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20/06/2024 | FRANCE | N°22/03105

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 20 juin 2024, 22/03105


C 9



N° RG 22/03105



N° Portalis DBVM-V-B7G-LPUQ



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR

D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 20 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 21/00039)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [W] [N]

en date du 02 août 2022

suivant déclaration d'appel du 08 août 2022



APPELANTE :



S.A.R.L. [W] CONFORT MEDICAL agissant poursuites et diligences de ses représentan...

C 9

N° RG 22/03105

N° Portalis DBVM-V-B7G-LPUQ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 20 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 21/00039)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [W] [N]

en date du 02 août 2022

suivant déclaration d'appel du 08 août 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. [W] CONFORT MEDICAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Sofiane COLY de la SARL DAIRIA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMEE :

Madame [V] [C]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Nathalie PALIX, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mai 2024,

Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, assisté de Mme Carole COLAS, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 20 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE

La société [W] confort médical est une société franchisée de la société possédant la marque Bastide le confort médical, spécialisée dans la vente de matériels et services destinés aux soins à domicile.

La société [W] confort médical est une filiale de la société Holding Qube qui dispose de trois autres établissements situés à [Localité 10], [Localité 7], et [Localité 6] et de deux autres à [Localité 11] et [Localité 8], cédés en partie.

Chaque structure emploie un responsable de site et plusieurs salariés. Son président, M. [F] [L] a été, en outre, directeur général du groupe Bastide le confort médical jusqu'en avril 2020.

Mme [C] a été initialement embauchée le 1er avril 2009 en qualité de vendeuse-conseil par la société à responsabilité limitée (SARL) [Localité 11] Confort médical en contrat à durée déterminée jusqu'au 30 novembre 2009.

Le contrat de travail s'est poursuivi au-delà du terme en décembre 2009.

Mme [C] a signé avec la société à responsabilité limité [W] Confort Médical un contrat à durée indéterminée à compter du 01janvier 2010 en qualité de vendeuse conseil coefficient 160 moyennant un salaire de 1400 euros brut pour 39 heures par semaine, outre une prime mensuelle de 200 euros.

L'ancienneté a été reprise sur les bulletins de paie au 01 avril 2009.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques.

En février 2010, Mme [C] a été promue responsable de magasin coefficient 240 échelon 2.3 puis responsable d'agence d'après les bulletins de paie en novembre 2011, Mme [C] évoquant dans ses conclusions la date de janvier 2013.

A compter de janvier 2017, le niveau, l'emploi et le coefficient restent inchangés sur les bulletins de paie mais il est prélevé des cotisations au titre du statut cadre pour la retraite et la prévoyance.

Le coefficient évolue à 400 à compter de mars 2017, la société [W] Confort Medical indiquant que Mme [C] était agent de maîtrise alors que cette dernière se prévaut du statut cadre.

Il est observé que dans la lettre de licenciement, l'employeur a mentionné le statut cadre et un coefficient 510.

En février 2019, Mme [L], la belle-s'ur de M. [L], a été embauchée au sein de l'établissement de [W]-[N], puis au sein de la société Holding Qube, en qualité de responsable administrative et ressources humaines.

Mme [L] a 'uvré pour la restructuration de l'agence de [W] [N] par la mise en place de procédures écrites, par une définition des positionnements de chacun, par la création de protocoles et règles de fonctionnement ainsi que par la réalisation de plusieurs organigrammes.

Le 10 juin 2020, Mme [C] a été convoquée à un entretien informel par M. [L], accompagné de Mme [L], pour lui faire part de reproches concernant sa gestion d'équipe.

Le soir même, Mme [C] a adressé un courriel à sa direction pour réaffirmer sa volonté de dialogue et de soutien à l'égard de son équipe.

Le 11 juin 2020, Mme [C] a de nouveau été convoquée par M. [F] [L] en présence de Mme [T], vendeuse-conseil dans son équipe, pour une confrontation.

Par lettre du 15 juin 2020, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 23 juin 2020.

Elle a été concomitamment mise à pied à titre conservatoire pendant toute la procédure.

Le 23 juin 2020, Mme [C] s'est présentée à l'entretien, accompagnée de M. [P], un conseiller au salarié.

Le 26 juin 2020, Mme [C] s'est vue notifier son licenciement disciplinaire pour cause réelle et sérieuse avec une dispense d'exécution de son préavis.

L'employeur a procédé à la levée de la clause de non-concurrence par ce même courrier.

