, l'année de leur 45ème anniversaire, de la possibilité de bénéficier des dispositifs concernant le bilan de compétence, les périodes de professionnalisation, le droit individuel à la formation, la validation des acquis de l'expérience, et l'AGEFOS PME.

La société Panthera sécurité a certes envoyé un courrier en date du 25 janvier 2017 informant le salarié de ses droits au titre du droit individuel à la formation mais échoue à démontrer qu'elle a informé le salarié sur les possibilités de formation, permis au salarié de s'adapter à son poste et veillé au maintien de sa capacité à occuper un emploi, alors que la charge de cette preuve lui incombe.

Faute d'avoir bénéficié des entretiens professionnels et de toute information, M. [B] justifie d'un préjudice certain, bien qu'il ne produise pas d'élément attestant des répercussions sur ses recherches d'emploi qu'il décrit.

En conséquence, c'est par une juste analyse des circonstances de l'espèce que la cour adopte que les premiers juges ont estimé la réparation due au titre du non-respect de l'accord de l'entreprise s'agissant des entretiens professionnels et des formations à un montant de 5 000 euros net. Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef, sauf à préciser qu'il s'agit d'un montant net.

1.5 ' Sur la demande indemnitaire au titre du non-respect des accords d'entreprise relatif aux actions d'informations retraites :

Le salarié, qui déclare produire, en annexe 15, un contrat de génération en date du 29 novembre 2013, produit en réalité un plan d'action en faveur de l'emploi des seniors signé le 16 décembre 2009 par l'entreprise technique de sécurité et de surveillance Rhône Alpes ETSSRA qui ne définit pas d'engagement pris par l'employeur au titre d'actions information retraite.

Contrairement à ce qu'il indique, il ne produit pas le contrat de génération signé par l'employeur le 29 novembre 2013 dont il se prévaut pour arguer d'un non-respect des accords d'entreprise.

Dès lors, par infirmation du jugement déféré, M. [K] [B] doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts à titre de non-respect des accords d'entreprises relatifs aux actions d'information sur la retraite.

1.6 ' Sur la demande en dommages et intérêts pour absence de remise de l'attestation de salaire employeur :

M. [B] sollicite, au dispositif de ses conclusions, le paiement par l'employeur d'une somme de « 10 000 euros à titre d'indemnité pour cause d'absence de remise de l'attestation de salaire employeur ».

M. [B] démontre que suite de l'accident survenu le 3 février 2017, l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail adressée à la caisse primaire d'assurance maladie, sans transmettre immédiatement une attestation de salaire.

Ainsi par courrier du 24 mars 2017 la caisse primaire d'assurance maladie a précisé qu'un règlement d'indemnités journalières était effectué sur la base des bulletins de salaire adressés par le salarié, en l'absence d'attestation complétée par l'employeur.

Or, M. [B], qui affirme que l'employeur n'a délivré l'attestation que le 11 avril 2017, soit postérieurement à son courrier de réclamation du 7 avril 2017, confirme avoir reçu paiement des indemnités journalières dès le 24 mars 2017 tel que l'indique la caisse primaire d'assurance maladie.

Il s'en déduit que le salarié ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait du retard pris par l'employeur pour transmettre l'attestation de salaire.

Par ailleurs dans les motifs de ses conclusions, il reproche à l'employeur de ne pas avoir fait le nécessaire pour activer la prévoyance entreprise et lui permettre de percevoir rapidement un complément de salaire.

Et la cour constate qu'il ne tire pas de conséquence utile de ses allégations, ni ne présente de prétentions de ce chef au dispositif de ses conclusions, l'absence de diligence à l'égard de l'organisme de prévoyance constituant un manquement distinct du retard dans la remise de l'attestation de salaire employeur à la caisse primaire d'assurance maladie.

En conséquence, M. [B] est débouté de sa demande en dommages et intérêts pour absence de remise de l'attestation de salaire employeur, par confirmation du jugement déféré.

1.7 ' Sur la demande en dommages et intérêts au titre du préjudice économique et moral subi suite au refus de sa demande de mutation en Alsace et au non-respect des engagements de l'employeur :

Il résulte de l'article L 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

En l'espèce, M. [B] reproche à l'employeur d'avoir refusé sa demande de mutationà [Localité 6] en Alsace contrairement à ses engagements et sollicite paiement d'une indemnité de 30 000 euros.

