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20/06/2024 | FRANCE | N°23/03489

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 20 juin 2024, 23/03489


C 9



N° RG 23/03489



N° Portalis DBVM-V-B7H-L7LH



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL ALTER AVOCAT



Me Elise QUAGLINO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

>
Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 20 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 22/00142)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 26 septembre 2023

suivant déclaration d'appel du 05 octobre 2023

Ordonnance du premier président de la cour d'appel de Grenoble autorisant l'assignation à jour fixe en date du 11 octob...

C 9

N° RG 23/03489

N° Portalis DBVM-V-B7H-L7LH

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ALTER AVOCAT

Me Elise QUAGLINO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 20 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 22/00142)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 26 septembre 2023

suivant déclaration d'appel du 05 octobre 2023

Ordonnance du premier président de la cour d'appel de Grenoble autorisant l'assignation à jour fixe en date du 11 octobre 2023

APPELANTE :

Madame [X] [Y] [M]

née le 09 décembre 1985 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sylvain LATARGEZ de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S.U. MAXI ZOO FRANCE Prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Elise QUAGLINO, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Loïc LE BERRE, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mai 2024,

Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, assisté de Mme Carole COLAS, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 20 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [X] [Y] [M], née le 9 décembre 1985, a été engagée le 20 septembre 2011 par la société par actions simplifiée (SAS) Maxi zoo France dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'hôtesse de caisse à temps plein relevant de la convention collective des fleuristes, vente et services des animaux familiers.

Selon avenant en date du 31 décembre 2016, Mme [M] a occupé le poste de responsable de rayon coefficient 410 des dispositions conventionnelles au sein du magasin du centre commercial [5] à [Localité 6].

Elle était élue au Comité social et économique (ci-après CSE) de la société Maxi zoo France.

Mme [M] a été victime d'un accident du travail le 5 octobre 2019.

A l'occasion de la visite de reprise, le médecin du travail l'a, par avis en date du 2 juillet 2021, déclarée inapte à son poste tout en précisant «'l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'».

La salariée a été convoquée à un entretien préalable le 19 octobre 2021.

Par décision du 20 décembre 2021, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme [M].

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 janvier 2022, la société Maxi zoo France a notifié à Mme [M] son licenciement pour impossibilité de reclassement à la suite d'une inaptitude médicalement constatée.

Par requête reçue le 23 février 2022, Mme [X] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice causé par le manquement allégué de l'employeur à son obligation de sécurité.

La société Maxi zoo France s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 26 septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Grenoble':

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes présentées par Mme [X] [Y] [M] au profit du pôle social du tribunal judiciaire,

- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

- a dit qu'à défaut d'appel dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, le dossier sera transmis par le greffe à la juridiction désignée,

- a laissé les dépens à la charge de Mme [X] [M].

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signé le 28 septembre 2023 par Mme [M] et tamponné sans date pour la société Maxi zoo France.

Par déclaration en date du 5 octobre 2023, Mme [X] [M] a interjeté appel.

Par ordonnance du 11 octobre 2023, le délégué du premier président de la cour d'appel a autorisé Mme [M] à assigner à jour fixe la société Maxi zoo France.

Par exploit d'un commissaire de justice du 27 octobre 2023, Mme [X] [M] a fait assigner à jour fixe la société Maxi zoo France devant la cour d'appel de Grenoble.

Par arrêt en date du 08 février 2024, la cour d'appel de Grenoble a':

-annulé le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

-déclaré la juridiction prud'homale compétente pour statuer sur la demande de Mme [M] tendant à la condamnation de la société Maxi zoo France à lui payer la somme de 40'000 euros au titre de l'indemnisation liée à la perte d'emploi,

-déclaré irrecevable la demande de Mme [M] tendant à la condamnation de la société Maxi zoo France à lui payer la somme de 8'000'euros net de CSG CRDS en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son obligation de sécurité pour défaut de pouvoir de la juridiction prud'homale,

-ordonné la réouverture des débats,

-invité les parties à conclure sur le fond,

-renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 21 mars 2024,

-réservé les autres demandes, y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Mme [M] s'en est remise à des conclusions transmises le 12 mars 2024 et entend voir':

