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13/06/2024 | FRANCE | N°22/03004

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 13 juin 2024, 22/03004


C 9



N° RG 22/03004



N° Portalis DBVM-V-B7G-LPMP



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] - [Localité 5]



la SELARL CABINET MA

ZOYER-PETITCOL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG F 21/00204)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 juillet 2022

suivant déclaration d'appel du 02 août 2022





APPELANTE :



S.A. BOIRON agissant poursuites et diligences de s...

C 9

N° RG 22/03004

N° Portalis DBVM-V-B7G-LPMP

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] - [Localité 5]

la SELARL CABINET MAZOYER-PETITCOL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG F 21/00204)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 juillet 2022

suivant déclaration d'appel du 02 août 2022

APPELANTE :

S.A. BOIRON agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Jean-martial BUISSON de la SELARL LF AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [M] [P]

née le 08 Février 1960 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par Me Diane-charlotte MAZOYER de la SELARL CABINET MAZOYER-PETITCOL, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024,

Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport et Jean-Yves POURRET, conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [M] [P] a été embauchée par la société anonyme Boiron le 15 janvier 1979 en qualité d'employée de distribution au coefficient 115 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

Par lettre du 29 septembre 2015, la société Boiron a informé Mme [P] qu'il existait un dispositif de préparation à la retraite dans le cadre d'un accord d'entreprise.

Le dispositif prévoit que les salariés ayant un certain âge et qui ont 10 ans d'ancienneté avant le départ en retraite peuvent prétendre à la diminution de leur temps de travail sans subir de diminution de rémunération. Ces salariés ont la possibilité d'intégrer ce dispositif quatre ans avant l'âge auquel ils pourront prétendre à leur retraite et au minimum trois ans avant cette date.

Aussi, après plusieurs échanges et par courrier du 7 janvier 2016, la société Boiron a communiqué ces informations à Mme [P], qui a exprimé le souhait d'adhérer à ce dispositif, étant observé que l'employeur a précisé à la salariée que si elle partait de l'entreprise avant 67 ans, elle devait s'engager par écrit et irrévocablement à prendre sa retraite à la date qu'elle avait arrêtée.

Par lettre du 22 février 2016, la salariée a écrit à son employeur qu'elle était éligible à une retraite anticipée avant 62 ans, et pourrait bénéficier de sa préparation à la retraite à partir du 01mars 2022.

Par courrier du 08 février 2017, Mme [P] a écrit à son employeur qu'elle l'informait qu'elle pouvait prétendre à la retraite pour carrière longue à 61 ans et lui a demandé à pouvoir bénéficier de sa préparation à la retraite à partir du 01 mars 2017 et s'est engagée à prendre sa retraite le 01 mars 2021, sauf modification de la législation actuelle.

Le 09 février 2017, la salariée a contresigné un document établi par l'employeur prévoyant les modalités pratiques de sa réduction d'activité sur la période du 01 mars 2017 au 01 mars 2021, avec la mention «'lu et approuvé'».

Par lettre du 10 février 2017, l'employeur a pris acte du fait que la salariée avait déterminé sa date de départ à la retraite au 28 février 2021 et qu'elle pouvait envisager sa préparation à la retraite sur 4 ou 3 années avec un démarrage soit au 01 mars 2017 soit au 01 mars 2018.

Un accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi avec des suppressions de postes a été conclu au sein de la société Boiron le 13 octobre 2020, ledit accord ayant fait l'objet d'une homologation de la Direccte le 13 novembre 2020.

Par courrier du 13 novembre 2020 de son conseil, Mme [P] a informé son employeur de son renoncement au dispositif de préparation à la retraite dont elle bénéficiait jusqu'à présent au profit des mesures d'accompagnement prévues par le PSE, invoquant par ailleurs un changement dans sa vie personnelle, du fait qu'elle ne prendra pas sa retraite au 28 février 2021 et qu'elle poursuivra son activité jusqu'au 27 mars 2021, dans le cadre des licenciements collectifs annoncés.