Il résulte des courriers échangés avec son employeur que M. [B] avait formulé une demande de mutation du site de Tricastin (Drôme) pour le site de [Localité 6] (Haut-Rhin) par courrier recommandé du 2 mai 2016 en précisant « Selon vos disponibilités, je souhaiterais obtenir cette mutation à partir du 1er octobre 2016 ».

Le salarié se limite à affirmer, sans l'établir, que l'employeur lui avait alors indiqué qu'il serait convoqué après l'été pour discuter des modalités de cette mutation.

Or, par courrier recommandé du 28 novembre 2016 l'employeur lui a répondu « Comme nous vous l'avons indiqué dans nos différents entretiens qui ont précédé et suivi la réception de ce courrier [du 2 mai 2016], nous sommes favorables à un changement d'affectation dans la mesure où un poste correspondant à votre qualification d'emploi s'avérait disponible. A ce jour conformément aux termes de notre dernier entretien téléphonique, nous vous confirmons que nous ne sommes pas en mesure d'accéder à votre demande, aucun poste ne s'étant libéré sur le site EDF du CNPE de [Localité 6] ».

Au vu de ces éléments, contrairement à ce qu'il affirme, le salarié échoue à caractériser un engagement pris par l'employeur de faire droit à cette demande de mutation.

Par ailleurs, la cour relève que dans les motifs de ses conclusions, M. [B] ajoute au refus de mutation reproché à son employeur, le reproche d'une absence de toute démarche en vue de tenter de procéder à son reclassement alors qu'un tel manquement relève d'une obligation distincte propre au régime de la rupture du contrat de travail.

Aussi, sous couvert de ce même chef de prétention, M. [B] invoque des manquements de l'employeur s'agissant des entretiens professionnels et de la formation, au sujet desquels la cour a d'ores et déjà statué.

Avec les moyens présentés au soutien de cette demande, M. [B] développe aussi des moyens inopérants concernant le cumul possible de l'indemnisation des préjudices résultant d'un harcèlement moral d'une part, d'un manquement à l'obligation de prévention du harcèlement d'autre part, ainsi que d'une discrimination et d'une atteinte à la santé qui a conduit à un état d'inaptitude.

En revanche, il résulte des éléments produits que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail pour avoir tardé pendant plus de six mois avant de répondre à la demande de mutation formalisée par M. [B] depuis le 2 mai 2016.

Maintenu dans l'attente d'une réponse utile pendant plus de six mois, M. [B] justifie d'un préjudice moral certain.

En conséquence, la société Panthera services est condamnée à verser à M. [B] la somme de 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard pris à répondre à sa demande de mutation.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

1.8 ' Sur la demande en dommages et intérêts pour harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral énonce :

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1

à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou

le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au cas d'espèce le salarié avance, comme faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral, les éléments suivants :

- Une modification de ses plannings et de la charge de travail imposée au cours des semaines précédant l'accident du travail,

- le non-respect des temps de pause pendant les heures de travail

- une définition de ses plannings par un détournement des paramètres de sécurité du logiciel Comete.

D'une première part, M. [B] établit, par la production d'un premier planning pour le mois de janvier 2017 édité le 27 décembre 2016 que l'employeur a procédé à une modification de cette planification initiale en délivrant un second planning édité, le 19 janvier 2017, qui alourdit sa charge de travail en y ajoutant des vacations les lundi 30 et mardi 31 janvier 2017, alors qu'il travaillait les deux jours précédents.

En outre, le salarié démontre, par la production du planning du mois de février 2017, édité le 24 janvier 2017 qu'il s'est ensuite vu demander d'assurer trois vacations successives du 1er au 3 février 2017 alors qu'il devait déjà travailler les quatre jours précédents, de sorte qu'il a travaillé sept jours successifs depuis le 28 janvier 2017.

Il a été vu précédemment qu'il en est résulté une charge de travail particulièrement lourde pour représenter 63 heures de travail en sept jours, en violation des dispositions relatives à la durée du travail et au temps de repos.