Par requête du 12 février 2021, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir reconnaitre une exécution déloyale de son contrat de travail, un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, contester son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

La société [W] confort médical s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement du 2 août 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

Fixé le salaire moyen mensuel de Mme [C] à la somme de 3 559 euros ;

Dit et jugé que le licenciement de Mme [C] est sans cause réelle et sérieuse ;

Dit et jugé que la société [W] confort médical a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de Mme [C] ;

En conséquence,

Condamné la société [W] confort médical à verser à Mme [C] les sommes suivantes:

- 37 369,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 21 354 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail';

- 185 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement';

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Ordonné à la société [W] confort médical à remettre à Mme [C] son attestation Pôle emploi rectifiée et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la présente décision ;

Débouté Mme [C] du surplus de ses demandes ;

Débouté la société [W] confort médical de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société [W] confort médical aux entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception distribuée le 06 août 2022 pour Mme [C], aucune justification de notification n'étant présente au dossier pour la société [W] confort médical.

Par déclaration en date du 8 août 2022, la société [W] confort médical a interjeté appel.

Mme [C] a formé appel incident.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2023, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société [W] confort médical sollicite de la cour de':

«'Reformer le jugement du conseil de prud'hommes sur les chefs critiqués, à savoir en ce qu'il a :

- Fixé le salaire moyen mensuel de Mme [C] à la somme de 3 559 euros ;

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [C] est sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit et jugé que la société [W] confort médical a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de Mme [C] ;

En conséquence,

Condamner la société [W] confort médical à verser à Mme [W] confort médical les sommes suivantes :

- 37 369,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 21 354 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail';

- 185 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement';

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Ordonner à la société [W] confort médical à remettre à Mme [C] son attestation Pôle emploi rectifiée et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la présente décision ;

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [C] au titre de la violation de l'obligation de sécurité';

Et, en conséquence,

Débouter Mme [C] de son appel incident';

Juger que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [C] est justifié';

Rejeter les demandes de Mme [C] au titre de l'exécution du contrat de travail et du complément d'indemnité de licenciement';

Rejeter les demandes de Mme [C] au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de sécurité';

Rejeter les demandes de Mme [C] sur l'attestation Pôle emploi';

La condamner aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'à 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

La condamner la même aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Lexavoué sur son affirmation de droit. »

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [C] sollicite de la cour de':

«'Confirmant le jugement du conseil de prud'hommes de [W]-[N] du 2 août 2022,

Juger que le licenciement de Mme [C] est sans cause réelle et sérieuse';

Juger que la société [W] confort médical a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de Mme [C] ;

Condamner la société [W] confort médical à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

- 37 369,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 21 354 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail';

- 185 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement';

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance';

Ordonner à la société [W] confort médical de remettre à Mme [C] une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du jugement de 1ère instance';

Débouter la société [W] confort médical de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamner la société [W] confort médical aux entiers dépens de la 1ère instance';

Infirmant le jugement du conseil de prud'hommes de [W]-[N] du 2 août 2022 et jugeant à nouveau,

Condamner la société [W] confort médical à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

- 21'354 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité';

- 750 euros au titre de la prime Macron';

Y ajoutant,

Condamner la société [W] confort médical à payer à Mme [C] 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel';

Juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de [W]-[N]';

Condamner la société [W] confort médical aux entiers dépens d'appel. »

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 mars 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 2 mai 2024, a été mise en délibéré au 20 juin 2024

EXPOSE DES MOTIFS

Sur l'obligation de prévention et de sécurité':

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

D'une première part, l'employeur se prévaut à juste titre de la circonstance que les échanges de SMS produits aux débats par Mme [C] avec deux salariées, Mmes [T] et [B], ne caractérisent aucun manquement de sa part à son obligation de prévention et de sécurité.

Si l'employeur doit en effet établir qu'il a pris les mesures nécessaires afin de garantir le droit au repos de la salariée, Mme [C] ne répond pas au moyen pertinent développé par la société [W] Confort Medical selon lequel la salariée a pris seule l'initiative de communiquer avec ses collègues pendant ses congés, Mme [C] ne se prévalant d'aucun élément permettant de considérer que l'employeur a eu connaissance pendant la relation de travail de ces échanges et a fortiori a pu demander à Mme [C] de procéder ainsi, étant observé que la salariée ne forme aucune demande de rappel de salaire à raison de périodes travaillées pendant ses congés et que l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur ne trouve à s'appliquer qu'aux temps et lieu de travail.

La société [W] Confort Medical établit dès lors qu'elle n'a commis aucun manquement tenant au fait prétendu que la salariée aurait travaillé pendant ses congés payés.

D'une seconde part, Mme [C] a expressément conclu au fait que pendant la période du premier confinement résultant de l'épidémie de covid 19, les effectifs de l'agence avaient été réduits de moitié alors que les pièces produites mettent en évidence que l'entreprise est en définitive restée ouverte eu égard au «'rôle majeur'» qu'elle allait devoir assumer au cours des prochains mois selon les termes de son dirigeant dans un SMS du 15 mars 2020 au personnel.

Par ailleurs, ce dernier a indiqué, dans un courriel du 11 juin 2020 en lien avec les difficultés relationnelles rencontrées par Mmes [C] et [T], que «'nous sortons d'une période covid qui a été dense et compliquée tant psychologiquement que physiquement. Il est donc indispensable de prendre le temps de retrouver nos marques et un fonctionnement quotidien serein.'».