Par lettre du 24 novembre 2020, la société Boiron s'est prévalue de l'engagement irrévocable de la salariée à partir à la retraite le 01 mars 2021 et du fait qu'elle n'était pas éligible au PSE dès lors que la suppression de son poste était postérieure puisque fixée par le plan au 27 mars 2021.

Par lettre du 27 novembre 2020, le conseil de la salariée a répondu à l'employeur que la salariée n'avait pas déposé de dossier de retraite auprès de la Carsat et qu'elle n'était effectivement pas éligible aux mesures d'accompagnement du PSE.

Par courrier du 30 décembre 2020, le conseil de Mme [P] a de nouveau écrit à l'employeur pour s'opposer à la volonté de l'employeur d'imposer à sa cliente un départ de l'établissement de Montbonnot au 09 janvier 2021 avec la liquidation de tous ses droits à congés.

Mme [P] a été en arrêt de travail à compter du 21 janvier 2021.

Par lettre du 26 février 2021, la salariée a indiqué son employeur qu'elle reprendra son activité à l'issue de son arrêt maladie à échéance du 05 mars 2021.

Par courrier du 03 mars 2021, l'employeur a informé la salariée du fait que son contrat de travail a été définitivement rompu à la date du 28 février 2021 dans le cadre d'un départ à la retraite et a refusé sa réintégration à son poste pour le 06 mars 2021.

Par requête en date du 22 mars 2021, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir dire qu'elle s'est rétractée du dispositif de préparation à la retraite, qu'elle ne pouvait renoncer par avance à des droits futurs et que la rupture du contrat doit s'analyser en un licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse.

La société Boiron a conclu au débouté des prétentions de la partie adverse.

Par jugement en date du 22 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- jugé que Mme [P] est éligible aux mesures du PSE,

- constaté que Mme [P] a pu valablement se rétracter du dispositif de préparation à la retraite

- requalifié la rupture du contrat de Mme [P] intervenue le 28/02/2021, en licenciement sans cause réelle est sérieuse,

- condamné la société Boiron à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

66 320,20 euros net au titre de l'indemnité de licenciement

26 000 euros net correspondant à la majoration de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par le PSE

5637,80 euros brut au titre de l'indemnité de préavis

563,70 euros brut au titre des congés payés

9305,67 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté la société Boiron de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Boiron aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 25 juillet 2022 par les parties.

Par déclaration en date du 02 août 2022, la société Boiron a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

La société Boiron s'en est remise à des conclusions transmises le 07 mars 2024, ayant informé par message RPVA la juridiction que son envoi ultérieur du 20 mars 2024 procédait d'une erreur sans que la partie adverse n'élève le moindre incident à ce titre, et entend voir':

D'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 22 juillet 2022.

Statuant de nouveau :

A TITRE PRINCIPAL,

CONSTATER que le départ à la retraite de Mme [P] est parfaitement régulier ;

En conséquence,

DEBOUTER Mme [P] de l'ensemble des demandes présentées à ce titre ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si, par extraordinaire, la cour de céans venait à considérer le départ à la retraite de Mme [P] comme étant irrégulier :

RAMENER, en cas de condamnation, le quantum de l'indemnité conventionnelle de licenciement au montant de 38 301,99 euros brut ;

RAMENER, en cas de condamnation, le quantum de l'indemnité de préavis au montant de 5356,90 € brut ;

DIRE ET JUGER que le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réclamé par Mme [P] est en tout état de cause excessif au regard des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ;

En conséquence,

RAMENER, en cas de condamnation, le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse versée en application de l'article L 1235-3 du code du travail à de plus justes proportions, soit au montant de 8 035,35 euros brut (correspondant à 3 mois de salaire) ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER Mme [P] de son appel incident ;

DEBOUTER Mme [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

DEBOUTER Mme [P] du surplus de ses demandes ;

A TITRE RECONVENTIONNEL,

CONDAMNER Mme [P] à verser à la société Boiron la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Mme [P] aux entiers dépens.

