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18/06/2024 | FRANCE | N°22/04307

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 18 juin 2024, 22/04307


C5



N° RG 22/04307



N° Portalis DBVM-V-B7G-LTK5



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :













AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCI

ALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00176)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 04 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2022





APPELANTE :



La CARSAT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Départeme...

C5

N° RG 22/04307

N° Portalis DBVM-V-B7G-LTK5

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00176)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 04 novembre 2022

suivant déclaration d'appel du 02 décembre 2022

APPELANTE :

La CARSAT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Département Juridique

[Localité 5]

comparante en la personne de Mme [H] [W], régulièrement munie d'un pouvoir

INTIMES :

La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service Contentieux Général

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en la personne de M. [S] [X], régulièrement muni d'un pouvoir

Monsieur [U] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 avril 2024,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [J] a demandé sa retraite personnelle le 24 janvier 2019 avec effet au 1er février 2019.

Par deux courriers du 1er avril 2019, le Régime social des indépendants (RSI) a notifié à M. [J]':

- un refus de reconnaissance d'une inaptitude au travail et de bénéfice d'une retraite au titre de l'inaptitude au travail,

- des droits à la retraite de base et à la retraite complémentaire à effet du 1er février 2019.

Puis, par courrier du 29 mai 2019 en réponse à une sollicitation du 9 mai, le RSI a notifié un refus de report de la date d'effet de sa pension de retraite au 1er septembre 2018 au titre d'une substitution à sa pension d'invalidité partielle.

M. [J] a saisi la commission de recours amiable contre le refus du 29 mai 2019 de substitution de sa pension d'invalidité en pension de retraite, et la commission n'a pas statué.

Le Pôle social du Tribunal judiciaire de Grenoble, saisi d'un recours de M. [J] contre la CPAM de l'Isère en présence de la CARSAT, a par jugement du 4 novembre 2022':

- déclaré le recours recevable,

- ordonné la mise hors de cause de la CPAM de l'Isère,

- débouté M. [J] de sa demande de revalorisation de pension de retraite au titre de l'inaptitude,

- condamné la CARSAT à payer une pension de retraite pour la période de septembre 2018 à janvier 2019 en application de la décision de la commission médicale de recours amiable du 11 février 2020 et de l'article L. 635-5 du code de la sécurité sociale,

- condamné la CARSAT aux dépens et à payer à M. [J] une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 2 décembre 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 15 mai 2023 reprises oralement à l'audience devant la cour, la CARSAT Rhône-Alpes demande':

- l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné au versement de la pension de retraite de septembre 2018 à janvier 2019 et à une indemnité au titre des frais irrépétibles,

- le débouté de la demande d'attribution de la pension de vieillesse au 1er septembre 2018.

La CARSAT rappelle que M. [J] était titulaire d'une pension d'invalidité partielle pour incapacité à exercer son métier et qu'il n'a jamais sollicité une pension d'invalidité totale. Or, il ressort des arrêtés du 30 juillet 1987 et 4 juillet 2014 sur le régime invalidité-décès des professions artisanales, pris en application de l'article L. 635-6 du code de la sécurité sociale, que le traitement des pensions d'incapacité au métier et des pensions d'invalidité totale était différent, le versement cessant à l'âge ouvrant droit à retraite, soit 62 ans en vertu de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, et seule la pension d'invalidité totale pouvant être automatiquement remplacée par une pension de retraite au titre de l'inaptitude. Ainsi, la pension d'incapacité au métier de M. [J], liquidée à 30'%, a cessé le 31 août 2018, l'assuré ayant atteint 62 ans le 19 août 2018. Il lui appartenait donc de demander sa pension de vieillesse dans les délais pour la percevoir le 1er septembre 2018, et sa demande du 16 janvier 2019 déposée le 24 lui ouvrait seulement des droits, ainsi qu'il le demandait, le 1er février 2019.

La CARSAT estime que la commission médicale de recours amiable, saisie contre les courriers du 1er avril 2019, s'est prononcée sur le droit à une retraite pour inaptitude au 1er septembre 2019, et non sur la période antérieure ou la requalification de la pension d'incapacité au métier en pension d'invalidité totale, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal qui a en outre fait application d'un article L. 635-5 du code de la sécurité sociale qui avait été abrogé depuis le 1er janvier 2018. Cet article ne prévoyait pas de substitution automatique, jusqu'à ce que cet avantage ne soit établi par l'article L. 632-1 à compter du 1er janvier 2019, date à laquelle il n'y a plus eu de distinction entre les deux pensions d'invalidité totales et partielles.