Mme [C] lui a répondu le lendemain, dans un courriel, reconnaitre que son «'immense fatigue (qui) a pu provoquer 'des attitudes non acceptables' mais humaines'».

L'employeur établit avoir pris certaines mesures utiles dans le cadre de la crise du covid 19 pendant la période du confinement national du 17 mars au 11 mai 2020 au cours de laquelle la société [W] Confort Medical a continué à fonctionner eu égard à son secteur d'activité.

Il a notamment détaillé les mesures sanitaires à respecter de manière précise. Il a également félicité les salariés ayant continué à travailler pendant cette période et les a gratifiés d'une prime pour leur implication. Mme [C] a d'ailleurs relayé les annonces de la direction, en particulier dans un courriel du 29 mai 2020 à l'équipe dans lequel, elle lui a fait part de l'octroi d'une prime supplémentaire à la prime sur objectif après avoir rappelé que «'ces deux mois passés furent intenses, et je vous remercie d'avoir soulevé les montagnes que l'on vous a demandées à mes côtés.'! ».

Pour autant, Mme [H] [J], a évoqué une situation de sous-effectif pendant la crise sanitaire de la covid 19 pour expliquer sa présence en magasin aux côtés de Mme [C], faisant écho aux éléments sus-mentionnés de la salariée quant au fait que manquait une bonne partie de l'équipe au cours de cette période, certains salariés étant en arrêt maladie ou en arrêt pour activité partielle ou encore en garde d'enfants.

Mme [C] a détaillé, en page n°39 de ses conclusions d'appel, quelle a été la situation de divers salariés désignés nommément et insisté sur le fait que Mme [T], avec laquelle un différend s'est manifesté en juin 2020, était alors la seule vendeuse en poste.

Or, l'employeur ne justifie pas concrètement quelle organisation il a instaurée pendant cette première période de confinement national, étant rappelé que l'employeur doit mettre en place une organisation adaptée et fournir les moyens suffisants aux salariés pour remplir leurs missions.

Si les pièces produites ne révèlent pas de manière évidente que Mme [C] a été soumise à une pression du chiffre de la part du dirigeant pendant ces semaines de confinement national, il n'en demeure pas moins, en conséquence, que l'employeur n'établit pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour garantir que la charge de travail de Mme [C] soit supportable et qu'elle ne soit pas soumise à un stress et une pénibilité injustifiée de nature à faire émerger un risque psychosocial, peu important en définitive que celui-ci se soit ou non réalisé rendant les éléments médicaux produits et critiqués sans portée puisqu'un salarié ne peut sous couvert d'une demande au titre de l'obligation de prévention et de sécurité obtenir l'indemnisation d'une éventuelle maladie professionnelle ou des conséquences d'un accident du travail.

Des échanges internes mettent en outre en évidence des tensions entre Mme [C] d'un côté et M. [R] et Mme [B] de l'autre, s'agissant de la réalisation possible d'heures supplémentaires et de la question corollaire de leur paiement, à raison de décisions de la direction faisant varier les horaires d'ouverture du magasin et partant les horaires de travail des salariés.

L'employeur entend imputer la responsabilité du mécontentement de ces deux salariés à Mme [C] alors même qu'il ressort du propre témoignage de M. [R] que les plannings changeaient au jour le jour, manifestement à la demande de la direction.

Si M. [R] a certes témoigné du fait que ces changements intempestifs n'étaient pas le problème pour lui mais qu'il s'agissait du fait que Mme [C] ait pu suggérer qu'il allait faire des heures supplémentaires non payées alors que ceci ne s'est finalement pas produit, il n'en demeure pas moins que cet incident renvoie clairement à l'organisation mise en place par l'employeur et aux moyens adéquats ou non fournis à Mme [C] pendant cette période singulière pour gérer l'agence et les plannings du personnel placé sous sa responsabilité.

Force est de constater que l'employeur ne produit pas d'éléments utiles quant aux effectifs dont Mme [C] disposait sur la période pour faire face à l'activité et à la manière dont les plannings ont été élaborés.

Il est d'ailleurs particulièrement significatif que Mme [T] ait exprimé des critiques à l'égard de sa supérieure hiérarchique seulement quelques semaines après cette période alors qu'aucun élément produit par l'employeur ne dément l'affirmation de Mme [C] selon laquelle elle a été la seule vendeuse présente pendant le confinement national.

Le dirigeant avait d'ailleurs parfaitement ce contexte particulier à l'esprit lorsqu'il a réuni les deux salariés le 11 juin 2020 ainsi que cela ressort du courriel précité du même jour.

Il est intéressant d'observer que dans son courriel du 15 juin 2020 à Mme [L], responsable administrative et RH, Mme [T] a mis en avant, outre une humeur inconstante de Mme [C], des problèmes d'équité dans les plannings, tout en précisant avoir indiqué dans un entretien avec le dirigeant': «'je n'avais absolument rien contre [V] professionnellement, bien au contraire, que ça fonctionnait plutôt bien entre nous.'».