La matérialité de ces faits est donc établie.

D'une deuxième part, le salarié invoque au titre des dispositions de l'avenant n°3 à l'accord d'entreprise du 15 février 2000, signé le 23 mai 2015, qu'aucun temps de travail quotidien ne doit excéder 6 heures de travail effectif sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes.

Il affirme qu'il lui arrivait fréquemment de ne pas pouvoir bénéficier d'un temps pause, par manque de disponibilité du personnel.

Et l'employeur, qui supporte la charge de la preuve de l'effectivité des temps de pause, ne produit aucun élément à ce titre de sorte que la matérialité de ce fait est établie.

D'une troisième part, M. [B] produit une attestation rédigée par M. [M], ancien collègue de travail, qui décrit les fonctions du logiciel de planification Comete utilisé dans l'entreprise, en précisant qu'elles empêchent l'enregistrement de plannings qui ne respectent pas certaines dispositions relatives aux durées maximales du temps de travail, sauf la possibilité pour les utilisateurs ayant un niveau d'accès supérieur de débloquer lesdites sécurités.

M. [B] produit également une fiche descriptive du logiciel Comete destiné à la gestion des sociétés de sécurité privée qui confirme qu'il permet notamment d'encadrer et de sécuriser la définition des plannings au regard de la réglementation applicable.

Toutefois ces derniers éléments ne suffisent pas à établir que l'employeur a délibérément modifié les fonctionnalités du logiciel et outrepassé les sécurités en place pour définir les plannings litigieux en violation de la réglementation sur la durée du travail.

Par ailleurs M. [B] démontre avoir connu une dégradation de son état de santé ensuite de ces événements dès lors qu'il justifie d'une déclaration d'accident du travail en date du 3 février 2017 précisant « ressenti de vertiges et céphalées persistantes ».

En outre il résulte des circonstances de l'espèce que le salarié a été placé en arrêt de travail à compter de cet accident jusqu'à la délivrance par le médecin du travail de l'avis d'inaptitude en date du 5 juillet 2017.

Il résulte de ce qui précède que le salarié établit plusieurs éléments de faits, précis et concordants résultant de la modification et la définition de ses plannings de travail de janvier et février 2017, générant une surcharge de travail et une violation des temps de repos, ainsi que du non-respect des temps pause, lesquels, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement à son encontre.

En réponse la société Panthera sécurité, qui est réputée s'approprier les motifs du jugement frappé d'appel, n'apporte aucun élément justificatif.

Si elle soutenait devant les premiers juges que la modification des plannings relevait du pouvoir de direction de l'employeur sans permettre de caractériser un harcèlement moral, elle ne présente aucune explication à la charge de travail imposée à M. [B] avec les plannings successivement édités pour les mois de janvier et février 2017, ni au non-respect des temps de repos et des temps pour pause pour considérer que les éléments de fait retenus sont étrangers à tout agissement de harcèlement moral.

Eu égard aux éléments de fait, pris dans leur globalité, matériellement établis par M. [B], auxquels la société Panthera sécurité n'a pas apporté de justification, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que M. [B] a fait l'objet de harcèlement moral ayant eu pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail, avec un impact sur sa santé.

Il convient de constater que les agissements décrits, bien que de courte durée, ont atteint le salarié, en générant un préjudice certain sans qu'il soit nécessaire de l'établir par un certificat médical.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi précédemment décrites et des conséquences dommageables qu'il a eu pour M. [B] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé sur ce point.

Enfin, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens cités par le salarié au fil de ses conclusions et visant tout à la fois, une discrimination, des manquements à l'obligation de sécurité, une absence d'évaluation de la charge de travail, des manquements à l'obligation de prévention du harcèlement moral, dont, au demeurant, il ne tire aucune conséquence.

1.9 ' Sur la demande indemnitaire au titre de « la mise en danger par faute intentionnelle de l'employeur liée à la modification intentionnelle du programme de fixation des heures supplémentaires et à la surcharge de travail mettant en péril le salarié » :

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

En l'occurrence, le salarié qui ne précise pas le fondement juridique de cette prétention, soutient en substance que la société intimée a procédé, de mauvaise foi, à la modification de ses plannings en créant une surcharge de planification au-delà de la limite légale, et ce dans le seul but de le pousser à bout, jusqu'à provoquer l'accident du travail survenu le 3 février 2017.

