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18/06/2024 | FRANCE | N°22/04461

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 18 juin 2024, 22/04461


C6



N° RG 22/04461



N° Portalis DBVM-V-B7G-LTYI



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





Me Frédérique BELLET



La CPAM DU PUY DE DOME





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



CO

UR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 20/00382)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 31 octobre 2022

suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2022





APPELANTE :



SA [3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en c...

C6

N° RG 22/04461

N° Portalis DBVM-V-B7G-LTYI

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Frédérique BELLET

La CPAM DU PUY DE DOME

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 20/00382)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 31 octobre 2022

suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2022

APPELANTE :

SA [3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

La CPAM DU PUY DE DOME, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

dispensée de comparution à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 avril 2024,

Mme Elsa WEIL, Conseiller chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu le représentant de la partie appelante en ses conclusions et plaidoirie,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [G] [H] était salarié en contrat à durée indéterminée en qualité de maçon auprès de la société [3] depuis le 2 janvier 1996.

Le 15 mars 2010, il a sollicité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une luxation du tendon du biceps-tendon sous scapulaire, sur la base d'un certificat médical initial établi le 22 février 2010 par le docteur [Z] mentionnant une tendinite coiffe épaule droite.

Après enquête administrative, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme a reconnu le caractère professionnel de la pathologie par décision en date du 5 juillet 2010.

Monsieur [G] [H] fera l'objet d'un premier arrêt de travail le 25 mai 2011 jusqu'au 5 juin 2011, puis du 15 octobre 2011 jusqu'au 1er novembre 2011, du 22 décembre 2012 au 6 janvier 2013, du 20 avril au 12 mai 2013, du 3 février 2016 au 21 février 2016. L'ensemble de ces arrêts sera pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la maladie professionnelle du 22 février 2010.

Monsieur [G] [H] a été déclaré consolidé par la caisse le 25 août 2016 et par décision du 2 novembre 2016, un taux d'incapacité permanente partielle de 25% lui a été attribué au titre des séquelles résultant de la maladie professionnelle du 22 février 2010.

Le 31 août 2020, la société [3] saisissait la Commission médicale de recours amiable d'une contestation du caractère professionnel des lésions, de la date de consolidation et de l'opposabilité de la rente servie par la caisse.

Suite au rejet implicite de la commission, elle saisissait le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry.

Par jugement du 31 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a déclaré irrecevable le recours de la société [3] pour cause de prescription et a condamné celle-ci aux dépens de l'instance.

Le 9 décembre 2022, la société [3] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 9 avril 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme ayant été dispensée de comparaître, et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 18 juin 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société [3], selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives déposées le 9 janvier 2023, et reprises à l'audience, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en date du 31 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Chambéry,

- constater la recevabilité de l'action de la société [3],

- juger inopposables à la société [3] les arrêts de travail prescrits à partir du 25 mai 2011, la date de consolidation fixée par la caisse primaire d'assurance maladie au 25 août 2016 et la rente versée à cette date,

A titre subsidiaire,

- ordonner une expertise médicale.

La société [3] soutient que contrairement à ce qui a été retenu en première instance, son action est recevable et non prescrite dans la mesure où elle conteste non pas le principe de la prise en charge de la pathologie du salarié mais la durée de celle-ci et la date de consolidation fixée par la caisse.

Sur le fond, elle souligne que le certificat médical initial ne prévoit aucun arrêt de travail ni aucun soin et que d'ailleurs, jusqu'au 25 mai 2011, le salarié ne bénéficiera d'aucun arrêt de travail. Elle remarque que les arrêts de travail sont discontinus et que, de ce fait, le salarié a travaillé pendant plus de quatre ans avant d'être consolidé. Elle estime donc faire échec à la présomption d'imputabilité et que les arrêts de 2011 à 2016 doivent lui être déclarés inopposables. A ce titre, elle conteste la date de consolidation fixée au 25 août 2016, dans la mesure où entre mars 2010 et mai 2011, le salarié n'a bénéficié d'aucun arrêt de travail ni d'aucun soin. Elle considère que la consolidation aurait dû intervenir à cette date et que le taux d'incapacité permanente partielle a été évalué à une date erronée.

