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25/06/2024 | FRANCE | N°21/03236

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2024, 21/03236


C1



N° RG 21/03236



N° Portalis DBVM-V-B7F-K7GI



N° Minute :

























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Marine BOULARAND



Me Valérie BARALO

AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 19/00371)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 16 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2021



Plaidoiries du 03 juillet et du 11 septembre 2023

Arrêt de réouverture des débats rendu le 07 novembre 2023


...

C1

N° RG 21/03236

N° Portalis DBVM-V-B7F-K7GI

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Marine BOULARAND

Me Valérie BARALO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 19/00371)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 16 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2021

Plaidoiries du 03 juillet et du 11 septembre 2023

Arrêt de réouverture des débats rendu le 07 novembre 2023

APPELANTE :

Madame [N] [J]

née le 14 Juin 1990 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Marine BOULARAND, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEES :

S.A.S. MAISONS LOGELIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Valérie BARALO, avocat au barreau de VALENCE,

SASU Logelis solutions développement (anciennement dénommée Logelis contractant général puis Logelis Solutions Bois), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Valérie BARALO, avocat au barreau de VALENCE,

S.A.S.U. LOGELIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Valérie BARALO, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 avril 2024

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, en charge du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 juin 2024.

Mme [J] a été engagée en qualité d'assistante commerciale dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 19 juillet 2016 par la société Logelis contractant général.

A compter du 23 janvier 2017, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et Mme Perrin-lion a alors occupé un poste de responsable marketing et communication.

Le 15 avril 2019, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique, qui s'est déroulé le 26 avril 2019.

Le 29 avril 2019, Mme [J] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé et son contrat a pris fin le 17 mai 2019.

Par courrier recommandé du 26 mai 2019, Mme [J] a informé la société Logelis contractant général qu'elle souhaitait faire valoir sa priorité de réembauchage.

Estimant qu'elle travaillait aussi pour la SASU Logelis et la SASU Maisons logelis, deux autres sociétés du groupe Logelis, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence en date du 20 septembre 2019 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 16 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Valence, a :

- Débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouté les sociétés Logelis contractant général, Maisons logelis, et Logelis de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné les parties par moitié aux éventuels dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [J] en a interjeté appel.

Par arrêt en date du 07 novembre 2023, la cour d'appel de Grenoble a :

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,

- invité les parties à présenter leurs observations sur l'exacte dénomination des sociétés visées dans leurs écritures, et notamment sur la dénomination actuelle de la société immatriculée au RCS sous le numéro 804 357 796, anciennement dénommée Logelis Contractant Général, avec laquelle Mme [J] a signé son contrat de travail,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état

- dit que la partie appelante communiquera ses conclusions avant le 09 janvier 2024 et que la partie intimée communiquera ses conclusions avant le 05 mars 2024,

- dit que la clôture sera prononcée à la date du 02 avril 2024,

- renvoyé l'affaire à l'audience des plaidoiries du lundi 29 avril 2024 à 13h30 en salle 8,

- dit que la présente décision vaut convocation ;

- réservé les demandes et demandes accessoires.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2023, Mme [J] demande à la cour d'appel de :

« - déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [J]

- réformer intégralement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Valence du 16 juin 2021

- déclarer le licenciement de Mme [J] comme étant dénué de cause réelle et sérieuse

- condamner la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), la SASU Maisons logelis et la SASU Logelis au versement de la somme suivante à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 euros

- condamner la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), la SASU Maisons logelis et la SASU Logelis au versement de la somme suivante à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche : 7 500 euros

- condamner la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), la SASU Maisons logelis et la SASU Logelis au versement de la somme suivante à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la vie privée : 5 000 euros

- condamner la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), la SASU Maisons logelis et la SASU Logelis au versement de la somme suivante au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 4 000 euros

- condamner la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), la SASU Maisons logelis et la SASU Logelis aux entiers dépens de l'instance. »

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 28 février 2024, la SASU Logelis solutions développement (anciennement dénommée Logelis contractant général puis Logelis solutions bois), la SASU Maisons logelis et la SASU Logelis demandent à la cour d'appel de :

« - déclarer non fondé l'appel interjeté par Mme [J] suite au jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Valence le 16 juin 2021,

- donner acte aux parties de leur communication de pièces après le jugement de réouverture des débats,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes.