Vu les pièces versées

Vu la jurisprudence

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 8/02/2024 (RG23/03489)

JUGER que la société Maxi Zoo France a violé son obligation de sécurité et son devoir de prévention

JUGER que la rupture de la relation contractuelle est imputable aux manquements de l'employeur

CONDAMNER la société Maxi Zoo France à verser à Mme [M] la somme de 40 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée d'emploi

CONDAMNER la société Maxi Zoo France au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la société Maxi Zoo France aux dépens

La société Maxi Zoo France s'en est rapportée à des conclusions transmises le 20 mars 2024 et demande à la cour d'appel de':

Vu le code du travail, vu le code civil, vu le code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 26 septembre 2023,

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble en date du 8février 2024,

A TITRE PRINCIPAL :

- DIRE ET JUGER que Ia société Maxi Zoo n'a commis aucune faute ayant conduit à l'accident de Mme [X] [Y] [M] du 5 octobre 2019 et au licenciement prononcé le 11 janvier 2022;

- DEBOUTER Mme [X] [Y] [M] de l'intégralité de ses demandes.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- FIXER l'indemnisation de Mme [M] au titre de Ia perte d'emploi à un juste montant.

En tout état de cause et a titre reconventionnel,

- CONDAMNER Mme [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- CONDAMNER Mme [M] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux écritures sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur l'inaptitude provoquée':

Premièrement, si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale (pôle social du tribunal judiciaire), la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt n°1, pourvoi n° 16-26.850 et arrêt n° 2, pourvoi n° 17-10.306).

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (arrêt n° 1, pourvoi n° 16-26.850).

Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet serait la nullité de la rupture du contrat de travail.

Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. (Soc., 29 juin 2017, pourvoi n°15-15.775, Bull. 2017, V, n° 108)

Les demandes au titre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par un salarié à l'encontre de son employeur devant le pôle social n'ont pas le même objet que celle résultant de la perte injustifiée de son emploi par un salarié à raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité relevant de la compétence du juge prud'homal. (2ième Civ., 12 janvier 2023, pourvoi n°21-16.227).

Si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation des chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation.

Dès lors, une cour d'appel décide à bon droit que la perte des droits à la retraite subie par une victime, bénéficiant d'une rente majorée, se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. (Ch. mixte., 9 janvier 2015, pourvoi n° 13-12.310, Bull. 2015, Ch. mixte, n° 1'; Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 14-20.214, Bull. 2018, V, n° 70)

Deuxièmement, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017: de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017 : y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1);

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L'article R4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L'article R4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

L'article R4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

(version avant le 1er janvier 2018 : 2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu) ; (version après le 1er janvier 2018 : 2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique)

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.

L'article R4323-63 du code du travail prévoit que':

Il est interdit d'utiliser les échelles, escabeaux et marchepieds comme poste de travail.

Toutefois, ces équipements peuvent être utilisés en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l'évaluation du risque a établi que ce risque est faible et qu'il s'agit de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif.

En l'espèce, d'une première part, quoique cette décision n'ait pas l'autorité de la chose jugée au regard de la présente action ayant un objet différent, il n'en demeure pas moins que par jugement en date du 29 septembre 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble qui constitue à tout le moins un fait juridique sur lequel Mme [M] peut s'appuyer, il a été à la fois reconnu le caractère professionnel de l'accident du travail du 05 octobre 2019 ayant consisté pour Mme [M] à chuter d'un marchepied au temps et lieu du travail alors qu'elle nourrissait les poissons d'un aquarium ainsi que la faute inexcusable de l'employeur à raison d'un défaut d'information et formation de la salariée pour les travaux en hauteur et de l'absence de retrait du tabouret litigieux nonobstant une alerte préalable des instances représentatives du personnel.