Or il convient de rappeler que la règle du non-cumul interdit d'obtenir la réparation d'un préjudice sur le fondement de la responsabilité délictuelle alors que sont réunies les conditions de la responsabilité contractuelle.

Pour autant la demande en réparation d'un préjudice fondée à la fois sur la responsabilité contractuelle et sur la responsabilité délictuelle n'est pas irrecevable ; il appartient au juge de déterminer le fondement le plus pertinent.

En l'état, les prétentions de M. [B] tendent à voir reconnaître une intention délibérée de l'employeur d'exercer des pressions et de lui nuire en vue de provoquer son départ de l'entreprise.

Le salarié invoque tout à la fois une faute inexcusable de l'employeur qui relève de la compétence du pôle social, des agissements de harcèlement moral qui ne sauraient fonder une demande supplémentaire de dommages et intérêts puisque M. [B] a d'ores et déjà bénéficié de l'intégralité de son préjudice, le retard pris par l'employeur à répondre à la demande de mutation sur lequel la cour a d'ores et déjà statué, et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité concernant l'absence d'entretien sur la charge et le rythme de travail et le mode de gestion de personnel, ainsi que des pressions et une agressivité verbale subie lors d'un entretien du 23 janvier 2017.

Il convient donc de statuer sur la demande fondée sur un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'article L 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 prévoit que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L 4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'employeur ne peut s'exonérer de ces obligations s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles précités ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

En cas de litige, il incombe à l'employeur, en cas de litige, de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.

Il a été constaté que M. [B] développe pour partie, les mêmes moyens que ceux afférents à ses prétentions au titre du harcèlement moral, du défaut de respect des temps de repos et des temps de pause, et du manque de diligence dans le traitement de sa demande de mutation, de sorte que ces manquements de l'employeur ne sauraient fonder une demande supplémentaire de dommages et intérêts puisque M. [B] a d'ores et déjà bénéficié de la réparation de l'intégralité des préjudices résultant.

Il avance qu'il a subi, lors de l'entretien du 23 janvier 2017, des menaces de sanction disciplinaires, des actes de pression ainsi qu'une agressivité verbale exprimée par M. [P] mais manque de produire tout élément pertinent ou probant susceptible d'objectiver de tels agissements.

En revanche il avance que l'employeur :

ne justifie d'aucune évaluation de sa charge de travail et de ses conditions de travail,

lui a imposé un programme surchargé à partir d'octobre 2016,

n'a pas diligenté d'enquête interne suite à l'accident du travail.

Or la société Panthera securité ne produit aucun élément aux fins de justifier des mesures prises pour procéder à une évaluation régulière de la charge de travail du salarié, et de ses conditions de travail.

Elle n'allègue ni ne justifie des actions mises en 'uvre en vue de prévenir et évaluer les risques professionnels et la pénibilité au travail.

En conséquence la société Panthera sécurité échoue à justifier du respect de son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de M. [B], qui démontre avoir subi un préjudice moral résultant de ces manquements répétés pendant plusieurs années et distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral subi.

Au vu des circonstances décrites et de la persistance du préjudice pendant plusieurs années, par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société Panthera sécurité à payer à M. [B] la somme de 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention.

2 ' Sur la contestation du licenciement :

2.1 ' Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude :

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Lorsque l'inaptitude du salarié trouve son origine dans un manquement de l'employeur qui l'a provoquée, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge de rechercher lorsqu'il y est invité, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur et, dans une telle hypothèse de caractériser le lien entre l'inaptitude du salarié et le manquement de l'employeur.

Au cas particulier, le salarié, qui ne demande pas à voir prononcer la nullité du licenciement mais à le voir juger sans cause réelle et sérieuse, énumère plusieurs manquements reprochés à son employeur, dont les manquements précédemment examinés pour lesquels il a formulé des prétentions, y compris le non-respect des temps de repos et des temps de pause ainsi que le harcèlement moral, pour en déduire que le comportement fautif de l'employeur est à l'origine de l'incident du 3 février 2017 et de la dégradation de son état de santé dont résulte son inaptitude.