Se pose là encore la question de l'organisation mise en place et des moyens fournis par l'employeur à Mme [C] pour administrer l'agence pendant cette période singulière.

A ce titre et sur un temps plus long, Mme [C] a produit trois organigrammes mettant en évidence plusieurs modifications dans la structure organisationnelle de l'agence, Mme [L] venant s'intercaler en qualité de responsable administrative entre Mme [C] et les salariés de l'agence de [W]-[N] dans un organigramme daté de décembre 2019, après avoir intégré l'agence au même niveau que les autres collaborateurs selon un organigramme de mars 2019, mais ayant in fine manifestement exercé des missions directement sous la subordination du dirigeant en particulier pour recueillir les doléances de Mme [T] en juin 2019 ou mener des missions RH, Mme [L] témoignant d'ailleurs elle-même avoir refusé d'évoquer avec Mme [C] la teneur de l'entretien qu'elle avait eu le 09 juin 2020 avec Mme [T].

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est retenu que l'employeur ne justifie pas suffisamment avoir mis en place une organisation adaptée et fourni les moyens suffisants à Mme [C], plus particulièrement pendant la période de confinement national résultant de la pandémie de Covid 19 qui a précédé de seulement quelques semaines son licenciement disciplinaire motivé par des fautes disciplinaires à l'occasion de l'exercice de ses missions de management.

Indépendamment de la reconnaissance d'une éventuelle maladie professionnelle qui relève d'une procédure et d'une juridiction spécifiques, Mme [C] a subi un préjudice moral résultant d'une pénibilité injustifiée et de conditions de travail dégradées pendant plusieurs semaines.

Infirmant le jugement entrepris, il lui est alloué à ce titre la somme de 3000 euros net à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail':

Premièrement, l'article L 1222-1 du code du travail impose que le contrat de travail soit exécuté de bonne foi.

Il incombe en principe au salarié de démontrer que son employeur a exécuté de manière déloyale et/ou fautive le contrat de travail.

Deuxièmement, l'article L 6321-1 du code du travail dispose que':

L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

L'employeur supporte la charge de la preuve qu'il a rempli son obligation d'adaptation au poste.

Troisièmement, l'article L 6315-1 du code du travail dans sa version issue de la loi 2014-288 du 5 mars 2014 énonce que':

I. ' A l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.

Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité, d'un congé parental d'éducation, d'un congé de soutien familial, d'un congé d'adoption, d'un congé sabbatique, d'une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l'article L. 1222-12, d'une période d'activité à temps partiel au sens de l'article L. 1225-47 du présent code, d'un arrêt longue maladie prévu à l'article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l'issue d'un mandat syndical.

II. ' Tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d'apprécier s'il a :

1° Suivi au moins une action de formation ;

2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins deux des trois mesures mentionnées aux 1° à 3° du présent II, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l'article L. 6323-13.

L'employeur doit justifier qu'il a rempli cette obligation.

En l'espèce, quoique la salariée ait formé une seule et même demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, il y a lieu de relever qu'elle développe plusieurs moyens répondant à des régimes probatoires distincts de sorte qu'il appartient à la juridiction, en vertu de l'article 12 du code de procédure civile, de restituer aux faits leur exacte qualification juridique quant à la charge de la preuve.

Premièrement, au visa de l'article 1353 du code civil, Mme [C] établit certes de manière suffisante que son employeur s'est engagé à lui verser une prime de pouvoir d'achat de 1000 euros, dont 750 euros sur la paie du mois d'avril 2020 ainsi que cela ressort d'un courriel de Mme [L] du 09 mai 2020.

Toutefois, l'employeur démontre avec ses relevés de comptes bancaires que la salariée a bien perçu cette prime en deux fois avec les paies d'avril et de mai 2020 et que l'employeur a mentionné cette prime sur le bulletin de paie de juillet 2020.

Il s'ensuit que la salariée a été remplie de ces droits à ce titre de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de pouvoir d'achat.

Il n'est pas davantage démontré une faute dans l'exécution du contrat de travail de ce chef.

Deuxièmement, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir fait bénéficier à la salariée de formations d'adaptation au poste au cours des 11 années de la relation de travail alors même que Mme [C] met à juste titre l'accent sur le fait qu'elle a évolué vers des postes à responsabilités dans l'entreprise puisqu'ayant été embauchée en qualité de vendeuse, elle est devenue responsable d'agence, statut cadre, expressément visé dans la lettre de licenciement nonobstant les mentions contradictoires de l'employeur à ce titre dans ses écritures.