A titre subsidiaire, elle relève que cette situation présente une difficulté d'ordre médical nécessitant la mise en 'uvre d'une expertise. Elle produit l'analyse de son médecin conseil qui relève que le premier arrêt de travail est en lien avec une réaction allergique lors de l'injection d'un produit de contraste, sans lien direct, à ses yeux, avec la maladie professionnelle. Enfin, l'employeur souligne que les différents arrêts n'apparaissent pas être en lien direct avec la maladie ou sans que l'aggravation de celle-ci soit évoquée et qu'ils s'inscrivent plutôt dans le cadre d'une rechute.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme, par ses conclusions d'intimée déposées le 27 février 2024 et reprises à l'audience, demande à la cour de :

- débouter la société [3] de l'ensemble de ses demandes.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme précise qu'elle ne soulève plus l'irrecevabilité de l'action de la société [3] pour cause de forclusion.

Sur le fond, elle explique que même s'il existe une discontinuité des arrêts de travail et des soins, la présomption d'imputabilité s'applique et que l'employeur ne rapporte pas l'existence d'une cause totalement étrangère au travail permettant de remettre en cause cette dernière. De plus, elle considère que les simples doutes du médecin conseil de l'employeur apparaissent insuffisants pour établir l'existence d'un différend médical et que l'expertise ne peut être ordonnée pour palier la carence de l'employeur en matière de production de la preuve.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'action de la société [3] quant à la décision de prise en charge de la maladie professionnelle :

1.En l'espèce, si en première instance, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme soulevait l'irrecevabilité du recours de la société [3] en indiquant que la contestation de la maladie professionnelle par l'employeur était prescrite, elle a précisé dans ses écritures renoncer à ce moyen. De fait, la société [3] ne conteste pas la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de monsieur [G] [H] en tant que telle mais la prise en charge des lésions, soins et arrêts de travail par la caisse de 2011 à 2016 au titre de la maladie professionnelle du 22 février 2010.

Le jugement, qui a retenu par erreur la prescription de l'action introduite par la société [3], sera donc infirmé.

Sur la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge au titre de la maladie professionnelle les arrêts de travail de 2011 à 2016 :

2.Il résulte d'une jurisprudence de la cour de cassation régulièrement confirmée que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire (cour de cassation civ2 n° 19-21940).

A contrario, en l'absence d'arrêt de travail initialement prescrit, cette présomption ne s'applique pas.

3.En l'espèce, le certificat médical initial du 22 février 2010 n'a été assorti d'aucun arrêt de travail, le premier arrêt ayant été délivré le 25 mai 2011, soit près de 15 mois plus tard. En l'absence d'arrêt de travail initial, il appartient donc à la caisse de rapporter la preuve que les arrêts prescrits se rapportent bien à la maladie professionnelle initialement constatée.

La caisse produit en pièce 8 la totalité des arrêts de travail ou des soins sans arrêt de travail prescrits du 25 mai 2011 jusqu'à la date de consolidation. Il apparaît ainsi que si monsieur [G] [H] n'a pas bénéficié d'arrêts de travail avant le 25 mai 2011, la totalité des arrêts de travail ou des soins prescrits sans arrêt de travail pendant cette période vont l'être en raison de la rupture de la coiffe de l'épaule droite. Il convient également de relever que pendant l'intégralité de cette période, monsieur [G] [H] a bénéficié de cinq périodes d'arrêts de travail discontinues mais qu'il a été en soins continus de juin 2011 jusqu'à la date de consolidation fixée par son médecin traitant au 25 août 2016.

4.Or, la maladie professionnelle déclarée le 15 mars 2020 et prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie était une luxation du tendon du biceps-tendon sous scapulaire, le certificat médical initial faisait état d'une tendinite coiffe épaule droite (pièce 2 de l'intimée).

Par ailleurs, le docteur [O], médecin conseil de la société [3], relève dans son avis médico-légal que les premiers de arrêts travail délivrés sont la conséquence d'une réaction allergique suite à une injection afin de réaliser un arthroscanner. Le médecin estime qu'au regard des éléments communiqués, l'état de santé de monsieur [G] [H] était en réalité stabilisé dès le 22 mai 2010, les prescriptions postérieures d'arrêt de travail relevant d'une déclaration de rechute (pièce 10 de l'appelant).

5.Au regard de l'ensemble de ces éléments, il existe, dès lors, un différend médical justifiant l'instauration d'une expertise afin de déterminer si les soins et arrêts de travail, à compter du 6 juin 2011 et jusqu'à la date de consolidation, relèvent de la maladie professionnelle initialement prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle.