Par conclusions communiquées le 20 novembre 2023 et reprises oralement à l'audience devant la cour, M. [J] demande':

- la confirmation du jugement,

- la condamnation de la CARSAT aux dépens et à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] fait valoir que la modification de l'article L. 632-1 par la loi du 22 décembre 2018 prouve que le législateur a mesuré le caractère anormal de la distinction entre pension d'invalidité totale et partielle au sujet de sa substitution automatique par la pension de vieillesse. Il se prévaut donc des articles L. 635-5 et L. 341-5 du code de la sécurité sociale pour soutenir que l'ouverture de ses droits à une pension de retraite pour invalidité a été validée par la commission médicale de recours amiable et que les conditions d'application de la substitution automatique étaient donc réunies.

Par conclusions exposées oralement à l'audience devant la cour, la CPAM de l'Isère demande la confirmation du jugement et sa mise hors de cause.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

1. - Le premier alinéa de l'article L. 632-1 du code de la sécurité sociale, compris dans le Titre sur l'Assurance invalidité et vieillesse des Travailleurs indépendants, prévoit depuis le 1er janvier 2018': «'Le régime invalidité-décès des personnes mentionnées à l'article L. 631-1 attribue aux personnes affiliées une pension en cas d'invalidité totale ou partielle, médicalement constatée par le service du contrôle médical des caisses d'assurance maladie auxquelles elles sont rattachées.'»

L'article L. 341-15 du même code, compris dans le Titre sur l'Assurance invalidité Régime général, prévoyait dans sa version en vigueur du 19 décembre 2008 au 1er septembre 2023': «'La pension d'invalidité prend fin à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1. Elle est remplacée à partir de cet âge par la pension de vieillesse allouée en cas d'inaptitude au travail.

La pension de vieillesse substituée à une pension d'invalidité ne peut être inférieure au montant de l'allocation aux vieux travailleurs salariés.'»

Dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2019, l'article L. 632-1 prévoyait également que': «'La première phrase du premier alinéa et le deuxième alinéa de l'article L. 341-15 ainsi que l'article L. 341-16 sont applicables aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article.'»

À compter du 1er janvier 2019, cet article a prévu': «'Les deux premiers alinéas de l'article L. 341-15 ainsi que l'article L. 341-16 sont applicables aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article.'»

En application de ces dispositions, les travailleurs indépendants titulaires d'une pension d'invalidité ne pouvaient pas, jusqu'au 1er janvier 2019, voir leur pension d'invalidité automatiquement remplacée par une pension de vieillesse comme cela était le cas pour les bénéficiaires du régime général, la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 341-15 ne leur étant pas applicable à l'époque.

En outre, l'article L. 635-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018, comme dans sa version antérieure depuis le 1er janvier 2004, prévoyait que les conditions d'attribution, de révision, et les modalités de calcul, de liquidation et de service de la pension d'invalidité sont déterminées par un règlement de la caisse nationale compétente approuvé par arrêté ministériel.

2. - En l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que le RSI a notifié à M. [J], par courrier du 17 juillet 2009, l'attribution d'une pension d'invalidité avec effet au 7 mai 2009 présentée comme une pension temporaire attribuée en raison de la reconnaissance de son incapacité à l'exercice de son métier, puis par courrier du 31 mai 2012, le passage d'une pension pour incapacité au métier de 50'% du revenu annuel moyen de base à 30'% à l'expiration de la troisième année de reconnaissance du droit. Cette pension a été prolongée, par notification du 6 aout 2013, jusqu'à l'âge légal du départ à la retraite.

Il n'est pas contesté que cette pension d'incapacité au métier était donc une pension partielle, que les arrêtés prévoyant le régime des pensions d'invalidité ne prévoyaient pas de substitution automatique des pensions d'incapacité au métier par la pension de retraite et que M. [J] n'a jamais demandé la transformation de sa pension d'incapacité au métier en pension d'invalidité totale jusqu'à son terme.