La circonstance que le dirigeant ait pu se rendre disponible et ait régulièrement communiqué avec la salariée ne saurait constituer la preuve suffisante d'une telle formation d'adaptation au poste dès lors qu'il s'est avant tout agi pour l'employeur de donner des consignes à Mme [C] et de lui faire un retour ponctuel sur son travail, sans qu'il ne soit allégué et encore moins établi qu'ait été formalisé lors de chacune des évolutions professionnelles importantes un plan d'accompagnement précis avec des objectifs déterminés à atteindre dans la perspective de faire monter en compétences la salariée.

Mme [C] met à juste titre l'accent sur le fait qu'il lui a d'ailleurs été reproché dans le cadre de la procédure de licenciement disciplinaire des méthodes de management inadaptées à l'égard des salariées, de sorte que l'obligation de formation et d'adaptation au poste s'imposait d'autant plus à la société [W] Confort Medical.

Ce manquement est en conséquence caractérisé.

Troisièmement, l'employeur ne rapporte pas la preuve d'avoir fait bénéficier des entretiens professionnels obligatoires. Il ne fait qu'alléguer que ceux-ci ont eu lieu chaque année mais qu'ils n'ont jamais été formalisés alors même qu'il incombait à la société [W] Confort Medical de dresser à cette occasion un document écrit dont une copie devait être remise à la salariée.

Ce grief est également retenu.

Quatrièmement, si Mme [C] établit certes que des modifications à son contrat de travail ont été apportées et qu'il n'y a effectivement eu aucun avenant écrit, elle n'en tire pour autant pas d'éventuelles conséquences utiles sous la réserve de la perte alléguée de responsabilités au bénéfice de Mme [L] puisqu'elle n'explicite aucun fondement juridique qui aurait imposé à l'employeur de proposer un avenant écrit lors de chacune des modifications du contrat de travail et qu'elle ne prétend pas ne pas avoir donné son accord pour les différentes promotions dont elle a bénéficié ainsi que pour les évolutions salariales à la hausse, que cela soit sur la partie fixe ou variable, étant observé qu'il n'est formulé aucune demande de rappel de salaire ou de repositionnement de la part de Mme [C].

En revanche, Mme [C] développe expressément des moyens tenant au fait qu'elle a, selon elle, progressivement perdu des responsabilités RH en qualité de responsable d'agence à partir de l'arrivée de Mme [L] sans pour autant avoir donné son accord exprès à ce retrait de missions.

Si, dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur est parfaitement légitime à modifier l'organisation de l'entreprise pour tenir compte de ses évolutions et qu'il n'était nullement requis qu'il obtienne l'accord de Mme [C] quant au recrutement de Mme [L], présentée par cette dernière comme la belle-s'ur du dirigeant, dès lors que celle-ci a formellement, d'après les organigrammes de mars 2019 et décembre 2019 toujours été placée sous la responsabilité de la directrice d'agence, Mme [C], quoiqu'ayant manifestement vu son périmètre de compétences progressivement s'élargir et qu'il n'est pas fautif pour l'employeur d'avoir confié à Mme [L] certaines missions relatives aux ressources humaines relevant des responsabilités de Mme [C] sous la réserve que celle-ci conserve son périmètre de responsabilités avec la possibilité de déléguer certaines tâches à la responsable administrative, force est de constater qu'à tout le moins dans les dernières semaines précédant la relation de travail, Mme [L] s'est manifestement retrouvée hors du périmètre de responsabilités de la directrice d'agence sur des aspects essentiels tenant à la direction de l'agence dans des conditions exclusives de toute bonne foi contractuelle de la part de l'employeur.

En effet, les échanges internes et le propre témoignage de Mme [L] mettent en évidence que cette dernière a été amenée à recueillir les doléances des salariés à l'égard de la directrice d'agence et en particulier de Mme [T] et à lui faire un retour sur la qualité de son travail comme directrice d'agence.

Il n'apparait aucunement que le dirigeant ait pu clairement informer Mme [C] du fait que Mme [L] avait été directement et spécialement missionnée pour effectuer une enquête sur les dérives managériales qui lui étaient prêtées par des salariés.

Mme [L] s'est clairement positionnée en dehors du champ de responsabilités de Mme [C] avec pour conséquence de la déposséder d'une partie significative de son autorité à l'égard des employés de l'agence sans qu'il ne soit justifié que Mme [C] ait pu donner son accord à ce qui s'analyse en une modification de son contrat de travail.

Ainsi dans son attestation, Mme [L], à propos de la demande de Mme [C] pour savoir ce que Mme [T] lui avait confié, a témoigné du fait que':

«'J'ai haussé le ton en lui disant que je n'avais rien à lui dire. En tant que RH il est normal d'avoir des échanges confidentiels avec les collaborateurs sans que le manager ne soit nécessairement mis au courant. J'ai ajouté qu'elle était en mesure de s'adresser directement à sa collaboratrice, que [Y] lui dirait ce qu'elle avait envie de lui dire et qu'elle était dans son droit'».

Puis plus loin, s'agissant des suites données par l'employeur aux faits dénoncés par Mme [T]': «'Entretien de recadrage entre [F], [V] et moi de 9h30 à 10h30. [V] a du mal à entendre les messages qu'on lui transmet, elle n'estime pas avoir de problème de communication dans son équipe.