6.A ce titre, toutefois, il apparaît inopportun de faire porter la mission de l'expert sur la date de consolidation de monsieur [G] [H] dans la mesure où la société [3] avait connaissance de celle-ci depuis le 2 novembre 2016 (pièce 3 de l'appelant), qu'elle a d'ailleurs saisi, comme le rappelle la caisse, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Clermont-Ferrand d'une contestation du taux d'incapacité permanente partielle avant de solliciter le retrait du rôle en 2018 et que ce n'est que le 31 août 2020 que la commission médicale de recours amiable sera saisie de ce point, soit près de 4 année après la notification de la date de consolidation, alors que cette dernière mentionnait clairement le délai de deux mois afin de saisir soit la commission de recours amiable, soit le tribunal du contentieux de l'incapacité, de toute contestation.

7.De même, si la société [3] demande, en page 12 de ses conclusions, que le taux d'incapacité permanente partielle fixée par la caisse à 25% lui soit déclarée inopposable, la cour relève que cette demande ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions et qu'elle n'a donc pas, par application de l'article 768 du code de procédure civile, à statuer sur celle-ci. A titre surabondant, la cour rappelle que cette demande ne figurait pas plus dans les conclusions de première instance de la société appelante et que cette dernière ne justifie pas avoir saisi la commission médicale de recours amiable de ce point, comme l'article R122-8 du code de la sécurité sociale le lui impose, la saisine du 31 août 2020 ne portant pas sur celui-ci.

Dans l'attente du dépôt de l'expertise, les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG n°20/00382 rendu le 31 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry.

Statuant à nouveau,

Dit que l'action de la société [3] visant à contester le caractère professionnel des soins et arrêt de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme au titre de la maladie professionnelle du 22 février 2010 entre le 25 mai 2011 et le 21 février 2016 est recevable.

Avant-dire droit,

Ordonne une expertise médicale sur pièces.

Désigne le docteur [P] [U] pour y procéder avec pour mission de :

- se faire remettre le dossier médical de monsieur [G] [H] par la caisse primaire d'assurance maladie ou son service médical ;

- le communiquer au médecin consultant désigné par la société [3] si elle en fait la demande ;

- retracer l'évolution des lésions de monsieur [G] [H], de ses soins et hospitalisations ;

- dire si l'ensemble des lésions à l'origine des arrêts de travail et des soins pris en charge entre le 25 mai 2011 et le 21 février 2016 résultent directement et uniquement de la maladie professionnelle du 22 février 2010 ;

- déterminer quels sont, le cas échéant, les seuls arrêts, soins et lésions directement imputables à cette maladie professionnelle ;

Dit que monsieur [G] [H] devra être avisé par la Caisse de la communication de son dossier médical au médecin désigné par l'employeur (articles L 142-10 et R 142-16-3 du code de la sécurité sociale).

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du code de procédure civile, qu'il pourra entendre toutes personnes.

Dit que l'expert aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne, à charge de joindre leur avis au rapport.

Dit que l'expert devra, au terme des opérations d'expertise, mettre en mesure les parties en temps utile de faire valoir leurs observations qui seront annexées au rapport et y répondre.

Rappelle que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, si elles sont écrites les joindre à son rapport si les parties le demandent, faire mention dans son avis de la suite qu'il leur aura donnée et qu'enfin, l'expert peut fixer un délai aux parties pour formuler leurs observations à l'expiration duquel il ne sera plus tenu d'en prendre compte sauf cause grave et dûment justifiée auquel cas il en fait rapport au magistrat de la chambre sociale chargé d'instruire l'affaire.

Dit que l'expert dressera rapport de ses opérations pour être déposé au greffe dans les six mois suivant sa saisine en un original et une copie après en avoir adressé un exemplaire à chacune des parties en cause.

Rappelle que les frais de consultation ou d'expertise sont pris en charge par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (article L 142-11 du code de la sécurité sociale).

Déboute la société [3] de sa demande visant à faire fixer par l'expert une date de consolidation.

Sursoit à statuer pour le surplus.

Réserve les dépens.

Dit que l'instance sera reprise à la requête de la partie la plus diligente.

Rappelle qu'en cas d'absence de contestation sur le rapport d'expertise, les parties peuvent en demander l'homologation sur simple ordonnance du magistrat de la chambre sociale chargé d'instruire l'affaire (article 941 du code de procédure civile).

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Fanny Michon, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/04461
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.04461 ?
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