Si par extraordinaire, la cour de céans devait considérer tout ou partie des demandes de Mme [P] comme fondées, dire et juger que les éventuelles condamnations au paiement de sommes de nature salariale et/ou les éventuels dommages et intérêts alloués à cette dernière s'entendraient comme des sommes brutes et avant CSG et CRDS, dans les conditions et limites légales en vigueur.

Mme [P] s'en est rapportée à des conclusions remises le 15 mars 2024 et demande à la cour d'appel de':

confirmer le jugement du conseil des prudhommes de Grenoble du 22 juillet 2022 en ce qu'il a:

- Constaté que Mme [P] a pu valablement se rétracter du dispositif de préparation à la retraite,

- Requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [P] en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamné la société Boiron à payer, avec intérêts à compter de la saisine du conseil, à Madame [P] les sommes suivantes :

66 320,20 euros net au titre de l'indemnité de licenciement

26 000 euros net correspondant à la majoration de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par le PSE,

5637,70 euros brut au titre de l'indemnité de préavis

563,70 euros brut d'indemnité de licence de congés payés

1200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau

infirmer le jugement en ce qu'il limité les dommages et intérêts à la somme de 9'305,67 euros correspondant à trois mois de salaire.

Par conséquent :

- Condamner la société Boiron à verser la somme de 60 292 euros euros net à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 20 mois de salaires, avec intérêts légaux de droit à compter de la saisine

condamner de surcroît la société Boiron à lui verser la somme 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de l'instance d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Débouter la société Boiron de toutes ses demandes.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 21 mars 2024.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse':

Ne constitue pas une mise à la retraite la rupture du contrat de travail d'un salarié qui, ayant adhéré à un dispositif conventionnel de cessation d'activité, part à la retraite à l'issue de la période de préretraite définie par l'accord collectif.

Il en résulte que le salarié ayant personnellement adhéré au dispositif de cessation d'activité ne peut remettre en discussion la régularité et la légitimité de la rupture de son contrat de travail, à moins d'établir une fraude de son employeur ou l'existence d'un vice du consentement.

Le principe de non-discrimination en raison de l'âge n'est pas applicable à la rupture d'un contrat de travail résultant de l'adhésion volontaire d'un salarié à un dispositif de pré- retraite prévu par un accord collectif.

(Soc., 1 juin 2017, pourvoi n° 15-23.589, 15-23.590, 15-23.614, 15-23.615, 15-23.593, 15-23.597, 15-23.599, 15-23.622, 15-23.580, 15-23.603, 15-23.582, 15-23.608, 15-23.586, 15-23.588, 15-23.611, Bull. 2017, V, n° 98'; Soc., 15 octobre 2013, pourvoi n° 12-21.765, Bull. 2013, V, n° 234).

L'accord majoritaire du 13 octobre 2020 portant PSE, homologué par la Dirrecte le 13 novembre 2020 et de ce fait revêtu à l'égard des parties au présent litige de l'autorité de la chose décidée stipule que':

«Il est également rappelé que les salariés d'ores et déjà intégrés au dispositif de préparation à la retraire Boiron ne seront éligibles au bénéfice des mesures du présent plan (que ce soit en vertu du présent article 2) ou de l'article 4) que s'ils se situent en situation de réduction d'activité.

En revanche s'ils se trouvent en situation de cessation totale d'activité, par l'utilisation de leurs droits CET ou de leurs congés payés en fin de dispositif de préparation à la retraite, ils sont exclus du présent plan.'».