Aussi il a été vu précédemment que le salarié a été placé en arrêt de travail continu à compter du 3 février 2017 jusqu'à la délivrance de l'avis d'inaptitude par le médecin du travail le 5 juillet 2017.

La déclaration d'accident du travail signée le 3 février 2017 précise la nature de l'accident « Ressenti de vertiges et céphalées persistantes » et mentionne que le salarié a été transporté au centre hospitalier.

Le salarié produit également le certificat médical initial en date du 3 février 2017 qui mentionne les constatations « HTA+ Sd Anxieux » [NDLR : hypertension artérielle +, syndrome anxieux].

Par ailleurs, il ressort des éléments recueillis par la caisse primaire d'assurance maladie dans le cadre de l'enquête relative à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident que le salarié a notamment déclaré que la fatigue, les changements de planning, le stress et « 63 heures sur 7 jours d'affilés, à bientôt 57 ans j'ai atteins mes limite physique et moral » et que l'employeur a précisé que son salarié présentait des signes de fatigue.

Et l'avis d'inaptitude rédigé le 5 juillet 2017 précise « Inaptitude totale et définitive à son poste de travail et à tous les postes dans l'entreprise pour raisons médicales ».

Il s'évince de ces différents éléments que d'une part l'inaptitude du salarié, constatée par le médecin du travail, est liée à son état de fatigue et d'anxiété constaté à l'occasion de l'accident du 3 février 2017 et que d'autre part, cet état de fatigue et d'anxiété résulte, au moins partiellement des agissements retenus au titre du harcèlement moral, à savoir les modifications successives de ses plannings, la charge de travail en résultant, et le non-respect des temps de repos et des temps de pause ainsi que des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité s'agissant de l'absence de suivi de la charge de travail du salarié.

En conséquence, M. [B] rapporte la preuve suffisante d'un lien de causalité entre les agissements de l'employeur et l'inaptitude définitive à l'origine de son licenciement.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 7 septembre 2017 à M. [K] [B] par la société Panthera sécurité.

Partant, il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens développés au titre de manquements à l'obligation de reclassement.

2.2 ' Sur la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [B] qui justifie d'une ancienneté de 34 années entières au service du même employeur pour avoir été embauché le 14 janvier 1983, était âgé de 57 ans à la date du licenciement, et percevait un salaire mensuel moyen brut de 2 172,74 euros.

Il ne produit aucun élément concernant sa situation professionnelle subséquente à la rupture.

Au regard de l'ensemble de ses éléments et de sa capacité à trouver un nouvel emploi compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 50 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

2.3 ' Sur la demande de doublement de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis :

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L 1226-7 et suivants du code du travail, s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Compte tenu de l'autonomie du droit du travail par rapport à celui de la sécurité sociale, l'application de ces règles protectrices n'est pas liée ou subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie ou un organisme de sécurité sociale, du caractère professionnel de la maladie ou d'un lien de causalité entre la maladie et l'inaptitude.

Une décision de prise en charge par l'organisme de sécurité sociale ne constitue qu'un élément de preuve parmi d'autres laissé à l'appréciation du juge auquel il appartient de rechercher lui-même si les deux conditions cumulatives sont remplies c'est à dire, d'une part, l'existence d'un lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie professionnelle et, d'autre part, la connaissance qu'avait l'employeur de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

M [B] produit les éléments médicaux précités qui démontrent que l'inaptitude constatée le 5 juillet 2017 est liée, au moins partiellement, à l'accident du travail survenu le 3 février 2017.

Ainsi d'une première part il est établi que l'inaptitude fait directement suite à une période d'arrêts de travail prolongés sans interruption depuis la survenance de l'accident.

D'une deuxième part, les éléments de l'enquête diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie ont révélé, sans contestation des parties sur ce point, l'état de particulière fatigue du salarié en cohérence avec les symptômes constatés le 3 février 2017.

D'une troisième part, par décision du 5 mai 2017, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié à M. [B] la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

Par ailleurs, il est établi que l'employeur, qui a transmis la déclaration d'accident du travail, émis des réserves sur le caractère professionnel de l'accident et participé à l'enquête diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie, était informé, lorsqu'il a mis en oeuvre la procédure de licenciement, de l'origine professionnelle de cette inaptitude.