D'une seconde part, les pièces produites aux débats permettent de retenir que l'employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter l'accident dont Mme [M] a été victime en ce que':

- l'employeur a certes produit aux débats une attestation de M. [P], responsable maintenance et sécurité, qui a témoigné du fait que deux jours avant l'accident, il s'était rendu sur la surface de vente, avait constaté la présence de deux tabourets à pied d'éléphant et qu'il en avait immédiatement demandé le retrait à Mme [M] et au reste du personnel présent ce jour-là et qu'il leur avait indiqué que le magasin disposait d'une PIRL en surface de vente devant être utilisée pour les travaux en hauteur, et notamment pour le nettoyage des aquariums. Le fait que les pieds du tabouret auraient été en plastique et non en ferraille et partant non rouillés est sans emport puisque l'employeur admet lui-même que le matériel était inadapté puisque se prévalant d'une demande de retrait. La réalité de cette conversation entre M. [P] et Mme [M] peut être déduite de l'échange de courriels du 27 janvier 2020 de la salariée avec M. [E], membre du CHSCT, aux termes duquel Mme [M] a écrit qu'elle avait eu une discussion avec [Z] [P] avant son accident sur le sujet. La société Maxi Zoo produit également une facture d'achat d'un escabeau mobile avec blocage automatique avec une livraison à [Localité 6] en date du 30 juin 2015.

Toutefois, l'employeur ne rapporte pas la preuve suffisante de la disponibilité effective de ce matériel au moment de l'accident par l'attestation de ce témoin dans un lien de subordination avec lui et cette facture dans la mesure où Mme [R] a attesté avoir été témoin du départ urgent de son manager ayant pour but d'acquérir de nouveaux marchepieds dans le commerce le plus proche qui en détenait le jour de l'accident.

L'employeur, dont il ressort qu'il avait parfaitement connaissance du caractère inadapté du marchepied litigieux pour effectuer des travaux en hauteur puisque le CHSCT avait été saisi du sujet et qu'une demande de retrait desdits marchepieds avait été diffusée dans la lettre d'information interne (attestation de Mme [R] et courriel du 27 janvier 2020 de M. [E]), se devait en tout état de cause de s'assurer du retrait effectif et immédiat dudit matériel, la seule demande de M. [P] au personnel présent, dont Mme [M], responsable de rayon, n'étant pas une mesure jugée suffisante et nécessaire puisque cet ordre aurait manifestement dû être transmis au manager du magasin et l'employeur se devait de s'assurer qu'il était immédiatement exécuté.

Au demeurant, à supposer même que Mme [M] ait ignoré une préconisation de M. [P], il n'en demeure pas moins que la société Maxi Zoo ne produit aucun document unique d'évaluation des risques professionnels, s'agissant notamment des risques prévisibles liés aux travaux en hauteur qui étaient manifestement habituels pour nourrir les poissons et ne justifie d'aucune information et formation de Mme [M] à ce type de travaux en hauteur, de sorte que ces autres manquements ont également joué un rôle causal certain dans la survenance de l'accident, étant observé qu'une formation aux gestes et postures mise en avant par l'employeur ne couvre pas celle afférente aux travaux en hauteur, puisque les problématiques et les risques sont différents.

La circonstance que l'employeur ait pu satisfaire à son obligation relative aux visites à la médecine du travail et qu'il ait pu informer la salariée sur d'autres risques (chargement/déchargement) ou remettre des équipements de protection individuelle aux salariés (attestations de Mmes [U] et [F]) est sans portée dès lors qu'il ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires préventives et spécifiques relatives au risque de chute dans le cadre de travaux en hauteur.

Enfin, les moyens de l'employeur sur les conditions de travail dans l'entreprise qui selon lui étaient bonnes sont inopérants puisque Mme [M] ne se prévaut pas de manquements à ce titre dans le cadre de l'inaptitude provoquée qu'elle entend voir reconnaitre.

D'une troisième part, Mme [M] rapporte la preuve suffisante qui lui incombe que les manquements de l'employeur à son obligation de prévention des risques de chute ont joué un rôle causal certain dans sa déclaration définitive d'inaptitude ayant eu pour conséquence la perte de son emploi.