On sort bon gré malgré apaisés de cet échange et nous avons des jalons':

- apaiser la situation et ne pas mettre d'huile sur le feu avec [Y]

- préparation des entretiens annuels de la semaine suivante. Le but est d'éteindre les feux et d'aider [V] à retrouver sa posture de manager à l'écoute et bienveillante qu'elle sait être.'».

Quoique le témoin se soit défendu sur une question de Mme [C] lors d'un entretien ultérieur d'avoir voulu lui prendre sa place, force est de constater qu'elle a dans les faits, d'après son propre positionnement, assumé pour partie l'autorité et les responsabilités qui avaient jusqu'alors été confiées à Mme [C] en qualité de directrice de l'agence, Mme [L] précisant d'ailleurs à cette occasion qu' «'on souhaite trouver une solution mais que l'on attend d'elle un profond changement d'attitude'»'; ce qui traduit l'exercice, par Mme [L] à l'égard de Mme [C], du pouvoir de direction, de contrôle et le cas échéant de sanction aux côtés du chef d'entreprise.

Le moyen de l'employeur selon lequel Mme [L] n'aurait en sa qualité de responsable administrative qu'exercé des missions transversales de coordination entre les différentes agences dans le cadre de ce qui s'analyserait en un service support ne correspond aucunement à la réalité des éléments produits aux débats.

Il s'ensuit qu'est retenue une exécution fautive et déloyale du contrat de travail par l'employeur ayant consisté à retirer progressivement et de manière préjudiciable à Mme [C] une partie de ses responsabilités en qualité de directrice d'agence.

Eu égard aux manquements retenus, Mme [C] a subi un préjudice moral tenant au fait qu'elle a subi un retrait de certaines de ses prérogatives et des critiques quant à ses méthodes de management alors même qu'il n'est pas justifié de formations d'adaptation à ce titre.

Pour autant, si son employeur n'a pas respecté son obligation de formation et d'adaptation au poste ainsi que celle de lui faire bénéficier d'entretiens professionnels, son préjudice est en définitive modéré puisque la société [W] Confort Medical met à juste titre l'accent sur le fait que Mme [C] a créé une société basée à [Localité 9] dans le même secteur d'activité que celui de son ancien employeur de sorte qu'elle a nécessairement pu valoriser au moins certaines des compétences acquises auprès de la société [W] Confort Medical au cours des 11 années de collaboration.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société [W] Confort Medical à payer à Mme [C] la somme de 5000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de la débouter du surplus de sa demande à ce titre.

Sur le licenciement':

Premièrement, l'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L 1235-1 du code du travail dispose notamment que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les termes du litige.

En l'espèce, dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, l'employeur a reproché à la salariée des méthodes de management inadaptées à l'égard de salariées nommément désignées, à savoir Mmes [T] et [B] ainsi que des réflexions inadaptées tenues devenant une autre salariée, dont l'identité n'est pas explicitée.

D'une première part, s'agissant des faits à l'égard de Mme [T], les éléments produits par l'une et l'autre parties mettent en évidence que':

- cette dernière s'est renseignée auprès de Mme [L] le 09 juin 2020 pour connaître les modalités administratives d'un éventuel départ de sa part de l'entreprise,

- ensuite du questionnement de l'employeur, Mme [T], tout en indiquant n'avoir rien à reprocher professionnellement à Mme [C], précisant que cela fonctionnait plutôt bien entre elles, a indiqué de manière finalement un peu contradictoire que cette dernière était d'une humeur inconstante et utilisait des méthodes de management inadaptées aboutissant à ce que des collègues expriment de la colère et même pleurent s'agissant de Mme [B],

- l'employeur a organisé un entretien en présence des Mmes [T] et [C] le 11 juin 2020 dont il est ressorti une certaine forme d'apaisement de la situation, Mme [C] ayant admis dans un courriel du même jour que son «'immense fatigue (qui) a pu provoquer des attitudes «'inacceptables'» mais humaines'» mais manifestant en substance une volonté de se remettre en question tandis que Mme [T], dans un courriel également du même jour, dont Mme [C] était en copie, s'est également montrée rassurée quant à sa place dans l'entreprise, remerciant ses supérieurs de leur écoute et de leur accessibilité de nature à créer un véritable climat de confiance.

Cette seule série de faits rappelée dans la lettre de licenciement ne saurait constituer un motif sérieux et réel dans la mesure où, de l'aveu même de l'employeur, celui-ci a considéré que les difficultés relationnelles entre la salariée et sa supérieure hiérarchique étaient de nature à avoir été réglées par cette mise au point, qualifiée de recadrage par Mme [L] dans son témoignage, et ce dans les termes suivants': «'Nous vous avons réitéré notre confiance, ayant la souplesse d'esprit d'accepter qu'à certains moments, notamment en période de crise, les choses soient un peu plus complexes qu'habituellement.'».