Une convention ou accord collectif doit être interprété comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

En l'espèce, dès lors que la salariée avait volontairement adhéré par lettre du 08 février 2017 au dispositif prévu par accord d'entreprise de cessation progressive d'activité et qu'elle avait par le même courrier décidé de son départ à la retraite à la date du 01 mars 2021, sans que cela ne contrevienne aux dispositions de l'article L 1231-4 du code du travail puisqu'il ne s'agissait pas d'une clause contractuelle par laquelle les parties s'entendaient par avance sur une date de rupture du contrat de travail mais de la manifestation unilatérale de la volonté de la salariée de partir à la retraite à une date déterminée, étant observé que cette dernière ne se prévaut ni d'un vice du consentement ni d'une fraude, Mme [P] ne pouvait en principe discuter de la légitimité et de la régularité de la rupture du contrat de travail.

Outre que la salariée ne titre pas les conséquences utiles de la discrimination prohibée à raison de l'âge dont elle se prévaut puisqu'elle ne sollicite pas la nullité de la rupture dans le cadre du dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour d'appel en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'apporte aucun élément de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination prohibée à raison de l'âge dans le cadre du dispositif conventionnel de préparation à la retraite Boiron puisqu'il a été vu précédemment que la mise en 'uvre de celui-ci n'implique pas une mise à la retraite d'office de l'employeur mais l'engagement unilatéral irrévocable de la salariée de partir à la retraite à une date déterminée.

Toutefois, il apparaît que l'employeur a expressément accepté que les salariés se trouvant dans le dispositif conventionnel de préparation à la retraite Boiron puissent, avec une exception, bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi, étant rappelé qu'il s'agit d'un accord majoritaire qui engage l'employeur et qui a l'autorité de la chose décidée à raison de son homologation par l'administration du travail.

Il s'en déduit que nonobstant, l'engagement unilatéral de la salariée de partir à la retraite à une date déterminée dans le cadre du dispositif de préparation à la retraite, celle-ci s'est vu reconnaître le bénéfice sous certaines conditions des mesures prévues dans le PSE, tant au titre de l'article 2 s'agissant des mesures visant à limiter le nombre de licenciements que de l'article 4 s'agissant des mesures destinées à limiter les effets du licenciement et à favoriser le reclassement'; ce qui équivaut de la part de l'employeur à accepter la possibilité pour la salariée de se rétracter de sa décision de départ volontaire à la retraite pour pouvoir bénéficier des mesures du plan.

Pour autant, il y a lieu de déterminer si Mme [P] remplissait ou non la condition de réduction d'activité dans le cadre du dispositif de préparation à la retraite pour pouvoir bénéficier du plan.

S'il ressort de l'échange de courriers des 24 novembre 2020 et 27 novembre 2020 entre l'employeur et le conseil de la salariée que cette dernière a certes indiqué qu'elle n'entendait pas bénéficier des mesures d'accompagnement du PSE relatives au dispositif du volontariat et de congé de fin de carrière pour lesquelles, a-t-elle dit, elle n'était effectivement pas éligible ensuite de l'analyse développée par l'employeur sur ce point, Mme [P] est manifestement revenue sur cette position dans le cadre de la présente instance contentieuse dès lors qu'elle sollicite le bénéfice du PSE, étant rappelé qu'en vertu des articles 1383 et 1383-1 du code civil, un aveu extrajudiciaire ne peut porter que sur des éléments de fait et non sur le droit de sorte que ce changement de position ne peut valablement être opposé à la salariée.

Il n'existe aucune discussion entre les parties sur le fait que la fermeture de l'établissement de Montbonnot où travaillait Mme [P] était programmée in fine en vertu du PSE homologué fin mars 2021 alors que la salariée avait annoncé son départ à la retraite pour le 01 mars 2021, de sorte que la suppression de son poste était postérieure à celle-ci.

Pour autant, au jour où l'employeur a considéré que le contrat était définitivement rompu le 28 février 2021, par lettre du 03 mars 2021, Mme [P] n'était ni en CET ni en congés payés puisqu'elle avait refusé cette modalité proposée antérieurement.