En effet, la salariée a été en arrêts de travail continus de la date de son accident du travail, le 05 octobre 2019, jusqu'à la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail selon avis en date du 02 juillet 2021, étant observé que le médecin du travail a considéré que l'inaptitude avait bien une origine professionnelle puisqu'il a rempli, le 02 juillet 2021, le formulaire de demande d'indemnité temporaire, qu'il ressort du rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente AT dressé par le service médical de la caisse que la salariée a été consolidée avec séquelles sans état antérieur au 30 juin 2021, soit à une date contemporaine de sa déclaration d'inaptitude définitive au poste et que par jugement en date du 08 novembre 2022 du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble, son incapacité permanente partielle a été fixée à 48 %, soit 40 % de taux médical et 8 % de taux professionnel.

L'employeur a en outre admis le caractère professionnel de l'inaptitude ainsi que cela ressort de l'attestation Pôle emploi établie le 27 janvier 2022, sans pour autant alléguer de l'existence d'une autre maladie professionnelle ou accident du travail.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de dire que la perte injustifiée de l'emploi de Mme [M] résultant de son inaptitude définitive au poste est la conséquence d'un manquement préalable de la société Maxi Zoo à son obligation de prévention et de sécurité.

Au jour de la perte injustifiée de son emploi, Mme [M] avait 36 ans et 10 ans d'ancienneté.

En l'absence de production des bulletins de salaire si ce n'est celui de janvier 2022, il apparait à l'analyse de l'attestation Pôle emploi que le salaire de Mme [M] était de l'ordre de 2081 euros brut (moyenne des 12 derniers mois), étant observé d'après le bulletin de paie de janvier 2022, que la salariée percevait une rémunération variable de sorte qu'il ne doit pas être pris en compte seulement les 3 derniers mois.

Elle justifie de la perception d'indemnités ARE de février 2022 à décembre 2022.

Elle a ensuite été en rechute d'accident du travail de sorte qu'elle a perçu des indemnités journalières de la CPAM, puis a été indemnisée au titre d'un congé maternité du 12 février 2023 au 03 juin 2023 avant de percevoir de nouveau des indemnités journalières pour accident du travail à tout le moins jusqu'au 21 février 2024.

Mme [M] se prévaut de manière injustifiée à la fois de la perte de revenus avant la perte injustifiée de son emploi et de sa diminution de droit à la retraite dès lors que ces préjudices sont pris en charge au titre de l'indemnisation de l'accident du travail et de la faute inexcusable.

L'employeur avance à juste titre que la comparaison doit s'opérer entre le salaire net que percevait la salariée dans le dernier état de la relation contractuelle et les montants nets perçus par Mme [M] au titre des revenus de remplacement dès lors que l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ne mentionne pas l'indemnité pour perte injustifiée de l'emploi par renvoi à l'article 80 duodecies du code général des impôts de sorte qu'elle n'est pas assujettie à cotisations sociales et pas davantage l'article L 136-2 du code de la sécurité sociale s'agissant de la CSG/CRDS, étant observé que l'indemnité au titre de la perte injustifiée de l'emploi ne saurait être assimilée à des dommages et intérêts pour licenciement injustifié puisqu'au cas d'espèce, le licenciement est nécessairement justifié pour avoir été autorisé par l'inspection du travail.

Il convient au vu de l'ensemble de ces éléments de condamner la société Maxi Zoo à payer à Mme [M] la somme de 15705 euros net à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de l'emploi, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur les demandes accessoires':

L'équité et la situation économique respective des parties commandent de condamner la société Maxi Zoo à payer à Mme [M] la somme de 3000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Maxi Zoo, partie perdante à l'instance, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

Vu l'arrêt de la cour de céans en date du 08 février 2024,

DIT que la perte injustifiée de l'emploi de Mme [M] résultant de son inaptitude définitive au poste est la conséquence d'un manquement préalable de la société Maxi Zoo à son obligation de prévention et de sécurité

CONDAMNE la société Maxi Zoo à payer à Mme [M] la somme de quinze mille sept cent cinq euros (15705 euros) net à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de l'emploi

DÉBOUTE Mme [M] du surplus de sa demande au principal

CONDAMNE la société Maxi Zoo à payer à Mme [M] la somme de 3000 euros à titre d'indemnité de procédure

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Maxi Zoo aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 23/03489
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.03489 ?
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