- dire et juger que les sociétés Maisons logelis, Logelis solutions développement, et Logelis devront être mises hors de cause ;

- condamner Mme [J] à payer aux sociétés concluantes la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner Mme [J] aux éventuels dépens de l'instance. »

La clôture a été prononcée le 02 avril 2024.

L'affaire, appelée à l'audience du 29 avril 2024, a été mise en délibéré au 11 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la dénomination de la société immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796 :

Mme [J] produit :

- son contrat de travail en date du 12 juillet 2016, signé avec la société Logelis contractant général, immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796

- l'avenant signé le 24 novembre 2017 avec la société Logelis contractant général, immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796

- des extraits Kbis desquels il ressort que :

* la SASU Logelis Solutions Bois a été immatriculée au RCS de Romans le 15 mars 2022 sous le numéro 911 412 625

* la SASU immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, est dénommée « Logelis Solutions développement »

L'intimée démontre qu'à la suite d'une modification de dénomination sociale, la SASU Logelis contractant général est devenue la SASU Logelis solutions bois, conformément au procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 2 février 2021 et de son annonce légale parue dans Drôme Hebdo le 11 février 2021.

Puis, à la suite d'une seconde modification de dénomination sociale, la SASU Logelis solutions bois est devenue la SASU Logelis solutions développement, conformément au procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2021 et de son annonce légale parue dans Drôme Hebdo le 12 août 2021.

Il en résulte que la SAS Logelis contractant général, immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, avec laquelle Mme [J] a signé son contrat de travail, correspond aujourd'hui à la SASU Logelis solutions développement immatriculée sous ce numéro au RCS de Romans sous le même numéro, ce qui n'est pas contesté par les parties.

Sur le co-emploi :

Moyens des parties:

Mme [J] affirme qu'elle travaillait pour la SASU Logelis contractant général, mais aussi pour la SASU Logelis et la SASU Maisons logelis, qui sont deux autres sociétés du groupe LOGELIS dans le cadre d'un lien de subordination. Elle affirme qu'elle était chargée de la communication et du marketing pour les trois sociétés.

Les sociétés Maisons logelis et Logelis soutiennent que Mme [J] n'a jamais travaillé pour elles.

Réponse de la cour,

Selon l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

En application de ces dispositions, il est constant que c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En outre, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière. (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n°18-13.769 publié et Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-10.232).

En l'espèce, Mme [J] produit :

- des devis ou proposition commerciale, dont elle a été destinataire et qu'elle a acceptés, contenant la dénomination sociale « Logelis », ou « Maisons logelis »

- des demandes d'achats effectuées pour les trois sociétés du groupe Logelis, signées par un supérieur hiérarchique

- quatre attestations de salariés, indiquant qu'elle était en charge de la communication interne et externe pour l'ensemble du groupe

- des échanges de courriels évoquant la facturation et la communication des autres entreprises du groupe

Or, l'examen de ces pièces ne permet pas d'établir l'existence d'un lien de subordination à l'égard des autres entreprises du groupe, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, et n'établit pas davantage la perte complète de la capacité d'action de la SASU Logelis contractant général, employeur de Mme [J], par l'effet d'ingérence permanente d'une autre entité dans la gestion économique et sociale de l'entreprise, de nature à caractériser un état de co-emploi, hors subordination.

En effet, la salariée n'explicite aucun élément de fait précis relatif à des actes d'immixtion ou d'ingérence des sociétés Logelis et Maison Logelis en se limitant à produire des éléments concernant les prestations qu'elle a effectuées.

Dès lors, la situation de co-emploi n'étant pas démontrée, les SASU Logelis et Maisons logelis seront mises hors de cause.

Sur la demande au titre de l'atteinte à la vie privée :

Moyens des parties :

Mme [J] soutient que son employeur n'a pas respecté sa vie privée.

Elle expose que :

- l'employeur a divulgué son état de grossesse au sein de l'entreprise. Or, la grossesse n'a pu être menée à son terme ;

- elle s'est trouvée dans l'obligation de dévoiler son état de grossesse lorsque son employeur l'a informée qu'elle serait licenciée. Il ne s'agissait pas d'une information « officielle » qui sous-entendait qu'elle était d'accord pour que d'autres salariés soient informés de son état.

En réponse, l'employeur expose que :

- Mme [J] a déclaré sa grossesse alors qu'elle n'en avait pas l'obligation ;

- Elle n'a pas demandé à son employeur de ne pas en parler.