Elle n'était dès lors pas dans l'exception conventionnelle prévue par l'accord collectif portant PSE homologué.

La question est de savoir si l'appréciation de cette condition empêchant à un salarié se trouvant dans le dispositif de préparation à la retraite de bénéficier du plan est divisible selon les mesures prévues à l'article 2 et celles énoncées à l'article 4 ou au contraire indivisible.

L'accord est taisant à ce titre et doit faire l'objet d'une interprétation.

Or, en jurisprudence, si l'employeur qui entend supprimer des emplois pour des raisons économiques en concluant avec les salariés des accords de rupture amiable, n'est pas tenu d'établir un plan de reclassement interne lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois, il en va autrement lorsque le projet de réduction d'effectifs implique la suppression de l'emploi de salariés qui ne veulent ou ne peuvent quitter l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires et conduit soit au maintien de ces salariés dans l'entreprise dans un autre emploi, soit à leur licenciement. (Soc., 9 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.143, 11-23.142, 11-23.144, 11-23.145, 11-23.146, Bull. 2012, V, n° 254).

Il s'en déduit nécessairement une indivisibilité des stipulations d'un PSE au titre des mesures destinées à limiter le nombre de licenciement et de celles visant à en limiter les effets et à favoriser le reclassement quand l'employeur envisage une diminution des effectifs avec des départs contraints.

La condition d'exclusion du bénéfice des mesures du PSE doit dès lors s'entendre comme s'appliquant aux salariés inclus dans le dispositif de préparation à la retraite qui étaient en CET ou RTT lorsque a débuté la mise en oeuvre des mesures du plan.

Il s'ensuit, au cas d'espèce, que la circonstance que la suppression du poste de Mme [P] soit intervenue dans le cadre du PSE homologué postérieurement à la date à laquelle elle a annoncé à son employeur son départ à la retraite est sans incidence sur le droit pour la salariée de bénéficier des mesures du plan dans leur intégralité dès lors qu'elle était bien toujours en période de réduction d'activité quand celui-ci est devenu applicable de sorte qu'elle se trouvait éligible à ce moment-là non seulement aux mesures visant à limiter le nombre de licenciements mais encore par l'effet de sa rétraction de son départ en retraite accepté, dont il a vu qu'il avait implicitement mais nécessairement été accepté conventionnellement par l'employeur, à celles visant à limiter les effets des licenciements.

Puisque Mme [P] avait expressément annoncé à son employeur, le 13 novembre 2020, sa volonté de renoncer au bénéfice du dispositif de préparation à la retraite en se prévalant expressément du PSE et qu'elle se trouvait toujours en réduction d'activité lorsque le plan a commencé à être mis en 'uvre, l'employeur ne pouvait considérer que le contrat de travail était rompu à la date du 27 février 2021 dans le cadre d'un prétendu départ volontaire à la retraite qui avait été rétracté.

Il s'ensuit que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a requalifié la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Premièrement, dès lors que le licenciement est injustifié, Mme [P] a droit à une indemnité compensatrice de préavis. D'après les bulletins de paie, le salaire de référence, prime d'ancienneté comprise, s'élève à 2853,69 euros brut.

Il s'ensuit qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Boiron à payer à Mme [P] la somme de 5637,50 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 563,70 euros brut au titre des congés payés afférents, la juridiction ne pouvant statuer ultra petita.

D'une seconde part, l'article 33 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique applicable au litige stipule que':

1° Sous réserve de l'application de dispositions légales plus favorables, une indemnité de licenciement, distincte du préavis, est attribuée aux salariés licenciés, et ayant au moins 1 année d'ancienneté dans l'entreprise. Les salariés ayant été occupés à temps complet, puis à temps partiel, ou inversement, dans la même entreprise ont droit à une indemnité de licenciement calculée proportionnellement aux périodes d'emploi effectuées à temps complet et à temps partiel depuis leur entrée dans l'entreprise. L'ancienneté des salariés est alors déterminée comme il est indiqué à l'article 23 ci-dessus.