Les parties ont en revanche une position divergente s'agissant des faits s'étant déroulés le 12 juin 2020.

Si l'employeur verse aux débats des comptes-rendus dressés par courriels les 13 et 15 juin 2020 par Mme [T] faisant état de manière circonstanciée d'un comportement de nouveau inadapté de Mme [C] à son égard le vendredi 12 juin 2020 à 19 heures en la qualifiant de manipulatrice et d'être une personne inhumaine et pas digne de confiance alors qu'elles se trouvaient toutes les deux seules à l'agence, Mme [C] produit quant à elle un SMS qu'elle a adressé le même jour en fin de journée à Mme [T] dans les termes suivants': «'j'ai toujours souhaité avancer à tes côtés humainement, sincèrement et avec énormément de compréhension et d'écoute avec le plus grand des respects que j'ai envers la personne qui tu es, l'esprit d'équipe et la situation me pèsent énormément. J'espèce que tu comprendras ma position et que l'on arrivera à continuer à travailler professionnellement ensemble. Bonne soirée bon courage pour demain.'».

Ainsi que cela ressort du témoignage de Mme [T], ce message, auquel elle n'a pas répondu, est en total inadéquation avec les propos inadaptés dont elle dit avoir été victime quelques dizaines de minutes auparavant de la part de sa supérieure hiérarchique.

En présence d'éléments contradictoires, dès lors que le doute doit profiter au salarié, il n'est pas retenu de comportement fautif de Mme [C] à l'égard de Mme [T] à cette occasion.

En définitive, quoique Mme [C] ait pu admettre des comportements inacceptables à l'égard de Mme [T], ce grief fautif n'est pas retenu dans la mesure où l'employeur avait accepté de son propre aveu de faire preuve d'indulgence à cet égard en tenant compte du contexte particulier et qu'il n'apparaît pas suffisamment établi que la salariée ait pu ultérieurement réitérer ce manquement après la mise au point du 11 juin 2020.

Ces faits sont d'autant moins fautifs à raison de la circonstance que l'employeur ne justifie pas avoir respecté son obligation de prévention et de sécurité à l'égard de Mme [C] pendant la période du confinement national en mettant en place une organisation adaptée et que l'un des reproches faits par Mme [T] à sa supérieure résulte de plannings inéquitables alors même que Mme [C] n'est pas démentie lorsqu'elle affirme que cette salariée était pendant ces semaines particulières la seule vendeuse présente à l'agence.

Le caractère fautif est également exclu à raison du fait que l'employeur ne justifie pas avoir rempli son obligation d'adaptation au poste, en particulier lorsque la salariée s'est vu progressivement confier des responsabilités managériales, et ce afin, qu'elle maitrise les techniques d'encadrement et de gestion du personnel placé sous sa responsabilité.

Concernant le fait que Mme [C] aurait fouillé les boites mails et les bureaux des autres salariés et aurait de surcroît procédé à l'effacement de nombreux courriels, aucun élément technique, tel une analyse du matériel informatique de l'agence, ne vient corroborer des agissements fautifs à ce titre, contestés par la salariée.

Faute d'éléments probants utiles, ces faits, évoqués par Mme [T], ne sont pas retenus.

D'une seconde part, concernant les faits à l'égard de Mme [B], l'employeur verse certes aux débats une attestation dactylographiée de la salariée et signée par ses soins, sans pour autant que celle-ci soit conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile (mention sur le faux témoignage et copie d'un document d'identité manquantes).

Il est également observé que Mme [J], une autre salariée a dressé une attestation le même jour selon des formes exactement similaires (dactylographiée mais signée, sans la mention sur le faux témoignage et un document d'identité en copie, 1 page et demie, même police de caractères, outre une formule finale très proche)'; ce qui interroge sur les conditions dans lesquelles ces témoignages ont été recueillis, des témoins devant faire état de manière spontanée des faits auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.

Les faits relatés, s'ils étaient avérés, seraient pour autant susceptibles de relever de dérives managériales.

Ils ne sont pour autant pas particulièrement datés et ne sont surtout pas supportés par des éléments extrinsèques utiles alors que dans le même temps, Mme [C] a versé aux débats des échanges de SMS qui mettent en évidence des relations entre les deux salariées de proximité et d'entente au cours des derniers mois de la relation de travail. Tout au plus un SMS du 29 mars 2019 de Mme [C] à Mme [B] accrédite des difficultés relationnelles antérieures, que la première attribue à un refus de la seconde de se soumettre parfois à son autorité.

Le témoignage de Mme [B], qui indique avoir pleuré sur son lieu de travail en lien avec le comportement de Mme [C] à une date non déterminée et non déterminable'; ce que Mme [T] confirme, apparaît en très net décalage avec la tonalité des échanges de SMS qu'elle a eues avec sa supérieure dans les semaines ayant précédé le licenciement disciplinaire de celle-ci.