Réponse de la cour,

Selon l'article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.

En l'espèce, Mme [J] a informé son employeur le 12 février 2019 de son état de grossesse, en lui adressant un certificat médical.

L'employeur ne conteste pas avoir évoqué cet état de grossesse par la suite devant d'autres salariés.

Les circonstances de cette divulgation sont confirmées par deux attestations de salariées produites par Mme [J] :

- Mme [G] indique avoir été informée par M. [Z], président du groupe Logelis et M. [I], directeur financier, entre le 25 février 2019 et le 17 mars 2019, de l'état de grossesse de la salariée ;

- Mme [O] indique que M. [I] lui a demandé si l'arrêt de travail de Mme [J] était dû à cet état de grossesse, précisant « J'ai été choquée de l'apprendre de la sorte, surtout lorsqu'à son retour je lui ai posé la question sa grossesse avait été interrompue ».

Il est constant que l'état de grossesse relève de la sphère privée.

Ainsi, ces attestations établissent que l'employeur a révélé à d'autres salariés une information relevant de la vie privée de Mme [J], sans son accord, lorsqu'elle se trouvait en arrêt maladie, sans alléguer ni a fortiori justifier de la nécessité de dévoiler cet élément de la vie privée de la salariée.

La divulgation de cette information, alors que la grossesse n'a pas pu être menée à son terme, a causé un préjudice certain à Mme [J], dans la mesure où les salariés informés l'ont ensuite questionnée sur son état.

Dès lors, la SASU Logelis solutions développement est condamnée à payer à Mme [J] une somme qu'il convient de fixer à 3 000 euros net, à titre de dommages et intérêts, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur le licenciement pour motif économique :

Moyens des parties :

Mme [J] soutient que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En effet, elle expose que:

- son employeur ne lui a pas remis les documents concernant le motif économique avant l'acceptation du CSP 

- au cours de la réunion du 19 avril 2019, la situation économique de l'entreprise n'a pas été abordée

- elle a retourné le bulletin d'acceptation du CSP le 29 avril 2019, sans avoir reçu aucun document écrit concernant le motif économique.

- à l'époque du licenciement en avril 2019, des recrutements étaient en cours dans le groupe

- l'employeur a manqué à son obligation de reclassement faute d'avoir cherché à la reclasser dans le groupe puisqu'elle travaillait pour le compte d'autres structures.

L'employeur soutient en réponse que le licenciement pour motif économique de Mme [J] est justifié, dès lors que :

- les raisons économiques ont été portées à la connaissance de Mme [J]

- une note a été affichée par la Direction début avril 2019

- tous les salariés étaient au courant

- la salariée a été embauchée par la société Logelis Contactant général, et elle ne démontre pas avoir travaillé pour les sociétés Logelis et Maison logelis de sorte que le périmètre des recherches de reclassement ne s'étendait pas à ces sociétés.

Réponse de la cour,

Selon l'article L 1233-66 du code du travail, dans les entreprises non soumises à l'article L. 1233-71, l'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique.

Selon l'article L 1233-67 du même code, l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l'article L. 1233-68. Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis.

En application de ces dispositions, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

En effet, le salarié doit être en mesure de prendre la décision d'adhérer ou non au contrat en parfaite connaissance des motifs de son licenciement qui doivent être définitivement fixés dans un document écrit.

Si ce document n'est adressé au salarié que postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, ni la convocation à l'entretien préalable du 15 avril 2019, ni la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle remise à la salariée le 26 avril 2019 ne portent à la connaissance de Mme [J] les motifs de son licenciement, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 29 avril 2019.

L'employeur fait état d'une note d'information en date du 03 avril 2019 sur les raisons économiques du licenciement, dont il soutient qu'elle a été affichée dans l'entreprise, comme l'atteste M.[P], salarié Logelis. Or celui-ci indique uniquement que « Une note d'information portant sur les raisons économiques des licenciements était bien disponible en lecture facilement par tous », sans préciser la date de cet affichage ni les motifs exposés.

L'employeur produit en outre trois attestations de salariés indiquant qu'une réunion d'information à destination de l'ensemble des salariés s'est tenue chez Logelis le 19 avril 2019 afin d'évoquer la situation économique du groupe, mais aucune de ces attestations n'apporte de précision sur la nature des informations données.