L'origine professionnelle de l'inaptitude étant établie, les dispositions des articles L 1226-14 et L. 1226-16 du code du travail doivent trouver application.

Aux termes de l'article L 1226-14 du code du travail :

La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Et l'article L 1226-16 du code du travail énonce :

Les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.

M. [B] est donc fondé à obtenir paiement du solde de l'indemnité spéciale de licenciement équivalente au double de l'indemnité légale, dont le montant ne fait l'objet d'aucune critique utile par l'employeur, et qui s'établit à 27 823,55 euros conformément au reçu pour solde de tout compte mentionnant le versement d'une indemnité de licenciement du même montant.

Il est également fondé à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 équivalent à deux mois de salaire, soit 4 778,71 euros brut.

Aussi cette indemnité compensatrice n'a pas la nature d'une indemnité de préavis de sorte qu'elle n'ouvre pas droit à une indemnité pour congés payés.

Par infirmation du jugement entrepris la société Panthera sécurité est donc condamnée à verser à M. [B] les sommes de :

27 823,55 euros à titre de solde l'indemnité spéciale de licenciement,

4 778,71 euros brut à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis.

3 ' Sur la demande en remboursement des indemnités chômages :

L'article L 1235-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 énonce :

Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il s'impose de mettre à la charge de l'employeur le remboursement des indemnités de chômage servies au salarié abusivement privé de son emploi, et ce dans la limite de six mois d'indemnités. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

5 ' Sur la demande de rectification des bulletins de salaire :

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'ordonner la rectification des bulletins de salaire de M. [B] de sorte que celui-ci est débouté de ce chef de demande par confirmation du jugement entrepris.

6 ' Sur les intérêts :

M. [B] demande à voir dire que l'ensemble des condamnations porte intérêts au taux légal à compter de la demande.

Or les intérêts sur les créances salariales courent à compter du 25 septembre 2018, date de réception par la société Panthera sécurité de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.

Au visa de l'article 1231-7 du code civil, dès lors que les sommes indemnitaires allouées en principal sont d'un montant laissé à l'appréciation du juge, les intérêts au taux légal ne courent qu'à compter de la décision qui les prononce.

Il s'ensuit que les intérêts sur les condamnations porteront intérêt au taux légal pour celles fixées par les premiers juges et confirmées par le présent arrêt à compter du jugement entrepris et que les autres condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

7 ' Sur les demandes accessoires :

La société Panthera sécurité, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris, y ajoutant les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [B] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Panthera à lui payer la somme de 100 euros au titre des frais exposés en première instance, et de la condamner à lui verser une indemnité de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et un indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné la société Panthera sécurité à payer à M. [K] [B] la somme de 5 000 euros net à titre de non-respect des accords d'entreprises sur les entretiens professionnels et les formations qualifiantes ;

- Débouté M. [K] [B] de ses demandes :

de production de pièces,

de paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires,

d'indemnité pour travail dissimulé,

en dommages et intérêts pour absence de remise de l'attestation de salaire employeur,

de remise de bulletins de salaire rectifiés,

- Condamné la société Panthera sécurité aux entiers dépens.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Panthera services à payer à M. [K] [B] les sommes suivantes :

- 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des temps de repos,

- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard pris à répondre à sa demande de mutation.,

- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité et de prévention.

DIT que le licenciement notifié à M. [K] [B] le 7 septembre 2017 est dénué de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Panthera services à payer à M. [K] [B] les sommes suivantes :

- 50 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 27 823,55 euros à titre de solde l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 778,71 euros brut à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis ;

DIT que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2018 pour les créances salariales,

DIT que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris pour les créances indemnitaires fixées par les premiers juges et confirmées par le présent arrêt et à compter du présent arrêt pour celles résultant de la présente décision ;

CONDAMNE la société Panthera services à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

DIT qu'une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe à France Travail ;

CONDAMNE la société Panthera services à payer à M. [K] [B] une indemnité de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Panthera services aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction

de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 22/01160
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01160 ?
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