Dès lors que le doute doit profiter à la salariée, ce grief n'est pas davantage retenu et ce de manière superfétatoire, ainsi qu'il a été vu précédemment eu égard au fait que l'employeur ne justifie pas avoir accompagné de manière utile et effective la salariée au fil de l'accroissement de ses responsabilités managériales en lui faisant connaître les bonnes et les mauvaises pratiques de gestion du personnel afin qu'elle adopte un comportement adapté à l'égard des salariés placés sous sa responsabilité.

Troisièmement, la salariée non désignée nommément ayant été témoin, selon l'employeur, de réflexions inadaptées de la part de Mme [C] apparaît être Mme [J].

Il a été vu précédemment que la valeur probante de ce témoignage était sujette à caution quant à divers aspects formels.

Concernant les réflexions déplaisantes prêtées à Mme [C] par le témoin, outre que les faits sont présentés de manière très générale sans évocation d'incident précis, elles renvoient là encore davantage à des carences dans les compétences de la responsable d'agence, dont il n'est pas établi qu'elle a bénéficié de formations d'adaptation au poste au gré de ses responsabilités grandissantes dans l'animation puis l'encadrement d'une équipe, qu'à des fautes disciplinaires établies.

Il est également intéressant d'observer que face aux témoignages de salariés produits par l'employeur, Mme [C] a versé aux débats ceux d'anciens salariés qui ont au contraire apprécié avoir travaillé avec elle ([A], [U] et [Z]).

Sans qu'il ne soit nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties quant au véritable motif du licenciement qui serait selon Mme [C] de nature économique à raison d'une réorganisation de l'équipe de direction, dès lors que les griefs disciplinaires qui lui sont reprochés ne sont en définitive pas retenus, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société [W] Confort Médical à Mme [C] par lettre du 26 juin 2020.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Premièrement, au jour de son licenciement injustifié, Mme [C] avait 11 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 3559 euros brut en intégrant la rémunération fixe, la part variable et les primes, en prenant en compte les 12 derniers mois complets avant la notification du licenciement (juin 2019 à mai 2020).

La salariée établit qu'elle a perçu des indemnités ARE à tout le moins jusqu'en avril 2023 nonobstant le fait qu'elle a créé une société à [Localité 9] ayant le même secteur d'activité que son ancien employeur, ayant généré un chiffre d'affaires de 220472 euros et un bénéfice de 39528 euros à la clôture de l'exercice au 30 juin 2023.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 37369,50 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Deuxièmement, au visa des articles L 1234-1 et R 1234-4 du code du travail, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [C] la somme de 185 euros à titre de solde de l'indemnité de licenciement, les parties étant en accord sur la durée de l'ancienneté à prendre en compte mais pas sur le salaire de référence, l'employeur se prévalant à tort du salaire moyen des 12 derniers mois précédant la fin du contrat de travail, préavis non exécuté compris, alors qu'il y a lieu selon le second texte précité de prendre en compte la moyenne des salaires avant la notification du licenciement.

Troisièmement, la société [W] Confort Medical a admis avoir commis des erreurs dans l'attestation Pôle emploi initialement délivrée s'agissant des mois d'octobre 2019 et février 2020.

Elle a transmis en exécution du jugement une nouvelle attestation Pôle emploi rectifiée datée du 22 juin 2023 avec le montant du salaire corrigé de février 2020 et la mention de la prime versée en octobre 2019.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la société [W] Confort Medical de remettre à Mme [C] son attestation Pôle emploi rectifiée et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision dès lors que l'employeur n'acquiesce pas au jugement mais en demande au contraire l'infirmation puis le débouté de la demande de Mme [C] à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, peu important qu'il ait exécuté cette disposition puisque nonobstant des moyens dans lesquels il admet son erreur, il ne peut qu'être considéré qu'il ne s'est conformé à la demande qu'à raison du caractère exécutoire de la décision résultant de l'article R 1454-28 du code du travail et ce, compte tenu du dispositif de ses conclusions d'appel, qui seul lie la cour d'appel par application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [W] Confort Medical à payer à Mme [C] une indemnité de procédure de 2000 euros et de lui allouer une indemnité complémentaire de procédure de 1000 euros à hauteur d'appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société [W] Confort Medical, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société [W] Confort Medical à payer à Mme [C] la somme de [Localité 3] euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'obligation de prévention et de sécurité

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la société [W] Confort Medical a manqué à son obligation de prévention et de sécurité

CONDAMNE la société [W] Confort Médical à payer à Mme [C] les sommes suivantes':

- trois mille euros net (3000 euros net) à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention et de sécurité

- cinq mille euros net (5000 euros net) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

DÉBOUTE Mme [C] du surplus de ses prétentions indemnitaires de ces deux derniers chefs

CONDAMNE la société [W] Confort Médical à payer à Mme [C] une indemnité complémentaire de procédure de 1000 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société [W] Confort Médical aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/03105
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.03105 ?
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