Ainsi, ces éléments sont insuffisants pour permettre à l'employeur de justifier de son obligation de porter à la connaissance de la salariée la cause économique précise de son licenciement et les répercussions de ces difficultés sur son emploi.

Aussi, Mme [J] produit de son côté :

- une note d'information transmise aux salariés le 12 avril 2019 par M. [Z], directeur de Logelis, mentionnant que « Afin de gérer au mieux notre situation actuelle qui est difficile sur le plan économique, nous avons été amenés à prendre un certain nombre de décisions importantes, qui impactent l'organisation du travail, et du temps de travail », et conviant les salariés à une réunion le 19 avril 2019,

- les attestations de Mme [E], Mme [O], salariés du Groupe, indiquant que lors de cette réunion du 19 avril 2019, une modulation des horaires sur les trois mois suivants a été évoquée, puis une note a été envoyée les informant des décisions prises concernant le jour de solidarité et les ponts 2019.

- une note d'information en date du 05 avril 2019 concernant les jours de solidarité et ponts 2019, adressée le 19 avril 2019 à tous les salariés du groupe,

- une attestation de M. [D], collaborateur chez Logelis, indiquant que si un licenciement économique a été évoqué, c'est uniquement à l'automne 2019, puisqu'il indique : « J'atteste avoir constaté l'affichage dans les locaux de la société Logelis la feuille précisant et annonçant un licenciement économique en date de fin septembre, début octobre. J'ai reçu pour ma part cette note d'information le 26/11/2019. Elle m'a été remis en main propre par la DRH [X] [M] »

 

Ces éléments établissent ainsi que la réunion en date du 19 avril 2019 a porté sur l'organisation et le temps de travail, sans qu'un éventuel projet de licenciement économique ne soit évoqué.

La cour constate ainsi que l'employeur n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du respect de son obligation de porter à la connaissance de la salariée au cours de la procédure de licenciement, la cause économique précise de son licenciement et les répercussions de ces difficultés sur son emploi.

Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'apprécier le moyen tiré du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la cour constate que le licenciement de Mme [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute d'information de la salariée avant ou concomitamment à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, sur les motifs économiques de son licenciement, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

En l'espèce, Mme [J] avait une ancienneté de 2 ans et 9 mois dans l'entreprise, de sorte que le montant des dommages et intérêts est compris entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.

Elle justifie avoir créé une entreprise le 04 décembre 2019 laquelle a cessé son activité le 25 février 2023.

Elle a perçu l'allocation de retour à l'emploi jusqu'au 21 novembre 2021.

Son salaire moyen brut avant son licenciement était de 2 500 euros.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la SASU Logelis solutions développement sera condamnée à lui payer la somme de 8 750 euros brut à titre de dommages et intérêts, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur le non-respect de la priorité de réembauche :

Moyens des parties :

Mme [J] soutient que :

- le recrutement d'une responsable Communication et Marketing a eu lieu postérieurement à sa demande de priorité de réembauche.

- l'inscription au registre du commerce et des sociétés de la société créée par la salariée a eu lieu le 4 décembre 2019, soit plus de six mois après son licenciement.

L'employeur affirme en réponse que :

- le droit à la priorité de réembauchage ne peut s'exercer qu'à l'égard de l'entreprise qui a licencié le salarié, et non à l'égard du groupe auquel appartient cette entreprise,

- c'est la société Logelis qui a, non pas embauché Mme [F] mais signé un contrat commercial avec Faraglo ayant pour objet la mise à disposition de Mme [F] pour 3 jours par semaine en qualité de chargée de communication.

- Mme [J] a créé son entreprise en 2019, et lors de sa demande de priorité de réembauchage, elle avait déjà initié son projet.

Réponse de la cour,

Selon l'article L. 1233-45 du code du Travail le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles. Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

Selon l'article L 1235-13 de même code, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En application de ces dispositions, la priorité de réembauchage s'exerce dans le cadre de l'entreprise ou d'une autre société du groupe qui recrute sur un poste commun.