2° La base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération effective totale mensuelle gagnée par le salarié licencié, pendant le mois précédant le préavis de licenciement. Cette rémunération ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de licenciement.

Pour le calcul de cette rémunération, entrent en ligne de compte, outre le salaire de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes de rendement, les primes à la productivité et la prime d'ancienneté, lorsqu'elle est attribuée au salarié, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats à l'exclusion de celles relatives à l'intéressement, la participation et l'épargne salariale, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles.

N'entrent pas en ligne de compte les sommes versées à titre de remboursement de frais, le remboursement des frais de transport dans les conditions visées aux articles L. 3261-1 et suivants du code du travail, les sommes versées au titre de la monétisation des droits issus du compte épargne-temps et, le cas échéant, les primes d'insalubrité ou de travaux salissants, de danger, de froid ou de pénibilité.

3° En cas de licenciement suivant un déclassement du salarié dû à une cause autre qu'une sanction prise à son encontre, l'indemnité de licenciement sera calculée, conformément au 2° ci-dessus, sur la base du salaire versé avant son déclassement, à condition que les fonctions précédentes aient été occupées au moins pendant 12 mois.

4° L'indemnité de licenciement n'est pas due si le licenciement est intervenu dans les cas suivants :

a) Faute grave du salarié ;

b) Licenciement d'un salarié ayant effectivement droit à l'indemnité de licenciement, intervenant après que l'employeur, ou son organisation syndicale, ait pu procurer un emploi équivalent dans une autre entreprise à ce salarié, le nouvel employeur s'engageant par écrit, d'une part, à verser au salarié un salaire au moins égal au salaire que percevait le travailleur (prime d'ancienneté comprise dans le cas où celle-ci est accordée au salarié), d'autre part, à tenir compte des années passées chez le précédent employeur pour le calcul de l'indemnité due au salarié en cause, en cas de nouveau licenciement ;

c) Licenciement intervenant pour cas de force majeure ;

d) Refus du salarié d'accepter le changement du lieu de travail lorsque l'employeur transfère son entreprise d'un endroit à un autre et que ce changement n'entraîne pas, pour lui, l'obligation de transférer son domicile ou n'entraîne pas une gêne anormale. Dans le cas où ce changement entraîne, pour lui, l'obligation de transférer son domicile ou entraîne une gêne anormale, le montant de l'indemnité calculée comme il est dit au paragraphe 6° ci-dessous est dû.

5° Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables lorsque, à son licenciement, le salarié reçoit de son employeur, au titre d'un régime de retraite particulier à l'entreprise et pour la seule quotité versée par l'employeur, des avantages au moins équivalents sous forme de rente à capital inaliénable ou réservé ou sous forme de capital une fois versé.

6° Le montant de l'indemnité de licenciement est ainsi calculée :

' à partir de 1 an d'ancienneté, 9 / 30 de mois par année à compter de la date d'entrée dans l'entreprise jusqu'à 5 ans ;

' pour la tranche de 5 à 10 ans d'ancienneté, 12 / 30 de mois par année ;

' pour la tranche de 10 à 15 ans d'ancienneté, 14 / 30 de mois par année ;

' pour la tranche de 15 à 20 ans d'ancienneté, 16 / 30 de mois par année ;

' pour la tranche au-delà de 20 ans d'ancienneté, 18 / 30 de mois par année.

Le montant de l'indemnité de licenciement ainsi calculée est majorée de 1 mois pour les salariés licenciés âgés de plus de 45 ans et / ou ayant au moins 15 années d'ancienneté dans l'entreprise et de 1 mois supplémentaire pour les salariés licenciés âgés de plus de 50 ans.

Le montant total de l'indemnité de licenciement ne pourra excéder 20 mois de salaire du salarié licencié, non comprises les majorations indiquées ci-dessus.