Il convient de rappeler ici que les dispositions de l'article 23 de l'annexe II de l'Arrêté du 4 juillet 2014 portant approbation des règlements des régimes d'assurance invalidité-décès des travailleurs non salariés des professions artisanales et des professions industrielles et commerciales, en vigueur depuis le 1er janvier 2015, prévoyaient que': «'2. La suppression du service de la pension pour incapacité partielle au métier ou d'invalidité totale et définitive prend effet au dernier jour du mois au cours duquel l'assuré atteint l'âge fixé à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale (').

3. L'assuré bénéficiaire d'une pension d'invalidité totale et définitive qui atteint l'âge fixé à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est considéré comme inapte au travail pour l'attribution de l'avantage de vieillesse auquel il est susceptible de prétendre.

La caisse du régime social des indépendants qui sert la pension d'invalidité est tenue d'inviter l'intéressé à déposer une demande d'avantage de vieillesse à la caisse compétente dans le mois précédant celui au cours duquel il va atteindre l'âge fixé à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Si l'assuré n'a pas présenté cette demande dans le délai prévu, la caisse procède à la liquidation de l'avantage de vieillesse auquel il peut prétendre. Cet avantage se substitue à due concurrence à la pension d'invalidité.'»

M. [J] ne pouvait donc pas bénéficier d'une telle substitution lors de son 62e anniversaire en 2018.

3. - M. [J] a demandé sa retraite personnelle le 24 janvier 2019 avec effet au 1er février 2019, et compte tenu du refus, par courrier du 1er avril 2019, d'une reconnaissance d'une inaptitude au travail et du bénéfice d'une retraite au titre de l'inaptitude au travail, il a saisi la commission médicale de recours amiable. Celle-ci a infirmé, le 11 février 2020, le refus du RSI et a accordé à l'assuré une retraite au titre de l'inaptitude, au motif que son état de santé était inchangé depuis son accident de 2008, et que l'assuré présentait toujours une limitation fonctionnelle importante de son membre supérieur gauche dominant. Par courrier du 24 août 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a donc notifié une révision de la retraite de base au titre de l'inaptitude au travail avec effet à compter du 1er février 2019.

M. [J] se prévaut donc de cette décision de la commission médicale de recours amiable pour être considéré comme étant bénéficiaire d'une pension d'invalidité totale au moment de son ouverture de droits à la retraite et pour bénéficier de la substitution automatique de cette pension par une pension de retraite.

Toutefois, il convient de rappeler que la commission de recours amiable saisie sur ce point ne s'est pas prononcée, et que la commission médicale de recours amiable était saisie d'une question différente, à savoir le bénéfice d'une pension de retraite pour invalidité à la date demandée initialement, soit le 1er février 2019.

Le fait que M. [J] ait eu gain de cause ne modifie pas le régime qui avait été le sien jusqu'au 31 août 2018 au titre d'une pension d'incapacité au métier, qui avait été fixée définitivement depuis 2013 en dernier lieu, sans contestation ni demande de modification depuis cette date. La commission médicale a donc seulement et expressément infirmé le refus du RSI du 1er avril 2019, et accordé à l'assuré une retraite au titre de l'inaptitude, sans aborder la question de la substitution des pensions en 2018 qui n'était pas de son ressort.

C'est donc en vain que M. [J] se prévaut de la décision de la commission médicale de recours amiable qui ne concerne pas le régime de sa pension d'incapacité au métier.

Par ailleurs, M. [J] a atteint l'âge de 62 ans en 2018 et le régime antérieur au 1er janvier 2019 lui était donc applicable, qui ne prévoyait pas de remplacement automatique de la pension d'invalidité par la pension de vieillesse en dehors des dispositions validées par arrêté ministériel. C'est donc à tort que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article L. 635-5 du code de la sécurité sociale et non celles de l'article L. 632-1 rappelées ci-dessus.

4. - Dans ces conditions, le jugement sera infirmé (sauf en ce qui concerne la mise hors de cause de la CPAM qui n'est pas discutée) et M. [J] sera débouté de ses demandes.

M. [J] supportera les dépens de la procédure en appel et de la première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi':

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Grenoble du 4 novembre 2022 sauf en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause la CPAM de l'Isère,

Et statuant à nouveau,

Déboute M. [U] [J] de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [J] aux dépens de la première instance et de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/04307
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.04307 ?
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