En cas de litige, il revient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation soit en établissant qu'il a proposé les postes disponibles et compatibles avec sa qualification, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

En l'espèce, Mme [J] justifie avoir adressé sa demande de priorité de réembauchage, à son employeur par courrier du 26 mai 2019, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

Or elle produit :

- une note de service du groupe Logelis en date du 27 juin 2019, faisant état de l'arrivée de Mme [F] à compter du 28 juin 2019, au poste de Responsable Communication et Marketing, précisant ses missions au sein des trois entreprises du groupe

- l'organigramme du groupe mentionnant Mme [F] au poste de Responsable Communication et Marketing

- une attestation de Mme [O], indiquant « le 27/06/19 j'ai été informé par note de service de l'arrivée de [H] [F] au poste de Responsable Communication et MARKETING, poste précédemment occupé par Madame [N] [J].

Pour ma part elle effectuait les mêmes tâches que Madame [J] pour la société MAISON LOGELIS. Je n'ai a' aucun moment vu la différence entre les fonctions de Madame [H] [F] et Madame [N] [J]. D'ailleurs, elle travaillait au même poste que Madame [J] et était assistée de Madame [V] [G] (Assistante Communication et Marketing) tout comme Madame [J]. »

- une attestation de Mme [E], collaboratrice comptable, indiquant : « [H] [F] a rejoint la société fin juin 2019. Son arrivée a été annoncée par une note de service stipulant qu'elle travaillait pour Logelis, Logelis Contractant General et Maisons Logelis. Elle travaille au moins 3 jours par semaine et réalise le même travaille que Madame [N] [J] lorsqu'elle était la' : gestion des réseaux sociaux, organisation des salons professionnels, administration du site internet, réalisation de plaquettes'elle travaille dans l'ancien bureau de [N], au même poste, au même ordinateur. »

Ces éléments établissent que Mme [F] effectuait des tâches pour les trois sociétés de sorte qu'il s'agissait d'un emploi commun aux trois sociétés au sens des dispositions précitées.

La SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), se limite à affirmer que la société Logelis avait en réalité signé un contrat commercial avec la société Faraglo dont l'objet était la mise à disposition d'une chargée de mission communication, Mme [F], trois jours par semaine

Or la cour constate que :

- Mme [F] occupait des fonctions identiques à celles de Mme [J] à compter du mois de 28 juin 2019, avec des missions réparties sur les trois structures du groupe Logelis, dont la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), employeur de Mme [J], de sorte qu'il s'agissait d'un poste destiné à être commun à ses trois entreprises,

- La SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), a recouru à un contrat de mise à disposition afin de pourvoir un poste correspondant précisément aux qualifications de Mme [J], sans l'informer,

- La SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), n'apporte aucun élément démontrant que le contrat de mise à disposition de Mme [F] était temporaire.

La cour relève en outre que la SASU Logelis solutions développement s'abstient de produire son registre du personnel, seule pièce permettant pourtant de démontrer qu'elle n'a procédé à aucune embauche, et qu'aucun poste susceptible d'être proposé à Mme [J] n'était disponible.

Dès lors, il convient de retenir que la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle a respecté la priorité de réembauchage à laquelle elle était soumise.

Sur le préjudice, Mme [J] justifie avoir effectivement créé une société, mais uniquement à compter du 04 décembre 2019.

Elle a perçu une allocation de retour à l'emploi d'un montant de 1600 euros mensuel durant 18 mois, alors que son salaire brut mensuel était précédemment de 2500 euros, de sorte que son préjudice financier est établi.

La SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), devra ainsi payer à Mme [J] une indemnité qu'il convient de fixer à 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires :

Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens.

La SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), succombant à l'instance, elle est condamnée aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.

Elle devra en outre payer à Mme [J] une somme qu'il convient de fixer à 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sera déboutée de sa demande à ce titre.

La SASU Maisons logelis et la SASU Logelis seront-elles aussi déboutées de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

Débouté Mme [J] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la vie privée,

Débouté Mme [J] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Débouté Mme [J] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,

Débouté Mme [J] de ses prétentions au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné les parties par moitié aux éventuels dépens de l'instance.

Le confirme pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

MET HORS DE CAUSE les SASU Logelis et Maison logelis,

DECLARE le licenciement de Mme [J] dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, à payer à Mme [J] la somme de 8 750 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,

CONDAMNE la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la vie privée,

CONDAMNE la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, à payer à Mme [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les SASU Logelis et Maison logelis de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SASU Logelis solutions développement (anciennement Logelis contractant général), immatriculée au RCS de Romans sous le numéro 804 357 796, aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 21/03236
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.03236 ?
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