7° En cas de licenciement collectif intéressant un nombre de salariés ayant plus de 1 an de présence représentant au moins 15 % de l'effectif total du personnel de l'entreprise, l'employeur pourra verser, après l'exécution du préavis par le salarié, l'indemnité de licenciement soit en une seule fois, soit par mensualités égales, sans toutefois que ces mensualités puissent être supérieures à deux.

Dans les autres cas de licenciement, le montant de l'indemnité sera versé par l'employeur, après l'exécution du préavis par le salarié, en une seule fois.

Le salaire du dernier mois de travail, prime d'ancienneté comprise, nonobstant l'arrêt maladie, s'élève à 2853,69 euros. En proratisant en sus sur 12 mois les deux gratifications de novembre et décembre 2020, respectivement de 1945,48 euros et de 210,59 euros, le salaire de référence ressort à 3033,36 euros, étant observé que Mme [P] ne revendique qu'un salaire de référence de 3014,60 euros pour aboutir à un montant d'indemnité conventionnelle de licenciement de 66330,20 euros, soit un montant n'excédant pas 20 mois de salaire, hors majorations et étant observé qu'elle avait au moins 42 ans et 1 mois d'ancienneté comme elle le revendique puisqu'il doit, en outre, être pris en compte le préavis dans le calcul de l'ancienneté.

Il y a lieu en revanche de déduire l'indemnité de départ à la retraite indue pour un montant de 25177,27 euros.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société Boiron à payer à Mme [P] la somme de 41152,93 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement.

Mme [P] est également fondée à obtenir la majoration de 26000 euros prévue par le PSE par confirmation du jugement entrepris sur le montant.

Ces sommes sont en revanche en brut, à charge pour l'employeur de mettre en oeuvre les règles définies aux articles L 242-1 et L 136-2 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige.

Quatrièmement, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, au jour de la rupture injustifiée de son contrat de travail, Mme [P] avait plus de 42 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 2853,69 euros, hors gratifications de sorte qu'elle a droit à des dommages et intérêts compris entre l'équivalent de 3 mois et 20 mois de salaire.

Elle se trouvait en arrêt maladie au moment de la rupture injustifiée du contrat de travail dans un contexte de désaccord entre les parties sur la possibilité revendiquée par la salariée déniée à tort par l'employeur de bénéficier du PSE.

Elle ne justifie pas de la date à laquelle ses droits à la retraite ont été liquidés, affirmant seulement qu'ils l'ont été en juillet 2021.

En outre, il ne peut qu'être observé que Mme [P] avait soutenu comme position par la voie de son conseil souhaiter être intégrée aux licenciements collectifs dans le cadre de la fermeture de son établissement de rattachement en mars 2021 de sorte que son préjudice financier né de la perte injustifiée de l'emploi est minime, nonobstant son ancienneté particulièrement importante.

Les premiers juges ont dès lors fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 9305,67 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires':

L'équité et la situation économique respective des parties commandent de confirmer l'indemnité de procédure de 1200 euros allouée par les premiers juges à Mme [P] et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Boiron, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Boiron à payer à Mme [P] la somme de 66320,20 euros net à titre d'indemnité de licenciement et dit que le montant alloué au titre de la majoration de l'indemnité de licenciement est net

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Boiron à payer à Mme [P] la somme de quarante et un mille cent cinquante-deux euros et quatre-vingt-treize centimes (41152,93 euros) à titre de reliquat d'indemnité de licenciement, déduction faite de la somme indue versée au titre de l'indemnité de départ à la retraite

DIT que l'indemnité conventionnelle de licenciement et la majoration prévue par le PSE sont en brut, application devant être faite par la société Boiron des dispositions des articles L 242-1 et L 136-2 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige

CONDAMNE la société Boiron à payer à Mme [P] une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros à hauteur d'appel

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Boiron aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/03004
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.03004 ?
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